L'interdiction du rugby à XIII par le régime de Vichy

L'interdiction du rugby à XIII par le régime de Vichy

Interdiction du rugby à XIII par le régime de Vichy

En France, le rugby à XIII a été interdit par le gouvernement de Vichy à la fin du mois de décembre 1941.

Sommaire

Le contexte

Articles détaillés : Régime de Vichy et La Révolution nationale .
  • 3 septembre 1939 : à la suite de l'invasion de la Pologne par le Troisième Reich à partir du 1er septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre au Troisième Reich.
  • 10 mai 1940 : les troupes allemandes envahissent Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et le nord-est de la France.
  • 12 mai 1940 : 2e demi-finale de la Coupe Lord Derby en Rugby à XIII : la rencontre Pau contre Carcassonne est annulée.
  • 19 mai 1940 : la finale de la Coupe de France de Rugby à XIII (Côte Basque XIII contre un des deux clubs précédents) est, pour « Faits de Guerre », annulée.
  • 17 juin 1940 : le maréchal Pétain est investi pour remplacer Paul Reynaud (dernier chef du gouvernement de la IIIe République).
  • 10 juillet 1940 : le Parlement[1] accorde les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. C'est le début du régime de Vichy.

La France est[2] aux deux tiers occupée par les Allemands, le reste étant sous l'autorité du régime de Vichy.

Le rugby à XIII sous le régime de Vichy

Le 22 août 1940, Jean Ybarnegaray, président-fondateur de la Fédération française et internationale de Pelote basque, secrétaire d'État à la Jeunesse et à la Famille et député souletin du Parti social français (PSF) du colonel François de la Rocque, déclara : «Le sort du rugby à XIII est clair, il a vécu (et), rayé purement et simplement du sport français. [......]»

Le 17 octobre 1940, Albert Ginesty, président de la Fédération française de Rugby (rugby à XV) et Paul Voivenel, président d'honneur de la FFR et auteur en 1942 de l'ouvrage Mon beau rugby qui refuse l'existence du rugby à XIII (partie disparue lors des rééditions), militent pour l'interdiction du rugby à XIII. Cette interdiction pourrait bien être établie et conclue sur la base du « rapport Voivenel ou Ginesty sur le rugby » remis à Jean Borotra, Commissaire général à l’Éducation générale et aux Sports de juillet 1940 à avril 1942. Dans d'autres secteurs d'activités, le régime de Vichy et sa révolution nationale s'impliquèrent et agirent dans l'organisation nationale du sport en France: cf. leur Loi du 20 décembre 1940[3]

D'autre part, le nouveau ministre des sports de Philippe Pétain et du nouveau gouvernement de Pierre Laval nommé en avril 1942, Joseph Pascot (ex-directeur des sports depuis août 1940 dans le cabinet du précédent ministre Jean Borotra, ancien joueur international de la FFR, devenu colonel d'active), lui-même joueur de rugby à XV, est un des acteurs principaux de la suppression du rugby à XIII ; était ainsi visé le professionnalisme dans le sport, pratique importée du Royaume Uni, au profit de l'amateurisme pur, dur et vertueux comme dans le Troisième Reich); l'un des objectifs de J. Pascot était, pour contrôler et diriger la jeunesse ainsi qu'hommes et femmes dans le sport, de "mettre au pas" le monde du sport et "d'inciter" à des regroupements de sports ayant un fonds similaire.

En 1941, Vichy supprime le professionnalisme du sport à des rythmes différents car la résurrection morale promise à la France est inséparable d'une remise en forme physique et morale selon sa formule "Être fort pour mieux servir".

