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Jean Allemane
Jean Allemane, né à Sauveterre-de-Comminges (Haute-Garonne) en 1843 et mort à Herblay (Seine-et-Oise) en 1935, était un syndicaliste et un homme politique socialiste français.
Sommaire
Typographe pionnier du syndicalisme
Originaire de Haute-Garonne, venu à Paris en 1853 avec ses parents qui y ouvrent un commerce de vins, puis embauché dans une imprimerie, Jean Allemane est emprisonné dès 1862, à 19 ans, pour avoir pris part à la première grève des ouvriers typographes de la capitale, ce mode d'action étant alors illégal[1]. Ce combat marque le réveil du mouvement ouvrier sous l'empire. Peu après, Allemane devient un des organisateurs de la chambre syndicale des typos parisiens.
Caporal de la Garde nationale parisienne en 1870, il participe, dès le début des évènements à la Commune de Paris durant lesquelles, officier fédéré, il combat notamment du 18 mars jusqu'à la « Semaine Sanglante » dans son arrondissement du Quartier Latin. Caché à Belleville mais rapidement dénoncé, arrêté, Allemane est condamné en 1872 aux travaux forcés à perpétuité pour être ensuite déporté en Nouvelle-Calédonie[2]. Il y subit des conditions de détention particulièrement difficiles, surtout après l'échec d’une tentative d'évasion en 1876 et, plus encore, du fait de ses positions tranchées. En 1878, il refuse ainsi - ce que ne feront pas tous les communards emprisonnés avec lui - de participer à la répression armée contre les insurgés canaques. Pour autant, comme tous ses compagnons, il est amnistié en 1879, ce qui lui permet de rentrer en métropole.
Leader ouvrier non marxiste
Typographe dans l'imprimerie de «l’Intransigeant», journal fondé en 1880 par Henri Rochefort qui y engage nombre d'anciens déportés, Allemane adhère ensuite au Parti Ouvrier, fondé la même année par Jules Guesde. Comme beaucoup de militants, il épouse ensuite par ses choix l'émiettement du mouvement ouvrier français en émergence. Il suit ainsi, avec Jean-Baptiste Clément, les « Possibilistes » de Paul Brousse lors du congrès de Saint-Étienne qui voit la rupture avec les guesdistes d’obédience marxiste[3]. À cet instant, Allemane incarne la lutte active contre le boulangisme (1886-1889), stratégie qui le rapproche du parti républicain alors au pouvoir, notamment dans la direction du journal qu'il fonde alors, le «Parti Ouvrier».
En 1890, lors du congrès de Châtellerault, Allemane, exclu du parti avec ses partisans, part ensuite fonder son propre mouvement, le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) qui préconise la grève générale comme moyen d'action révolutionnaire. Sur le plan syndical sinon politique, les "allemanistes" sont proches des anarchistes (antiparlementaristes, ils sont partisans de la grève générale et adeptes de l'action directe) mais dans les faits restent marqués par la recherche de l'unité du socialisme et un pragmatisme qui les pousse à accepter le jeu électoral "bourgeois" qui leur permet de représenter avantageusement les prolétaires[4].
De fait, en 1902, est fondé le Parti socialiste français (PSF), avec Jean Jaurès comme porte-parole, fusion des socialistes indépendants, de la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF) de Paul Brousse et du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) d'Allemane. En dépit de la méfiance de ses militants envers le carriérisme des parlementaires, le parti ouvrier envoie déjà des députés à l'Assemblée. Ces élus "allemanistes" sont soumis, non sans difficultés, à un contrôle très strict du parti[5]. Jean Allemane, dreyfusard déclaré, sera ainsi député de 1901 à 1902, puis encore de 1906 à 1910, pour le XI° arrondissement de Paris. Lors de ce deuxième mandat, il représente la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), dans laquelle s'est fondu le parti ouvrier en 1905.
Par ailleurs, Allemane reste attaché à sa profession, y compris lorsqu’il est élu à la Chambre. Fondateur d'une imprimerie socialiste, "la Productrice", il la transforme rapidement en coopérative ouvrière. Au sein du PSF, puis de la SFIO, il aura un rôle effacé sauf dans les années qui précèdent la guerre où il mène une opposition fractionnelle, marquée par l'action syndicale et l’antimilitarisme. Il publie, en 1910, ses «Mémoires d’un communard» qui sont moins une reconstitution historique – il y égratigne à peu près tous les leaders de la Commune et décrit plus le bagne que les évènements parisiens - qu’un discours militant mis au service de ses convictions politiques du moment.
Figure historique de la gauche française
Pour autant, comme beaucoup, au début du conflit mondial, en août 1914, il approuve la participation des partis ouvriers à la Défense Nationale. À l'issue de la guerre, Jean Allemane, au congrès de Tours, suit la majorité communiste dont la radicalité lui plait sans pour autant devenir membre du nouveau PCF. Ses positions politiques sont ensuite subtiles si on en juge par son rapprochement de militants socialistes (Alexandre Zévaès, Emile Tissier) qui soutiennent, autour de Gustave Hervé, le curieux socialisme national des années 1920-1930[6]. Franc-maçon actif, Jean Allemane fut initié à la Loge Les Rénovateurs de Clichy, loge du Grand Orient de France dont fut membre également Jean-Baptiste Clément (auteur de la chanson "Le Temps des cerises")[7]. Un des derniers survivants de la Commune, Allemane décède en 1935 à Herblay en Seine-et-Oise[8].
