Intertidale

Intertidale

Estran

Estran à marée basse dans les Côtes-d'Armor, en France.

L'estran, aussi appelé batture au Québec, est la partie du littoral située entre les niveaux connus des plus hautes et des plus basses mers. On utilise aussi pour le désigner le terme « zone de marnage » ou l'anglicisme « zone intertidale » (de l'anglais tidal signifiant « relatif à la marée ») ; en termes administratifs et juridiques, on emploie aussi l'expression "zone de balancement des marées".

Historiquement, le mot estran signifie « délaissé sableux de la mer ». Il est attesté sous la forme estrande dans un texte normand au XIIe siècle et a déja plus ou moins le sens qu'on lui connaît aujourd'hui, il est probablement issu de l'anglais strand jadis « plage ». Le terme picard stranghe, estranc XVIIe siècle puis estran même siècle est, avec le terme normand, la source du mot français, mais de manière directe. Il s'agit d'un emprunt au moyen néerlandais strang au sens de « grève ».

L'estran est donc recouvert, au moins en partie, lors des pleines mers, et découvert lors des basses mers. La durée d'exondation (le retrait de la mer) des différentes parties de l'estran (importante pour l'installation des organismes inféodés à ce biotope) dépend de leurs emplacements par rapport au niveau moyen de la mer et du nombre de marées par jour (deux sur les côtes atlantiques de la France, mais une seule dans certaines régions du globe).

Sommaire

Précisions

Le terme générique d'estran caractérise des faciès géomorphologiques très différents qui se traduisent par l'installation de populations végétales et animales n'ayant que peu de points communs entre elles. En considérant les côtes bordant des mers présentant des marées importantes, il est aisé d'observer trois systèmes principaux :

  • les côtes rocheuses ;
  • les plages, qu'elles soient de sable ou de galets, correspondant à des zones d'accumulation (parfois d'érosion) de sédiments ;
  • les zones estuariennes, où les apports terrigènes sont plus ou moins importants, se déposant sous forme de boues ; dans les régions tropicales et équatoriales, où les fleuves ont des débits hors du commun, avec des apports terrigènes considérables, ces zones donnent naissance aux mangroves.

Structuration verticale

Cette structuration en « étages » est la conséquence des périodes plus ou moins longues d'exondation de l'estran en fonction du positionnement du lieu étudié. Plusieurs facteurs interviennent :

  1. l'humidité : celle-ci peut provenir de l'eau de mer ou de la pluie ;
  2. la température : un estran subit de grandes variations de température quand il est exondé (gel en hiver, fortes températures en été) ; par contre les variations de température sont faibles quand il est immergé ;
  3. la lumière : les flux lumineux sont assez vite arrêtés par les couches d'eau.

Les organismes inféodés aux estrans jouent un rôle dans leur structuration. De ce fait, nous aurons des faciès très différents en fonction du substrat :

  • un substrat dur (côtes rocheuses) permettra l'installation d'algues qui pourront servir de nourriture à certains animaux ; les irrégularités de ce même substrat ainsi que les algues présentes leurs fourniront aussi des abris de choix ;
  • un substrat mou ne permettra que très difficilement la fixation d'algues ou de plantes ; les animaux seront plus rares et le plus souvent en position endogée.

Enfin, l'exposition de l'estran à l'action de la mer ne sera pas anodine. Une côte ouverte recevant la houle du large sans que celle-ci ne rencontre d'obstacle n'aura pas la même structure qu'une côte abritée.

Sur une côte rocheuse quatre grands étages peuvent être définis :

  • L'étage supralittoral ou zone des embruns, zone située au-dessus du niveau moyen des hautes mers de vive-eau, qui est éclaboussée facilement par les embruns, donc lessivée assez violemment par de l'eau salée, et, qui n'est immergée que rarement lors des grandes marées de vive-eau (marées d'équinoxe) ou lors de certaines tempêtes. Cet étage fait la transition avec la frange terrestre.
  • L'étage médiolittoral ou zone normale de balancement des marées où il y a alternance d'immersion et d'émersion; cet étage est délimité vers le haut par le niveau moyen des hautes mers de vive-eau et vers le bas par le niveau moyen des basses mer de vive-eau. Il est caractérisé par la présence des algues brunes de la famille des fucales.
  • L'étage infralittoral émergé lors des marées de vive-eau. Il était défini autrefois comme la zone côtière de bas niveau où il y avait assez de lumière pour que les algues puissent se développer; elle descendait en fonction de la côte et de la mer à -10, -30 m, avec une partie émergée et une autre immergée. C'est l'étage caractérisé par la présence des laminaires (algues brunes) et celle des algues rouges.
  • L'étage circalittoral (aussi appelé étage sublittoral), dénomination scientifique actuelle, correspondant à la partie de l'étage infralittoral qui n'est jamais émergée. Ce n'est pas une zone inconnue du pêcheur à pied car la flore et la faune inféodées à cet étage peut être observées (phénomène des remontées d'espèces) dans les vasques souvent présentes sur les côtes rocheuses.

Sur un estran sédimentaire la structuration verticale des plages est beaucoup moins nette. Cependant, si la plage (quelle soit sableuse ou de galets) va jusqu'à la frange terrestre il est possible de distinguer la limite entre le médiolittoral et le supralittoral car ce dernier étage est le plus souvent constitué de systèmes dunaires. Si ces plages aboutissent à une falaise ou à un ensemble rocheux, on se retrouve dans la situation des estrans rocheux, et l'étage supralittoral correspond aux zones recouvertes de lichens.

