Frederic Rouge

Frederic Rouge

Frédéric Rouge

Frédéric Rouge est un peintre suisse né à Aigle le 27 avril 1867. Il vécut à Ollon depuis 1903, dans sa propriété "Les Cèdres", où il est décédé en 1950.

Après un stage chez le peintre Walter Vigier à Soleure, des études à Bâle, à Paris (Académie Jullian) et à Florence, il est revenu s'établir dans le Chablais vaudois. A côté de nombreux portraits, il a peint sa région, ses paysages et ses gens. Il est toujours resté attaché à ce coin de terre en tentant d'en fixer tous les aspects avec une probité minutieuse et a été profondément marqué par son temps. Il disait que « la peinture n’est pas une copie exacte, mais une interprétation de la nature ».

Il a aussi créé de nombreuses affiches et étiquettes, notamment celles du Bitter des Diablerets ou encore le célèbre lézard du vin d'Aigle "Les Murailles" et le "Caviste" des vins de l'Association viticole d'Ollon.

Lien externe

Frédéric Rouge, peintre

Biographie

« A l’occasion du centenaire de la naissance du peintre Frédéric Rouge »

Fréderic Rouge et son temps, par Raymonde Jaggi

Pour comprendre Frédéric Rouge, il faut tenter de le replacer dans son époque. Tout artiste est, en effet, lié de façon indissoluble aux idées générales de son temps comme au pays qui l'a vu naître. Rouge naît dans une époque de bouleversements aussi bien sociaux qu'artistiques, mais dans un petit pays protégé des outrances venues d'ailleurs, un petit pays où les idées ne vont pas très vite, et où l'on se laisse vivre dans la douceur des moeurs et du climat. Il restera attaché à ce coin de terre, tentera d'en fixer tous les aspects avec une probité minutieuse, mais il restera un homme du XIXe siècle, profondément marqué par son temps et par son district. Cela explique sans doute l'incompréhension qu'il a rencontrée dans les milieux artistiques suisses alors que son rayonnement local est incontestable.

Enfance

Frédéric Rouge naît à Aigle, le 27 avril 1867, à la rue du Bourg, dans une famille aisée de la bonne bourgeoisie. Fils d'un deuxième lit, il va subir, dès la petite enfance, deux influences qui marqueront sa vie et son oeuvre. L'influence de sa mère, d'abord, qui fut institutrice en Russie, femme cultivée, d'esprit très fin, lettrée, artiste. Elle joue du piano et peint agréablement. L'influence de ses trois demi-frères, ensuite, plus âgés que lui d'une vingtaine d'années, vigoureux lurons, pêcheurs et chasseurs enragés, que le petit Frédéric brûlera très tôt d'imiter.

Il est l'un des premiers élèves du collège d'Aigle, un élève terrible et indiscipliné, qui ne s'intéresse réellement qu'au dessin et qui a déjà des idées très arrêtées. C'est ainsi qu'un jour il décide qu'il en a assez du latin. Il quitte donc la classe de latin et va s'inscrire dans la classe d'allemand ! Il fait volontiers l'école buissonnière aussi, d'autant plus que sa mère, très affectée de la mort d'une fille de 15 ans, lui laisse la bride sur le cou. Il manque si souvent, il a tant de peine à se soumettre à la discipline qu'un de ses professeurs lui prédit un jour qu'il finira mal. Mais la pêche, en attendant l’âge de la chasse, a tant d’attraits que les remontrances n'ont guère d'effet.

Apprentissage

A 15 ans, aucun métier ne l'attire. Il veut dessiner et seulement dessiner et ses parents décident de l'envoyer à Soleure, chez le peintre Walter Vigier, où il reste un an avant d'entrer à l'Ecole des beaux-arts de Bale. Il y obtiendra, à 17 ans, une médaille d'or qu'il se fera d'ailleurs voler le soir même !

Mais Bâle ne lui apporte pas ce qu'il cherche. Sa grande idée, c'est Paris, Paris, capitale des arts. Ses parents se laissent convaincre et il y partira la même année, en 1884.