Les effets de cette interdiction (cf. décret n° 5285 du 19.12.1941) sont immédiats pour le rugby à XIII et,
- valent dissolution et perte d'avoirs tant pour les 13 clubs « professionnels » (c'est-à-dire qui dédommagent leurs joueurs) que pour les 142 à 146 clubs amateurs[4] de la Ligue Française de Rugby à XIII,
- des biens immobiliers ou mobiliers de la LFR XIII et de clubs sont saisis (dans les derniers jours de décembre 1941 et au 1er trimestre 1942) soit de 2 à 3 millions de francs de l'époque (équivalent en 2006 de 0,60 à 0,91 million d'euro). Certains sont partiellement captés par la Fédération française de Rugby à XV.
Dans les faits ce ne fut pas les 155 à 159 clubs qui avaient constitué la LFR XIII ( FFR XIII ) en juin 1940 qui étaient visés par ce décret et qui furent le plus atteints (ceux-ci avaient, depuis fin octobre 1940, soit arrêtés toutes activités sportives, soit s’étaient réinvestis dans d’autres sports ou soit s’étaient reconvertis dans le rugby à XV à la FFR sur les conseils, le 15.10.1940, des dirigeants de la LFR XIII) mais c’était la Ligue (Fédération) française de rugby à XIII -LFR XIII- devenue -à partir de décembre 1940- une coquille vide (plus de clubs membres, plus d’activités) qui était ciblée.

Durant la même période, le tennis et la lutte durent simplement rejoindre le statut amateur, tandis qu'un délai de trois ans est accordé au football[5], au cyclisme, à la boxe et à la pelote basque.

Vichy raya aussi de la carte sportive française d'autres fédérations amateurs uni-sport de moindre importance en les mettant sous tutelle d'une autre fédération et captation de leurs biens par celle-ci (comme le tennis de table, le jeu de paume, le badminton[6] mise sous tutelle du tennis) mais également des fédérations amateurs multi-sports dont il saisit les biens mobiliers et immobiliers ( - FSGT, - UFOLEP, - USEP ). Il interdit aussi les compétitions féminines de football, de cyclisme[7] (nocifs pour la gent féminine) ainsi qu'un club de rugby à XV : l'US Lectoure (Gers) -cf. page 3-[8].

Dans le même temps, entre juin et septembre 1941, le régime de Vichy autorise la création, en France, d'une nouvelle fédération sportive : le handball[9], d'origine allemande (codifié entre 1917 et 1920 et dérivé d'un autre jeu allemand : le torball). Mais, fin 1944, en conformité avec l'article 3 de l'ordonnance d'Alger[10] la création de la FFH est annulée (après plusieurs enquêtes la FFHB ne peut naître qu'en juillet 1952).

Le coup de grâce au rugby à XIII, donné lors du décret n° 5285 du 19 décembre 1941 signé par Pétain le 29 décembre 1941[11], applicable en janvier 1942, pourrait bien avoir son origine à Berlin[12],[13] et en parallèle à l'apparition de la FFH.

Le Rugby à XIII fut aussi interdit, en novembre 1940, aux clubs scolaires, collégiens, lycéens ou universitaires qui le pratiquaient depuis la saison 1935-36 (de 52 ils étaient passés à 79 pour la saison 1938-39); ceux-ci n'étaient pas membres de la LFR.XIII mais étaient membres des fédérations sportives concernant le sport dans les écoles, les collèges, les lycées ou les universités; ces clubs étaient adhérents des fédérations UFOLEP (fondée en 1928), OSU (fondé en 1931, devenu l'OSSU en 1938, l'ASSU en 1962 et l'UNSS en 1975) ou bien USEP (fondée en 1939).

Le Gouvernement Provisoire de la République

A Alger, le 2 octobre 1943 (J.O du 7 octobre 1943), le CFLN rétablit, par l'Ordonnance dite d'Alger :

  • l'existence juridique et légale de "plein droit"
  • la restitution, rétrocession des biens à tout groupement, association, fédération sportive légalement constituée et "existant au 16 juin 1940" et donc du/au rugby à XIII.

Le « néo-rugby » ou rugby à XIII souffrira à la Libération ainsi qu'en son lendemain immédiat, d'une conjoncture moins facile que celle espérée.

