Esprit quantique

Esprit quantique

L'esprit quantique est une hypothèse qui suggère que des phénomènes quantiques, tels l'intrication et la superposition d'états, sont impliqués dans le fonctionnements du cerveau et en particulier, dans l'émergence de la conscience. Cette hypothèse part du principe, controversé, que la physique classique et son déterminisme ne peut totalement expliquer la conscience. Ses fondements théoriques ont été posés dans les années 1960 en sciences mais depuis ses partisans ne sont pas encore parvenus à la démontrer.

Cette théorie n'en est qu'à ses débuts, elle a pourtant le soutien le Roger Penrose et de Stuart Hameroff. Karl H. Pribram et Henry Stapp ont, de leurs côtés, proposé une variante.

Sommaire

Motivation

La conscience décentrée

L'argument principal de l'hypothèse de l'esprit quantique est que la physique classique ne peut à elle seule expliquer la conscience. Cela parce que Galilée et Newton exclurent les sensations du monde physique.

Fritjof Capra a écrit :

Pour que les scientifiques soient capables de décrire la nature mathématiquement, Galilée pensait qu'ils devaient se contenter d'étudier les propriétés essentielles des corps -la forme, le nombre et le mouvement- qui pouvaient être mesurées et quantifiées. Les autres propriétés comme la couleur, le son, le goût ou l'odeur, étaient simplement des représentations subjectives, qui devaient être exclues du domaine de la science[1].

Cette question des qualia, des expériences phénoménales qualitatives, est souvent désignée comme le problème ardu ou difficile (Hard problem), expression du philosophe David Chalmers.

Réduction du mystère

Le philosophe David Chalmers, plaisantant à peine, déclare que la volonté des théories sur l'Esprit Quantique est : "une Loi de Réduction du Mystère : la conscience est mystérieuse et la mécanique quantique l'est aussi, peut-être alors ces deux mystères ont-ils une source commune[2]."

Quelques théories

David Bohm

David Bohm affirme que la mécanique quantique et la théorie de la relativité sont contradictoires et que cette contradiction implique qu'il existe un niveau encore plus fondamental dans l'univers physique. Il affirme que la mécanique quantique et la relativité pointent vers cette théorie plus profonde. Ce niveau plus fondamental représenterait une unité indivisible et un ordre implicite à partir desquels apparaît l'ordre explicite de l'univers tel que nous le connaissons. L'ordre implicite de Bohm s'applique à la fois à la matière et la conscience, et il propose que cet ordre implicite pourrait expliquer la relation entre matière et conscience. L'esprit et la matière sont vues comme des projections dans notre ordre explicite à partir de la réalité sous-jacente de l'ordre implicite.

Dans le formalisme de Bohm, il y a un niveau fondamental où la conscience n'est pas distincte de la matière. La position de Bohm sur la conscience est liée à la théorie holographique du cerveau de Karl Pribam. Celui-ci considère que la vue et les autres sens sont des lentilles sans que les autres sens apparaissent comme des hologrammes. Pribam affirme que l'information est enregistrée dans tout le cerveau et qu'elle est enveloppée dans un tout de manière similaire à un hologramme. Il est suggéré que les souvenirs sont connectés par association et qu'ils sont manipulés par la pensée logique. Si le cerveau reçoit aussi des informations à travers nos sens, alors les souvenirs, les associations, la pensée logique et la perception sensorielle sont censés être unifiés dans l'expérience globale de la conscience.

En essayant de décrire la nature de la conscience, Bohm évoque l'expérience d'écouter de la musique. Il pense que la sensation de mouvement et de changement qui constitue l'expérience de la musique provient à la fois du passé immédiat et du présent conservés ensemble dans le cerveau, que les notes du passé sont vues comme des transformations plutôt que des souvenirs. Les notes qui étaient implicites dans le passé immédiat sont perçues comme explicites dans le présent. Bohm compare ce phénomène à la conscience qui se dégage de l'ordre implicite.

