L'Écume des jours

L'Écume des jours
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L’Écume des jours
Auteur Boris Vian
Genre roman
Pays d'origine Drapeau de France France
Éditeur Gallimard

L’Écume des jours est un roman de Boris Vian publié en 1947.

Composée en 1946, rédigée aux dos d’imprimés de l’AFNOR, où il travaillait alors, l’édition originale, dédiée à sa première épouse Michelle, sera publiée le 20 mars 1947 aux éditions Gallimard/NRF. Boris Vian cite dans ce roman des lieux de composition fantaisistes (La Nouvelle-Orléans, Memphis, Davenport) aux États-Unis d'Amérique où il n’a jamais mis les pieds. Bien que soutenu par Raymond Queneau et Jean-Paul Sartre, qui en publiera des extraits dans le no 13 d’octobre 1946 des Temps modernes, il n’aura aucun succès de son vivant. Les personnages évoluent dans un univers poétique et déroutant, avec pour thèmes centraux l’amour, la maladie, la mort, dans une envoûtante atmosphère de musique de jazz, de climat humide et marécageux, qui rappellent les bayous de Louisiane.

Sommaire

Résumé

Le lecteur ouvrant ce roman est directement confronté au jeu des inversions qui sous-tend la démarche globale : dans un univers absurde, qui imite l'univers du rêve et des plus étranges, le narrateur présente un personnage particulièrement banal et indéfini.

Le roman est centré sur le personnage de Colin, qui « possède une fortune suffisante pour vivre convenablement sans travailler pour les autres » ; un ami nommé Chick, qui ne dispose pas de cette chance, puisque, étant ingénieur, il est très pauvre (contrairement aux ouvriers). Le troisième personnage masculin est le cuisinier stylé de Colin, Nicolas.

Ce dernier va collectionner les aventures tout en restant aveugle face à l'amour d'Isis, une amie d'Alise et Chloé.

Un jour, Chick fait la connaissance d'une fille, Alise, qui est parente de Nicolas. Colin, jaloux, désire lui aussi connaître une fille, et tombe amoureux de Chloé lors d'une fête. Il se marie avec elle et donne une partie de son argent à Chick pour qu’il épouse Alise. Chloé tombe malade : elle a un nénuphar qui pousse dans son poumon. Pour la guérir, Colin lui achète des fleurs et l’envoie à la montagne. Quand elle revient, le nénuphar n’est plus là, mais elle ne peut utiliser maintenant qu'un seul poumon. Colin doit chercher un travail pour acheter des fleurs, quand Chloé tombe de nouveau malade, de l’autre poumon.

Leur maison rapetisse progressivement et devient chaque jour plus triste et obscure, malgré les efforts de leur petite souris grise à moustaches noires pour nettoyer les carreaux et laisser passer les rayons de soleil.

Comme Chick aime plus Jean Sol Partre qu’Alise, celle-ci tue le philosophe avec un arrache-cœur, nom qui sera le titre du roman que Boris Vian publiera ensuite, et brûle les librairies proches de chez elle, mais elle meurt dans les flammes. Pendant ce temps, la police tue Chick parce qu’il ne paye pas ses impôts.

Lorsque Chloé est emportée par la maladie, Colin est ruiné. Comme il ne peut payer le prix fort, les religieux sont irrespectueux lors de l'enterrement. La souris cherche à mourir entre les crocs d'un chat car elle ne supporte plus de voir Colin si triste. Ce dernier semble se laisser mourir de chagrin.

Analyse

L'avant-propos écrit par l'auteur

Dans son avant-propos, Boris Vian essaie d'intriguer le lecteur au moyen de leçons de vie contradictoires avec celles que l'on nous apprend habituellement. Par exemple, dès la première phrase, l'auteur nous conseille de juger avant de connaître : il semble vouloir provoquer[travail inédit ?].

Vian introduit son œuvre, qui sera « vraie puisque imaginée ». Il s'oppose aux écrivains réalistes et préfère travailler son imaginaire[travail inédit ?].

