L'Animal moral (Robert Wright)

L'Animal moral (Robert Wright)

L'Animal moral

L'Animal moral est un essai de psychologie évolutionniste écrit par Robert Wright en 1994 et publié en 1995 en français. Son propos est d'expliquer la psychologie humaine à la lumière de la théorie néodarwinienne de l'évolution, en prenant comme illustration des anecdotes tirées de la propre vie de Charles Darwin. L'idée fondamentale est que les caractéristiques psychologiques de l'être humain lui ont procuré un avantage adaptatif dans l'environnement ancestral dans lequel s'est déroulée l'évolution humaine.

La psychologie évolutionniste s'attaque ainsi à des problèmes de psychologie quotidienne, par exemple le problème des différences entre les hommes et les femmes, notamment quant aux comportements sexuels, mais aussi à des problèmes philosophiques anciens comme celui des racines naturelles de la morale.

Sommaire

Résumé

Introduction

Longtemps, on n’a pas su appliquer le darwinisme au comportement humain. Il faut attendre les années 1960-70 pour assister à la naissance de la psychologie évolutionniste.

Une révolution tranquille

Avant, à la suite de Durkheim, les phénomènes sociaux et culturels sont pensés comme autonomes de la psychologie humaine. La sociobiologie de Wilson a mauvaise presse : le spectre du nazisme, du darwinisme social, pèse sur ces nouvelles théories : la révolution évolutionniste progresse donc masquée.

Sexe, idylles et amour

Un héros improbable

Dans l’Angleterre du XIXe siècle, la masturbation est moralement condamnable. L’époque victorienne, aux alentours de 1850, s’accompagne d’un mouvement évangélique sévère (le méthodisme) Darwin est plongé dans cette ambiance où « Tout ce qui familiarise l’esprit avec une mauvaise action en rend l’accomplissement plus facile. »

Darwin fait des études de médecine, peu enthousiaste car il préfère la taxidermie. On lui conseille d’être pasteur, et de faire de la biologie un loisir (cf Mendel). Il entreprend des études de théologie. Mais bientôt il s’engage sur le Beagle.

Théorie de l'évolution

L’idée de Darwin est fondamentale, mais peu complexe. S’il se produit une variation de traits héréditaires au sein d’une population, et si quelques uns des traits favorisent la survie et la reproduction, ils vont à l’évidence se répandre. Donc le patrimoine génétique se modifie. Aujourd’hui, on ne distingue plus survie et reproduction, c'est la transmission des gènes qui compte. Les mutations conduisent à une foule d’échecs contre quelques créations grandioses : le profit est non préconçu, inconscient.

Psychologie évolutionniste

Pourquoi le cerveau serait-il différent des autres organes ? C’est un organe mental : celui qui incite à aimer sa progéniture par exemple.

La thèse de Robert Wright est : "Tout ce qui relève de la pensée humaine n’existe qu’à cause d’un processus d’adaptation"

La vie sexuelle et évolution

La sexualité affecte beaucoup la transmission des gènes donc c’est le meilleur candidat à l’explication évolutionniste. La gent féminine se divise souvent dans l'esprit masculin en « madones » et « putains ». Ainsi qu’en est-il de la différence de libido entre hommes et femmes du point de vue évolutionniste ? Mêmes les féministes ne pensent pas que nous soyons faits pareil. La psychologie sexuelle étudie par exemple les jugements esthétiques ou les comportements amoureux. Précisons que nous n’assimilons pas "naturel" avec "bon" ou encore "immuable". « Nous n’avons aucune raison de calquer nos valeurs morales sur celles de la sélection naturelle. » Mais il est préférable de savoir d’où vient notre psychisme dans ce domaine.

Darwin remarque que dans beaucoup d’espèces où le mâle est chasseur, il y a une ardeur sexuelle mâle et une réticence femelle. Il note également l’importance du choix féminin dans la sélection naturelle : c’est lui qui détermine l’évolution de l’espèce. Au point que l’on peut définir alors la sélection naturelle selon un double aspect : le combat des mâles et le choix des femelles. Une explication évolutionniste serait : Les males peuvent se reproduire plus souvent que les femelles (elles font les ovules et portent les enfants). Les mâles peuvent toujours placer quelques gènes de plus sans grand investissement.

Et chez les humains ?

La femme doit bien choisir ses partenaires car elle peut se reproduire moins souvent. Mais alors : Que dire alors des mâles qui participent à l’éducation des enfants ? Que dire de la prostitution féminine ? Il faut expliquer pourquoi ces faits ne contredisent pas la théorie précédente.

L’aube des révélations

Bateman en 1948 observe « un appétit sexuel sans bornes chez le mâle et une judicieuse réserve chez la femelle » chez les drosophiles. Williams et Trivers (1966) apportent la rigueur à la nouvelle théorie. Un mâle qui fait sa cour montre à la femelle à quel point il est exceptionnel. La femelle a donc intérêt à savoir détecter la publicité mensongère. Trivers définit la notion d’investissement parental et y voit l’essentiel de la différence des comportements hommes/femmes. Cette vision est popularisée par Richard Dawkins dans Le Gène égoïste et par Edward Osborne Wilson (1929-) dans Sociobiologie en 1975.

La théorie mise à l’épreuve

La psychologie évolutionniste permet d'expliquer la plupart des traits psychologiques masculins et féminins dans le domaine de la sexualité. Les différences hommes/femmes apparaissent donc comme essentiellement innées et non culturelles. Ces traits sont : les préférences esthétiques, la tendance à l'infidélité, l'investissement parental, ... Leur remise en question, dans un environnement qui a brutalement changé, est en revanche une possibilité d'ordre culturelle.

