- Histoire de l'alphabet arabe
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Article principal : alphabet arabe.
L'histoire de l'alphabet arabe montre que cet abjad ne s'est pas écrit depuis les origines tel qu'on le lit actuellement.
On considère que l'alphabet arabe est un dérivé de l'alphabet araméen dans sa variante nabatéenne ou bien syriaque, lui-même descendant du phénicien (alphabet qui, entre autres, donne naissance à l'alphabet hébreu, à l'alphabet grec et, partant, au cyrillique, aux lettres latines, etc.).
Sommaire
Un alphabet innovant
Si l'on compare l'ordre alphabétique arabe actuel à celui d'autres alphabets issus du phénicien, comme l'hébreu, le syriaque ou le grec, on constate que l'ordre arabe est original :
- ¹ Digamma
L'ordre alphabétique ancien, dit ordre levantin, représenté par les autres écritures, a donc été modifié. Si cette fois-ci on classe les lettres en respectant l'ordre numéral (consulter Numération arabe, Numération grecque et Numération hébraïque pour plus de détails), on constate que l'ordre sémitique ancien est restauré :
- ¹ Digamma
Cet ordre-là est bien le plus ancien. Pour comprendre les raisons d'une réorganisation de l'ordre alphabétique, il faut revenir aux premières attestations écrites.
Modèle archaïque
La première attestation d'un texte en alphabet arabe remonterait à 512 de l'ère chrétienne. Il s'agit d'une dédicace trilingue (grec, syriaque, arabe) trouvée à Zabad, en Syrie. Le modèle utilisé ne comprend que vingt-deux caractères dont seuls quinze ont un tracé différent, servant à noter vingt-huit phonèmes.
Origines
L'alphabet est une évolution soit du nabatéen, soit du syriaque (thèse cependant moins répandue). Le tableau ci-contre permet de comparer les évolutions subies par le tracé des lettres depuis le prototype araméen jusqu'aux écritures nabatéenne et syriaque. L'arabe est placé entre les deux à des fins de lisibilité et non pour marquer une évolution chronologique.
Il semble que l'emprunt de l'alphabet nabatéen par les Arabes se soit déroulé comme suit :
- VIe-Ve siècles avant l'ère chrétienne, installation de tribus nord-sémitiques et fondation d'un royaume centré autour de Pétra, en Jordanie actuelle ; le peuple en question, nommé maintenant Nabatéens (du nom d'une des tribus, Nabaṭu), parle vraisemblablement une forme d'arabe ;
- au IIe siècle de l'ère chrétienne, première attestations du nabatéen. La langue écrite se présente comme un araméen (langue de communication et de commerce) teinté d'arabismes. Les Nabatéens n'écrivent donc pas leur propre langue. La graphie est celle de l'alphabet araméen qui continue d'évoluer ;
- la graphie se sépare en deux variantes : l'une destinée aux inscriptions (dite « nabatéen monumental ») et l'autre, plus cursive et dont les lettres se joignent, pour le papyrus ; c'est cette variante cursive qui, influençant de plus en plus la graphie monumentale, pourrait avoir donné naissance à l'alphabet arabe ;
- la langue arabe remplace à l'écrit la langue araméenne ; la dernière inscription en nabatéen (araméen arabisant) date du IVe siècle ;
- l'inscription de Zabad est la première, au VIe siècle, à marquer la résurgence (ou l'émergence) du nabatéen maintenant devenu de l'arabe ;
- au VIIe siècle, l'alphabet arabe est parfaitement attesté.
C'est surtout le temps considérable qui s'est écoulé entre la dernière inscription en nabatéen (355-6) et les premiers textes sûrs en arabe (VIIe siècle) qui permet de douter d'une telle évolution ; l'inscription de Zabad (512) pourrait être le chaînon manquant entre les deux et le temps de « silence » de l'écriture s'expliquer par le fait que c'est le nabatéen cursif qui a donné naissance à l'arabe ; de fait, une telle écriture s'employant surtout sur des matériaux périssables, comme le papyrus, il n'en est pas resté de nombreux témoignages.
Ambiguïtés et ambivalence des premiers modèles
Le modèle nabatéen (si l'on considère qu'il s'agit bien du modèle de départ) était déjà, à force d'évolutions, caractérisé par de nombreux caractères devenus fortuitement semblables. Évoluant à partir d'une cursive, le prototype de l'alphabet arabe accentue encore plus ces ressemblances. À cela s'ajoute que si le nabatéen comprend vingt-deux phonèmes, l'arabe en a vingt-huit ; ainsi, parmi les vingt-deux lettres héritées, sept sont ambiguës et six phonèmes n'ont pas de lettre consacrée : il a donc fallu utiliser des lettres préexistantes, devenues de fait ambivalentes.