Bohm considère que le mouvement, les changements et aussi la cohérence d'expériences comme écouter de la musique comme la manifestation d'un ordre implicite. Il affirme détenir la preuve de ce qu'il affirme à partir des travaux de Pagiat (16) sur les nouveau-nés. Il affirme que ces travaux démontrent que les bébés doivent faire l'apprentissage du temps et de l'espace qui font partie de l'espace explicite, mais par contre ils ont une perception du mouvement qui est codée en dur car faisant partie de l'ordre implicite. Bohm compare ce codage en dur et la théorie de Chomsky qui affirme que la grammaire est codée en dur dans les cerveaux des enfants. Dans ses papiers, Bohm n'a jamais proposé un mécanisme spécifique du cerveau par lequel l'ordre implicite pourrait émerger en rapport avec la conscience.

Gustav Bernroider

Des papiers récents du physicien Gustav Bernroider, ont laissé à penser que ce dernier fait l'hypothèse que la structure implicite/explicite de Bohm peut être prise en compte pour la relation entre les processus neuronaux et la conscience[3]. Dans un papier publié en 2005, Bernroider a précisé sa thèse en ce qui concerne les bases physiques de ce processus[4]. L'idée principale développée dans son papier est que la cohérence quantique peut être entretenue dans les canaux ioniques des neurones suffisamment longtemps pour pouvoir être utilisée par les processus neuronaux. De plus, ces canaux peuvent superposés aux lipides envionnants, des protéines et d'autres canaux de la même membrane. Les canaux ioniques régulent le potentiel électrique à travers la membrane de l'axone, et par conséquent jouent un rôle central dans le traitement de l'information par le cerveau.

Bernroider base ses travaux sur des études récentes du canal ionique potassium (K+) dans son état fondamental. Il s'inspire particulièment des recherches sur la spectroscopie au niveau atomique de l'équipe de MacKinnon[5],[6],[7],[8],[9]. Les canaux ioniques ont une région qui sert de filtre qui accepte les ions K+, mais qui ne laisse pas passer les autres ions. Ces travaux montrent que la région filtre a une structure de 5 ensembles de 4 atomes d'oxygène. Cette structure fait partie du groupe carboxyle des molécules acido-aminées dans la protéine environnante. Ces dernières sont appelées poches de liaison. Deux ions K+ sont piégés dans le filtre de sélection du canal ionique fermé. Chacun de ces ions est lié électrostatiquement à 2 ensembles d'atomes d'oxygène ou poches de liaison, ce qui implique 8 atomes d'oxygène au total. Chacun de ces ions dans le canal oscillent entre deux configurations.

Bernroider utilise cette structure qui a été récemment découverte pour spéculer sur la possibilité d'une cohérence quantique des canaux ioniques. Les calculs de Bernroider et de son co-auteur Sisir Roy les amènent à penser que le comportement des ions dans le canal K ne peut être compris qu'au niveau quantique. Ceci est leur hypothèse de départ. Ensuite, ils se demandent si la structure du canal ionique peut être liée à des états logiques. Des calculs supplémentaires les amènent à penser que les ions K+ et les atomes d'oxygène des poches de liaison sont deux systèmes quantiques superposés, qu'ils peuvent alors considérer comme un ordinateur quantique effectuant le calcul d'une correspondance. Les ions qui sont destinés à être expulsés du canal sont supposés encoder l'information concernant l'état des atomes d'oxygène. Il est aussi proposé que les canaux ioniques séparés pourraient être liés au niveau quantique.

Roger Penrose

Dans Le nouvel esprit de l'empereur[10] et Les ombres de l'esprit[11] Roger Penrose dit :

1. Les êtres humains ont des capacités, particulièrement en mathématique, qu'aucun ordinateur algorithmique (comme la machine de Turing) ne peut avoir. Ceci parce que les ordinateurs sont limités par le théorème d'incomplétude de Gödel. En d'autres termes il considère les êtres humains comme des hyperordinateurs. (Argument originairement soulevé par John Lucas.)

