- Insultante
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Insulte
Le premier texte en français mentionnant des insultes qui nous soit parvenu est La Chanson de Roland au XIe siècle et sont adressées aux Sarrasins.
Cet article propose une approche transdisciplinaire de la notion abordée. Il concerne également la notion d'outrage.
Bien qu'il figure dans la catégorie linguistique, il sera fait référence à des concepts issus des sciences psycho-sociales et de la psychanalyse, tout en interrogeant les pratiques de la vie quotidienne.
Se situant par nature du côté de la transgression, l'insulte, considérée comme « hors normes » du langage correct, fait l'objet de peu d'études. C'est précisément sa nature hors norme qui lui donne le pouvoir particulier de déclencher de très fortes émotions chez l'insulté. Plus l'insulte est laissée dans « l'impensé », plus son irruption se présente avec violence et fait effraction chez celui qui la reçoit au point de lui laisser comme seule réponse possible un passage à l'acte dangereux. C'est pour cela qu'elle est différente de la critique ("Espèce de maladroit !").
Des notions connexes sont celles de blasphème, qui interroge le rapport au sacré dans un groupe humain, et de juron dans lequel l'expression « hors normes » est utilisée de manière interjective.
Sommaire
Étymologie et champ sémantique de la notion
Insulte n. f. apparaît d'abord sous la forme insult, (1380) au sens de "soulèvement, sédition", sans doute emprunté au latin médiéval insultus, "assault, attaque" (avant 1125) (du latin insultare: sauter sur, dans, contre)--¹-- désigne l'action d'offenser, blesser oralement intentionnellement ou accidentellement. Aujourd'hui le terme est couramment employé au sens d'acte ou de parole qui vise à outrager, ou qui constitue un outrage. Les notions connexes sont celles d'injure, d'offense, de blasphème, de sacrilège, d'invective, de sacre au Québec.
L'insulte comme contre-valeur et atteinte à l'identité
L’insulte exprime toujours le contraire d’une valeur, l’insulte, quand elle est intentionnelle, est négation de ce qui compte aux yeux de celui qui la profère.
L'insulte comme transgression première
Pour envisager l'insulte comme transgression première, il faut se référer à la notion connexe d'injure : où juris renvoie au droit et à sa violation dans l'injure. C'est donc une atteinte à la loi. Quelle loi ? Celle du langage juste, celui que toute mère apprend à son enfant. En lui interdisant les "gros mots". Avant même de viser l'autre dans la relation interpersonnelle pour devenir insulte et donc "assaut", attaque, l'enfant expérimentera le plaisir de la transgression du langage "propre" en osant dire "merde". Ce mot là intervient après le "caca" qui était un stade perçu comme normal par les parents. C'est plus tard, vers quatre ou cinq ans que l'enfant va découvrir le pouvoir particulier procuré par l'usage de ce type de mots. En fait, l'injure n'est sans doute pas le terme exact ici, car l'injure s'adresse bien à quelqu'un qu'on injurie, un petit autre ou un grand Autre (le langage, les dieux, la norme sociale). Mais quand on se cogne dans une porte et qu'on dit "bordel de dieu !" on jure plus qu'on injure et la notion correcte serait celle de juron. L'enfant de quatre ans qui joue seul dans sa chambre avec ses jouets dira "merde" et "bordel" à son jeu de construction soit 1) pour le plaisir de transgresser la norme édictée par la mère comme "grand Autre" du langage. 2) soit tout simplement pour décharger son agressivité à travers l'usage de mots interdits. Il n'est pas impossible que l'auteur de cet article, en citant certains mots interdits sous prétexte d'illustrer un propos savant sur l'insulte se situe dans ce plaisir de transgresser en rendant ses lecteurs complices. Evelyne Larguèche, propose la théorisation suivante de l'injure : La scène de l'injure : un injurieur, celui qui dit l'injure ; un injuriaire, celui à qui s'adresse l'injure mais qui n'est pas nécessairement l'objet de l'injure, et un injurié qui joue office de "référent". Elle parle dans ce cas d'injure référentielle". Lorsque injuriaire et injurié sont la même personne, elle nomme cette situation injure interpellative. Elle propose ensuite une catégorisation selon les effets visés par l'injurieur qu'elle classe en deux catégories : - Les injures qui visent à blesser l'injurié et celles qui visent à choquer l'injurié et/ou les témoins de la scène de l'injure. Elle insiste ensuite sur les places sociales occupées par les protagonistes, jeux de places qui rendront possibles ou impossible toute répartie pour l'injurié selon que la relation est paritaire ou fortement hiérarchique.