Il entre dans l'atelier de Boulanger, à l'Académie Jullian et il y passera trois ans, ne retrouvant que l'été sa chère plaine du Rhône. Il a la chance d'être en pension dans une famille cultivée qui le prend en amitié et qui l'entraîne à l'opéra. On peut présumer qu'il assiste à l'une des premières représentations de Manon, de Massenet, dont la création est le grand événement musical de l'année 1884. Il fréquente aussi un autre peintre vaudois, dont le succès est grand à Paris : Eugène Burnand qui, à 38 ans, a conquis une place en vue. Son illustration des oeuvres de Mistral a été fort remarquée et, dans son salon fréquenté par la meilleure société parisienne, le bon accent vaudois de Frédéric Rouge fait sourire.

Le travail à l'Académie Jullian est fort sérieux, surtout en ce qui concerne le dessin. On ne se borne pas à peindre l'apparence extérieure du modèle. On tente de retrouver la réalité du corps humain par l'étude du squelette et des muscles. On fréquente les classes de dissection. L'influence d'Ingres, celle du classicisme, sont encore très fortes chez Jullian et le dessin y occupe une place prépondérante. Frédéric Rouge y gagnera un métier solide, le sens de la composition, le besoin de charpenter ses toiles.

Mais l'influence de l'Académie Jullian n'est pas la seule qu'il subisse à Paris. En 1884, c'est le premier Salon des indépendants, le salon des « refusés », de ces novateurs qui prétendent peindre des « impressions ». Degas peint les Repasseuses, Renoir, les Baigneuses, Berthe Morisot, Manet, Sisley exposent. Frédéric Rouge est très attiré par les impressionnistes, mais, en bon Vaudois, sans doute est-il un peu effrayé par le débordement de ces tempéraments fougueux. Des contacts qu'il aura avec les impressionnistes, il gardera cependant la notion de l'importance de la lumière et le goût de peindre en plein air « sur le motif ».

Il fait encore un stage à Florence, où il peint un admirable portrait de cardinal et, à la fin de 1887, il se fixe à Aigle où son père lui installe un atelier.

Jeunesse

Installé à Aigle, le jeune Frédéric songe à se faire connaître. Il cherche autour de lui une personnalité à peindre et son choix se fixe sur Urbain Olivier, qui accepte par l'intermédiaire de son fils Frank, professeur à l'Université de Lausanne. Ce portrait est l'une des oeuvres les plus remarquables du peintre Rouge. Exposé au Salon de Paris de 1888, il vaut à son auteur une médaille d'or et maints articles élogieux. Il lui vaut aussi une renommée de bon aloi et de nombreuses commandes de portraits. Outre les commandes, il peint un portrait de son père qui est acheté par la Confédération. C'est d'ailleurs le président de la Confédération, Marc Ruchet, qui viendra en personne lui payer ce tableau à Aigle.

Mais ce retour à Aigle c'est aussi, pour Frédéric Rouge, un retour au pays de son enfance. Il peut à nouveau chasser, pêcher. Il retrouve la nature dont il sera toujours un admirateur respectueux et fervent. Il peint des paysages : des arbres dans la plaine du Rhône, des rochers, des sous-bois touffus ; il aime les teintes adoucies du premier printemps et de l'automne. Profondément marqué par l'amour de la nature, il donne à la terre, aux chasseurs, aux pêcheurs, aux paysans le rôle principal dans ses compositions. Il exprime les gestes familiers de leur vie quotidienne.

