La Révolution nationale

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Révolution nationale

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La Révolution nationale (RN) est l'idéologie officielle du Régime de Vichy[1].

Sommaire

Histoire de la notion de « révolution nationale »

Révolution nationale, Affiche de propagande

La notion de « révolution nationale » apparait pour la première fois dans le livre La révolution nationale : philosophie de la victoire de Georges Valois, publié en 1924 :

« l'État libéral fonctionne en 1924 comme avant le 2 août 1914. Mais le prestige qu'il possédait avant la guerre est tombé ; les idées libérales, encore vivantes il y a dix ans, ont perdu toute influence. L'État libéral n'a plus de soutien dans l'esprit public que se partagent les idées nationales et les idées socialistes. (...) Nous échouerons dans notre entreprise si nous croyons qu'il nous suffit de placer nos idées et nos hommes à la tête des institutions de l'État libéral. Ce sont les institutions elles-mêmes qu'il faut changer. »[2]

Elle est annoncée dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 :

« Au moment le plus cruel de son histoire, la France doit comprendre et accepter la nécessité d'une révolution nationale. »[3]

Le maréchal Pétain lui-même n'était pas favorable à l'emploi de l'expression « révolution nationale », si l'on en croit Henry du Moulin de Labarthète[4].

Largement promue par les gouvernement traditionalistes et technocrates de Vichy de 1940 à 1942, la Révolution nationale n'est plus mise en avant à partir du retour au pouvoir de Pierre Laval, de formation républicaine, en mai 1942. Cette « mise au rebut »[5] de la Révolution nationale, qui est une « crise du pétainisme orthodoxe »[6], s'accompagne d'une marginalisation de la Légion française des combattants, d'une promotion des préfets, et d'une prise de distance à l'égard de l'Église catholique[6].

Médiatisation

Affiche « Révolution nationale » de Philippe Noyer

L'affiche ci-contre, qui associe drapeau tricolore, portrait du maréchal et intitulé « Révolution nationale », fut imprimée et diffusée vers la fin décembre 1940, date à laquelle l'imprimeur Le Hénaff, à Saint-Étienne, recevait d'ultimes instructions de retouches. Le total des tirages des différentes éditions, sous divers formats, qui furent effectuées jusqu'en 1944, s'élève à plusieurs millions[7]. L'auteur, Philippe Noyer, faisait partie de l'« Équipe Alain-Fournier », « une équipe dirigée par deux très jeunes affichistes qui s’installent à Lyon début 41 et qui vont être à l’origine de 62 affiches exactement entre 41 et 44 »[8].

Principes

Ses principes sont une adaptation des idées de la droite nationaliste de l'époque (monarchisme, bonapartisme, nationalisme intégral maurrassien) à un régime de gouvernement « de crise » :

  • Confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs. Les Actes Constitutionnels rédigés le 11 juillet 1940 par Philippe Pétain lui attribuent « plus de pouvoirs qu'à Louis XIV » (selon un mot de Laval à Pétain[9] ) y compris celui de rédiger une constitution.
  • Antisémitisme d'État. Au nom de la limitation de l'« influence » des Juifs, ceux-ci sont exclus de la Nation et ne peuvent plus travailler dans l'administration ; un numerus clausus limite drastiquement leur nombre à l'Université, parmi les médecins, les avocats, les cinéastes, les métiers des arts et des spectacles, ou encore dans la banque, le petit commerce, etc.. Bien vite, la liste des métiers interdits s'allongera démesurément. On estime qu'en moins d'un an, plus de la moitié de la population juive de France sera privée de tout moyen de subsistance[10].
  • Cohésion de la société, chaque classe sociale étant censée être solidaire des autres afin de maintenir l'ordre social (« organicisme »).
  • Rejet du modernisme culturel et des élites intellectuelles et urbaines (politique du « retour à la terre », qui ne convaincra d'ailleurs pas plus de 1 500 personnes de revenir aux champs[11],[12]).
  • Culte de la personnalité. Le portrait du maréchal Pétain, omniprésent, apparaît sur les monnaies, les timbres, les murs des édifices publics, ou en buste dans les mairies. Une chanson à sa gloire, le fameux Maréchal, nous voilà !, devient l'hymne national officieux. La soumission inconditionnelle au Chef et à la hiérarchie est exaltée.

