Kaws (artiste)

Kaws (de son vrai nom Brian Donelly) est un artiste new yorkais né en 1974 à Jersey City. Issu de la scène graffiti, il a su concilier les références aux icônes de la culture pop (les Simpson, les Stroumpfs, Bob l'éponge), l'énergie frontale des peintres urbains (yeux en croix, crâne de pirate) et des moyens de production à grande échelle typiques du pop art. Ses personnages emblématiques (Chum, Accomplice, Companion) sont déclinés sous forme de jouets, de tee-shirts, de sérigraphies ou d'œuvres originales.

Détournements de publicité

Brian Donelly est diplômé de la School of Visual Arts en 1996. Il collabore quelque temps pour Disney, où il travaille en particulier sur les 101 Dalmatiens. Ce passage dans la vénérable maison est déterminant : on retrouvera le corps de Mickey sur les Companions, ainsi que les mains, typiques de Disney, sur plusieurs personnages. Quant à son style pictural, avec son trait très précis et ses couleurs en aplat, il rappelle clairement le style de Disney, ou tout au moins le monde de l’animation. Kaws commence sa carrière en graphant son nom en lettres géantes sur les murs et les affiches de New York. Il ajoute parfois un dessin qui devient sa signature: le skully, crâne de pirate dont les os en croix sont raccourcis de manière a former des sortes d'oreilles. Kaws va ensuite se distinguer des nombreux grapheurs new yorkais en détournant des affiches publicitaires. La légende veut que ce soit un autre grapheur, Barry Mcgee, qui lui ait donné une clé pour ouvrir les panneaux publicitaires des abris bus. Kaws récupère alors les affiches (Calvin Klein, DKNY, Diesel, etc), recouvre les visages de crânes, signe, puis les remet en place discrètement. Il développe aussi un autre personnage : le bendy, crâne prolongé d'un corps de serpent (ou de spermatozoïde ?), qui s'enroule autour du personnage central de l'affiche. Il s'agit bien ici d'un véritable kidnapping visuel où l'artiste phagocyte les icônes de la société de consommation. Les objets du désir imposés par les multinationales deviennent alors d'étranges figures, à la fois morbides (les crânes) et sexuelles (les "bendies" qui enserrent, voir transpercent les corps). Kaws intervient sur des publicités à New York, Londres, Tokyo et Paris. Sarah, de la boutique Colette, soutient activement son travail, et publie Kaws Exposed, un petit livre sur ces détournement de publicité ("ad disruptions").

Art toys et pop art

À Tokyo, Kaws édite son premier designer toy (aussi appelé art toys). Le Companion a un corps de Mickey, surmonté d'un crâne de pirate, les yeux en x. Le jouet est un succès immédiat auprès des collectionneurs. Il édite ensuite Chum : le même crâne est juché cette fois sur un corps qui rappelle celui du Bibendum de Michelin. À Tokyo toujours, il rencontre Nigo, le créateur de la marque A Bathing Ape. Nigo lui permettra de réaliser le packaging des Product paintings. Une première série de tableaux, tous de dimension 40x40 cm, détourne l'imagerie de Simpson (devenus les Kimpson). La seconde série peint en couleur vive sur fond noir les personnages Chum, Accomplice, et des héros détournés inspirés d'Astroboy ou d'Hello Kitty. Chaque tableau est présenté sous un emballage plastique, comme s'il était destiné à être vendu dans un supermarché. Avec ces deux séries, Kaws s'inscrit profondément dans la démarche pop art. Ce travail radical, et fondamental dans sa carrière, est regroupé dans le livre C10, qui reprend le packaging des œuvres. Parallèlement, Nigo l'aide à ouvrir Original Fake, une boutique qui s'inspire du Pop Shop de Keith Haring. Kaws va alors décliner ses personnages et dessins sous forme de tee-shirts, baskets, écharpes, etc. Ses art toys sont également vendus sur le site. Kaws produit toujours en série très limitée, et chaque objet devient rapidement épuisé. Les art toys, généralement fabriqués à 500 ou 1000 exemplaires, sont vendus en quelques heures. Kaws a aussi collaboré à divers marques dont A Bathing Ape, Comme Des Garçons, Marc Jacob, Vans, ou encore Nike, et a participé à la pochette de l'album 808s & Heartbreak du rappeur Kanye West. À partir de 2008, Kaws semble pris d'une frénésie productiviste et décline ses symboles sur des objets aussi futiles que des porte-clés, des cendriers et des tapis de bains!

Le Murakami américain ?