Ollon

En 1903, à la mort de ses parents, il quitte Aigle pour s'installer à Ollon. Il y achète les « Cèdres » d'un Alsacien réfugié en Suisse après la guerre de 1870. Deux ans plus tard, il épouse Mlle Marguerite Tauxe, de dix-sept ans plus jeune que lui, qui lui donnera trois filles et qui sera la compagne attentive et tendre d'une longue vie, point toujours facile. Une vie pas très facile pour deux raisons d'abord, Frédéric Rouge ne sera pas toujours compris. Il est l’un des derniers représentants de la peinture romantique en Suisse. L’art romantique suisse n’a pas les hautaines ambitions de l’art français, son lyrisme, sa véhémence. Il tente de laisser une trace de la vie fugitive et familière. Les peintres sont d'honnêtes témoins de leur époque qui aiment à représenter des épisodes de la vie familiale, à composer des scènes pleines de vie et de charme. Frédéric Rouge est partisan d'une discipline stricte, d'une grande rigueur dans le dessin et la composition. Il estime que l'artiste doit se soumettre à cette discipline sans prétendre y suppléer par sa personnalité. C'était aussi l’idée d'Ingres, ce n'est plus celle des artistes du XXe siècle pour qui la personnalité est tout et pour lesquels tout l'art pictural est sans cesse remis en question. Rouge se tiendra fort éloigné de ces querelles de chapelle mais, si son rayonnement local est certain, il ne parviendra pas à s'imposer dans les grandes expositions.

D'autre part, il rencontrera des difficultés d'argent. Certes, il a hérite une petite fortune de son père, mais l'amenuisement des dividendes, puis la crise vont durement toucher un artiste qui ne vit que de sa peinture. Il a cependant la chance de trouver en Henri Leyvraz, liquoriste à Aigle, un appui constant. C'était un vieux camarade de chasse à qui Frédéric Rouge avait offert la première affiche du « Diablerets » et dont il illustrera la publicité pendant de longues années. Henri Leyvraz croira en Frédéric Rouge et le soutiendra tout au long de sa vie.

A Ollon, toute la population du village et des environs lui sert de modèle. Philippe Aviolat, de Plambuit, descend à pied, tous les jours, pour poser le Chasseur de Chamois. Et puis, il y a Mlle Bonzon, d'Ollon (sainte Thérèse des vitraux de Vionnaz), Mlle Bersier (la jeune fille du Conseil), et tant d'autres ! Là, un Rosat, de Panex, ou un Sieber, d'Ollon, ailleurs un Vanay, d'Illarsaz. Frédéric Rouge n'est pas le peintre hautain, pénétré de sa supériorité, dont l'exemple se retrouve souvent. Il est l'ami de ses modèles, les tutoie, pêche ou chasse avec eux, demande leurs critiques. Et il travaille joyeusement, chantonnant de sa belle voix de baryton en préparant ses couleurs qu'il aime, comme ses toiles, avoir de très bonne qualité et qu'il compose lui-même en partant de couleurs pures. L'esquisse va très vite. En quelques traits rapides, il fixe les grandes lignes de sa composition qu'il va travailler ensuite, lentement, amoureusement, au cours de longues séances de pose.

Son goût profond le porte vers le portrait. Il aime étudier longuement un modèle, fouiller ses traits, définir son caractère, saisir au vol une expression. Il y excelle d'ailleurs et chacun de ses portraits est un tout très achevé, solide et construit, où la ressemblance n'est pas seulement superficielle mais vient du plus profond de sa personnalité. Il ne peut malheureusement s'y consacrer ; il faut bien vivre et honorer les commandes : vitraux, fresques, affiches, vastes compositions. Mais il est significatif que chacune de ses compositions - fut-elle une simple affiche - attache une telle importance à la figure humaine. Il ne se lassera d'ailleurs jamais d'étudier le visage humain et l'une de ses dernières toiles sera un portrait de l’un de ses petits-fils.

Frédéric Rouge, s'il n’a pas rencontré dans les milieux officiels toute la compréhension qu'il pouvait espérer, a eu au moins la joie de se voir reconnu dans son district. Un affectueux respect l'entourait, qui s'adressait autant à l'homme et à sa personnalité rayonnante qu'à l'artiste. Innombrables sont les lithographies tirées de ses oeuvres et rares sont les familles de la région qui n'en possèdent pas au moins une.

Le 31 janvier 1943, la bourgeoisie d'honneur, décernée par la commune d'Aigle, viendra concrétiser l'estime dans laquelle le vieux peintre est tenu. Ce sera l’une de ses dernières grandes joies, la consécration, non de Paris ou de Berne, mais de son coin de terre, de ce petit pays qu’il a tant aimé. J.R.


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