Incipit du roman

Globalement, nous disposons de beaucoup d'indications physiques, mais très peu d'indications morales. D'autre part, nous ignorons son patronyme, sa généalogie, etc. Il y a une certaine recherche d'originalité. De plus, le point de vue utilisé est externe : l'importance est donnée aux détails visuels, le narrateur intervient très peu, et quand il intervient, c'est pour faire des jugements à partir de la façon d'être de Colin. Boris Vian se refuse donc l'omniscience de la narration[travail inédit ?].

L'incipit est in media res, ce qui rajoute un effet de réel. Le lecteur surprend le personnage : on y croit tout de suite car le monde fictif existait déjà[travail inédit ?].

Ce monde fictif est ancré dans un univers réel. On retrouve une scène intime et triviale et on rencontre le champ lexical de la salle de bain. Boris Vian fait du héros un personnage normal, à qui tout le monde peut s'identifier. Cependant, la fantaisie et le merveilleux sont omniprésents. Les événements réagissent à une logique loufoque, décalée (« pour se tailler les paupières en biseaux », « perça un trou au fond de son bain »). L'auteur installe l'anthropomorphisme avec le tapis qui se met à baver. Les allusions au conte sont aussi présents avec une référence à Blanche-Neige (« les comédons se voyant si laid (/si beau) dans ce miroir »), l'utilisation de l'imparfait intemporel et l'inconscience de ce personnage sans généalogie nous plonge dans le merveilleux. Enfin, le ton nous est donné avec le comique grâce à des comparaisons surréalistes et des jeux de mots subtils[travail inédit ?].

D'emblée, Boris Vian nous annonce l'atmosphère du roman : un univers réaliste qui devient loufoque et comique, bien que connotant des thèmes évidents : le cancer, ses traitements coûteux, les mutilations que parfois il entraîne, la gêne économique, le commerce des armes, les banques, les médias, etc[travail inédit ?].

Les personnages

Les noms de famille des personnages ne sont pas mentionnés. Ils vivent avec des personnes de leur génération, dans un cercle d'amis (Nicolas, le cuisinier, deviendra ami avec Colin). Seuls Alise et Nicolas font partie de la même famille.

Colin : Dans le livre, dès les premières pages, il est comparé physiquement à un acteur et à un bébé (à cause de sa fossette, et de son attitude : « il était presque toujours de bonne humeur, le reste du temps, il dormait »). C'est un jeune homme aisé qui aime le jazz et l’amour et qui déteste la violence et le travail. « Il avait la tête ronde, les oreilles petites, le nez droit, le teint doré ». Il trouve le grand amour en la personne de Chloé, un amour fou qui lui fera perdre tout ce qu'il a de plus cher. La maladie de Chloé va l'obliger à travailler pour la première fois de sa vie : son premier emploi consiste à faire pousser des fusils, le second consiste à surveiller une réserve d'or et son dernier, annonceur de mauvaise nouvelle où il apprendra la mort de Chloé.

Chloé : Elle incarne la beauté et la féminité. Elle est la femme parfaite pour Colin, jeune, jolie, douce et attirante, mais fragile. Son nom provient d’un morceau dans l’arrangement de Duke Ellington de la chanson appelée Chloe (Song of the Swamp) - soit « Chloé - la chanson du marais ». Elle meurt d'un nénuphar dans les poumons.

Chick : Il est le meilleur ami de Colin, il est passionné et fou de la philosophie de Jean-Sol Partre même s'il ne comprend rien. C’est à cause de Partre qu’il sera parfois égoïste. Contrairement à Colin, il doit travailler pour vivre. Il est le petit ami d’Alise, mais il lui préférera Partre. Son nom a aussi, comme celui de Chloé un rapport avec le jazz, et constitue une anecdote personnelle de Vian. Il est le double inversé de Colin.

Alise : Elle est une jeune femme sentimentale et aimable. Elle est passionnément amoureuse de Chick et pleine de compassion pour Chloé mais se rend compte parfois que sa vie aurait été plus simple si elle avait épousé Colin. Sa passion pour Chick la poussera dans une folie meurtrière entraînant sa perte.