Personnage singulier, dans l'ombre de Jean Jaurès et de Jules Guesde, sans jamais atteindre la renommée et l'influence de ces deux leaders qui furent souvent ses rivaux, Jean Allemane incarne un mouvement syndical et politique original, non marxiste, qui a joué un rôle dans la genèse du mouvement socialiste français. Souvent critique, peu apte à la soumission, libre-penseur absolu[9], ce dirigeant ouvrier, authentique plébéien, a eu beaucoup de mal à adopter les points de vues dogmatiques qui structurent toute organisation partisane. Défendant avec ardeur la prise du pouvoir comme un but en soi, son mouvement en envisageait la mise en oeuvre par tous les moyens possibles. L'originalité de cette position en fait à la fois sa richesse et sa faiblesse. Ne refusant pas la coopération avec les partis bourgeois, voire même la participation au gouvernement pour faire avancer leurs idées ou - ainsi l'affaire boulangiste - conforter la République, les Allemanistes prônaient tout autant l’action directe et en premier lieu une grève générale, proprement révolutionnaire, qui ne vit jamais le jour en France en dépit de leurs efforts.
Œuvres
- Mémoires d'un communard, réédité en 2001.
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Le droit de grève sera reconnu deux ans plus tard, en 1864, par le pouvoir impérial.
- ↑ S’il est incontestablement un combattant de la Commune, il n'est pas pour autant un militant de premier plan. Gaston Da Costa dans son livre publié en 1905 cite Allemane comme un des nombreux insurgés condamnés parmi d'autres aux travaux forcés et déportés à l’ile Nou. Sous le numéro 4486, il indique : «Allemane, typographe, 29 ans. Perpétuité. Arrestation et tentative d'arrestation avec menaces de mort.» Le frère d'Allemane, François, est quant à lui déporté sur la presqu'île Ducos.
- ↑ Brousse préconise la participation active aux élections municipales, premier pas vers la conquête du pouvoir, abandonnant selon leur expression «le tout à la fois qui généralement aboutit au rien du tout». La première municipalité emportée par les socialistes à partir de cette stratégie sera Commentry, ville minière de l'Allier, gagnée en juin 1882.
- ↑ comme le dit alors le député "allemaniste" Toussaint, élu à Paris en 1893 dans le XI° arrondissement, dans sa profession de foi au nom du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire : "nous ne nous regardons pas seulement comme des représentants des circonscriptions qui nous ont élus, mais comme les représentants des travailleurs de toute la France. Ce que le parti ouvrier commandera de faire par la voix de ses congrès, de ses fédérations et de son secrétariat général, nous le ferons."
- ↑ En 1896, le député de Paris Dejeante (XX° arrondissement, la Seine compte alors 15 députés issus du POSR sur 45 sièges, point haut électoral jamais retrouvé) rompt avec le "parti allemaniste". Ce dernier ayant voulu lui imposer une retenue de 5000 francs sur ses émoluments, il démissionne puis se fait réélire sous une autre étiquette.
- ↑ Hervé (1871-1944), fondateur du Francisme, passera du début à la fin de la vie de l'antipatriotisme d'extrême-gauche au pétainisme d'extrême-droite.
- ↑ Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maçonnerie, Paris : Presses universitaires de France, 3e édition, 1991, p. 37.
- ↑ Un neveu, Gaston Allemane (1903-1989) sera député SFIO lors du Front Populaire.
- ↑ Jean Allemane avec Paul Brousse, Ferdinand Buisson, Marcel Sembat ou Gustave Hervé, participe en septembre 1905 au palais du Trocadéro au Congrès international de la Libre Pensée
Liens et documents externes
- Site consacré à Jean Allemane
- Jean Allemane sur pelloutier.net
- « Jean Allemane », dans Adolphe Robert, Edgar Bourloton et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français (1789-1891), XIXe siècle [détail de l’édition] (Wikisource)
Bibliographie
- Bigorgne Didier, L’Allemanisme 1890-1905, Mémoire de DEA, Reims, 1990.
- Siân Reynolds, La vie de Jean Allemane (1843-1935), Paris, Université Paris 7, 1981 (Thèse de Doctorat de 3e cycle d'histoire) .
- Bigorgne D., Les allemanistes (1882-1905). Itinéraires, place et rôle dans le mouvement socialiste français, Université Paris 13, 2001 (Thèse d'histoire).
- Winock M., "La naissance du parti allemaniste (1890-1891)", in Le Mouvement social, n° 75, avril-juin 1971.
- Siân Reynolds, « Allemane, the Allemanists and Le Parti Ouvrier : the problems of a socialist newspaper 1888-1900 », European history quarterly, vol. 15, 1985, pp. 43-70.
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