Kifāya

Kifāya

Kifaya

Kifāya, souvent simplement (mais improprement) transcrit kifaya sans tenir compte de la longueur de la voyelle, voire kefaya, est un mouvement d'opposition au gouvernement de Hosnī Mubārak, qui se nomme également Mouvement égyptien pour le changement ou Mouvement égyptien pour l'ajournement de l'amendement [de la constitution].

Le terme كفايه [kɨˈfæːjæ] signifie ça suffit !, stop !, voire il y en a marre !. Bien que le mot kifāya soit également employé par d'autres mouvements (et maintenant au Liban), dans les médias, ce slogan désigne sans ambiguïté le Mouvement égyptien pour le changement.

Ce groupement politique a été créé en juillet 2004 au Caire, sans statut légal de parti (seuls quatre partis sont autorisés par le gouvernement en Égypte), par le rassemblement de militants de diverses tendances laïques, estudiantines ou ouvrières, parfois d'anciens activistes des années 1970 ou même des nassériens, jugés comme étant de gauche par les États-uniens, mais comme « transpolitiques » par les Arabes et « trans-clivage » selon le jargon politique européen. Ils sont, en tous cas, tous opposés au régime de Mubārak et à son pro-américanisme, supposé ou réel. Kifāya s'est fait connaître du grand public lors d'une manifestation dans les rues de la capitale le 12 décembre 2004, appelant à une large réforme démocratique du système politique égyptien. D'autres défilés ont suivi. Le 27 avril 2005, quinze villes ont vu des marches de protestation (vite débandées par les forces de sécurité intérieures) se mettre en route sous la houlette de Kifāya. Le dernier en date, le 12 décembre 2006, était considéré par ses organisateurs comme le deuxième anniversaire de Kifāya. Les quelque 250 pétitionnaires qui y avaient pris part tentaient d'accéder aux abords d'un bâtiment gouvernemental.

Sommaire

Organisation non-religieuse

Malgré quelques accusations portées par les milieux proches du gouvernement, par nature, Kifāya se démarque des mouvances de l'ʼislām politique et réciproquement. Même si les Frères musulmans (جمعية الأخوان المسلمون) ont soutenu ses appels à une démocratisation des institutions, cette prise de position était formelle et officielle, afin de pouvoir tendre l'autre main à Hosnī Mubārak pour augmenter leur emprise sur la vie politique nationale ou, du moins, n'en rien perdre, tout en étant menacé en permanence par le régime : les Frères musulmans ont 88 députés (soit 19,4%)… "non-affiliés", puisque le parti n'a pas d'existence légale, en conformité avec la constitution qui interdit l'accès des mouvements non laïcs à la politique [1].

Un auditoire encore relativement confidentiel

Kifāya rêve d'une mobilisation populaire et massive. Mais, d'une part, les Égyptiens restent soumis, au moins en apparence, dépolitisés et plus prompts à tendre l'oreille aux mouvements dits islamiques ou totalement apolitiques et, d'autre part, ils semblent surtout indifférents au mouvement à cause de l'origine sociale de ses membres les plus proéminents, généralement (mais pas toujours, comme indiqué plus haut) de la classe moyenne ou de celle des intellectuels et des artistes. En outre, la multiplicité des courants qui la traverse est vue par cette organisation non comme une faiblesse mais comme une source d'enrichissement et de représentativité.

Comme toujours, le nombre de sympathisants semble être un argument incontestable. À quoi il faudrait opposer l'écho que reçoit l'organisation dans la population, d'une part, dans les institutions gouvernementales, de l'autre, ainsi que dans les media nationaux et étrangers. La mesure du nombre de membres ne lui est pas forcément favorable, mais pour le reste, la balance semble pencher en sa faveur. D'autant que la parenté du mouvement avec des idées et des revendications plus ou moins semblables dans le pays-même et dans l'ensemble de la région ajoute inéluctablement du poids à Kifāya. Qui plus est, le mouvement abonde dans le sens de l'évolution des régimes similaires (y compris avec les "nécessaires" à-coups). Pour la chercheuse Samīra Mahfudī, du Centre d’études et de documentation économique, juridique et sociale, au Caire, « le mouvement Kifāya joue un rôle indéniable, il participe au développement de la société civile, pouvant, de ce fait, se faire l'écho des réformes politiques » (Les dilemmes de l'opposition égyptienne : Kifaya ou l'émergence d'un véritable mouvement de contestation, article publié par l'UQAM). Elle poursuit : « Toutefois, [Kifāya] doit se faire entendre de la communauté internationale […], qui pourrait avoir un impact sur le régime qui se suffit à lui-même. » [2] Depuis cette publication (non-datée), il semble que la presse internationale se fasse peu à peu l'écho de cette organisation.

