L'art de la fugue

L'art de la fugue

L'Art de la fugue

L'Art de la fugue BWV 1080 Die Kunst der Fuge
Manuscrit autographe de l'Art de la fugue
Manuscrit autographe de l'Art de la fugue

Genre Œuvre contrapuntique
Musique Johann Sebastian Bach
Dates de composition de 1740 à 1750 environ

L'Art de la fugue (en allemand : die Kunst der Fuge), est une œuvre inachevée de Johann Sebastian Bach portant le numéro 1080 dans le catalogue BWV. On estime que Bach a commencé son écriture aux alentours de 1740 ou 1742 (la première édition de l'œuvre a été recopiée vers 1745), et qu'il l'a poursuivie jusqu'à sa mort, en 1750. Cette première édition contenait alors 12 fugues et 2 canons. La seconde édition publiée après la mort de Bach, en 1751, contenait 14 fugues et 4 canons, mais cette version, qui contient des erreurs et dont l'ordre des contrepoints est très incertain, ne semble pas respecter totalement la volonté de Bach ; lorsque Bach mourut en 1750, la gravure n'était pas terminée et l'édition a été supervisée et achevée par son deuxième fils, Carl Philipp Emanuel Bach. Les éditeurs y ont ajouté le choral Vor deinen Thron tret ich hiermit BWV 668, bien que ce choral n'ait pas de lien avec l'Art de la fugue. Bach l'a probablement composé sur son lit de mort.

Considérée depuis longtemps comme le « testament du compositeur », comme l'œuvre ultime de Bach (bien que ce fait ait également été remis en cause[1]), l'œuvre ainsi écrite représente l'apogée de son style d'écriture, le sommet du style contrapuntique et l'un des plus grands aboutissements jamais réalisés en musique occidentale.

L'Art de la fugue a inspiré et émerveillé bon nombre des compositeurs qui l'ont redécouverte, parmi lesquels Mozart et Beethoven. La référence à l'écriture contrapuntique de Bach, telle un modèle absolu de rigueur et de perfection, se retrouve dans plusieurs de leurs œuvres : la Neuvième Symphonie de Beethoven, la Symphonie Jupiter ou la Flûte enchantée de Mozart.

L'œuvre est souvent considérée comme un exercice intellectuel sur le contrepoint, que Bach ne destinait pas à être joué, et inachevée. En effet, le contrepoint XIV s'arrête brutalement au milieu de la mesure 239. Mais cette version a été remise en question, et l'opinion a ce sujet est toujours divisée [2].

Bien que Bach n'ait pas volontairement précisé à quel instrument l'Art de la fugue était destiné, et qu'il nous ait laissé un manuscrit avec chaque voix égale aux autres [2], on pense qu'il a tout de même pensé au clavecin en la composant.

Sommaire

L'œuvre

Composée d'une vingtaine de pièces (appelées contrepoints ou contrapuncti), cet ensemble tire son unité du sujet principal du premier contrepoint (contrapunktus 1) qui sert de base à l'ensemble des pièces.

Sujet du premier contrepoint, qui sert de matériaux de base à toute l'œuvre :

Sujet de la fugue n°1

Ce sujet est aisément reconnaissable, car il présente à son début un arpège de l'accord de Ré mineur, aboutissant à une sensible (do#). Écrit dans les valeurs longues (blanches), ce sujet inspire l'auditeur un sentiment contemplatif, qui le fait se plonger dans une ambiance très calme.

Tous les contrepoints suivants sont écrits dans la tonalité de Ré mineur et proposent soit un développement sur le même sujet, soit un développement sur une variation de ce sujet. Cette œuvre de Jean Sébastien Bach témoigne de toutes les possibilités techniques et musicales qu'offre la fugue : fugues à trois et quatre voix, en augmentation, diminution, en miroir, à plusieurs sujets, strettes...