Nicolas : Il est l'oncle d’Alise et le cuisinier de Colin, disciple de Jules Gouffé. Il ne fait pas partie de la même classe sociale que les autres personnages. Il est en même temps un ami fidèle de Colin. Il a un comportement libertin quant à la sexualité; il ne remarquera pas l'attention d'Isis à son égard.

Isis : Elle est issue de la haute bourgeoisie et la seule à avoir une famille. Elle est amoureuse de Nicolas, même si ce dernier ne le remarque pas. La présence de son patronyme, De Ponteauzanne, permet à Boris Vian de critiquer la fausse noblesse à laquelle elle appartient.

La souris grise à moustaches noires : elle habite chez Colin. Au fur et à mesure que la maison rétrécira et deviendra de plus en plus obscure (elle s'assombrit et rétrécit en fonction de la fortune de Colin), elle essaiera de la rendre aussi lumineuse qu'au début de l'histoire. Mais elle échoue dans sa lutte inégale, et finit par se suicider sous les crocs d'un chat. Amie proche tant de Colin que de Chloé, leur malheur est très partagé.

Les personnages sont des stéréotypes, des caricatures de personnages, ils n'ont pas la nuance de la vérité. Boris Vian se libère ainsi de la conception traditionnelle des personnages. Les réflexions psychologiques sont faites à partir de leurs actions et dialogues. Des trois couples, seul le couple qui se contente d'une relation charnelle, moyenne survit. L'auteur dénonce ainsi que la passion est punie, la société condamne. Les personnages fonctionnent par reflet : Chick est par exemple le double inversé de Colin[travail inédit ?].

Thèmes

L'amour : De nombreuses formes d'amour sont présentes dans ce livre, l'amour fou entre Colin et Chloé, l'amour impossible entre Chick et Alise et l'amour physique entre Nicolas et Isis.

Le monde du travail : Vian dénonce dans cette œuvre les conditions de travail inhumaines. Chaque personne employée est ramenée au rang d'une machine.

La musique : Le jazz est omniprésent tout le long du roman. Il y a de nombreuses références aux musiciens et compositions de jazz. Par exemple plusieurs « Z » de jazz sont à l'intérieur des mots (ex. : Doublezons, zonzonner…) et le nom de Chloé provient de l'arrangement de Duke Ellington intitulé « Chloé ».

La religion : Vian critique la religion à travers un mariage et un enterrement. Pendant le mariage, l'église est présentée comme avide d'argent. Le curé se réjouit de la mort du chef d'orchestre, comme il n'aura ainsi pas à payer les autres musiciens. L'enterrement est l'opposé du mariage, car Colin n'a alors plus d'argent. On jette le cercueil par la fenêtre, les deux porteurs sont sales, le conducteur chante à tue-tête, le Chuiche, le Bedon et le curé font une courte apparition sans avoir pris la peine de s'habiller correctement, lapident Colin, le cercueil est balancé dans la fosse. Le Christ, dans l'église, s'anime et demande à Colin pourquoi il n'a pas donné plus d'argent pour l'enterrement.

L'irréel : Bien que Vian base son roman sur une certaine réalité, l'irréel apparaît assez rapidement, surtout basé sur Colin et la perte progressive de sa richesse. Sa maison rétrécit littéralement au fil des chapitres. Le temps est également malléable et s'accélère : on passe directement du printemps à l'automne.

Le marécage : Le mot « écume » dans le titre de ce roman symbolise la mousse et l'humidité dans la dernière moitié du livre, où il y a beaucoup de références au marécage. L'appartement de Colin semble se transformer en marécage (les pas de Colin font des bruits mouillés et pâteux). On retrouve l'ambiance humide des bayous de la Louisiane, berceau du jazz qu'aime Vian.

Le star-système : Vian dénonce le culte de la personnalité avec le personnage Jean-Sol Partre, philosophe grotesque qui présente des échantillons de vomi empaillés lors d'une conférence. C'est une référence à La Nausée de Sartre.