La limite entre le médiolittoral et l'infralittoral est beaucoup plus délicate à observer. En général les sédiments de l'infralittoral sont beaucoup plus fins et beaucoup plus imbibés d'eau. Toutefois, il existe souvent des blocs en place et ceux-ci, par les algues qui les recouvrent, permettent de se repérer.

Dans les estuaires tout dépend de la quantité d'apports terrigènes déversés par les cours d'eau et des flux de ces derniers. Le supralittoral correspond au schorre; il s'agit de banquettes de vases compactées plus ou moins sableuses qui ne se trouvent immergées qu'aux plus fortes marées. Ces banquettes sont recouvertes de plantes vasculaires et l'homme les a souvent récupérées pour l'élévage des animaux dits de prés salés; il ne faut pas oublier que ces prés sont recouverts d'eau de mer à chaque grande marée d'équinoxe. Le schorre se trouve plus ou moins découpé par des chenaux dont la partie basale est formée de vases plus ou moins fluides en fonction des sables qui y sont mélangés; c'est la slikke qui occupe tout le médiolittoral de chaque côté du cours d'eau quand la rivière qui aboutit à la mer a un faible débit, l'infralittoral correspondant alors à un milieu moins vaseux. Si la rivière a un fort débit, la slikke des berges du cours d'eau occupe médio- et infra-littoral. Comme la slikke est un milieu labile (à chaque marée la couche superficielle de l'ensemble est plus ou moins remaniée) l'observateur n'observe qu'une vase nue.

Écologie

L'estran étant alternativement recouvert par la mer et exposé à l'air, il est propice à un écosystème spécifique, adapté à la fois aux conditions maritimes et aériennes, capable de résister aux vagues et à la marée. La faune typique inclut des anémones de mer, des coquillages (moules, berniques, etc.), des étoiles de mer, des crabes, etc. La flore comprend des espèces d'algues qui se répartissent sur l'estran en fonction de leur mode de vie et de la nature du substrat. En milieu tropical, les marais à mangroves peuvent occuper la zone de l'estran.

La forte productivité phytoplanctonique induit une biomasse importante des invertébrés le benthos,qui confère a l'estran une place essentielle dans le réseau trophique et exerce une influence les écosystèmes marin. La productivité du milieu est souvent attestée par la présence d’une avifaune quantitativement et qualitativement de grand intérêt comme dans l'exemple de la baie de Saint-Brieuc

Cartographie

Le niveau correspondant à la limite basse de l'estran (laisse de basse mer) sert généralement d'altitude de référence pour les cartes marines (ou zéro hydrographique), à la différence des cartes terrestres qui utilisent le niveau de la mer comme référence. En revanche, tous les organismes cartographiques ne considèrent pas la même partie basse : en France par exemple, l'altitude prise en compte est le niveau des plus basses mers (coefficient de marée de 120), tandis que certaines cartes britanniques se réfèrent au niveau des basses mers moyennes de vives-eaux (coefficient de marée de 95).

Considérations juridiques

Tout comme la partie sèche du littoral, la propriété et l'utilisation de l'estran peut donner lieu à des controverses légales et politiques :

  • En Nouvelle-Zélande, plusieurs groupes māori ont revendiqué leurs droits sur l'estran (et le plancher océanique) sur des bases historiques. Le Foreshore and Seabed Act, qui fut voté en 2004, établit spécifiquement la propriété de l'État sur ces zones. La controverse se poursuit toujours actuellement ([1] et [2]).
  • Aux États-Unis, pour les plages privées, certains États comme le Massachusetts utilisent le bas de l'estran pour séparer la propriété privée de la propriété de l'État. D'autres État comme la Californie prennent en considération le haut de l'estran.
  • En France, l’estran appartient au domaine public de l'État (domaine public maritime, DPM, ce domaine a été étendu à l’intérieur des terres par la Loi littoral, sur une largeur de 100 mètres pour les parties non déjà occupées par l’urbanisation ou des constructions permanentes des domaines privés, et parfois jusqu’à 200 mètres dans les zones naturelles l’État), au même titre depuis 1963 que le fond et le sous-sol de la mer territoriale. Ce domaine public peut être concédé (autorisation d'occupation temporaire, concession d'utilisation) pour des usages privés (conchyliculture, mouillage, câbles...), mais pour des durées limitées ; ces concessions n'entraînent pas de transfert de propriété de l'estran et peuvent faire l’objet de redevances annuelles dues à l’État pour cette occupation. Dans ce domaine public, aucune construction même saisonnière ne peut se faire sans autorisation préalable par un service de l’État au-delà d’une utilisation supérieure à la journée, et cette occupation impose la protection des lieux, le respect de l’environnement (propreté) et la restauration des lieux (de plus certaines utilisations non construites peuvent être interdites par arrêté préfectoral telles que le campement, l’allumage de feux, la pêche ou la chasse, la cueillette ou les plantations, le creusement du sous-sol, la prospection et le pompage des eaux, l’usage de certains véhicules motorisés ou non, l’accès par des animaux domestiques ou le traitement des sols).

Voir aussi

Articles connexes

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