Sujets des fugues n°2 et n°3

Contenu de l'Art de la fugue

Voici le contenu de l'Art de la fugue :

  • Contrepoint 01 : Fugue simple
  • Contrepoint 02 : Fugue simple
  • Contrepoint 03 : Fugue simple
  • Contrepoint 04 : Fugue simple
  • Contrepoint 05 : Fugue simple
  • Contrepoint 06 : Fugue en diminution (en style français)
  • Contrepoint 07 : Fugue en augmentation et diminution
Sujet de la fugue n°7
  • Contrepoint 08 : Fugue à trois voix
  • Contrepoint 09 : Fugue à la douzième
  • Contrepoint 10 : Fugue à la dixième
  • Contrepoint 11 : Fugue à quatre voix
  • Contrepoint 12 : Fugue à quatre voix (à l'endroit et à l'envers)
  • Contrepoint 13 : Fugue à quatre voix (à l'endroit et à l'envers)
  • Contrepoint 14 : Canon
  • Contrepoint 15 : Canon
  • Contrepoint 16 : Fugues en miroir
  • Contrepoint 17 : Fugues en miroir
  • Contrepoint 18 : Fugues en miroir
  • Contrepoint 19 : Fugue avec trois sujets

NB. Cette liste est présentée ici comme une synthèse : les enregistrements, partitions et les nombreux livres sur le sujet ne présentent pas la même unité (dans l'ordre des pièces et dans leur contenu), cela est probablement dû au fait que la partition fut publiée à titre posthume, par un de ses fils, dans un désordre structurel, sans nom et sans date.

Une œuvre inachevée?

Manuscrit de la fugue inachevée

Cette œuvre est dite « inachevée » ; lors de l'écriture des pièces de l'Art de la fugue, Johann Sebastian Bach aurait, dit-on, dicté à son entourage les notes, car il était devenu aveugle. La partition s'interrompt sur la phrase suivante : « Sur cette fugue où le nom de BACH est utilisé en contre-sujet, est mort l'auteur » (phrase écrite par son fils Carl Philipp Emanuel). Bien qu'elle suscite plusieurs interrogations, la partition est fréquemment liée, sur les enregistrements, au choral Vor deinen Thron tret' ich hiermit - Seigneur, me voici devant ton trône - (BWV 668) que le compositeur aurait également dicté sur son lit de mort.

Mais en réalité, rien n'est moins sûr. La date de composition est très certainement aux alentours de 1740-1742, d'après une analyse graphologique et des filigranes sur le papier. Bach a donc très certainement terminé l'Art de la fugue bien avant sa mort. La note écrite par Carl Philipp Emanuel Bach, disant que son père était mort en écrivant cette fugue, suscite également le doute. Une théorie récente disant que Bach aurait abandonné, ou du moins interrompu, son écriture plusieurs mois avant sa mort a également vu le jour, ce qui rajoute encore du mystère quant aux raisons de son interruption.

Une autre théorie avance que le contrepoint XIV est en réalité achevé, mais que le manuscrit complet a été perdu. Cette théorie se base sur le fait que l'on retrouve des différences importantes entre le premier manuscrit de Bach (terminé vers 1742) et l'édition publiée en 1751. Par exemple, la première version imprimée contient des fugues ajoutées après 1742 (Contrapuncti IV et XIV) desquelles il n'existe pas de trace dans les manuscrit originaux [3]. Bach aurait-il préparé un manuscrit définitif avant de publier l'Art de la fugue à la fin des années 1740?

Le claveciniste, organiste et chef d'orchestre hollandais Gustav Leonhardt a démontré, dès 1952, que l'œuvre était achevée et écrite pour le clavecin ; les preuves abondent en ce sens. Il a démontré d'ailleurs que, loin d'être abstraite, elle était destinée à être jouée. Gustav Leonhardt a également fait remarquer que la fugue inachevée serait « un appendice » sans rapport avec le cycle de l'Art de la fugue, car le thème et la tonalité sont différents de tous les autres canons ; ce pourrait être aussi le début d'un nouveau cycle [4].

Le sujet principal de l'œuvre est en effet absent de cette dernière fugue telle qu’elle nous est parvenue. Elle est basée sur trois sujets, parmi lesquels un sur le nom de Bach. On peut facilement déduire de cela que cette fugue n'a aucun rapport avec le reste de l'œuvre. Malgré tout, le sujet de l’Art de la fugue peut se combiner avec les trois sujets de cette fugue [5].

Une dernière vision plus récente de la chose : Bach aurait laissé intentionnellement la dernière fugue inachevée, telle une énigme musicale — soit pour inviter d'autres compositeurs à deviner ses intentions musicales, soit pour qu'ils trouvent eux–mêmes leur solution [3].