Les lettres du modèle archaïque sont, dans le tableau suivant, encore placées dans l'ordre levantin traditionnel mais écrites dans leur tracé actuel, pour des raisons de simplicité. Les caractères ambigus sont signalés par un fond coloré. La deuxième valeur des lettres ambivalentes est indiquée après virgule.
En définitive, si l'on ne garde que les tracés différents, lettres ambiguës ou ambivalentes confondues, l'on n'obtient que seize caractères indépendants, quatre lettres ambiguës et six ambivalentes (l'ambiguïté et l'ambivalence ne s'excluant pas).
Comparons avec l'alphabet hébreu :
Les tableaux sont disponibles en version texte dans la page de discussion.Les ordres alphabétiques sont, mutatis mutandis, identiques, ainsi que le nombre de lettres. On le voit aisément, cependant, l'alphabet arabe est riche en ambiguïtés graphiques (signalées dans le tableau au moyen des couleurs) : il n'est par exemple pas possible de différencier bāʾ, nūn et tāʾ, tous représentés par ں (un ب sans point). De plus, tous les phonèmes de la langue actuelle ne sont pas transcrits.
Ajout des points
C'est au VIIe siècle que l'on prit conscience des limites d'un tel alphabet trop ambigu et ne comprenant pas assez de signes pour les sons propres à la langue arabe : le modèle araméen possède moins de phonèmes que l'arabe et l'écriture des origines a donc dû confondre par une même lettre plusieurs phonèmes. De vingt-deux signes, l'alphabet dut passer à vingt-huit (la hamza étant une invention encore plus récente et servant à remplacer ʾalif, dont la valeur phonologique s'est estompée).
On créa donc de nouvelles lettres, simples variantes des anciennes, que l'on distingua par des points sus-, sous- ou inscrits et que l'on plaça à la fin de l'alphabet (de même que les Grecs ont placé à la fin du leur une lettre créée tardivement comme Ω oméga). L'utilisation de tels diacritiques — qu'ils servent soit à distinguer des lettres déjà présentes comme ب bāʾ, ت tāʾ et ن nūn, soit à en créer de nouvelles comme غ ġayn ou ض ḍād à partir de ع ʿayn et ص ṣād — est vraisemblablement une imitation du syriaque et du nabatéen :
L'alphabet se composant alors de vingt-huit lettres, cela permit de l'utiliser pour noter les nombres : de 1 à 10, puis de 20 à 100 et de 200 à 1000 (consulter Numération arabe). Les arabophones se sont contentés de plaquer les valeurs en question sur les lettres, en respectant l'ordre dans lequel elles se présentaient. On obtint donc les équivalences suivantes :
En gras les nouvelles lettres : ʾalif (1) bāʾ (2) ǧīm (3) dāl (4) hāʾ (5) wāʾ (6) zāy (7) ḥāʾ (8) ṭāʾ (9) yāʾ (10) kāf (20) lām (30) mīm (40) nûn (50) sīn (60) ʿayn (70) fāʾ (80) ṣād (90) qāf (100) rāʾ (200) šīn (300) tāʾ (400) ṯāʾ (500) ḫāʾ (600) ḏāl (700) ḍād (800) ẓāʾ (900) ġayn (1000)
Réorganisation de l'alphabet
Une grande modification intervint moins d'un siècle plus tard quand les grammairiens arabes réorganisèrent l'alphabet, pour des raisons pédagogiques, en plaçant les nouvelles lettres à côté des anciennes dont elles étaient graphiquement tirées, au détriment de l'ordre numéral, lui-même concurrencé par l'utilisation des chiffres arabo-indiens (voire grecs dans certains cas). Ils favorisèrent l'apprentissage en regroupant les lettres par similarité formelle :
- ع et غ ;
- ب ت et ث ;
- ج ح et خ ;
- د ذ ر et ز ;
- س et ش ;
- ط et ظ.
Ce faisant, la valeur numérale était conservée, de sorte que l'alphabet numéral ne suivait plus le nouvel ordre alphabétique. De plus, les grammairiens d'Afrique du Nord changèrent celle des nouvelles lettres, ce qui explique les différences entre les alphabets d'Orient et du Maghreb.
Enfin, quand de nouveaux signes vinrent enrichir l'alphabet, ils reçurent la valeur de la lettre dont ils étaient tirés où dont ils étaient une variante : le tāʾ marbūṭa prit celle de d'un tāʾ normal, par exemple (et non d'un hāʾ). De même, les nombreux diacritiques n'ont aucune valeur : une consonne redoublée, ce qu'indique une šadda, ne compte pas doublement.
Voir aussi
Catégories :- Histoire thématique
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