La pensée de Penrose est très controversée : la faculté humaine, qui génère des théorèmes, peut aller au-delà de ce qui est démontrable par des axiomes mathématiques. Pour cette raison, il y a quelque chose dans le cerveau qui ne procède pas de manière algorithmique (par un système de calculs).

Penrose n'est pas intéressé par l'explication de la conscience ou des qualia, généralement considérés comme les attributs les plus mystérieux de la conscience. Il est plutôt orienté vers les capacités cognitives des mathématiciens.

Ces assertions ont été vigoureusement contestées par de nombreuses critiques et notamment par les philosophes Churchland et Grush[12],[13].

2. Penrose prétend que le procédé encore inexploré sur lequel repose de la réduction du paquet d'onde fournit cet élément non-algorithmique. Le choix aléatoire, par exemple, du positionnement d'une particule, engagé dans l'effondrement de la fonction d'onde, fut le seul procédé que Penrose trouva, qui n'est pas basé sur un algorithme. Cependant, le caractère indéterminé n'encourageait pas la "qualité du jugement mathématique", mis en avant par le théorème de Gödel.

Penrose considère que lorsque la fonction d'onde s'effondre lorsqu'on la mesure ou par décohérence, alors cela pourrait laisser une alternative à cet effondrement, qu'il appela la réduction objective (OR). Dans ce cas, chaque superposition quantique a sa propre structure spatiotemporelle. Lorsqu'elle est séparée par plus que la constante de Planck, elle est affectée par la gravité, devient instable et s'effondre. Cela est très différent de l'orthodoxie traditionnelle de Niels Bohr et de son interprétation de Copenhague et même de théories plus modernes qui contournent l'effondrement de la fonction d'onde : l'intervention de mondes multiples (théorie d'Everett) ou certaines formes de la théorie de la décohérence.

En outre, Penrose estime que la Réduction Objective ne procède ni de manière algorithmique, ni de manière aléatoire, elle est 'non-informatique', sélectionnant les données contenues à un niveau spatiotemporel fondamental.

3. L'effondrement nécessite un état superposé pour qu'il puisse être étudié. Penrose empruntes à Stuart Hamerrof, l'intervention des microtubules, reliant les neurones.

Initialement, Penrose manquait d'explications sur la manière dont l'OR pouvait intervenir dans le cerveau. Ce fut le travail conjoint avec Hameroff[14] qui le lui fournit. Les microtubules étaient en effet au cœur du propos d'Hameroff. Les microtubules sont des parties essentielles du cytosquelette, et jouent un rôle important dans certaines fonctions des cellules du corps humain. Dans cette étude, il fut proposé que ces microtubules pouvaient contenir des éléments quantiques connus sous le nom de condensat de Bose-Einstein. Ces condensats pouvaient relier les neurones à travers l'aspect creux des microtubules, permettant ainsi à la superposition quantique de s'étendre sur de grandes parties du cerveau. De même, il est suggéré que lorsqu'un de ces parties s'effondre, cela provoque un instant de conscience, une information provenant d'un niveau spatiotemporel fondamental est alors mise à disposition du cerveau.

En même temps, il a été avancé que l'activité des synapses influence et est influencée par l'activité des microtubules. Ce que Penrose et Hameroff appellent une "orchestration". De là provient le nom de la théorie de Réduction Objective ou communément appelée Orch Or.

Les propositions de ces deux scientifiques soulèvent de nombreuses critiques. La plus courante contre l'Orch OR (et plus généralement sur tout l'esprit quantique) est que les conditions à l'intérieur du cerveau ne peuvent conduire qu'à un enchainement, à la fois d'état superposés et d'effondrements, bien trop rapides pour être pertinent au niveau des neurones et donc de la conscience.

Débats

Scientifique

Le principal argument contre la proposition d’esprit quantique est que la décohérence des paquets d’onde à l’intérieur du cerveau serait trop rapide pour jouer un rôle significatif dans le traitement neuronal. Max Tegmark est sans doute le plus fervent partisan de cette assertion.

