Expédition d'Espagne (1823)

Expédition d'Espagne (1823)

Expédition d'Espagne

Expédition d'Espagne
Informations générales
Date avril 1823
Lieu Espagne
Issue Victoire française
Belligérants
Flag of the Kingdom of France (1814-1830).svg Royaume de France
Flag of Spain (1785-1873 and 1875-1931).svg Espagnols conservateurs
Flag of Spain (1785-1873 and 1875-1931).svg Espagnols libéraux

Flag of France.svg Français républicains

Commandants
Louis de France, duc d'Angoulême
Armand Guilleminot
Nicolas Oudinot
Gabriel Molitor
Bon de Moncey
Étienne Tardif de Pommeroux de Bordesoulle
Louis Aloy de Hohenlohe-Waldenburg-Bartenstein
Pablo Morillo (es)
Ballesteros
Riego
Mina
L'Abisbal
Quiroga
Miguel Ricardo de Álava (es)
Garcès
Forces en présence
95 000 hommes

L’expédition d’Espagne est la campagne menée en avril 1823 par la France afin de rétablir le roi Ferdinand VII d'Espagne sur son trône.

Sommaire

Contexte

En 1820, le roi d'Espagne Ferdinand VII doit faire face à un soulèvement populaire conduit par les libéraux. Ce mouvement révolutionnaire lui reproche l'absolutisme de son pouvoir et les nombreuses persécutions à l'encontre des libéraux. Ferdinand VII doit alors se soumettre, et remettre en vigueur la Constitution de 1812 et ainsi confier le pouvoir à des ministres libéraux.

Des élections ont lieu en 1822 aux Cortès, qui donnent la victoire à Rafael del Riego, dans une Europe secouée par les mouvements démocrates qui perturbent l'ordre intérieur des États. Le roi Ferdinand VII d'Espagne s'est retiré à Aranjuez, où il se considère comme prisonnier des Cortès. Ses partisans installés à Urgel prennent les armes et remettent en place une régence absolutiste. Ils tenteront un soulèvement, avec la garde de Madrid, qui sera un échec ; repoussé par la résistance des forces constitutionnelles. Aussi, en 1822, Ferdinand VII, s'appuyant sur les thèses du Congrès de Vienne, sollicite-t-il l'aide des monarques européens, rejoignant la Sainte-Alliance formée par la Russie, la Prusse, l'Autriche et la France pour restaurer l'absolutisme.

En France, les ultras pressent le roi Louis XVIII d'intervenir. Pour tempérer leur ardeur contre-révolutionnaire, le duc de Richelieu fait déployer, le long des Pyrénées, des troupes chargées de protéger la France contre la prolifération du libéralisme venant d'Espagne et la contagion de la « fièvre jaune ». En septembre 1822, ce « cordon sanitaire » devient un corps d'observation, puis va très vite se transformer en une expédition militaire.

Accords de commodité

Le 22 janvier 1823, un traité secret est signé lors du congrès de Vérone, qui permet à la France d'envahir l'Espagne pour rétablir Ferdinand VII en monarque absolu. Avec cet accord de la part de la Sainte-Alliance, Louis XVIII annonce le 28 janvier 1823, que « cent mille Français sont prêts à marcher en invoquant le nom de Saint Louis pour conserver le trône d'Espagne à un petit-fils d'Henry IV ». Fin février, les Chambres votent un crédit extraordinaire pour l'expédition. Châteaubriand et les ultras exultent : l'armée royale va prouver sa valeur et son dévouement face aux libéraux espagnols pour la gloire de la monarchie des Bourbons.

Le nouveau Premier ministre, Joseph de Villèle, va s'y opposer. Le coût de l'opération lui paraît excessif, l'organisation de l'armée défectueuse et l'obéissance des troupes incertaine. L'intendance militaire est incapable d'assurer le soutien logistique des 95000 hommes concentrés, fin mars, dans les Basses-Pyrénées et les Landes, avec 20000 chevaux et 96 pièces d'artillerie. Pour pallier ses carences, il faut recourir aux services du munitionnaire Ouvrard, prompt à conclure en Espagne, au détriment du Trésor public, des marchés aussi favorables à ses propres intérêts qu'à ceux de l'armée.

