Gauche prolétarienne

Gauche prolétarienne

La Gauche prolétarienne (GP), créée en France en septembre 1968, est une organisation maoïste se réclamant de l'héritage de l'UJC (ml) après la dissolution par décret de celle-ci le 12 juin 1968, à la suite des événements de mai-juin 1968.

Sommaire

Histoire

La Gauche prolétarienne regroupe des militants nanterriens du « Mouvement du 22-Mars » et les jeunes intellectuels du cercle marxiste-léniniste de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, à Paris, issus de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJC (ml)) fondée sous l'influence du philosophe marxiste et membre du PCF, Louis Althusser.

Voyant dans la révolte étudiante de Mai et ses connexions avec les mouvements ouvriers critiques opposés à la CGT et au PCF un signe avant-coureur de la révolution à venir, les marxistes-léninistes développent d'abord, conformément à l'enseignement de Lénine, un travail de fraction au sein des grandes centrales ouvrières. Cette politique est un échec et oblige les maoïstes de la Gauche prolétarienne à élaborer une nouvelle analyse politique. À partir de 1969-1970, les « gépistes » développent un point de vue « spontanéiste » : ils appellent à dépasser les organisations ouvrières — qualifiées de « révisionnistes » — pour construire un « authentique » parti communiste ouvrier à partir des luttes des peuples, d'où le caractère spontanéiste, ce parti étant censé apparaître « spontanément » pendant les actions. De fait, à cette époque, les maoïstes de la GP interviennent dans de nombreux mouvements sociaux en France (grèves des nouvelles galeries à Lyon, tribunaux « populaires » à Lens, luttes des OS à Flins, mouvement des travailleurs arabes, etc.), interprétés comme autant de signes avant-coureurs de la révolution imminente.

Reprenant une pratique initiée par les militants de l'UJCml les maoistes de la GP généralisent le mouvement des « établis » : il s'agissait d'envoyer les militants, pour la plupart issus du milieu étudiant, travailler comme ouvriers non qualifiés dans les usines afin de « dépasser » les préjugés censés être inhérents à leur condition d'« intellectuels petit-bourgeois » et de propager l'idée d'une révolution. Dans le milieu ouvrier, son discours trouve surtout un écho auprès d'ouvriers peu qualifiés, notamment étrangers ou issus de l'immigration, souvent délaissés par les grandes centrales ouvrières de l'époque.

La GP, du fait du recrutement de ses membres fondateurs, oscillait entre une grande « intellectualité » (liens, par exemple, avec Althusser, Sartre, Foucault, grand intérêt pour Lacan), un mépris des intellectuels (aspect « populiste de gauche » dans le rapport aux ouvriers notamment) et une certaine fascination pour le discours violent. C'est aussi ces trajectoires sociales qui expliquent en partie l'hésitation sur la forme entre une organisation de type léniniste (parti clandestin limité à quelques membres, largement autocratique) et une conception très libertaire de la politique. Ce point de vue apparaît notamment dans le journal de la GP, La Cause du peuple.

La GP fut dirigée par Benny Lévy (alias Pierre Victor) et Alain Geismar. Parmi ses militants, certains sont devenus célèbres pour leurs activités universitaires, médiatiques ou politiques après la fin de l'organisation : Serge July, Olivier Rolin, Frédéric H. Fajardie, Gérard Miller, Jean-Claude Milner, Marin Karmitz, André Glucksmann, Gilles Susong, Robert Linhart, Daniel Hourès, Christian Jambet, Guy Lardreau, Daniel Rondeau, etc.

Officiellement interdite le 27 mai 1970 par les « lois Marcellin », la GP continua son action autour du journal J'accuse-La Cause du peuple qui regroupe un cercle d'intellectuels médiatiques et de jeunes journalistes. Les Groupes révolutionnaires (GR) apparaissent au sein de la Gauche prolétarienne en 1973.

De manière plus tragique, le militant ouvrier Pierre Overney fit la une de l'actualité lorsqu'il fut tué le 25 février 1972 par Jean-Antoine Tramoni, vigile de Renault au cours d'une action de la GP à Billancourt. Cette mort, suivie de l'enlèvement d'un cadre de Renault par la Nouvelle résistance populaire (NRP), l'organe de choc de la GP, dirigée par Olivier Rolin (qui sera unilatéralement libéré deux jours plus tard) marque un tournant au sein de la GP, dont la direction refuse de s'embarquer plus avant dans cette voie violente[1],[2]. Avec la prise d'otages des Jeux olympiques de Munich, condamnée par la GP, la guerre du Kippour, puis, finalement, l'expérience autogestionnaire de LIP, dans laquelle la CFDT joue un rôle central, la direction de la GP se met de plus en plus en cause, jusqu'à finalement décider de se dissoudre en novembre 1973, un mois après le coup d'Etat du 11 septembre 1973 au Chili, non sans s'inquiéter sur d'éventuels dérapages de membres qui refuseraient cette dissolution[3].

Quelques militants continuent la GP quelques années encore, évoluant par exemple vers le mouvement autonome. L'expérience de La Cause du peuple donne naissance, entre autres, au journal Libération.

En 1974, une partie de la base de la Gauche prolétarienne refuse l'autodissolution prononcée par la direction de l'organisation. Certains militants vont donc continuer à publier La Cause du peuple jusqu'en 1976[réf. nécessaire]. Deux autres groupes apparaissent à la même époque dans le sillage de l'autodissolution [réf. nécessaire] : les Brigades internationales (BI) et Vaincre et vivre[réf. nécessaire]. En 1977, les derniers militants de La Cause du peuple créent le collectif Offensive et autonomie[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. Hervé Hamon et Patrick Rotman, Générations, t. II, 1988, p. 400 sq.
  2. Édouard Launet, Tombés pour les maos, Libération, 18 novembre 2008
  3. Hervé Hamon et Patrick Rotman, Générations, t. II, 1988.

Bibliographie

Mémoires universitaires

Essais historiques et journalistiques

  • Patrick Jarrel, Éléments pour une histoire de l'ex-gauche prolétarienne : Cinq ans d'intervention en milieu ouvrier, N.B.E., 1974.
  • Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération, Le Seuil (tome 1, 1987 ; tome 2, 1988).
  • Christophe Bourseiller, Les maoïstes : la folle histoire des gardes rouges français, Plon, 1996.
  • Jean-Pierre Le Goff, Mai 68, l'héritage impossible, La Découverte, 1998.
  • Jeannine Verdès-Leroux, La foi des vaincus. Les « révolutionnaires » français de 1945 à 2005, Fayard, 2005 (ISBN 2-213-62281-7).
  • Philippe Lardinois, De Pierre Victor à Benny Lévy, de Mao à Moïse ?, Luc Pire, 2008.

Études sociologiques

  • Virginie Linhart, Volontaires pour l'usine. Vies d'établis (1967-1977), Éditions du Seuil, collection « L'épreuve des faits », 1994.
  • Marnix Dressen, De l'amphi à l'établi, Belin, 2002.

Témoignages d'anciens militants de la GP

Récits et enquêtes divers

Liens externes

Témoignage d’un ancien militant de la GP sur la mort de Pierre Overnay [1]

Témoignage de Serge Kuenzi militant de la GP de la région de Montbéliard [2]

Témoignage de Volodia Shashahani responsable de la GP à Grenoble [3]

Témoignage de Jean Paul Cruse ancien militant de l’UJCML et Fondateur de la GP [4]




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