Le ciment social

Familles

Les gènes de l’amour fraternel et du sacrifice pour les membres de la famille sont favorisés par la sélection : ils ont tendance à se transmettre même si leur porteur se sacrifie et meurt. Ce fait explique également le comportement des insectes sociaux stériles (ouvrières chez les abeilles et les fourmis : cas qui a longtemps intrigué Darwin au point de reporter la publication de L'Origine des espèces.

La «théorie du gène égoïste » est due à Hamilton dans les années 1960 : The evolution of altruistic behavior (American Naturalist 1963) même si c’est Richard Dawkins qui popularise ces résultats dans Le Gène égoïste (1976).

L’amour parental ou fraternel a certainement conduit les mâles humains vers un investissement parental élevé car rien ne les y prédisposait : en effet les mutations génétiques ont lieu « de proche en proche ». Un indicateur r de proximité génétique entre frères et sœurs permet de mesurer l’intérêt génétique de l’amour fraternel : il mesure la proportion de gènes en commun et est de ½ chez les primates, de ¾ chez les fourmis et de 1 pour les cellules du corps entre elles. On observe que plus r est grand, plus l’altruisme est fort.

Des études montrent également que l’investissement parental est plus élevé pour les fils que pour les filles dans les familles riches alors qu’on n'observe pas cette asymétrie dans les familles pauvres. Cela peut être interprété comme le fait qu’un garçon dominé a peu de chances de transmettre ses gènes alors que pour la fille cela ne change rien (dans l’environnement ancestral !)

Le chagrin que l’on éprouve à la mort d’un enfant, lui aussi, varie très exactement avec son potentiel de transmission génétique dans l’environnement ancestral. Il est maximal à l’adolescence. Les rationalisations associées avec ce genre de douleurs (il avait la vie devant lui, ce n’était qu’un bébé...) semblent aller avec ce fait alors que les parents pourraient ne pas avoir conscience de la vraie « cause », ou "cause ultime" (voir écologie comportementale) de leur chagrin.

Amis

Mais la faculté de se lier d’amitié même à l’extérieur du groupe familial (gènes communs) est bien présente chez les hommes et d’autres animaux. De même les « valeurs morales » existent chez tous les êtres humains, seul leur contenu étant acquis.

En 1966, dans Adaptation and natural sélection, George Williams disqualifie la sélection par le groupe pour expliquer l’altruisme exogène (la proximité génétique dans le groupe étant trop faible). Mais il peut en effet s’expliquer par la sélection individuelle.

La quête de la réciprocité est intéressante génétiquement : compassion et gratitude sont innés et inconscients, et ils favorisent l’altruisme réciproque.

La théorie des jeux voit l’altruisme réciproque comme un « dilemme du prisonnier » à l’envers, c'est-à-dire un jeu à somme non nulle où deux protagonistes peuvent être gagnants en même temps. La stratégie "donnant-donnant" montre en simulation informatique qu’elle est la plus efficace dans un contexte compétitif. De plus, elle est stable, c'est-à-dire qu’elle profite de sa propre prolifération.

Le problème est plutôt au départ (un "donnant-donnant" seul au milieu d’une bande de méchants n’a aucune chance car il commence toujours par être gentil). L’altruisme réciproque a certainement été lancé dans de petits groupes parentaux où l’altruisme parental servait de réciproque aux jeunes tit for tat. Le fait que l’altruisme réciproque soit présent chez de nombreux animaux et qu’il permette d’expliquer de nombreux sentiments humains (amitié, sens de la justice et de l’injustice, rancune, gratitude, ...) plaide pour sa prédominance devant les explications des sciences sociales des sentiments humains.

Dans l'altruisme réciproque, plus la situation du bénéficiaire sera désespérée, plus sa reconnaissance sera importante, d’où le fait qu’un mourant de faim suscite plus de pitié (Trivers) La culpabilité en cas de comportement non altruiste augmente quand elle est publique : c’est même cela qui compte dans le groupe pour bénéficier de la réciprocité. Nous passons beaucoup de temps à nous répandre en griefs, et à modifier en conséquence notre attitude à l’égard de l’accusé. L’altruisme réciproque porte en fait mal son nom : c’est l’impression seule qui compte ! Cela explique notre application à polir notre réputation morale.

La conscience morale

La sélection naturelle ne veut pas notre bonheur, elle veut que nous soyons prolifiques. Les psychothérapeutes seront mieux équipés s’ils le savent et s'ils savent ce qu’elle veut. La sélection naturelle use d’un stratagème éhonté en nous dotant d’un organe mental non sensuel, la conscience, qui nous donne l’impression d’être en contact avec des vérités supérieures. Mais pourquoi la conscience morale est-elle si malléable par l’éducation ? La réponse est que la conduite morale à tenir dépend d’un environnement très changeant Ainsi la tendance enfantine spontanée au mensonge (tromperie) est renforcée ou inhibée par les parents. La conscience victorienne est dans une large mesure le reflet d’un environnement restreint et stable, où la tromperie a de graves conséquences. C’est moins le cas dans les grandes villes modernes. Ainsi les pauvres sont les victimes de la société qui façonne une forte tendance à la tromperie qui les rend malhonnêtes.

Bibliographie

  • Robert Wright, (1994), L'animal moral -Psychologie évolutionniste et vie quotidienne, traduction aux éditions Michalon, 1995. Traduit de l'américain par Anne Béraud-Butcher, Éditions Gallimard, Collection : Folio Documents, (ISBN 2-07-042855-9).

Voir aussi

Article sur Robert Wright sur wikipédia anglophone



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