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Flûte de Pan
La flûte de Pan est un instrument de musique composé originellement d'un ensemble de tuyaux sonores assemblés par différents procédés.
La flûte de Pan est un aérophone, le matériau vibrant produisant le son est donc l'air. Et plus précisément, il s'agit d'une flûte, le son est donc obtenu par la rupture d'une lame d'air sur un biseau.
Sommaire
Généralités
Il existe de par le monde une grande variété de formes et d'organisations spatiales de cette flûte. Les matériaux qui ont pu être utilisés à sa facture sont aussi très variés. Mais quelles que soient les formes qu'elles ont ici où là, et en quelqu'époque que ce soit, toutes ces flûtes dérivent d'un archétype commun : quelques chaumes (roseaux, bambous, etc) rassemblés pour un jeu musical[1].
On trouve des flûtes de Pan en Europe, en Asie, en Amérique, en Océanie et en Afrique. Ces flûtes portent naturellement de nombreux noms différents de par le monde et flûte de Pan est en somme le nom générique français pour l'ensemble des flûtes appartenant à cette famille d'instruments.
On utilise aussi en français le vocable « Syrinx » pour ces flûtes, cependant, il s'agit plutôt d'usages poétiques ou érudits, et dans ce dernier cas référant explicitement à l'origine mythologique de la flûte de Pan occidentale (de la sphère culturelle greco-latine). Mallarmé, dans L'Après-midi d'un faune évoque poétiquement le mythe...
« Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m'attends ! »La flûte de pan, malgré la ressemblance du jeu, ne peut pas être apparentée à l'harmonica, instrument à anches[2].
Acoustique
L'air est soufflé, légèrement en biais, sur la face opposée interne du tube en faisant le son « te » et à la manière d'un pépin qu'on expulse à travers l'extrémité ouverte contre le bord intérieur des flûtes, créant les vibrations régulières qui produisent les ondes sonores dans les tubes.
Les tuyaux composant une flûte de Pan étant bouchés à l'extrémité[3], les ondes sonores doivent parcourir deux fois la longueur du tuyau et produisent donc une note presque une octave plus basse que si elle était produite par une flûte ouverte de longueur égale.
La loi des tuyaux bouchés précise que seuls les harmoniques impairs sont théoriquement audibles, mais la pratique montre que les harmoniques pairs sont aussi présents, toutefois en proportion bien moindre[4].
Ce qui en résulte, c'est bien sur le timbre caractéristique de la flûte de Pan, sans redondance d'octave, mais avec une composante forte de quinte. Le sonogramme est caractéristique : harmoniques pairs très faibles ; de même la sinusoïde est remarquable.
Le son produit est aigu quand le tuyau est court et grave quand le tuyau est long.
L'altération inférieure d'un demi-ton (ou autre...) est obtenue par divers procédés[5], lesquels permettent d'obturer légèrement le tuyau et d'abaisser la fréquence du tuyau.
En fournissant une plus grande pression de souffle et avec une tension importante des lèvres, des harmoniques[6] sont produites.
Approche historique
Préhistoire
L'ancienneté de l'instrument est attestée par diverses inventions archéologiques. « Les plus anciennes flûtes de Pan découvertes en Europe sont originaires des régions orientales du continent : d’une nécropole néolithique (2000 avant J-C) d’Ukraine méridionale et d’un site de la région de Saratov. Chacune se compose de sept à huit tuyaux en os creux d’oiseau... »[7].
Cependant il serait vain de vouloir préciser sa naissance, ou encore, l'aire où cette naissance aurait pu s'opérer. Considérons donc simplement que l'on peut fabriquer une flûte de Pan en roseau (ou en chaume) sans aucun outillage, ce qui accrédite sensiblement son extrême ancienneté.
Par ailleurs, l'ethnomusicologue André Schaeffner propose une théorie essentielle sur sa genèse, laquelle serait très progressive. Il faut, si l'on veut le suivre, imaginer des personnes portant chacune un tuyau, et c'est l'ensemble de ces personnes qui constitue la flûte de Pan originelle[8],[9],[10]. Cette théorie s'appuie notamment sur les travaux des archéologues Girod P. et Massenat E., lesquels ont découvert un ensemble de sifflets relié entre eux par un lien lâche[11].
En Europe
Grèce ancienne - mythologie
La flûte de Pan, ou Syrinx, est un attribut du dieu Pan. Toutefois, il faut se garder de traduire systématiquement Syrinx par flûte de Pan. En effet, Syrinx signifie flûte, c'est aussi un nom générique. Plus de précision était éventuellement apportée, ainsi polycalame désignait une flûte de Pan[12], monocalame, une flûte droite[13]. Syrinx provient du latin syrinx, syringis qui signifie roseau ou flûte, qui lui-même provient du grec ancien σύριγξ, signifiant roseau taillé et creusé et flûte par extension.