L'État-major

L'organisation du commandement pose de nombreux problèmes. Il faut donner aux fidèles des Bourbons l'occasion de montrer leurs grades fraîchement acquis qu'ils doivent au roi, sans compromettre ni la sûreté, ni l'efficacité de l'armée. La solution retenue est habile : aux anciens émigrés et Vendéens les commandements secondaires, aux anciens généraux de la Révolution et de l'Empire les responsabilités principales. Le duc d'Angoulême, fils de Charles X, est nommé commandant en chef de l'armée des Pyrénées, malgré son manque d'expérience militaire, mais il accepte de n'assurer que les honneurs de son titre et la direction politique de l'expédition, laissant à son major général, Guilleminot, général d'Empire aux compétences reconnues, le soin de prendre les décisions militaires. Sur cinq corps d'armée, quatre sont placés sous les ordres d'anciens serviteurs de Napoléon : le maréchal Oudinot, duc de Reggio, le général Molitor, le maréchal Bon Adrien Jeannot de Moncey, duc de Conegliano et le général Étienne Tardif de Pommeroux de Bordesoulle. Le prince de Hohenlohe commande le 3e corps, le plus faible avec deux divisions au lieu de trois ou quatre et 16000 hommes au lieu de 20000 à 27000 pour les autres.

Fidélité de la nouvelle armée

Il faut maintenant savoir si les régiments, où il y a nombre d'officiers, sous-officiers et soldats marqués par les souvenirs des campagnes impériales, sont disposés à marcher gentiment pour les Bourbons de France et d'Espagne. Les libéraux espèrent les dissuader d'aller combattre « pour des moines, contre la liberté ». Villèle s'inquiète de leur propagande dans les cabarets et les chambrées, où se diffuse, en mars et avril, une chanson de Béranger incitant les militaires à la désobéissance :

« Brav' soldats, v'la l'ord' du jour :

Point de victoire
Où n'y a point de gloire.
Brav' soldat, v'la l'ord' du jour :
Gard' à vous! Demi-tour!

 »

Le 6 avril, les doutes des uns et les illusions des autres se dissipent. Sur les rives de la Bidassoa, cent cinquante libéraux français et piémontais se présentent face aux avant-postes du 9e léger. Parmi eux se trouvent le colonel Fabrier et une trentaine d'officiers en uniforme. Ils brandissent le drapeau tricolore, chantent La Marseillaise et incitent les soldats à ne pas franchir la frontière. Les fantassins du roi hésitent. Le général Vallin accourt et ordonne d'ouvrir le feu. Plusieurs manifestant sont tués. Les autres se dispersent. Beaucoup forment quelques semaines plus tard, avec les Anglais du colonel Robert Wilson, les Belges de Janssens et d'autres volontaires venus de France ou d'Italie, une légion libérale et un escadron de lanciers de la liberté, qui combattent aux côtés des forces constitutionnelles.

Déroulement

Dès le 7 avril, l'armée des Pyrénées pénètre sans bruit en Espagne. Le clergé, les paysans, les absolutistes de « l'armée de la Foi » lui font bon accueil. Les armées constitutionnelles, soutenues surtout par la bourgeoisie et une partie de la population urbaine, se replient. Le gouvernement libéral et les Cortès transfèrent leur siège à Séville, puis, le 14 juin, à Cadix, emmenant avec eux le roi Ferdinand VII. Le 23 mai, les troupes françaises entrent dans Madrid, où le duc d'Angoulême installe une régence sous son protectorat. Jusqu'en novembre, elles livrent à travers toute la péninsule une série de combats aux libéraux.

Au nord, les divisions de Hohenlohe, renforcées en juillet par le 5e corps de Lauriston, obligent le général Morillo à battre en retraite, puis à se rallier. Elles contrôlent la Navarre, les Asturies, la Galice. Mais faute de matériel de siège, elles ne peuvent que bloquer les villes où les constitutionnels prolongent la résistance durant plusieurs mois. La Corogne ne capitule que le 21 août, Pampelune le 16 septembre, Saint-Sébastien le 27.

A l'est et au sud-est, Molitor repousse Ballesteros en Aragon, le poursuit jusqu'à Murcie et Grenade, le combat victorieusement à Campillo de Arenas le 28 juillet et obtient sa reddition le 4 août. Aux abord de Jaén, il défait les dernière colonnes de Riego, lequel est capturé par les absolutistes le 15 septembre et pendu le 7 novembre à Madrid, deux jours avant la chute d'Alicante.

En Catalogne, Moncey parvint difficilement à réduire les unités régulières et les guérilléros du général Mina. Barcelone ne se rend que le 2 novembre.