Courants

La Révolution nationale a particulièrement attiré trois groupes de personnes :

  • Les réactionnaires, au sens propre du terme, c'est-à-dire tous ceux qui rêvaient d'un retour à « avant » : avant 1936 ; avant 1870 et la IIIe République ; avant 1789 et la révolution française (voir contre-révolution). On retrouve là notamment les partisans de l'Action française.
  • Les réformateurs impatients de la IIIe république et les partisans de solutions politiques et sociales nouvelles, nombreux à la fin de la IIIe République.

On trouve parmi eux des non-conformistes des années 1930, des personnalistes démocrates-chrétiens, des néo-socialistes, des planistes, des « Jeunes-Turcs » radicaux, des technocrates, etc. Tous ces milieux ont cependant fourni également à la Résistance de nombreuses recrues, et ceci dès juin 1940. Beaucoup ne sont pas anti-démocrates dans l'âme mais veulent juste profiter de la table rase de juin 1940. Tous ont en commun de penser que la chute de la IIIe République et la disparition de blocages « libéraux » ou « bourgeois » laisse la place à de nouvelles expériences. Leurs solutions sont diverses et parfois contradictoires : vie en petites communautés, coopératives ou corporations, retour à la terre, économie planifiée, pouvoir aux ingénieurs, etc. Exemples : École des cadres d'Uriage, René Belin, etc.

La politique familiale, éducative et sportive du régime de Vichy

Le maréchal Pétain crée, avec les gouvernements de son régime, l'« ordre moral » et modifie la devise de la République de « Liberté, Égalité, Fraternité » en « Travail, Famille, Patrie ». Ils font un retour aux idées et gouvernances des plus conservatrices et des plus rigides pour des changements dans la société française par opposition à ceux de la IIIe République. Cet « ordre moral » est bâti sur plusieurs piliers tel le travail, la patrie, la famille, l’éducation, la remise en forme physique et contrôle de la jeunesse, la religion, la ruralité.

La politique familiale

La famille est l'un des piliers de l’ordre moral institué par le régime Vichy pour qui elle représente la vie française et pour lequel les droits de la famille sont supérieurs aux droits des individus, le maréchal Pétain déclare fin 1940 : « Le droit des familles l'emporte sur les droits de l'État et de l’individu ». Un commissariat général à la famille est donc fondé[13] pour poursuivre et renforcer vigoureusement les orientations du code de la famille adopté en juillet 1939 par la IIIe République.

Le régime Vichy légifère donc tant pour rendre le divorce impossible durant les trois premières années de mariage que pour strictement encadrer les interprétations de la loi dans tous les cas de divorce, l'avortement fut sévèrement réprimé.

La guerre de 1914-18 eut pour conséquence pour la France 1,3 million de morts et disparus, des centaines de milliers d’invalides/mutilés (les gueules cassées) et une très forte régression de la natalité durant les 30 ans qui suivirent.

Pour donc favoriser et accroître très fortement les naissances, le régime de Vichy favorise fortement les pères de famille nombreuse ou le devenant aux dépens des hommes célibataires ou sans enfant (exemple : un couple qui n’avait pas d’enfant dans ses deux premières années de mariage se voyait retirer l’avantage fiscal du mariage) ; Il découragea aussi vivement le travail des femmes pour qu’elles fassent des enfants, bien qu’elles eussent acquis une place nouvelle dans la société en s'étant rendues indispensables pendant toute la guerre de 1914-1918 dans les champs, les usines, les bureaux ou les écoles (pour compenser la perte de très nombreux instituteurs) et aient acquis une autonomie relative après, et la mère de famille, au foyer de préférence, fut exaltée lors de la fête des mères célébrée en grande pompe chaque année, avec cérémonies et décoration des mères de familles nombreuses. En zone non-occupée, le taux de naissance augmenta donc tant dans les familles riches que pauvres (L'extension importante de la protection sociale se manifeste par l'expansion du nombre de personnes couvertes par les assurances sociales et les allocations familiales. Cet élargissement, qui doit peu aux Allemands, s'explique par les nécessités nées de l'occupation et, la plupart des textes promulgués sous le régime de Vichy seront prorogés à la Libération, c'est-à-dire : l'accroissement du rôle social de l'État)[14].