Selon les sceptiques du Québec, la contribution de la mécanique quantique aux théories modernes (philosophiques ou spirituelles) de la conscience et du cerveau fait un emploi profitable de ces nouvelles explorations pour proposer de nouveaux paradigmes et des programmes de "transformation de soi" en inculquant la conviction que chacun est finalement responsable de la création de sa propre réalité. Ce qui incite à distinguer prudemment la science des courants spirituels, car c'est une situation où la science (avec la mécanique quantique) est détournée de son contexte[15].

Philosophique

Une critique fréquemment formulée est qu’aucune théorie physique, qu’elle soit classique ou quantique, n’est véritablement capable d’expliquer la conscience, particulièrement dans sa forme la plus problématique : la conscience phénoménale ou qualia, connue pour être le problème difficile de la conscience[16]. Si aucune théorie physique ne peut exprimer ce que sont les qualia, alors aucune théorie physique ne peut pleinement expliquer la conscience. Remplacer les processus de la physique classique par ceux de la physique quantique n’est donc d’aucune aide à la compréhension de la conscience.

Le philosophe David Chalmers, critique les deux théories et ajoute : "Les approches quantiques de la raisons souffrent des mêmes lacunes que les explications neurales ou computationnelles. Les phénomènes quantiques ont des propriétés étonnantes, comme l’absence de déterminisme et la non-localité. Il est donc naturel de penser que ces propriétés pourraient jouer un rôle dans l’explication des fonctions cognitives, comme les choix aléatoires ou l’assimilation des informations. Cependant, lorsque nous devons expliquer proprement ce qu’est l’expérience, les explications quantiques se trouvent dans la même incapacité que les autres approches. La question de savoir pourquoi ces processus devraient donner lieu à la naissance de l’expérience est toujours en suspens."

Notes et références

  1. Capra, F. The Turning Point
  2. Chalmers, D. Facing up to the Problem of Consciousness
  3. (en)Gustav Bernroider, Quantum neurodynamics and the relation to conscious experience, Neuroquantology, 2, 2003, p. 19  [1]
  4. (en)Bernroider, G.& Roy, S, Quantum entanglement of K ions, multiple channel states and the role of noise in the brain - SPIE Vol. 5841-29, 2005, p. 205-214  [2]
  5. (en)Jiang, Y.,MacKinnon,R.et al., The principle of gating charge movement in a voltage dependent K+ channel - Nature 42, 2003, p. 33-41  [3]
  6. (en)Jiang, Y.,MacKinnon,R.et al., X-ray structure of a voltage dependent K+ channel - Nature,42, 2003, p. 42-48  [4]
  7. (en)Zhou, Y.,Morais-Cabral, A.,Kaufman, A.& MacKinnon,R., Chemistry of ion coordination and hydration revealed in in K+ channel-Fab complex at 2.0 A resolution - Nature,414, 2001, p. 43-48  [5]
  8. (en)Morais-Cabral, H.,Zhou, H.& MacKinnon,R., Chemistry of ion coordination and hydration revealed in in K+ channel-Fab complex at 2.0 A resolution - Nature,414, 2001, p. 37-42  [6]
  9. (en)Doyle, D.,MacKinnon,R.et al., The structure of the potassium channel: Molecular basis of K+ conduction and selectivity - Science,280, 1998, p. 69-76 
  10. The Emperor's New Mind: Concerning Computers, Minds and The Laws of Physics ISBN 0-19-851973-7
  11. Shadows of the Mind: A Search for the Missing Science of Consciousness ISBN 0-19-853978-9
  12. Grush, R.& Churchland, P. (1995) - Gap's in Penrose's Toilings - Journal of Consciousness Studies, 2,(1), pp.10-29
  13. Churchland, P. (1996) - The Hornswoggle Problem - Journal of Consciousness Studies,3,Nos5-6,pp.218-20
  14. Hameroff, S. (1987) - Ultimate Computing - Elsevier
  15. http://www.sceptiques.qc.ca/activites/conferences/Mai-2006
  16. Saul-Paul Sirag"Consciousness:A Hyperspace View"

Wikimedia Foundation. 2010.

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