Affaire Leprince

Affaire Leprince
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L'affaire Leprince ou le massacre de Thorigné est une affaire criminelle française qui a défrayé la chronique dans les années 1990. Le 5 septembre 1994, la police découvre à leur domicile de Thorigné-sur-Dué Christian Leprince, sa femme Brigitte et deux de leurs filles, âgées de 10 et 6 ans, sauvagement assassinés. La plus jeune, âgée de 2 ans, est cependant retrouvée vivante dans sa chambre, changée et propre.

Le frère de Christian, Dany Leprince, habitant la maison voisine, est accusé par sa femme et leur fille aînée d'avoir tué son frère Christian. Dany Leprince avoue seulement le meurtre de son frère, après 46 heures de garde à vue, puis se rétracte et nie en bloc. Il accuse ensuite sa femme de faux témoignage et affirme qu'elle est l'auteur des faits, avec un complice.

Reconnu coupable des quatre meurtres, et condamné à perpétuité avec vingt-deux ans de sûreté, Dany Leprince n'a cessé de clamer son innocence. En 2006, la justice a ordonné un supplément d'information pour une éventuelle révision de son procès. En 2010, la cour de révision est saisie de l'affaire et ordonne une suspension de peine - et donc une libération provisoire - pour Dany Leprince à compter du 8 juillet 2010[1]. Le rejet de la demande de révision le 6 avril 2011 le renvoie en prison[2].

Sommaire

Les faits

La découverte du crime

Le lundi 5 septembre 1994, à Thorigné-sur-Dué, dans la Sarthe, à 9h du matin, Brigitte et Christian Leprince ne sont toujours pas arrivés sur leurs lieux de travail respectifs ; les employés de l’entreprise de carrosserie de Christian Leprince s’en inquiètent, se rendent à son domicile, et y découvrent Christian, sa femme Brigitte, leurs filles Audrey (10 ans) et Sandra (6 ans) assassinés.

La nourrice de la troisième petite fille du couple, Solène (2 ans) est accourue aussi, s’étonnant qu’on ne lui ait pas amené la petite. Les ouvriers aperçoivent alors la belle-sœur de Christian, Martine Leprince, qui travaille non loin de là. Ils la préviennent, mais l’empêchent d’entrer dans la maison, pour lui épargner le spectacle. Martine garde son sang-froid et, s’inquiétant du sort de Solène, se met à la chercher dans les alentours avec la nounou.

Martine est mariée au frère ainé de Christian, Dany, agriculteur, parti travailler à 15 km de là, dès 3 h du matin, à l’emballage de la viande à l’entreprise Socopa. Il mène de front ce travail nocturne et son activité d’agriculteur, dans la journée. Ils habitent la maison voisine, distante de 20 mètres de celle des victimes ; eux aussi ont trois filles, âgées de 15, 10 et 6 ans. Les parents Leprince, Robert et Renée, qui habitent à 500 m, et leur troisième fils Alain crient leur souffrance et leur désespoir. Les pompiers, la police et le médecin arrivent.

On retrouve alors la petite Solène dans sa chambre. Elle semble être en forme ; il n’y a aucune trace de sang dans sa chambre, ni dans son lit, ni sur elle. Elle est aussitôt remise à sa nourrice qui s’étonne de trouver son vêtement très propre - « elle sent le bain » dira-t-elle - comme si elle avait été changée.

Martine appelle son mari à son travail et lui annonce qu’un malheur est arrivé sans préciser de quoi il s’agit[3]. Avec Alain, elle le lui explique à son arrivée : « Je vais t’expliquer … tout le monde est mort ». D'après un pompier, il ne serait manifestement pas au courant[4]. Tous les témoins le voient en proie au plus profond chagrin. Ce soir-là, les quatre grands-parents et Alain dinent chez Dany et Martine. Dany, effondré, répugne à passer la nuit dans sa maison, si près du lieu du carnage.

Premières constatations et relevé des empreintes

Le ou les agresseurs se sont acharnés sur leurs victimes. Il y a du sang partout, au sol, sur les murs et jusqu’au plafond. On en trouve aussi près de la boîte aux lettres de Dany et Martine, au passage entre les deux jardins. Les autopsies révèlent des plaies aussi larges que profondes, pouvant avoir été données par une hache ou équivalent, et aussi des coups de couteau. Les victimes ont reçu des coups multiples au crâne, au visage, aux cervicales, ainsi qu’aux mains et aux bras (blessures de défense).

Christian a été assassiné dehors, à l’entrée du jardin de son frère, près de la boîte aux lettres, puis traîné jusque dans sa maison. Il gît dans l’entrée, les jambes jetées sur le corps de Sandra. Brigitte s’est défendue avec un tisonnier avant de succomber. Au moment de l’agression, elle commençait à consommer un yaourt que l’on retrouve renversé par terre. Elle gît dans la cuisine. Audrey a été tuée dans la salle de bain et traînée dans la chambre de ses parents tout le long d’un couloir. Les petites filles étaient en train de se déshabiller pour aller au lit.