L'un des slogans actuels de Kifāya, « كفايه عسكر كفايه استبداد كفايه استغلال كفايه خمسين سنة » (Assez de l'armée ! Assez de l'autoritarisme ! Assez de l'exploitation ! Assez des cinq mandats !) ne résume pas entièrement la position du mouvement : Kifāya entend s'opposer à un gouvernement accusé de népotisme, de corruption passive, de délaisser le secteur public, de ne pas maîtriser l'inflation tout en organisant la gabegie, mais aussi de recourir allègrement à la censure des media, d'employer facilement la torture, d'utiliser les troupes de police et des forces militaires à des fins autres que la seule sécurité de la population vis-à-vis des actions violentes de mouvements extrémistes se réclamant de l'ʼislām politique.

De plus, actuellement, Kifāya soupçonne Hosnī Mubārak de ne pas se satisfaire de ses cinq mandats (il a succédé à ʼAnwar as-Sadāt le 14 octobre1981), dont seul le dernier a été acquis lors d'un scrutin "modérément" multipartite (au standard ouest-européen), et de vouloir organiser un referendum qui lui donnerait toute liberté d'amender la constitution républicaine à sa guise, ce qui lui permettrait, essentiellement, de faciliter l'accession de son second fils, Gamal (actuellement secrétaire du Parti national démocratique, chargé de la stratégie politique), aux fonctions présidentielles, pavant ainsi la route pour « une démocratie dynastique », comme l'a écrit S. Mahfudī dans l'article cité plus haut.

Lors de l'élection présidentielle de septembre 2005, Kifāya avait appelé la population au boycott total du scrutin, accusant le gouvernement de mettre en place un système de fraude massive et de gêner l'élection par un état d'urgence toujours en vigueur.

Politique extérieure

Kifāya ne borne pas son expression à la politique interne ; ainsi, Israël se voit taxé de racisme sioniste, sans nuance aucune, dans un texte disponible sur Kefaya.org (en anglais et en arabe) à propos du conflit israélo-libanais de 2006, dont voici le premier paragraphe : « Le mouvement Kifāya appelle les peuples arabes à utiliser le pétrole comme moyen de pression — L'état sioniste raciste met en place une politique de génocide barbare organisé à l'encontre du Liban. Il a pour but de détruire l'esprit de résistance au Liban et dans la région et de ramener le Liban à des conditions similaires à celles du Moyen-âge, de la même manière que ce qui était prévisible lors de l'agression américaine contre l'Irāq. »

Alors que Hosnī Mubārak a adopté une attitude de neutralité vis-à-vis des États-Unis quant à la deuxième invasion de l'Irāq, Kifāya s'est montrée nettement moins réservée, partageant le sentiment largement répandu en Égypte que le président fait preuve de faiblesse, tant vis-à-vis de la politique américaine que de celle du gouvernement israélien.

La proposition de remodelage du Grand Moyen-Orient présentée par l'administration Bush lors du sommet du G8, en juin 2004, n'a été vue par Kifāya que comme une variante encore plus dangereuse d'un « Nouvel ordre mondial », réactualisée et nourrie de la théorie du Choc des civilisations, un sentiment partagé par la quasi-totalité des pays concernés, à l'exception des autorités israéliennes.

Mais tout ceci doit se comprendre dans un contexte de rejet systématique et viscéral de toute influence étrangère, du moins non-arabe. Nikita Khrushchyov l'avait vite compris, lorsque Naṣr s'est tourné vers l'Union soviétique pour s'armer et lancer ses grands travaux (comme à ʼAswān) après la Crise de Suez : les avions ne viendraient pas avec l'idéologie.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Article détaillé : Politique de l'Égypte.


Liens externes

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