La superficialité : Vian critique la superficialité de la société. Colin ne se rend pas compte de combien Chick abuse de son amitié en lui demandant souvent de l'argent pour acheter des livres ou des objets de Partre. Vian se moque aussi de la mode, en prenant comme exemple le phénomène « Jean-Sol Partre », et le caractère insolite des acquisitions de Chick.

La maladie : Chloé est le personnage le plus affecté par la maladie, car c'est elle qui la porte. Tous les autres personnages sont aussi affectés, mais plus particulièrement Colin et Nicolas, qui vivent auprès d'elle. Le comportement de Colin change beaucoup. Il y a d'une part, son apparence négligée et d'autre part, sa perte d'envie de vivre malgré son épicurisme. Il y a aussi Nicolas, qui laisse paraître un vieillissement soudain : « Tu as vieilli de dix ans depuis huit jours. — De sept ans, rectifia Nicolas. » Le thème de la maladie apparaît pour la toute première fois au XXIIe chapitre, soit à la fin de la cérémonie de mariage de Colin et Chloé. Le signe initial de la maladie est la toux subite qui surprend Chloé à sa sortie de l'église. Ensuite, lors de la nuit de noce, le second signe est la neige qui se loge directement sur sa poitrine. Cette nuit passée, Chloé porte maintenant la maladie, le nénuphar. L'eau représente un symbole important, par le biais du nénuphar : celui-ci pousse dans l'eau, il a donc besoin de l'eau pour vivre. Par conséquent, Chloé ne doit absolument pas boire d'eau, car cela permettrait au nénuphar de grandir. De plus, elle doit toujours être entourée de fleurs non aquatiques pour combattre son mal : « Il dit aussi qu'il faut tout le temps mettre des fleurs autour d'elle, ajouta Colin, pour faire peur à l'autre… ». Vian a voulu inverser la symbolique de l'eau, qui représente la vie. Pour Chloé, l'eau est synonyme de tristesse et de mort.

L'espace : Dans ce récit, l'appartement de Colin est le lieu destiné à la maladie. De façon imagée, Chloé représente le nénuphar et sa chambre le marécage, car dans plusieurs passages du récit, il est dit que la chambre a pris une allure de sphère ou de marais : « Le bois du parquet giclait sous ses pas. » Il est aussi dit que l'appartement rapetisse, que l'humidité s'installe et que la lumière diminue. Une sorte d'isolement marécageux s'est établi, dû à la maladie : « Elle se rappelait encore la sensation du parquet froid comme un marécage. »

Le temps : La maladie est détectée tout de suite après le mariage et c'est la fin de l'hiver, soit le début du printemps. Encore une fois, la symbolique de l'eau est très présente puisque la neige fond, les plantes renaissent et les maladies germent. De plus, Vian aborde les thèmes de la chaleur et du froid inversement à la pensée commune. La chaleur est associée à la maladie, alors que le froid est considéré comme un remède : « Tu vas prendre froid ! s'écria Alise. Couvre-toi ! — Non, murmura Chloé, il le faut, c'est le traitement. ».

La discrimination : À la fin du roman au cercueil de la femme décédée de Colin, Chloé n'est pas respectée. En effet, celui-ci est jeté par la fenêtre par les personnes de la morgue. La dépouille ou plutôt le cercueil n'est donc en aucun cas respecté, car Colin n'a plus de moyens pour financer un enterrement convenable à sa regrettée épouse puisque celui-ci s'était ruiné pour la guérir avant son décès. Ici Vian veut démontrer la discrimination entre les personnes riches et pauvres car leur mariage fut somptueux du fait qu'il avait été payé le prix fort alors que l'enterrement est pathétique du fait que Colin n'ait plus d'argent.

Adaptations

Influences

  • L'écume des jours est le roman favori de Lou, l'héroïne de bande dessinée créée par Julien Neel.

Liens internes

Notes et références

  1. Laëtitia Forhan avec l'AFP, « Audrey Tautou chez Michel Gondry dans "l'Ecume des jours" ! » sur Allociné, 12 août 2011

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article L'Écume des jours de Wikipédia en français (auteurs)

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