Depuis septembre 1944

Dépossédé d'une partie de ses biens d'avant octobre 1940, obligé à une « Cure de silence » d'octobre 1940 à septembre 1944, victime d'un certain unanimisme refusant, au-delà des mythes obligés, de « rouvrir des plaies non encore cicatrisées », le rugby à XIII français revoit la formation, dès fin septembre 1944, d'une à deux centaines de clubs et suscite de nouveau l'engouement de dizaines de milliers de supporters.

En juillet 1947 puis en juillet 1948, après avoir subi les brimades du régime de Vichy, ne voulant ni être mis au ban des sports français ni se suicider ou ne sachant pas faire face, il dut alors une nouvelle fois se plier et se ranger à la volonté de la République Française (ceci sous la pression des tenants du jeu à 15): cf. page FFR XIII pour prendre une nouvelle dénomination : "Jeu à XIII" (il est à noter que Jean Galia est le père, depuis mars/avril 1934, du terme jeu à treize[14]) pour sa pratique amateur et, une autre dénomination : "Ligue de Rugby à XIII" pour sa pratique semi-professionnelle ou professionnelle.

Le 3e paragraphe de l'Article 3 de l'Ordonnance dite d'Alger n'a toujours pas été annoncé comme appliqué (restitution, rétrocession des biens en faveur de la LFR.13 reconstituée de Plein Droit fin septembre 1944).

L'équipe de France de rugby à XIII, championne du monde (titre officieux, attribué par les Australiens sur un cycle de 4 ans) en 1951 et 1955, a remporté plusieurs championnats d'Europe (1939, 1947, 1951, 1952, 1977, 1981, 2005).

Le 31 mars 1989, le Conseil d'État, statuant au contentieux, rend un arrêt contre le Ministère de la Jeunesse et des Sports qui, pour sa délégation de pouvoirs aux fédérations sportives, continue à utiliser la dénomination «Fédération Française de Jeu à XIII» (persévérance ou erreur administrative du ministère) bien que la dite dénomination n'ait plus aucun fondement ni valeur juridique eu égard aux lois de la République.

C'est le 4 juin 1993 que sa fédération peut à nouveau s'appeler « Fédération française de rugby à XIII » (FFR à XIII), suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation qui déboute définitivement la FFR, laquelle était allée en cassation suite à son procès d'appel perdu deux ans plus tôt et dont les attendus considéraient qu'en tant qu'appellation générique, le terme « rugby »[15] ne pouvait relever de l'exclusivité d'une seule fédération.

Fondée en 1997, et animée notamment par Robert Fassolette et le Britannique Cliff Spracklen, l'association « XIII actif »[16] se donne entre autres pour objet « d'œuvrer pour la réhabilitation historique du Rugby à XIII » et de « mettre en lumière, devant l'opinion publique, les conséquences actuelles de l'interdiction de ce sport et de sa spoliation sous le régime de Vichy afin d'en obtenir les éventuelles réparations légales et légitimes ».

Une Commission indépendante de douze historiens et chercheurs (présidée par l'historien Jean-Pierre Azéma) dénommée La Politique du Sport et de l’Education physique en France pendant l’Occupation fut chargée, le 29 mars 2000, par Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, d'étudier les rémanences structurelles et juridiques des décisions prises par Vichy dans le domaine sportif.
La commission remit, en mars 2002, un rapport d'environ 190 pages, tiré à 50 exemplaires, qui consacre une page et demi au rugby à XIII[17]. Il confirme l'influence sur le régime de vichy de 2 à 3 dirigeants vichystes des instances nationales du rugby à XV dans l'interdiction de son concurrent.

A l'exclusion de Marie-Georges Buffet en mai 2000 (Ministre Jeunesse et Sport), nul ministre ou personnel politique d'importance n'a depuis des dizaines d'années assisté à une finale treiziste (championnat ou coupe lord Derby). Par ailleurs, aucun membre des Équipes de France de Rugby à XIII (excepté Puig Aubert) n'a été, en raison de la contribution apportée à la communauté nationale à travers son sport, fait titulaire de la Légion d'Honneur.

Références

Liens externes

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