On trouve dans la maison les indices suivants[5] :

  • des empreintes de pas féminins
  • [réf. nécessaire]une empreinte de chaussure Doc Martens, dont on n’arrivera jamais à identifier le propriétaire, taille 41
  • [réf. nécessaire]deux ADN masculins qui ne seront jamais identifiés sur des manches de couteau
  • [réf. nécessaire]un bouton qui sera perdu par la suite
  • une mèche de cheveux coupés dans la main de l’une des petites filles, mais sans bulbe, ce qui ne permettait pas de les identifier à l’époque
  • sur le bureau de Christian, une reconnaissance de dette de 10.000 F, somme qu’il avait prêtée à son frère Dany huit ans auparavant.
  • un détail qui intrigue les enquêteurs : les portes du garage, celle à double battant, et celle donnant sur la cuisine, sont toutes deux verrouillées de l’intérieur. Les gendarmes ont dû entrer dans le garage par effraction, mais on n’y trouve personne.

Dans la maison de Martine et Dany :

  • un couteau ayant servi au massacre, dans le tiroir à couteaux, dans leur garage.

Pendant la première matinée d’investigations, les journalistes, accourus nombreux sur place, observent le travail des gendarmes et photographient Martine Leprince qui fait des lessives et étend son linge dehors[6].

L'enquête

Le 5 septembre : première version des événements

Les premiers témoignages de Dany et Martine Leprince et leur fille aînée Célia (15 ans) s’accordent à quelques détails près sur cette première version des événements.

  • L’après-midi et le soir du dimanche 4 septembre

Dans l’après-midi, les petites cousines ont joué ensemble chez Martine. Brigitte a réclamé ses filles vers 18 h. Dany a semé du colza dans les champs et s’est rendu dans la soirée chez des amis, les Malherbe, habitant tout près, pour les aider à installer une vieille cuisinière. Il a pris un apéritif avec eux, et d’après leur témoignage, serait reparti vers 22h, «  n’ayant plus que quatre heures à dormir » puisqu’il devait se lever à 2h30 pour se rendre à son travail. Les Malherbe se seraient étonnés que Martine ne soit pas venue chercher Dany, comme elle le fait habituellement quand il s’attarde chez eux. Renée, sa mère, dit avoir entendu passer la voiture de Dany vers 21h40, et avoir songé que c’était bien tard pour lui vu ses horaires de travail.

Le retour de Dany est situé à des horaires variables selon les témoins : vers 21h15 pour Martine Leprince, vers 21h30 pour Dany, et vers 22h pour les Malherbe. Dans tous les cas, sa famille avait fini de dîner. Martine témoigne qu’à son retour Dany a mangé seul, s’est douché et s’est aussitôt couché. Célia, leur fille aînée, dit être allée se coucher vers 22h avant la fin du film car elle était fatiguée. Martine dit être restée devant la télévision et s’être couchée vers 23h.

Quant à Christian, Brigitte et leurs filles, ils ont diné ce soir-là chez les parents de Brigitte. Après leur retour, celle-ci a appelé son père au téléphone à 20 h 50. Elle était donc encore en vie à cette heure-là[7].

  • Le lundi 5 au matin

Dany s’est levé comme prévu à 2h30 du matin. Martine a alors programmé son réveil sur 6h30 et s’est rendormie. Elle raconte avoir quitté la maison un peu en retard, vers 7h45, et que tout lui paraissait calme chez Christian et Brigitte. Elle aurait même pensé qu’ils étaient peut-être encore en vacances. Elle a vaqué à ses occupations ordinaires, et précise que rien d’anormal n’a attiré son attention ce matin-là, jusqu’à ce que les ouvriers de Christian viennent la chercher[8].

Le 7 septembre : une feuille de boucher aurait disparu

Le 7 septembre, aux actualités régionales, on parle d’une feuille de boucher comme arme possible du crime. Il s’agit d’un couteau-hache, très large, que les bouchers utilisent pour séparer les côtelettes. Martine se souvient alors que sa feuille de boucher n’était pas dans son tiroir habituel, dans le garage, le 2 septembre. Elle n’y était pas non plus le 5, quand un gendarme a examiné le contenu du tiroir, en sa présence[9]. Elle se souvient alors qu’il y a une feuille de boucher chez ses beaux-parents, s’emporte, appelle les gendarmes, ainsi qu’un ami de la famille qui sera chargé d’aller la chercher. Elle la donne aussitôt aux gendarmes[10]. La feuille provenant de chez les beaux-parents porte le nom d’un employé de la Socopa, où Martine a travaillé au désossage et découpage des animaux, quelques années auparavant, avant d’y renoncer pour se consacrer entièrement à son exploitation, et à son élevage de porcs en plein air. Cet employé ne se souvient pas avoir donné son outil à qui que ce soit[11].

