Fondement De La Morale (Schopenhauer)

Fondement De La Morale (Schopenhauer)

Fondement de la morale (Schopenhauer)

Arthur Schopenhauer

Essai d'Arthur Schopenhauer, Le Fondement de la morale en allemand Über die Grundlage der Moral, a été publié en 1840, en réponse à la question d'une société savante. Schopenhauer y critique l'approche kantienne des Fondements de la métaphysique des mœurs et insiste sur une racine naturelle du comportement moral humain : la pitié, que l'on appellerait aujourd'hui empathie. Il s'inscrit ainsi dans la continuité du Rousseau du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.

Sommaire

Critique du fondement de la morale chez Kant

Vue densemble du sujet

Kant a purifié la morale de leudémonisme des Anciens pour qui la vertu sidentifie à la félicité. Lexception est Platon : son éthique est désintéressée et tourne au mysticisme. La vertu est pour les anciens comme pour les modernes plus un moyen quune fin (le salut chez les modernes). Les fondements de la métaphysique des mœurs constituent la base de la philosophie morale de Kant, la Critique de la raison pratique ny ajoute que la théorie du rapport entre liberté et nécessité. La forme impérative de la morale kantienne est clairement inspirée du décalogue. Kant admet sans démonstration lexistence de lois morales a priori. L'impératif catégorique, en apparence si inconditionnel finit par admettre le souverain bien (une forme de salut) comme récompense (dans la Critique de la raison pratique: toute morale fondée sur le devoir y arrive nécessairement, car elle ne fait que déplacer la question du fondement. Lhypothèse dune volonté étrangère (divine par exemple) dictant les devoirs ne devrait pas avoir sa place en philosophie. Le devoir inconditionnel est une contradiction in adjecto.

Des prétendus devoirs envers nous-mêmes

"Ce que je fais est toujours ce à quoi je consens: il ny a pas dinjustice envers soi-même. Ni de charité envers soi-même : elle est naturelle. Il ny a donc pas de devoirs envers nous-mêmes. La morale est donc un concept variable qui découle de la culture spécifique d'un individu

Du fondement de la morale chez Kant

La distinction entre la priori et la posteriori dans la connaissance est féconde : rien détonnant à ce que Kant cherche à lappliquer (abusivement) partout. Limpératif catégorique est une coquille sans noyau : il ne repose sur rien dempirique, ni sur la nature de lhomme. De plus, la raison pure nest pas prise ici comme une faculté intellectuelle de lhomme : elle est hypostasiée chez les « êtres raisonnables ». Or elle ne nous est connue que chez lhomme et dépend peut-être de qualités « non raisonnables ». Ces mêmes hypostases que Kant a dénoncées dans la critique de la raison pure, il les utilise donc dans sa morale. De plus, dans la Critique de la raison pure, Kant limite la portée des concepts purs de lentendement aux phénomènes, alors quil les utilise pour sa philosophie morale. Sa prétendue loi morale devrait être une simple forme du phénomène, alors quau contraire elle met en relation le moral et les choses en soi. Chez Kant, nest moral que lacte commandé par le devoir : morale desclave contraire à toute pensée chrétienne. Entre hommes au contraire, on juge toujours sur lintention. Le respect chez Kant nest que soumission.

On confond souvent pour la morale :

  • le fondement : la raison de la morale (difficile à trouver)
  • le principe : son exposé succinct (facile).

Kant les confond alors quil faut les séparer. Neminem laede, imo omnes, quantum potes, juva : Ne nuit à personne, et quand tu peux, aide.

Quen est-il de la loi morale, pierre fondamentale de léthique de Kant ?

Le contenu de la loi kantienne se réduit à luniversalité. En appuyant la morale sur limpératif catégorique, Kant ne prend pas en compte la naissance de la morale chez l'enfant. La loi nimpose son influence que si elle est imposée. Il ny a donc pas de ressort moral chez Kant. Ce ressort au contraire devrait être objet dexpérience spontanée. Le second vice de la morale kantienne est donc son manque defficacité et de réalité. Kant lui a imposé lhypothèse de la liberté de notre volonté, liberté qui nest quune idée comme il la lui-même démontré. Lerreur de Kant est donc davoir admis une « raison pratique » en lui ouvrant un crédit transcendantal. Mais la raison (Vernunft) nest que le fait de réunir des concepts (notions enveloppantes) sous la condition du langage. Lhomme dépend de ses pulsions, mais aussi de ses motifs qui sont des idées abstraites. Il y gagne une liberté relative. Lentendement (Verstand) dépend de la notion a priori de causalité quont aussi les animaux. Mais tout cela na rien à voir avec la justice et la charité. Car un homme peut être raisonnable tout en étant égoïste, injuste, pervers. Kant est le premier à avoir identifié morale et raison. En déifiant la raison, Kant néglige les traditions linguistiques et le fait que les hommes ne se sont jamais mis daccord sur la morale. Cest la psychologie rationnelle, sa séparation du corps et de lâme inauguré par le Phédon, qui ressurgit chez Kant sans quil sen aperçoive.

