- Gravure sur bois de Flammarion
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La gravure sur bois de Flammarion est une gravure sur bois anonyme, ainsi nommée car on retrouve pour la première fois sa trace dans le livre de Camille Flammarion publié en 1888, L'atmosphère: météorologie populaire, au chapitre La forme du ciel[1].
Sommaire
Description
La gravure, dite de Flammarion, ou "au pèlerin", est souvent décrite comme une gravure médiévale, à cause du sujet traité. En réalité le style indique une gravure sur bois allemande de la Renaissance.
Elle représente un paysage, un ciel hémisphérique où s'accroche le Soleil, la Lune et les étoiles, et un homme, qui, à cause de son bâton, fait penser à un pèlerin du Moyen Âge, mais que son vêtement long désigne plutôt comme un clerc, ou un étudiant. A quatre pattes sur le sol, il passe sous la voûte céleste à l'endroit où celle-ci rencontre la Terre, et la position de sa main trahit sa surprise, en découvrant ce qui se trouve au-delà.
Au premier plan de ce qu'il découvre figure un rideau de flammes, qui nous désigne le "ciel empyrée" que la cosmologie médiévale plaçait au-delà de la sphère des étoiles fixes. Plus haut, l'étrange roue à deux jantes perpendiculaires est identique aux représentations de la "roue d'Ézéchiel", ce qui confirme qu'il s'agit bien du ciel empyrée chrétien, séjour du créateur. Cependant l'image du soleil à droite est étrangement tronquée, tout comme la roue d'Ezéchiel à gauche, à la différence des authentiques gravures de l'époque. Ceci laisse penser que l'image a été recadrée, et donc que l'image originale en montrait plus à gauche, dans le ciel empyrée. Elle montrait probablement ce qui provoque l'étonnement du personnage. Comme dans les gravures de l'époque montrant la roue d'Ezéchiel, apparaît également Dieu sur son trône, on peut penser qu'à gauche de l'image figurait Dieu, que le recadrage a éliminé.Dans le livre de Flammarion, l'image comporte une légende : « Un missionnaire du moyen âge raconte qu'il avait trouvé le point où le ciel et la Terre se touchent ... ». En regard, le texte suivant accompagne l'image : « Qu'y a-t-il, alors, dans ce ciel bleu, qui existe certainement, et qui nous voile les étoiles durant le jour? ».
Histoire
Méconnue dès son apparition en 1888, la gravure fut surtout connue dès sa réutilisation vers 1903, par Wilhelm Foerster[2], puis en 1910 par Bruno Hans Bürgel, qui reprenait l'image de Foerster.
L'image paraissait médiévale, mais Strauss en 1926, puis Röttinger en 1931, datèrent le style de la gravure aux environs de 1530.
En 1957, l'astronome Ernst Zinner a déclaré que l'image était la reproduction d'une œuvre germanique datant des années 1530 à 1550, bien qu'il ne put en retrouver aucune apparition, avant son utilisation par Foerster[3].L'année suivante, Arthur Beer, un astrophysicien et historien des sciences Germaniques de l'Université de Cambridge découvrit ce qui reste la première apparition connue, dans la troisième édition de L'atmosphère, météorologie populaire, publiée en 1888 par Camille Flammarion.
En 1973, Bruno Weber, conservateur des livres rares de la bibliothèque centrale de Zurich, retrouva indépendamment la même source, mais en analysant les détails de la gravure, il crut pouvoir montrer que certains détails ne pouvaient avoir été réalisé qu'avec un burin, l'outil des graveurs, utilisé sur bois uniquement depuis la fin du XVIIIe siècle. Il en déduisit que l'image n'était qu'un montage à partir de diverses images d'époque. En particulier la Cosmographia de Sebastian Münster (1550), dont Camille Flammarion, bibliophile averti, avait pu posséder un exemplaire. Mais il s'était trompé, car ces détails se retrouvent bel et bien dans des gravures du XVIe siècle[4].
Il remarqua aussi que l'idée d'un pèlerin ou missionnaire découvrant l'endroit où la Terre et le ciel se rejoignent a pu être inspiré par une légende associée à Saint Macaire le Romain, légende que Camille Flammarion raconte en détail dans son livre Les Mondes imaginaires et les mondes réels (1865)[5].
