Algebra

Algebra

Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison

Première page du Kitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala

L'Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison[1] (Kitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala) est un livre historique de mathématiques écrit en arabe entre 813 et 833 par le mathématicien musulman Al-Khawarizmi. Dans cet ouvrage, Al-Khawarizmi pose les fondations de l'algèbre en étant le premier à étudier systématiquement la résolution des équations du premier et du second degré. Les successeurs d'Al-Khwarizmi ont perpétué et amplifié son œuvre dans d'autres ouvrages qui portaient souvent le même titre.

Sommaire

Contexte

Sous le règne d'Al-Ma’mūn (813-833), l'Empire abbasside est à son apogée. Le Calife demande à Al-Khawarizmi, un savant renommé travaillant à la Maison de la sagesse de Bagdad, de faire le point sur les méthodes mathématiques utiles à la gestion de cet immense État qui s'étend de l'Asie centrale aux Pyrénées.

Contenu

Dans ce traité, Al-Khwarizmi est le premier à étudier systématiquement des groupes d'équations.

Il traite de la résolution complète des équations du premier et du second degré, qui peuvent être écrite sous la forme moderne

ax2 + bx + c = 0,

avec a, b et c trois nombres quelconques, a étant éventuellement nul. Il considère trois types de nombres : les nombres (que nous appellerions des constantes, notés c ci-dessus) qu'il désigne du nom de l'unité monétaire dirham, les racines (nombres solutions, le mot racine signifiant « ce qui est caché » et qu'il faut mettre à jour, que nous noterons x) et les carrés des racines (donc x2). Les notations modernes sont introduites dans cet article pour en faciliter la lecture par un lecteur contemporain, le Livre sur la science de la transposition et de la réduction ne contenait aucune notation de ce type (qui n'avait pas encore été inventée), les opérations étant toutes décrites par des phrases.

Cependant, les mathématiciens arabes de l'époque ne connaissaient pas les nombres négatifs, ce qui le conduit à distinguer six cas dans lesquels les paramètres a, b et c sont tous positifs :

  1. les carrés égalent les racines : ax2 = bx ;
  2. les carrés égalent les nombres : ax2 = c ;
  3. les racines égalent les nombres : bx = c ;
  4. les carrés et les racines égalent les nombres : ax2 + bx = c ;
  5. les carrés et les nombres égalent les racines : ax2 + c = bx ;
  6. les racines et les nombres égalent les carrés : bx + c = ax2.

Toute équation du premier ou du second degré peut se ramener à l'un des six cas donnés ci-dessus avec des coefficients positifs. Pour cela, Al-Khwarizmi utilise les deux techniques qui ont donné leur nom au livre : al-jabr et al-muqabala. En français moderne al-jabr et al-muqabala sont deux aspects de ce qu'on appelle transposition[2].

Al-jabr

Al-jabr signifie réduction, au sens de « réduction d'une fracture »[3], sa transcription en latin a donné algebra puis algèbre. L'al-jabr consiste à réduire l'équation en éliminant les soustractions par addition de termes dans les deux membres. En termes modernes, cela revient à obtenir une équation à coefficients tous positifs.

Exemple  :

x2 = 40x − 4x2 est transformé, par al-jabr, en x2 + 4x2 = 40x, puis 5x2 = 40x.

En effet, Al-Khawarizmi nomme les termes soustraits (comme 4x2 dans l'exemple précédent) : nâqis, « terme enlevé ». Le même mot est employé pour désigner le membre manquant d'un amputé[4]. Al-jabr consiste donc à restaurer ce qui est manquant dans une équation.

Al-muqabala

Éliminer les soustractions par al-jabr ne suffit pas pour obtenir un des six cas canoniques.

Exemple  :

x2 + 5 = 40x + 4x2 contient des carrés dans les deux membres, chaque membre est pourtant une somme.

Al-muqabala consiste à soustraire une quantité afin que des quantités de même type (dirham, racine ou carré) ne puissent se trouver à la fois dans les deux membres de l'équation.

Exemple  :

Dans x2 + 5 = 40x + 4x2 on soustrait x2 pour obtenir 5 = 40x + 3x2.

Le problème de la traduction

Page d'une traduction en latin, commençant par Dixit Algoritmi (Cambridge, University Library, Ii. 6.5.)

Une seule copie en arabe a été conservée. Elle se trouve à l'Université d'Oxford et est datée de 1361[5]. En 1831, Frederic Rosen a publié une traduction en anglais basée à partir de ce manuscrit. Dans sa préface, il remarque que l'écriture est « simple et lisible », mais que les signes diacritiques de l'alphabet arabe ont été omis, ce qui rend la compréhension de certains passages difficiles.[6].

La totale nouveauté des concepts étudiés dans ce livre peut se mesurer à la difficulté à traduire son titre. Le dictionnaire Trésor de la langue française informatisé donne « science des restitutions et des comparaisons » tout en affirmant que al-jabr signifie réduction[7]. Quant à Dahan-Dalmédico et Pfeiffer, elles se contentent d'un « précis sur le calcul de al-jabr et al-muqabala »[8].

Les héritiers

Sources et références

Bibliographie

  • Ahmed Djebbar, L'algèbre arabe, genèse d'un art, Vuibert/Adapt, 2005, 214 p. (ISBN 2711753816).
    Tour d'horizon de l'algèbre arabe, des origines au XVe siècle.
     

Éditions critiques

  • Jean-Pierre Levet, Robert de Chester. Algèbre d’Al-Khwarismi. Traductions et commentaires (depuis le latin), IREM de Poitiers, coll. « Cahiers d’histoire des mathématiques et d’épistémologie », 1997 .
  • Louis Charles Karpinski, Robert of Chester's latin translation of the Algebra ok al-Khowarizmi, The MacMillan Company, New York, 1915.
    Texte de la traduction en latin de Robert de Chester, lui-même traduit en anglais, avec introduction et notes par Louis Charles Karpinski.
     
  • Frederic Rosen, The Algebra of Mohamed ben Musa, Londres, 1831..
    Copie et traduction commentée en anglais du texte arabe.
     

Liens externes

Notes

  1. Titre admis par « la plupart des spécialistes » d'après A. Djebbar (cf. vidéo citée en lien externe) par exemple l'IREM.
  2. Dictionnaire Littré en ligne.
  3. Le terme àlgebra a été conservé en ce sens en espagnol comme l'indique le dictionnaire de l'Académie royale espagnole.
  4. Rodet, Léon (1850-1895). L'algèbre d'Al-Khârizmi et les méthodes indienne et grecque, p.32
  5. D’Al Khwarizmi à Cardan, les débuts de l’Algèbre, Gérard Hamon, IREM de Rennes, 2006.
  6. Frederic Rosen 1831
  7. Trésor de la langue française informatisé article "algèbre", partie étymologie.
  8. Amy Dahan-Dalmedico, Jeanne Peiffer, Une Histoire des mathématiques - Routes et dédales, Seuil, coll. « Points Sciences », 1986 (ISBN 2020092380) [détail des éditions], p. 84.
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