En Andalousie se déroulent les opérations les plus décisives, parce qu'elles visent le principal objectif stratégique de la campagne : Cadix, transformée provisoirement en capitale politique. Une garnison de 14000 hommes y défend le gouvernement et les Cortès, dont le roi est le prisonnier. Riego, au début, les généraux L'Abisbal, Quiroga et Alava jusqu'à la fin, dirigent son action. Les accès de la place sont protégés par les batteries des forts Sainte-Catherine et Saint-Sébastien à l'ouest, du fort Santi-Pietri à l'est et surtout de la presqu'île fortifiée du Trocadéro, où le colonel Garcès dispose de 1700 hommes et de 50 bouches à feu.

Sous le commandement du général Bordesoulle, bientôt rejoint par le duc d'Angoulême et Guilleminot, l'infanterie des généraux Bourmont, Obert et Goujeon, la cavalerie de Foissac-Latour, l'artillerie de Tirlet, le génie de Dode de La Brunerie prennent position devant Cadix à partir de mi-juillet. La marine, contrainte d'employer plusieurs divisions navales à la surveillance des côtes et des ports de l'Atlantique et de la Méditerranée où s'accrochent les constitutionnels, n'envoie pour bloquer le port qu'une petite escadre d'à peine dix bâtiments, avec lesquels le contre-amiral Hamelin ne peut assurer sa mission. Le 27 août, il est remplacé par le contre-amiral des Rotours, puis par Duperré, qui n'arrive que le 17 septembre, avec des moyens renforcés. Le 31 août, l'infanterie française donne l'assaut du Fort du Trocadéro. Au prix de 35 tués et 110 blessés, elle s'empare de la presqu'île et de ses puissants canons retournés contre la ville de Cadix. Elle inflige à l'ennemi la perte de 150 morts, 300 blessés et 1100 prisonniers.

Le 20 septembre, le fort Santi-Pietri tombe à son tour devant une action combinée de l'armée et de la marine. Le 23, ses canons, ceux du fort du Trocadero et de la flotte de Duperré bombardent la ville. Le 28, les constitutionnels jugent la partie perdue : les Cortès décident de se dissoudre et de rendre à Ferdinand VII le pouvoir absolu. Le 30, Cadix capitule. Le 3 octobre, plus de 4600 Français débarquent sur les quais du port.

L'armée du roi de France tire ses derniers coups de fusil au début du mois de novembre. Le 5 novembre, le duc d'Angoulême quitte Madrid. Il rentre en France le 23, laissant derrière lui un corps d'occupation de 45 000 hommes, sous le commandement de Bourmont. L'évacuation progressive de l'Espagne ne s'achève qu'en 1828.

Conséquences

Les libéraux négocient alors leur reddition en échange du serment du roi de respecter les droits des espagnols. Ferdinand VII accepte. Mais le 1er octobre 1823, se sentant appuyé par les troupes françaises, Ferdinand VII abroge de nouveau la Constitution de Cadix, manquant ainsi à son serment. Il déclare « nuls et sans valeur » les actes et mesures du gouvernement libéral.

Chateaubriand, ministre des affaires étrangères du gouvernement Villèle (du 28 décembre 1822 au 6 juin 1824), déclara dans ses Mémoires d'outre-tombe : « Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l'homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans, c'était un véritable prodige ! »

Bibliographie

  • Encyclopédie Universalis, Paris, Volume 18, 2000
  • Larousse, tome 1, 2, 3, Paris, 1998
  • Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 2004, 193 p.
  • André Corvisier, Histoire militaire de la France, de 1715 à 1871, tome 2, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », 1998, 627 p.
  • Demier, Francis, La France du XIXe siècle 1814-1914, Seuil, 2000, 606 p.
  • Dulphy, Anne, Histoire de l'Espagne de 1814 à nos jours, le défi de la modernisation, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 2005, 127 p.
  • Duroselle, Jean-Baptiste, L'Europe de 1815 à nos jours : vie politique et relation internationale, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle clio », 1967, 363 p.
  • Garrigues, Jean, Lacombrade, Philippe, La France au 19e siècle, 1814-1914, Paris, Armand Colin, coll. « Campus », 2004, 191 p.
  • Lever, Evelyne, Louis XVIII, Paris, Fayard, 1998, 597 p.

Articles connexes

Notes et références


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