La politique éducative

La politique sportive

  • La politique sportive de Vichy trouve son origine dans la conception du sport de Georges Hébert (1875-1957, officier de marine) qui dénonce les dérives du sport, c'est-à-dire la compétition, trop spécialisée à son goût et donc inutile moralement et physiquement ce qui ne peut qu'aboutir qu'au spectacle et au professionnalisme et, chez Pierre de Coubertin chantre de l'amateurisme pur et dur.
  • Par ailleurs la résurrection morale promise à la France est inséparable d'une remise en forme physique selon la formule « Être fort pour mieux servir » ou encore « Être fort pour être utile » et donc avec la méthode « Hébert » les écoliers français apprennent à courir, sauter et grimper. Derrière ces deux formules le but était aussi de contrôler rigoureusement la jeunesse, les associations sportives et leurs respectives fédérations.
  • 7 août 1940 : création du commissariat général à l’Éducation générale et aux Sports
  • 3 hommes au moins concourront à mettre en place cette politique dirigiste dont l'un des piliers est le bannissement du sport professionnel importé du Royaume Uni :
    • Jean Ybarnegaray (président-fondateur de la fédération française et de la fédération internationale de Pelote Basque, député et membre du PSF) : ministre d'État en mai 1940 puis secrétaire d'État de juin à septembre 1940 (postes : Anciens combattants et Famille, Jeunesse et Famille) ;
    • Jean Borotra (ancien joueur de tennis international de renommée mondiale, membre du PSF ) : 1er Commissaire général au sport d'août 1940 à avril 1942 ;
    • le colonel Joseph Pascot (ancien joueur de rugby et champion de France avec Perpignan) : directeur des sports sous J. Borotra puis second commissaire général au Sport (avril 1942 - juillet 1944).
      • selon Jean Durry (directeur du Musée national du sport – rattaché au ministère de la Jeunesse et des Sports) il était tout-à-fait dans la logique étroite et dirigiste de Pascot et dans le douloureux contexte de Vichy de « mettre au pas » le monde du sport, « d'inciter » à des regroupements de sports présentant une « base similaire ».
  • 11 mai 1942 : l'OSSU est dénommée USSU (Union du sport scolaire et universitaire)
  • La politique du contrôle rigoureux tant de la jeunesse que du sport, la politique de regroupements de sports, du bannissement du professionnalisme dans le sport français amènera les deux commissaires généraux au sport à :
    – dès octobre 1940, interdire le professionnalisme immédiatement pour deux fédérations : tennis et lutte, dans un délais de trois ans pour quatre autres fédérations : football, cyclisme, boxe et pelote basque, interdire les compétitions féminines de cyclisme, football (nocives), interdire et/ou spolier par saisie des biens au moins quatre fédérations uni-sport : Rugby à XIII, tennis de table, jeu de paume, badminton et une multi-sports : FSGT ;
    – en avril 1942 : interdire et spolier deux autres fédérations multi-sports : UFOLEP et USEP.
    Note : les biens saisis des fédérations interdites devant être transférés au Comité national des sports.