On attribue à Pan différents pères et mères selon les récits que l'on consulte. Cependant, le lien avec Hermès/Mercure est toujours fort et Pan est souvent présenté comme étant le fils d'Hermès. Ainsi le chant XVIII[14] des Hymnes Homériques, sans doute un des textes occidentaux les plus anciens où la flûte de Pan est évoquée, précise bien la généalogie de Pan et rapporte déjà l'existence de son attribut/instrument. Toutefois, il n'est alors jamais précisé que Pan en est l'inventeur. En fait, dans ces temps anciens, c'est Hermès qui est donné pour son inventeur[15]. Le traducteur parle de chalumeaux et non de syrinx. Il ne faut pourtant pas voir dans ces chalumeaux l'ancêtre organologique de la clarinette, mais bien une flûte de Pan (dont le caractère polycalame est confirmé par l'usage du pluriel dans « chalumeaux »)[16].
Ces hymnes furent certainement écrits entre le VIIIe siècle avant J.-C. et le IVe Siècle de notre ère sans qu'on puisse les dater avec une grande précision. Il faut aussi préciser qu'ils ne doivent rien à Homère, si ce n'est le recours à un mètre poétique aussi utilisé par celui-ci. Cette première association Pan/flûte de Pan, relatée par le chant XVIII des Hymnes Homériques ne nous permet donc pas de remonter au-delà du VIIIe Siècle AC.
Cette première évocation de la relation Pan/flûte de Pan (la plus ancienne connue de nous...) ne fait cependant pas de Pan l'inventeur de sa flûte. Et c'est plus tard, avec les Métamorphoses d'Ovide, que Pan devient enfin l'inventeur de sa flûte. Pour lire un extrait (en latin + une traduction française) de la métamorphose de Syrinx telle qu'Ovide la rapporte : [2]. Pour la résumer : Pan, sexuellement très actif, pourchasse la nymphe Syrinx, mais elle se dérobe finalement sur les berges du fleuve Ladon. Elle voit son souhait d'échapper à Pan exaucé et elle est transformée en roseaux, lesquels bruissent doucement sous le souffle de Pan déçu. Il décide alors d'assembler quelques roseaux pour entretenir sa mémoire et crée, invente, ainsi la syrinx.
Selon d'autres traditions, c'est Silène qui invente la flûte de Pan, et le satyre Marsyas le collage à la cire d'abeille.
Platon par ailleurs évoque la Syrinx en ces termes : « Il te reste la lyre et la cithare, utiles à la ville, aux champs, les bergers auront la Syrinx »[17]. Cette citation est importante pour situer la flûte de Pan dans son contexte. Il s'agit d'un instrument de pasteurs, fortement associé à une économie pastorale où la fertilité des troupeaux est le centre d'intérêt premier.
Dans ce cadre, la flûte de Pan a pu opérer par ses vertus symboliques, vertus largement partagées par l'ensemble des flûtes puisqu'elles sont liées au matériau mis en œuvre bien plus qu'à la forme spécifique de la flûte de Pan. Sur ce sujet, vous pouvez lire un essai de Gilles Patrat : "La symbolique originelle de la flûte de Pan" , publié par la ROMANIAN SOCIETY FOR ETHNOMUSICOLOGIE » (Bucarest, Roumanie), en 1999, dans le N°6 de son bulletin international « EAST EUROPEAN MEETINGS IN ETHNOMUSICOLOGIE » fondé et dirigé par M. Marin Marian-Balasa.
En France, et territoires avoisinants
Au Moyen Âge, cet instrument était appelé par son nom latin : fistula panis. On trouve aussi le nom de frestel. En Provence, une flûte de Pan est connue sous le nom de fresteu, et dans les Pyrénées on en trouve une sous le nom de fioulet (qui signifie par ailleurs sifflet).
La flûte de Pan provençale était sans conteste une flûte de bergers, alors que la flûte Pyrénéenne était maniée par les castreurs de cochon[18] (qui jouait une ritournelle pour faire connaitre leur passage dans les villes et villages).
Une fouille sur le site d'Alesia a révélé une flûte de Pan monoxyle en assez bon état de conservation. À noter qu'une flûte très semblable à la flûte d'Alesia a été découverte en Angleterre lors de fouilles sur le site viking de Jorvik (York).
