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État-nation
Un État-nation est la juxtaposition d'un État, en tant qu'organisation politique, à une nation, c'est-à-dire des individus qui se considèrent comme liés et appartenant à un même groupe. C'est donc la coïncidence entre une notion d'ordre identitaire, l'appartenance à un groupe, la nation, et une notion d'ordre juridique, l'existence d'une forme de souveraineté et d'institutions politiques et administratives qui l'exercent, l'État. Sans cette coïncidence, on parlera plutôt d'un État multinational.
Sommaire
Création d'un État-nation
Il existe deux possibilités de création d'un État-nation :
- Soit l'État préexiste à la nation, et l'on cherche ensuite à développer un sentiment national (cas des pays initialement État-nation qui ont conquis des territoires).
- Soit les individus qui se reconnaissent d'une même nation, en particulier dans le cas d'une « nation ethnique », manifestent leur volonté de vivre ensemble, en se dotant d'un État. On parlera donc d'une nation-État, dans laquelle un groupe d'hommes ayant pris conscience de son unité nationale a donné naissance à un État. Ceci a été le cas en Allemagne par exemple.
En France, l'État s'est construit progressivement, et à partir du Moyen-Âge les rois de France ont étendu leur autorité sur un ensemble de plus en plus grand. Cependant, il préexistait un sentiment d'appartenance à une nation, à partir du Royaume franc puis de la Francie occidentale. Le sentiment national a été renforcé notamment par l'obligation d'utiliser le français comme langue véhiculaire dans les actes administratifs, imposé par François Ier par l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, la création d'une école gratuite laïque et obligatoire par Jules Ferry à la fin du XIXe siècle, l'instauration du service militaire, mais aussi la création de divers symboles républicains comme le drapeau français, la Marianne et la Marseillaise.
La culture et l'État-nation
Ces différences de perception de la nation ont permis à la France et à l'Allemagne de revendiquer chacune comme territoire national l'Alsace et la Moselle (le Nord de la Lorraine), c'est-à-dire d'étendre leurs prérogatives étatiques sur ces territoires. En effet pour la France, la nation est un désir de vivre ensemble sous les mêmes règles au-delà des différences de chacun, tandis que pour l'Allemagne la nation est avant tout une cohésion, une culture commune, une langue. Cela explique en partie les différences entre droit du sol français et droit du sang allemand dans l'acquisition de la nationalité.
La notion de culture est perçue de façon différente en France et en Allemagne. En France, la culture désigne plus une connaissance « intellectuelle », au sens de l'érudition individuelle (niant en cela l'étymologie du mot « intellectuel » : interligere, mot latin signifiant « lier entre »), qu'une culture collective. En Allemagne, les deux sens, individuel et collectif, sont exprimés par deux mots distincts ; Bildung et Kultur (voir culture). Dans les histoires des deux peuples, la France a une tradition de centralisation (monarchie), et l'Allemagne une tradition de pouvoir plus décentralisé (princes électeurs de l'empire).
Le sens collectif existe néanmoins en France : la culture française est perçue par les touristes étrangers comme un art de vivre. Elle est aussi exprimée par des œuvres littéraires, musicales, picturales, etc.
Dissociation entre État et nation
Il ne faut pas toutefois confondre État et nation :
- Une nation peut ne pas être dotée d'un État. On peut citer comme exemple la nation palestinienne[réf. nécessaire] : en effet, cette nation[réf. nécessaire] dispose bien d'un territoire, d'une population, mais elle n'a pas d'organisation politique propre à assurer sa pleine souveraineté, elle ne dispose que d'une autorité territoriale.
- Un État peut englober plusieurs nations. Ce fut le cas de l'Empire austro-hongrois, c'est aujourd'hui le cas de la Turquie qui contient sur son sol une nation turque mais aussi une nation kurde. C'est également le cas du Royaume-Uni où Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord sont des nationalités différentes (par ailleurs représentées au sein du tournoi des six nations, les Irlandais du Nord jouant dans la même équipe que les joueurs de la République d'Irlande) et possédant des pouvoirs suite à des dévolutions. Ou alors le Canada, qui comprend la nation canadienne à proprement parler, ainsi que la nation québécoise et les différentes nations autochtones.
- Un État peut exister sans être considéré comme une nation. C'est fréquemment le cas des États fédérés constituant une fédération. Par exemple, les cantons suisses et les Länder allemands sont des États mais ne sont pas des nations. De même pour le Vatican, cas à part, où la nation pourrait être considérée comme les catholiques disséminés à travers le monde.
Critique de la théorie de l'État-nation
- La théorie de l'État-nation a été contestée, notamment par les fédéralistes européens. La nation est selon cette critique une construction politique artificielle des partisans de l'État centralisé. La nation justifie ainsi l'existence de l'État qui n'est plus associé à la personne du monarque mais à une entité abstraite. L'État-nation serait donc une phase de l'évolution politique et aurait vocation à être dépassé en faveur de l'unité européenne puis d'une gouvernance mondiale.
- La théorie de l'État-nation a également été critiquée par les marxistes. Pour eux, le sentiment identitaire ne se trouve pas au sein de la nation, mais au sein de l'Humanité tout entière (voir la phrase de Karl Marx : « Je suis un citoyen du Monde »). En attendant la disparition des États, la classe sociale dominée doit selon eux faire preuve de solidarité internationale permanente : par exemple le refus des guerres. De là, un ouvrier français est, selon eux, plus proche d'un ouvrier de nationalité étrangère, que d'un dirigeant français. C'est la "conscience de classe" (« Les travailleurs n'ont pas de patrie » - Manifeste communiste).
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Alain Bihr, Le Crépuscule des États-nations, transnationalisation et crispations nationalistes, Ed. Page deux, 2000.
- Rosa Luxemburg, La Question nationale et l'autonomie, 1908 (traduction française : Ed. Le Temps des cerises, 2001).
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