Citations

  • « Le maréchal Pétain m'a confié la mission de faire une jeunesse robuste à l'âme bien trempée et à reclasser notre pays au rang des grandes nations sportives. Il faut que la foule des spectateurs passifs descende des gradins où elle assiste chaque dimanche aux ébats des vedettes et vienne prendre part aux jeux du stade […]. Auprès de chaque école, un terrain de jeu ; dans chaque école, un éducateur[15]. »
  • « Les sports professionnels sont tous supprimés. Un délai de trois ans est accordé au football, au cyclisme, à la boxe et à la pelote basque […] Pour les autres, tennis, lutte, rugby à XIII, c'est à effet immédiat, ou plutôt le temps que le Commissariat général puisse aviser les fédérations intéressées[16]. »
  • « Le sport présente pour la jeunesse moderne un tel attrait que vraiment nous serions coupables si nous n'utilisions pour des fins nationales et humaines une activité dotée d'un tel dynamisme […]. Le sport bien dirigé, c'est de la morale en action[17]. »
  • « Je tiens […] à ce que chacun des futurs professionnels éventuels ait un métier, non fictif, et de façon à ne pas risquer d'être un exemple détestable – comme cela a été trop souvent le cas jusqu'ici – pour des centaines de milliers de jeunes participants pour lesquels les vedettes sportives deviennent naturellement des modèles[18]. »
  • « Je promets sur l'honneur de pratiquer le sport avec désintéressement, discipline et loyauté pour devenir meilleur et mieux servir ma patrie[19]. »
  • « Être fort pour mieux servir[20]. »
  • « Notre principe est de saisir l'individu partout. Au primaire, nous le tenons. Plus haut il tend à s'échapper. Nous nous efforçons de le rattraper à tous les tournants. J'ai obtenu que cette discipline de l'EG soit imposée aux étudiants […]. Nous prévoyons des sanctions en cas de désertion[21]. »

Notes et références

  1. André Kaspi, Ralph Schor, Nicole Piétri, La Deuxième Guerre mondiale, chronologie commentée, éditions Complexes, 1995, p. 131
  2. Bernard Lachaise, Jean-Paul Jourdan, « Documents d'histoire contemporaine », Presses universitaires de Bordeaux, 2000, p.28
  3. Marc-Olivier Baruch, Le régime de Vichy, éd. La Découverte, Paris, 1996, p. 15-16, cité par Antonin Cohen, « Vichy et la troisième voie - « Vers la révolution communautaire » – Rencontres de la troisième voie au temps de l’ordre nouveau », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, no 51-2, avril-juin 2004, p. 141 [pdf] [lire en ligne], sur le site Cairn, consulté le 17 janvier 2009.
  4. Denis Peschanski, Le Régime de Vichy a existé. Gouvernants et gouvernés dans la France de Vichy. Juillet 1940-avril 1942, in Angelo Tasca, « Vichy, 1940-1944 : quaderni e documenti inediti di Angelo Tasca : archives de guerre d'Angelo Tasca », Paris : Éditions du CNRS ; Milano : Feltrinelli, 1986, p.10
  5. Denis Peschanski, op. cit. p.4
  6. a  et b Jean-Marie Guillon, « La philosophie politique de la Révolution nationale », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, « Vichy et les Français », Fayard, 1992, p.178
  7. Philippe Delangle, Michel Wlassikoff, « Signes de la collaboration et de la Résistance », Autrement, 2002, p.138
  8. « affiches propagande du groupe Fournier », 10 mai 2008, sur le blog « MARECHAL NOUS VOILÀ? Un film de Jorge Amat et Denis Peschanski » : http://marechalnousvoila.blogspot.com/2008/05/blog-post_10.html
  9. Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Pétain : sa carrière, son procès », éd. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, p. 38
  10. Olivier Wieviorka in Serge Berstein, La République recommencée : de 1914 à nos jours, Seuil, 2004
  11. Robert Paxton, La France de Vichy, Points-Seuil, 1974
  12. Le monde rural et les traumatismes de 1940, sur le site cndp.fr, consulté le 30 octobre 2008.
  13. Centre Michelet le Résistant études
  14. droit.univ-nantes.fr, Étude CNRS 2001
  15. J. Borotra, discours d'investiture, in avant propos de Le sport, ta joie, ta santé, Charles Tardieu, 1940
  16. cf. : les conclusions du Comité d'étude du professionnalisme et de l'amateurisme mis en place par le commissariat général aux Sports et parues dans le journal L'Auto du 4 octobre 1940.
  17. Rapport de E. Loisel à J. Borotra, 15 octobre 1940.
  18. Lettre de J. Borotra au président de la FFF, 1940.
  19. Serment de l'athlète.
  20. IO 1941
  21. Colonel J. Pascot, allocution du 27 juin 1942.

Sources

Articles connexes

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