Par ailleurs, de nombreuses flûtes de Pan sont représentées par les sculpteurs médiévaux. Ces flûtes représentées sont le plus souvent monoxyles[19], comme la flûte d'Alesia.
Il est certain que ces flûtes peuvent être associées principalement au monde rural, pastoral, mais il existe cependant une flûte de Pan fabriquée au XIXe siècle qui montre une finition particulièrement soignée[20], et qui nous révèle qu'elle a pu sortir de son monde « originel » et se faire entendre dans une société plus fortunée...
En Asie
Chine
Le Paixiao[21] est un instrument dont l'histoire semble parallèle à la création de la théorie musicale chinoise. En effet, les lyus sont des tuyaux étalons, tout à fait comparables aux tuyaux de la flûte de Pan, qui ont permis par le jeu de la superposition des quintes de créer la gamme diatonique chinoise de référence[22].
Il semble que la flûte de Pan connaît actuellement un regain d'intérêt en extrême orient... En Corée par exemple, il existe plusieurs associations actives de joueurs de flûte de Pan, mais la forme traditionnelle de ces flûtes n'est plus appréciée, puisque les flûtes utilisées sont des répliques parfaites, au moins par leur forme, des flûtes de Pan roumaines (naï).
Flûtes de Pan contemporaines
La flûte de Pan roumaine, le naï
Le naï roumain est une flûte diatonique, à l'origine en sol (donc avec un fa#), et aujourd'hui souvent en do. Il y a donc 7 notes différentes dans l'octave. Cependant, il est possible de jouer tous les chromatismes.
Au XXe siècle, la flûte de Pan roumaine, naï, a pu être entendue entre 1910 et 1939 dans tous les hauts lieux musicaux du monde, jouée par Fănică Luca[23]. Plus récemment, cette flûte de Pan a été à nouveau rendue populaire par le musicien roumain virtuose Gheorghe Zamfir[24], qui s'est souvent produit[25] et a enregistré de nombreux albums de musique de flûte de pan. Zamfir excelle à interpréter le répertoire traditionnel roumain et tzigane, tour à tour virtuose et effréné, comme celui plus intime des doinas, complaintes profondes, voire lamentos...
D'autres artistes, hors Roumanie et en Roumanie ont aussi enregistré. Souvent moins connus que G. Zamfir, ils sont néanmoins très estimables. Il faut signaler que l'ex URSS avait aussi une paire de virtuoses, originaires d'une province roumanophone (aujourd'hui en Ukraine).
Le renouveau de cette flûte de Pan roumaine impulsé par les élèves de Fănică Luca a fait naître une plus grande reconnaissance de cet instrument presque oublié, et c'est maintenant une troisième génération de musiciens qui émerge ; le répertoire virtuose roumain est toujours joué par ces musiciens roumains et non-roumains, mais tous s'emparent des répertoires classiques, baroques et anciens, avec un savoir-faire plus convainquant que leurs aînés, une plus grande connaissance du contexte dans lesquels ces œuvres furent créées, et in fine un plus grand respect des œuvres.
Aujourd'hui, les meilleures interprètes sont capables de jouer dans des genres très divers aussi bien d'origine populaire du XIXe et XXe siècle, que les formes très classiques du XVIIIe. La transposition des danses hongroises de Brahms surprend par la fidélité mélodique et rythmique. Sa couleur rend parfaitement la forme d'impressionnisme français d'Ibert ou Fauré.
Le répertoire écrit pour la flûte de Pan reste par contre encore très limité...
La flûte de Pan a été utilisée dans quelques chansons des Beatles, Bee Gees, Agustín Lara, Luis Miguel et Céline Dion.
On l'entend de plus en plus fréquemment dans des musiques de film, comme aussi dans le "jingle" annonçant la météo sur la radio "France-Inter" (en janvier 2009).
Aujourd'hui on l'enseigne en école de musique, et même en certains conservatoires en Hollande, Allemagne, Suisse. Un festival réuni tous les ans au mois de juillet des centaines de joueurs à Arosa en Suisse.
La flûte de Pan italienne, les firlinfeu
Ces flûtes sont toujours jouées en ensemble. Plusieurs villages de Lombardie possèdent leur ensemble de firlinfeu. Par exemple, l'ensemble "I Bej", créé en 1927, joue un répertoire de danses (mazurkas, valses, marches...), tandis que les costumes sont des créations du costumier Caramba de la Scala de Milan, imitant les costumes du XVIIe S. en usage dans la vallée de la Brianza.