Du principe premier de la morale chez Kant

Limpératif catégorique repose en fait sur un principe premier surprenant : légoïsme ! En effet, il est fait pour prévoir le cas je me retrouverai passif. Sil sagissait de fonder la société, cela pourrait suffire, mais pas pour la morale. Car la règle kantienne est bel et bien un impératif hypothétique (cf impératif catégorique) dicté par l'égoïsme.

Les formes dérivées du principe premier de la morale selon Kant

Kant définit tout être raisonnable comme « fin en soi ». Ceci est une contradiction in adjecto : car une « fin » est lobjet dune volonté. Autre chose qui offense la morale : les êtres non raisonnables doivent donc être traités comme des choses, comme des moyens. Cest une morale judaïque : les religions du livre nont pas un regard pour les bêtes, au contraire des philosophies orientales. Car la seule valeur est pour eux la raison. Troisième point : lautonomie de la volonté. Kant pose un nouveau type dactions : sans intérêts et sans motifs. Et ces actions devraient être celles quinspirent la justice et la charité ? Les néo-kantiens se sont ensuite servis de cette dignité pour justifier nimporte quoi. Or le caractère dêtre relative est celui de toute valeur. Quand les idées manquent, le mot vient tenir la place, et celui de dignité est un concept vide. La morale de Kant, indémontrable et inaccessible à lexpérience, na rien pour nous faire croire à son existence.

La théorie de la conscience chez Kant

Kant utilise des termes et des notions de droit, alors quil est clair que la morale ne se passe pas de cette manière en nous. Le tribunal intérieur de la conscience chez Kant mène à la schizophrénie et à Dieu. Dépouillée de sa forme juridique, il ne reste quune mauvaise conscience dont le propre est de sattacher au fait lui-même et non aux conséquences. En rapport au mal quon a causé et non subi.

La théorie du caractère intelligible et du caractère empirique chez Kant. Théorie de la liberté

Rappel cependant dun grand mérite de Kant : avoir concilié la liberté avec la nécessité. Malgré la théorie qui donne la primauté à la nécessité causale, il y a la conscience dun pouvoir propre de lagent. D la notion de responsabilité morale. , le mérite de Kant est davoir distingué le phénomène et la chose en soi, cela permet la coexistence de la liberté et de la nécessité. Étant donné un individu, un cas, il ny a quune action possible pour lui. La liberté nappartient pas au caractère empirique mais au caractère intelligible. Cest en tant quêtre en soi quil y a une liberté. Remarque : On retrouve déjà cette idée chez Platon avec la théorie des âmes dans le livre 10 de la république.

La morale de Fichte, prise comme miroir propre à grossir les défauts de la morale de Kant

La doctrine des mœurs réduite en système de Fichte est une caricature de la philosophie kantienne, un système de fatalisme moral, de destin moral.

Établissement de la morale

"Peut-être mobjectera-t-on que la morale na pas à soccuper de la conduite que les hommes tiennent ; que cette science a à déterminer comment les hommes doivent se conduire. Mais cest justement le principe que je nie : jai assez fait voir, dans la partie critique de cet essai, que la notion de devoir, la forme impérative prise par la morale, nappartiennent quà la morale théologique, et hors de , perdent tout sens et toute valeur."

« Légoïsme, chez la bête comme chez lhomme, est enraciné bien fortement dans le centre même de lêtre, dans son essence : disons mieux, il est cet être même. »

La cause de ceci est en ce que chacun de nous se connait immédiatement, et les autres indirectement. Le propre des actes qui ont une valeur morale, cest labsence de motifs dintérêts. (on pourrait objecter que les actes de pure méchanceté sont désintéressés) Notre sympathie ne sadresse dune façon directe quaux seules douleurs des autres, leur bien-être ne léveille pas. La raison en est que la souffrance est lobjet positif, immédiat, de la sensibilité. Dans la compassion, nous ne souffrons pas à la place du patient car (sic ?) Plus notre état est heureux, plus nous y sommes sensibles. Il y a une distinction naturelle : ne pas nuire (justice), aider (charité). Mais la pitié agit par lintermédiaire de principes de la raison qui en sont les moyens. Il y a donc un droit naturel purement moral indépendant de toute institution positive. La pitié est un mystère, dont la cause ne peut être découverte dans lexpérience, qui est du ressort de la métaphysique. (cf. la théorie de la morale en psychologie évolutionniste) Dans la morale occidentale, il faut un devoir qui simpose, une loi morale, un commandement. La faute en revient à la croyance d'origine juive en un dieu de la loi, qui commande. Pourtant dans le Ménon « la vertu peut-elle senseigner ? » Non, c'est une faveur divine.

Explication métaphysique du fait moral premier (lempathie)

Lindividuation nest que phénomène. Dans les choses en soi, lâme humaine est unique, la même pour tous les hommes, cest elle quon reconnaît en chacun. tat twan asi : sanskrit pour « tu es cela ». Lâme sidentifie à lautre.

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