Dany ne s’occupe que de l’emballage de la viande à l’usine, et n'a pas de formation pour découper un animal. Il n’a, semble-t-il, jamais non plus appris à utiliser une feuille de boucher dans sa vie privée. Chez eux, à la ferme, c’est toujours Martine qui abat et découpe le cochon, Dany évitant d’y assister, car, comme le précise Célia : « Papa n’aime pas trop ça ». Cette feuille présente un méplat, qui pourrait être compatible avec la trace d’un coup violent retrouvé sur la machine à laver de la salle de bains de Christian et Brigitte. L’instrument devient une pièce à conviction. À partir de ce moment, dès le 7 septembre au soir, toute la famille Leprince est mise en garde à vue[12].

Du 7 au 9 septembre : gardes à vue de la famille Leprince

Garde à vue des parents Leprince

Renée Leprince, la grand-mère des petites filles, témoigne avoir passé, du mercredi 7 au soir jusqu’au vendredi 9 « Deux nuits atroces. On nous a traités de tous les noms, on nous a insultés… » Robert, son mari, dit avoir été giflé : « Ils voulaient me faire avouer que c’était Dany »[13]. Dans l’état de choc où ils se trouvent, ils sont psychiquement affaiblis, et Renée finit par reconnaître que Dany lui aurait rapporté la feuille de boucher le lundi matin, toute sanglante, en lui ordonnant de la laver, ce qu’elle admet avoir fait « puisqu’on lui affirme que le manche était humide ». Elle se rétracte très vite ensuite, affirmant qu’on lui a fait dire n’importe quoi sous la pression[14],[15].

Garde à vue de Martine Leprince, et deuxième version des événements

Les gendarmes constatent que Martine a le nez tuméfié par une ecchymose, datant de plusieurs jours, d’après le médecin qui l’examine ; elle explique qu’en voulant frapper un cochon avec un tuyau semi-rigide, elle se serait donné ce coup par maladresse, mais ne parviendra pas à reproduire son geste[16].

Elle confirme d’abord sa première version des événements des 4 et 5 septembre[17]. Puis, pendant une période de repos au cours de laquelle elle dort, le 9 septembre à 2h du matin, elle fait un rêve agité, semble vouloir se protéger le visage, et s’écrie : « Arrête, arrête ». Lors d’un autre somme, elle s’écrie : « Non-Non-Non ! » et à un autre moment : « Pourquoi Dany ! ». Elle a une crise d’angoisse le lendemain, et « entend » son mari hurler, mais ne sait pas où. Un médecin lui administre un calmant[18].

Après ces deux sommes, elle donne une version différente des événements[19] : elle raconte alors que 2 ou 3 minutes après que son mari a terminé son repas, le dimanche soir, elle se lève de devant la télévision et apporte les restes aux chiens. Elle entend alors hurler, et voit Dany frapper son frère à côté de la boîte aux lettres. Elle s’approche des deux hommes en criant : « Arrête, arrête », passe juste à côté d’eux sans que Dany ait l’air de la remarquer, et se précipite vers la maison de sa belle-sœur pour la prévenir. Mais en entrant, elle la voit gisant au sol avec Audrey et Sandra. Elle n’aurait fait que quelques pas dans la maison, et n’aurait pas touché aux corps « pour éventuellement regarder si elles étaient toujours vivantes » précise-t-elle. Elle explique : « Je n’ai pas cherché Solène, la dernière, parce que je me disais que j’allais la trouver dans le même état que les autres ». Elle retourne aussitôt chez elle en enjambant le grillage par derrière pour éviter Dany, et se remet alors devant la télévision, avec ses filles. Elle ne se serait absentée que 7 à 8 minutes en tout, et aurait agi ainsi par peur, pour que son mari ne se rende pas compte qu’elle avait tout vu. Ensuite, ses filles se couchent, sans qu’elle leur ait rien dit, et elle continue à regarder la télévision et s’y endort. Selon cette version toujours, elle se réveille à 23 h et va se coucher auprès de son mari. A 2h 30, le réveil sonne pour Dany, qui part à son travail. Ils ne se disent rien. Elle règle alors l’alarme sur 6h30 pour elle, et se rendort. Elle se réveillera en retard. En partant à la ferme avec sa fille Célia, « j’ai bien vu qu’il n’y avait pas le corps de Christian près de la boite aux lettres mais c’est tout, je n’ai pas regardé davantage ».