Une œuvre destinée à être jouée ?

L'œuvre a souvent été traitée comme de l'Augenmusik, de la musique qui n'était pas destinée à être jouée, un exercice intellectuel et de pensée sur le contrepoint que Bach nous laissait pour qu'on l'étudie et pour laisser une trace de son écriture contrapuntique très rigoureuse.

Cela s'explique sans doute par la très grande complexité de l'œuvre, par l'absence d'indication de tempo ou d'instrumentation. Aussi l'œuvre n'a été jouée intégralement en public qu'en 1927[1] sous la direction de Karl Straube.

Avant cela, elle n'avait été qu'étudiée et analysée, surtout au XIXe siècle. Carl Philip Emmanuel Bach a certainement choisi l'ordre des fugues pour souligner l'aspect pédagogique de l'œuvre. Mais ce mythe a été mis à mal ces dernières années, bien qu'il ait des fondements assez solides.

Carl Philip Emmanuel avait sans doute en partie raison, Bach a sûrement eu des ambitions pédagogiques en écrivant l'Art de la fugue comme une sorte de synthèse du style d'écriture qu'il a acquis tout au long de sa vie. Ce travail serait alors une sorte de couronnement musical de son art. Le fait même qu'on puisse jouer l'œuvre sur un seul clavier renforce cette idée. Étudiants et enseignants peuvent la jouer et s'en servir pour comprendre sa complexité et ses difficultés d'exécution.

Discographie

De nombreux enregistrements permettent de découvrir l'Art de la fugue avec des instrumentations différentes :

  • Un incontournable : le Musica Antiqua Köln, jouant sur instruments anciens, dirigé par Reinhard Goebel.
  • Interprétation à l'orgue : de très nombreux enregistrements. On retiendra en particulier celui de Louis Thiry à l'orgue Johann Andreas Silbermann de l'Église Saint-Thomas de Strasbourg (1993), ainsi que l'expérience très instructive de l'organiste Gerd Zacher, qui a réalisé en 1996, sur un CD, l'enregistrement du même Contrapunctus I à 10 reprises, avec 10 styles et registrations différents. Nous n'oublierons pas André Isoir à l'orgue de St-Cyprien en Périgord et Marie-Claire Alain à l'orgue Kern de Masevaux.
  • Interprétation au clavecin : de très nombreux enregistrements. Gustav Leonhardt chez DHM a réalisé la version de référence et la plus fidèle à l'esprit du compositeur.
  • Interprétation au piano : de très nombreux enregistrements.
  • Interprétation par un quatuor à cordes : Quatuor Juilliard. Conception très originale et intéressante de ce style par une formation plus moderne.
  • Interprétation par un quatuor de flûtes : par l' Amsterdam Loeki Stardust. Une lecture sobre et originale de l'œuvre par le célèbre quatuor hollandais.
  • Interprétation à l'orchestre : Hermann Scherchen et le CBC Toronto Chamber Orchestra, 1965. Ce coffret comporte la répétition de l'œuvre et la bande sonore du concert.
  • Interprétation à la viole de gambe : l'ensemble Fretwork (6 violes de gambe) donne une vision très épurée de l'œuvre, qui s'arrête notamment à la dernière fugue, comme Bach nous l'a laissée.
  • Différentes interprétations pour diverses formations : quatuor de saxophones...
  • Une interprétation unique : l'ordonnancement de Jacques Chailley éditée par les Editions Leduc, une version instrumentée par Pascal Vigneron (cuivres, bois et orgue, enregistré à St-Bertrand-De-Comminges, Quantum QM 7035).
  • Une interprétation du groupe Slovène LAIBACH avec son projet LAIBACHKUNSTDERFUGE sorti en 2008, une vision plus expérimental mais grandiose.

Références

  1. a  et b L'Art de la Fugue de Johann Sebastian Bach
  2. a  et b The Art of the Fugue
  3. a  et b The Art of the Fugue
  4. À ce propos, lire le traité de Gustav Leonhardt, L'Art de la fugue, dernière œuvre de Bach pour le clavecin, argumentation, paru en 1952 et réédité chez Van De Velde Éditeurs
  5. L'Art de la Fugue de Johann Sebastian Bach

Liens internes

Liens externes

Partitions de l'Art de la fugue :

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