Flûtes de Pan d'Amérique
Dans les Andes, les flûtes polycalames (nom savant pour plusieurs roseaux) jouent un rôle important dans tous les ensembles traditionnels.
On trouve des ensembles de flûtes de Pan avec toutes les tailles en Amérique du sud, les troppas.
Certaines flûtes de Pan ont leurs gammes sur une seule rangée tandis que certaines autres (comme le siku bolivien) ont la gamme répartie alternativement sur deux rangées de tuyaux qu'un seul musicien autonome (pratique moderne) ou que deux musiciens interdépendants (pratique traditionnelle) peuvent faire sonner.
Flûte de Pan de Mélanésie
Il existe de grands ensembles de flûte de Pan dans les îles Salomon.
À noter aussi l'usage (non-exclusif) d'une très remarquable gamme équiheptatonique[26] employée par les Are-Are dans l'ensemble « au tahana ».
Flûte de Pan d'Afrique
Peu de documents, peu d'enregistrements... Il existe cependant des flûtes de Pan dans différentes régions d'Afrique...
Notes
- ↑ “ Il ne semble pas douteux que la Syrinx soit née d’un assemblage de roseaux inégaux. ” André Schaeffner, Origines des instruments de musique, 1968, Paris, Mouton Éditeur, 1980, p 282.
- ↑ Mais elle est parfois considérée par certains auteurs comme en étant l'ancêtre... idem pour l'orgue...
- ↑ Cas le plus courant... Mais il existe des flûtes de Pan ouvertes aux deux extrémités !
- ↑ Sur ce sujet, voir un sonogramme sur le site Mille et une vagues
- ↑ Mouvement de tête, mouvement de flûte, mouvement du maxilaire inférieur, et combinaison de ces procédés
- ↑ Dans le cas du tuyau bouché, on trouve seulement les harmoniques impairs
- ↑ BUCHNER A., Encyclopédie des instruments de musique, Paris, Gründ, 1980, p 20.
- ↑ « … elles nous suggèrent qu’avant que la Syrinx ait été disposée soit en forme de galette soit en faisceau les tuyaux ont peut-être été retenus par un lien assez lâche. » SCHAEFFNER A., Origine des instruments de musique, 1968, Paris, Mouton Éditeur, 1980, p 280.
- ↑ « … le lien le plus subtil qui se conçoive est une chaîne de danse : danse de flûtiste, chacun porteur d’une flûte ou d’un sifflet produisant un son unique ; l’ensemble des instruments individuels donnant une suite de sons comparable à la gamme d’une Syrinx. » SCHAEFFNER A., ibid., p 280.
- ↑ « ... cette syrinx humaine dont les tuyaux étaient distribués entre les danseurs. » SCHAEFFNER A., ibid., p 282.
- ↑ « Ces phalanges réunies entre elles, à l’aide de courroies, ont pu former de véritables flûtes de Pan... » GIROD P. et MASSENAT E., Les stations de l’âge du renne dans les vallées de la Vézère et de la Corrèze, Laugerie et Basse, p 79.
- ↑ πολυκάλαμος σύριγξ / polykálamos sýrinx, syrinx à plusieurs roseaux
- ↑ μονοκάλαμος σύριγξ / monokálamos sýrinx, syrinx à un seul roseau
- ↑ Notez que ce chant est aussi considéré parfois comme le 17e
- ↑ Lire une traduction du chant XVIII des Hymnes Homériques [1]
- ↑ Il faut se souvenir que les traductions sont le fait souvent de poètes, de lettrés ; ici le recours au vocable chalumeau réfère à la racine grecque Kalamos (roseau, chaume), les chaumes étant les matériaux mis en œuvre pour la fabrication de la Syrinx archétypale.
- ↑ PLATON, Républiques III.
- ↑ Ces castreurs n'utilisaient pas une lame d'acier pour leur office, mais un éclat de roseau, tranchant comme un rasoir
- ↑ Construites dans une seule pièce de bois, une planchette avec des forages borgnes
- ↑ toutes les extrémités supérieures sont en ivoire
- ↑ Ou pai-hsiao. Nom chinois pour la flûte de Pan... Attention paixiao est une translitération, toujours difficile depuis le chinois, et peut connaitre d'autres orthographes.
- ↑ Gamme strictement identique à la gamme de Pythagore
- ↑ 1894-1968, de son vrai nom : Ştefan Luca Iordache
- ↑ Qui fut un élève de Fănică Luca, comme tous les maîtres de sa génération.
- ↑ Et se produisait encore en 2007
- ↑ Où le ton vaut sensiblement 171 cents
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