L'insulte comme outil de construction identitaire
a) Attaque à l'identité
L'identité, c'est le paradoxe de l'idem et de l'ipse : être identique (à un groupe) et ipse : être singulier, autrement dit, se distinguer du groupe. L'insulte joue surtout sur le registre de l'idem pour attaquer l'ipse : "tu n'es pas comme nous. Gros débile ! Tu es différent, sale blanc, sale nègre, sale juif, sale arabe, sale français, chien d'infidèle, sale goye, sale travelo..." Dans ces exemples, le locuteur de l'insulte confirme son appartenance au "bon" groupe en mettant à distance le groupe de l'autre perçu comme "mauvais objet" au sens de la psychanalyste Melanie Klein .
b) Attaque à l'estime de soi L'insulte est une contre valeur, elle vise l'identité du destinataire. L'identité et plus spécifiquement l'estime de soi, se fonde sur les sentiments de valeur et de compétence personnelles. Une des premières insultes dans la bouche de l'enfant : "c'est nul, il est nul celui-là" nul = sans valeur. Puis viennent les "débiles!" et autres "con !" "fada !" "gogol !" (ou "épais", "niaiseux" au Québec) a sur la cour de récréation. On est à l'école, et la compétence, c'est l'intelligence mais aussi la conformité aux normes groupales d'où tout un registre d'insultes spacialement situées et désignant le lieu où l'on enferme les "hors normes" privés de raison : "On va te mettre à Saint Anne", à Charenton où tout autre hôpital psychiatrique selon le secteur où vivent les protagonistes.
L'insulte comme danger de "proférance identitaire"
Proférer, c'est faire exister quelque chose par un "acte de langage". Pour John Langshaw Austin, théoricien du langage, "dire c'est faire", c'est agir sur la réalité par les mots qu'on emploie. Un exemple classique de proférance ou d'énoncé performatif se trouve dans la phrase du maire qui dit : " Je vous déclare unis par les liens du mariage ". Cette phrase ne constate pas des faits, elle fait advenir une réalité : le couple marié. L'insulte conçue comme énoncé performatif porterait donc le risque de faire exister l'insulté selon la catégorie utilisée par l'insulteur. Plus l'insulté est "pris dans le langage" au sens lacanien : il est dans le langage sans avoir conscience qu'il est dans le langage, plus le risque de s'aliéner dans la parole de l'autre est grand. (voir le Schéma L).
Des situations propices à l'insulte
La situation la plus propice à l'insulte est, selon la loi du talion, lorsque l'on nous insulte.
De plus, en société, il est parfois bien vu d'insulter une personne mal aimée afin de se faire apprécier des autres convives. L'insulte devient alors un instrument d'ascension sociale.
L'insulte dans le droit
En droit français, l'insulte fait l'objet de sanctions pénales lorsqu'elle est commise contre une personne chargée d'une mission de service public. On parle alors d'« outrage ». Il ne concerne que des insultes commises de manière non publique. Une insulte publique est une infraction de presse. Voir l'article injure en section droit.
Insulte rituelle
C'est une joute verbale dans laquelle on s'insulte de manière caricaturale. Le gagnant est celui qui aurait été le plus imaginatif, original et constructif. Les insultes sont tellement amplifiées qu'elles ne peuvent être prises personnellement. Celui ayant reçu le plus d'applaudissement est désigné comme gagnant.[1]
Insultes couramment employées
Les insultes sont souvent accompagnées d'adjectifs tels que vieux... jeune... sale... gros...
Elles peuvent appartenir au caractère sexuel ou raciste. Leur emploi oral ou écrit est puni par la loi de juillet 1881.Bibliographie
- Alain Cabantous, Histoire du blasphème en Occident, ISBN 2226104682,
- Arthur Schopenhauer, L'art de l'insulte, ISBN 2020562553,
- Rosier Laurence, Petit traité d'insulte, ISBN 2804024628,
- Thomas Bouchet, L'Insulte (en) politique : Europe et Amérique latine du XIXe siècle à nos jours, ISBN 291555224X,
- Nicolas Ruwet, Grammaire des insultes et autres études, ISBN : 2020060507,
- Évelyne Larguèche, L'effet injure, PUF, 1983,
bibliographie internationale en ligne sur : http://www.llsh.univ-savoie.fr:8080/llsh/03/labos/lls/equipes/langages/equipe-projet_2/a (après les présentations, à la fin du document)
Voir aussi
- Injure
- Juron
- Morale
- Éthique
- Blasphème
- Sacrilège
- Interactionnisme symbolique
- Liste des insultes du capitaine Haddock
- Enculé de ta race
- Sacres
Liens externes
- Insulte en politique : Tout sur l’assaut verbal et l'insulte (en) politique, en Europe et ailleurs, du XIXème à nos jours.
- Site communautaire d'insultes
Notes et références
Notes
¹Dictionnaire historique de la langue française, dir. Alain Rey,
- Portail du droit français
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