- Affaire des "boues rouges"
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Affaire des boues rouges
Le déversement des « boues rouges » en Méditerranée a commencé en mai 1972 : après un accord donné par les autorités italiennes, à titre expérimental et pour six mois, une société italienne, la Montedison, installée près de Livourne, organise le rejet de ses deux à trois mille tonnes de déchets quotidiens à une vingtaine de milles du cap Corse. Il s'agit d'une usine de production de bioxyde de titane et de vanadium. Le bioxyde de titane est utilisé par de nombreuses industries, peinture, céramique, émaux, encres, matières plastiques, produits pharmaceutiques.
Pour obtenir la peinture, il faut du blanc de titane (bioxyde), obtenu par l'attaque de l'ilménite, minerai sableux noir, à l'acide sulfurique. Se dégagent alors des sulfates ferreux (de fer, titane, vanadium, chrome, arsenic, plomb, cadmium). On isole le bioxyde de titane par précipitation et combustion. Reste donc une masse énorme de déchets. Pour une tonne de bioxyde de titane, on rejette 4,5 tonnes d'acide sulfurique, 1,5 tonne d'oxyde de fer, 6,5 kg d'oxyde de manganèse, 3,3 kg d'anhydride de vanadium, 1,3 kg de trioxyde de chrome, des dérivés d'arsenic, de plomb et de cadmium.
L'acide sulfurique brûle toute matière vivante s'il est concentré, coagule les protides dont sont composés tous les êtres vivants, augmente l'acidité de la mer (d'où déséquilibre et mort des plantes et animaux), diffuse dans l'eau (il tue dans un rayon de 3 km autour du point de dégagement). Des décès et échouages suspects de gros cétacés ont été constatés sur les côtés corses. Le cas le plus flagrant étant celui d'un Rorqual commun de 20 mètres et 10 tonnes dont la peau semblait grillée.
Le titane et le vanadium sont des métaux rares dont une dose infime peut avoir des conséquences catastrophiques : 2 mg de titane par litre tuent le plancton végétal et 4 mg tuent le plancton animal (plancton pollué = poisson pollué = homme pollué). Le vanadium s'accumule dans l'organisme : il n'est ni détruit ni éliminé ; toute nouvelle dose ingérée s'ajoute aux précédentes. Lorsque le seuil de toxicité est dépassé, des troubles apparaissent dans la formation des globules rouges.
En dépit des protestations, l'autorisation unilatérale et en principe provisoire, est maintenue. Les personnalités les plus éminentes, des océanographes et des biologistes comme le commandant Cousteau, Paul-Émile Victor, le docteur Bombard, ont dénoncé le danger. Le professeur Vaissière, directeur du Laboratoire de Lutte contre la pollution en mer, le docteur Aubert, directeur du Centre d'études et de recherches de biologie et d'océanographie médicale (CERBOM) et directeur de recherches à l'INSERM ont analysé les problèmes.
Des prélèvements et de nombreux dosages ont été faits, des expériences de laboratoire sont en cours, et un rapport précis sera publié. Les possibilités d'épuration existent, sont connues et applicables… Mais si l'usine recycle ou épure ses déchets, le prix de revient du titane augmenterait de 15 %.
En 1973, un mouvement populaire massif de défense du patrimoine naturel touche l’opinion publique insulaire et les Corses de l’extérieur en réaction à la pollution marine au large du cap Corse. Des comités anti-boues rouges fleurissent à Bastia et à Ajaccio. Une grande manifestation unitaire a lieu en février 1973, avec à sa tête élus de toutes étiquettes, hommes politiques, autorités religieuses, cela dégénère et se termine par l’arrestation du responsable fédéral du parti communiste, adjoint à la mairie de Bastia, et de Edmond Simeoni porte-parole de l’Action régionaliste corse, (ARC). Cette mobilisation générale aboutit à la condamnation, en avril 1974, des responsables de la multinationale au procès de Livourne.
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