Lauréat du prix Pernod en 1998, Kaws a exposé à la galerie Parco à Tokyo et Elms Lester à Londres en 2001, à Vancouver en 2002, et lors de l'exposition collective itinérante Beautiful Losers en 2004. En dehors de ces exposition, il est resté discret, vendant directement ses œuvres à une poignée d'amis et d'admirateurs, dont Nigo et Pharrell Williams. C'est d'ailleurs Pharrell qui l'introduit dans le circuit de l'art contemporain institutionnel, et le présente à Emmanuel Perrotin, galeriste de Takaski Murakami et de toute la bande de Kaikai-Kiki. En septembre 2008 à Miami, Kaws montre Saturated, une exposition qui décline les figures de Bob L'éponge (rebaptisé Kawsbob) sur des toiles de grand format. Toutes les œuvres de l'exposition sont vendues dès le premier jour, tout comme celles présentées à la galerie Gering & Lopez en novembre 2008 à New York. L'exposition The Long Way Home, présentée à la galerie Honor Fraser à Los Angeles en février 2009, synthétise son travail, et lui permet franchir la barrière qui sépare les "street artists" des "fine art artists". Les références aux œuvres qui l'ont fait connaître sont bien présentes (Chums démesurés), de même que les détournements d'icônes pop (une pièce entière est consacrée aux Kurfs). Mais Kaws présente pour la première fois des toiles plus abstraites, sans référence à ses codes visuels habituels (skully, personnages aux yeux en xx). Son ambition est de donner une nouvelle autonomie à ses toiles, et il s'affirme comme un talentueux coloriste, capable de faire cohabiter le bleu électrique, l'orange flash, le rose pétant et jaune fluo.
Alors que le jour du vernissage, une queue de 200 mètres s'agglutine devant la galerie Honor Fraser, la presse ne manque pas de le comparer aux plus grands. Comme Keith Haring et son Pop Shop auparavant (ouvert sur les conseils d'Andy Warhol), Kaws joue aujourd'hui avec la limite entre art et artefact, entre œuvre d'art et produit. À la manière de Keith Haring toujours, il a développé un vocabulaire simple, quasi universel, capable de toucher le plus grand nombre. Comme Jeff Koons et Takashi Murakami, il se réapproprie de manière ironique des icônes de la culture populaire. Comme Murakami toujours, il utilise des moyens de production à grande échelle, et n'hésite à travailler pour des marques de luxe, questionnant, voir profitant de la frontière ténue entre amour de l'art et culte du consumérisme. Exécutées avec une précision technique quasi-maniaque, ses œuvres transcendent les barrières culturelles, comme en témoigne son succès aussi bien aux États-Unis qu'en Europe et en Asie. À la fois spontanées, ludiques, mais aussi inquiétantes, cyniques, voir morbides, les toiles et les sculptures de Kaws s'affirment comme un des exemples les plus fascinants du pop art contemporain.

Le bestiaire de Kaws: jouets pour adultes ou sculptures pop?

L’univers de Kaws est peuplés de personnages récurrents. S’inspirant d’icônes de la culture populaire, ils sont à la fois familiers et étranges, voir dérangeants. Existant à l’origine sous forme de croquis ou de dessins, ces personnages ce sont matérialisés en 3 dimensions grâce au fabricant Medicom. Produits en éditions limitées (généralement 500 ou 1 000), ces designers toys ou art toys sont considérés par certains comme des jouets pour adultes, par d’autres comme de véritables sculptures. Il faut aussi noter que Kaws a toujours porté une grande attention au packaging. Les figurines, qui s'échangent aujourd'hui sur Ebay jusqu’à dix fois leur prix d’origine, perdent beaucoup de leur valeur si elles sont vendues sans leur boîte.

• Companion (1999) : La démarches des "ad disruptions" est reprise en 3 dimensions: le corps de Mickey est "kidnappé", agrémenté d'une tête de pirate aux yeux en xx.
• Accomplice (2002) : Comme il l'a expliqué dans le magazine ANP Quarterly, Kaws souhaitait saper sa propre "street credibility". Il a donc créé un personnage le plus doux, et le plus ridicule possible : en l'occurrence, le Companion semble s'être glissé dans un costume de lapin!
• Chum (2002) : toujours la tête de pirate aux yeux en xx sur un corps qui rappelle cette fois le bonhomme Michelin.
• Bendy (2003) : la tête de pirate sur un corps de spermatozoïde.
• Companion 5 Years Later (2004) : le corps du personnage de 1999 évolue: il devient plus épais, les jambes plus droites.
• OF Dissected 5YL Companion (2006) : Un moitié verticale est celle du Companion 5YL, l'autre est celle du personnage disséqué, muscles et boyaux apparents.
• JPP (2008) : la mascotte de la police japonaise avec les yeux en xx

Bibliographie

• Kaws Exposed (Aro Space/Colette, 1999)
• Kaws One (Little More, 2001)
• Kaws : C10 (Neverstop, 2002)
• Kaws, by Monica Ramirez-Montagut (Skira Rizzoli, 2010)

Liens externes

• Kaws One
• Original Fake
• Galerie Gering & Lopez
• Galerie Honor Fraser
• Blog de Kaws

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