Mais là aussi Weber s'était trompée, l'idée du missionnaire est reprise d'une autre légende que Camille Flammarion raconte dans le même livre: "Il paraît qu'un anachorète, probablement un neveu des Pères des déserts d'Orient, se vantait d'avoir été jusqu'au bout du monde et de s'être vu contraint d'y plier les épaules, à cause de la réunion du ciel et de la Terre dans cette extrémité."[6]Le travail de Weber parvint à la connaissance d'Owen Gingerich, historien des sciences au Smithsonian Astrophysical Observatory, qui le porta à la connaissance de John Ashbrook, rédacteur de la rubrique Astronomical scrapbook dans la revue Sky & Telescope. Ashbrook rédigea un article qui faisait le point de la question en 1977[7]. Il semblait établi que la gravure était en réalité du XIXe siècle, et qu'il ne restait plus qu'à identifier son auteur. Une des hypothèses, celle de Bruno Weber, était que l'auteur était Camille Flammarion lui même, initié à l'art de la gravure à Paris dès l'âge de douze ans. De fait, nous connaissons une de ses œuvres d'apprenti graveur, qui laisse penser qu'il aurait été capable de réaliser le cadre de la gravure... s'il avait eu le temps. Car devant gérer de front la direction de la Société Astronomique de France, la rédaction de son bulletin, et de l'Astronomie, plus la rédaction de livres et rubriques de journaux, c'était un homme débordé.
Par ailleurs, on a la preuve que Flammarion ne fit que réutiliser une gravure existante. Il existe en effet une autre version de cette gravure, sur laquelle le paysage s'étend davantage dans le bas[8]. Le fait qu'une autre gravure, même postérieure, en montre plus que celle dite de Flammarion, montre qu'il s'agit de deux recadrages différents à partir d'une même image initiale, antérieure à celle de Flammarion. Flammarion n'aurait donc fait que recadrer l'image (pour faire disparaitre les sujets religieux), afin de pouvoir l'utiliser comme représentation de la croyance à La terre plate, couverte par la voûte céleste, comme une cloche à fromage.
En tout cas, l'image eut un brillant avenir, car au fur et à mesure qu'elle était connue, elle était reprise par un nombre croissant d'éditeurs. En 1973 Bruno Weber a pu dénombrer 75 sources, à propos de cette gravure, et encore méconnait il nombre de sources françaises. Aujourd'hui, alors que le gravure se reproduit également dans les domaines astrologique et New Age le processus est devenu littéralement explosif. Alors que la première utilisation en couverture d'un livre date de 1974, il y en eut au moins huit en 2008. Sans compter les jaquettes de CDrom, et impressions de gadgets divers. Ainsi, on est passé d'une image à connotation probablement religieuse, à une image symbolisant la croyance à la Terre plate, à travers un recadrage, puis à une image symbolisant la curiosité humaine, et enfin à un simple gadget commercial
Notes et références
- Camille Flammarion, L'atmosphère : météorologie populaire ("The Atmosphere: Popular Meteorology"), Paris, 1888, page 163
- Wilhelm Julius Foerster, Die Erforschung des Weltalls, in: Weltall und Menschheit, de Hans Kraemer, 1903, édition française: L'univers et l'humanité, ed. Bong
- (de) E. Zinner, Börsenblatt für den Deutschen Buchhandel, Francfort, 18 mars 1957.
- (fr)Le réquisitoire de Bruno Weber
- (de) B. Weber, Gutenberg Jahrbuch, p. 381, 1973.
- (fr) Camille Flammarion, Les mondes imaginaires et les mondes réels, éd.1925 p. 328
- (en) J. Ashbrook, Sky & Telescope, p. 356, mai 1977.
- (fr) A. Ananoff, L'Astronautique les étapes d'une science nouvelle, Science & Vie - Hors série L'Astronautique, p. 13, 1952.
Bibliographie
- Bruno Weber, « Ubi caelum terrae se coniungit. Ein altertümlicher Aufriss des Weltgebäudes », dans le Gutenberg-Jahrbuch, 1973, p. 381–408.
- Bruno Weber et H. Zschelletzschky, « Stolpern über ikonologische Fussangeln. Forschungsunfalle im Fachgebiet der Kunstgeschichte », dans Bildende Kunst Berlin, n° 27, 1979, p. 117-121.
Voir aussi
Liens externes
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