- Insurrection malgache de 1947
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L'insurrection malgache de 1947 est une insurrection qui eut lieu en 1947 et 1948 sur l'île de Madagascar, alors colonie française. Elle est souvent considérée comme l'un des signes avant-coureurs de la décolonisation en Afrique francophone.
Le soulèvement fut suivi d'une terrible répression conduite par l'armée française qui fit plusieurs milliers de morts. Le nombre de victimes de cette répression fait encore débat parmi les historiens, le chiffre variant de 11 000[1] à 90 000[2] morts[3]et fait considérer ces évènements comme les plus sombres de l'histoire coloniale française.
Cette insurrection est commémorée par un jour férié à Madagascar chaque 29 mars depuis 1967[4],[5].
Sommaire
L'insurrection
L'insurrection éclate à la suite de réquisitions durant la Seconde Guerre mondiale. La lutte pour l'indépendance est active à travers le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) et des sociétés secrètes de libération. Elle débute dans le quart sud de l'île[6] et sur la côte-sud-est. Elle s'étend jusqu'à la région de Tananarive dans le centre et à toute la région des hautes terres, de Fianarantsoa au lac Alaotra, au nord de Tananarive en avril 1947[6]. Les insurgés initialement au nombre de 2000 voient rapidement leur nombre augmenter. Les paysans du sud de l'île les rejoignent. Les insurgés s'en prennent aux Français mais aussi aux Malgaches travaillant pour l'administration coloniale[6]. Ainsi environ 1900 partisans du PADESM sont tués[6].
La répression
Les troupes françaises sont environ 8 000 dans l'île au début de l'insurrection. En un an, le contingent est porté à 18 000 hommes[6]. L'insurrection recule dès mai 1947 devant l'armée française. La répression est telle que certains historiens la qualifie de guerre coloniale[6]. Les massacres sont nombreux, touchant largement la population civile dont les femmes et les enfants[6]. Un haut fonctionnaire évoque un « Oradour malgache » à propos du massacre commis dans le village de Moramanga.
Les troupes coloniales, renforcées notamment par des tirailleurs sénégalais, mettent un an pour venir à bout de la guérilla. Des élus du MDRM, parti pourtant hostile à l'insurrection, députés malgaches à l'Assemblée nationale, Joseph Ravoahangy[7] et Joseph Raseta[8] sont arrêtés, déchus de leur immunité parlementaire et condamnés à mort. Peine commuée par la suite en prison à vie.
L'ordre colonial règne de nouveau à Madagascar. En janvier 1951, François Mitterrand, alors ministre de la France d'outre-mer indique dans un discours que l'« avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la république française[6] ». Madagascar n'accède à l'indépendance qu'après la fin de IVe république et la création de la Communauté française en 1960.
Nombre de victimes
L'évaluation officielle des victimes de la "pacification" continue à faire débat. Une mission d'information de l'Assemblée de l'Union française fin 1948 établit un premier bilan à 89 000 morts[6] (plus de 2% de la population malgache de l'époque). Ce bilan sera ensuite révisé à la baisse et fixé "officiellement" par le pouvoir colonial en 1950 à 11 342 morts[6]. Mais à l'époque, personne ne remet en question la terrible violence de la répression infligée par l'armée française au peuple malgache. Certains analystes malgaches et étrangers avancent le chiffre de 100 à 200 000 morts[9]. Pour l'historien Jean Fremigacci, de tels chiffres sont loin de la réalité : « Il a pu y avoir jusqu’à 40 000 morts à Madagascar en 1947-1948. Mais plus des trois-quarts sont imputables à la maladie et à la malnutrition qui ont frappé des populations en fuite, le plus souvent sous la contrainte des insurgés[10]. »
Ce nombre de victimes comprend un grande majorité de Malgaches, tués lors des affrontements, fusillés avec ou sans procès, morts dans les camps d'internement, d'épuisement ou de faim, dont beaucoup de femmes et d'enfants, après avoir fui leur village pour se réfugier en forêt[9]. Parmi ces morts malgaches, quelques milliers ont été tués par les insurgés[9], faisant partie des forces de l'ordre ou de l'administration coloniale. Plusieurs centaines de tirailleurs sénégalais périrent aussi, souvent envoyés en première ligne, ainsi que des colons français[9].
Notes et références
- Un rapport de 1952 faisait état de « 5 126 rebelles tués et 5 390 civils morts de faim et de froid dans la forêt », cf. « Comptes rendus », Guerres mondiales et conflits contemporains 3/2002 (n° 207), p. 139-147. [lire en ligne]
- http://www.prs12.com/spip.php?article2665
- pdf insurrection de Madagascar
- Questions à Jean Roland Randriamaro, Docteur en histoire
- Écrire l'histoire de l'Afrique autrement, Cahier n°22, Séverine Awenengo, Pascale Barthelemy, Charles Tshimanga - Collectif, L'Harmattan, septembre 2004.
- "Madagascar fiche 55, L'insurrection", p207, 100 fiches d'histoire du XXe siècle par Caroline Bégaud, Eric Lafon, Tramor Quemeneur, Laure Pitt, éditions Bréal, 2004, (ISBN 9782749503417).
- biographie sur www.assemblee-nationale.fr
- biographie sur www.assemblee-nationale.fr
- Conflits de Mémoire par Véronique Bonnet, Karthala éditions, 2004, (ISBN 9782845865341).
- L'anticolonialisme (cinquante ans après) », Afrique & histoire 1/2003 (Vol. 1), p. 245-267. [lire en ligne] «
Voir aussi
Bibliographie
- Jacques Tronchon, L'Insurrection malgache de 1947, Éditions Karthala, Paris, 1986.
- Omaly Sy Anio, « Un deuxième 1947 en 1957 ? Les prolongements du soulèvement dans la mémoire et dans le contact avec les administrés », in Revue d'études historiques, n°41-44, Université de Tananarive, 1995-1996.
- Jean Fremigacci, « La vérité sur la grande révolte de Madagascar », in L'Histoire, n° 318, mars 2007.
- Eugène-Jean Duval, La révolte des sagaies. Madagascar, 1947, L’Harmattan, 2002.
- Jean-Luc Raharimanana, Madagascar, 1947, Vents d'ailleurs, 2007.
Articles connexes
Liens externes
- Jean Fremigacci, « 1947 : l'insurrection à Madagascar », Marianne, n° 401, du 25 au 31 décembre 2004.
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