Elle précise qu’elle avait pensé à appeler la gendarmerie le lundi matin, « mais j’avais tellement peur et puis tout cela me semblait irréel, comme un cauchemar. J’avais dans la tête des flashs… ». Le soir du 9 septembre, Martine Leprince est présentée à la juge d’instruction qui l’entend comme témoin et accepte sa version des faits. Martine Leprince ne sera jamais mise en examen. Pour Maître Cornut, avocat de Dany Leprince, dès ce premier témoignage, « on va considérer qu’il est le coupable et l’entendre comme un coupable »[15].

Garde à vue de Célia Leprince

Lors de sa garde à vue, Célia présente aussi une nouvelle version des faits, mais différente de celle de sa mère. Le 4 septembre au soir, sa mère serait partie pendant la première partie du film. Pendant la coupure de publicité, Célia ouvre à ses chiens qui se précipitent dehors en aboyant. Elle entend alors « des bruits et des cris » dans la maison de ses cousines. Elle voit « un homme » poursuivre son oncle Christian jusqu’à la boite aux lettres, et le frapper. Elle dit avoir ensuite reconnu son père. Elle précise qu'il a un long couteau, qu'elle le voit frapper son oncle puis le tirer dans la maison[15]. Son oncle hurle sous les coups, et au même moment, elle entend des hurlements stridents et des cris d’enfants dans la maison de ses cousines. Elle ne voit pas sa mère, ne sait pas où elle est et s’inquiète « de ne pas avoir vu ni entendu sa mère pendant une heure, puis jusqu’au lendemain matin » Elle va se coucher, terrorisée[20].

Garde à vue et aveux de Dany Leprince

Pendant deux jours et deux nuits, Dany Leprince maintient sa première version des faits. Mais à la 46è heure de sa garde à vue, il craque et raconte qu’après avoir pris l'apéritif, le 4 septembre au soir, il est rentré très énervé car il avait des problèmes d'argent. Il décide alors de demander à son frère Christian de lui prêter 20.000 F, alors qu'il lui en devait déjà 15.000. Selon cette version des faits, Dany « s'engueule » avec son frère, à la porte de sa maison, en présence de Brigitte qui se trouvait derrière son mari. Tous deux refusent de l'aider. Le ton monte, Christian veut aller en parler à sa belle-sœur Martine et part vers la maison de son frère. Alors que Christian passe à côté de la boîte aux lettres et du passage, Dany dit l'avoir rattrapé et frappé « avec la feuille de boucher que je tenais dans le dos ». Il dit avoir pris cette feuille dans le tiroir de Martine où sont les couteaux, dans son garage. Il dit se rappeler avoir vu Martine sa femme lui crier « Arrête, arrête » et lui avoir répondu : « Mêle-toi de ce qui te regarde ». Il précise alors « Martine est au courant de ce qui s'est passé, mais elle n'a rien pu faire »[15].

Après, tout est flou, il se souvient être rentré, avoir diné et s'être couché. Le lendemain, il se lève à 2h30 pour aller travailler, et dit avoir déposé la feuille de boucher chez sa mère « plus tard dans la journée »[21].

Bien qu'il reste encore deux heures aux enquêteurs pour l'interroger (la garde à vue ne pouvant excéder 48 h), les gendarmes arrêtent la garde à vue à ce moment-là, sans avoir obtenu d'information sur les meurtres de Brigitte et de ses filles, ni sur l'existence d'éventuels complices. Détail étrange : Dany Leprince aurait pris la feuille de boucher dans le tiroir-même où Martine aurait constaté, dès le 2 septembre, qu'elle n'y était plus. En pleine nuit, Dany Leprince est présenté à la juge d'instruction C. Brunetière et se dit prêt à s'expliquer par lui-même, sans l'assistance d'un avocat. Elle recueille donc sa déclaration, telle quelle, mais ne peut lui poser de questions en l’absence de l'avocat ; puis elle le fait incarcérer.

Dany Leprince va ensuite se rétracter avec véhémence et clamer son innocence : il explique que, traumatisé par le massacre des siens, ayant subi des pressions intenses pendant 46 heures, on lui aurait fait croire qu'une fille qu'il entendait crier dans la pièce voisine était la sienne ; il dit qu'il était « à bout » et qu'il n'a fait que reconnaître tout ce que la police lui suggérait, lui martelait, depuis des heures. « C'est ce qu'ils voulaient entendre pour que ça s'arrête. Alors j'ai dit ça, certain que l'enquête trouverait la vérité[22].».

Le Gendarme R. Lembert, qui a effectué l'enquête de flagrance durant les cinq premiers jours, admet que les conditions sont dures, en garde à vue ; mais il fait valoir que les enquêteurs sont eux-mêmes sous pression devant l'opinion, les journalistes, et « nécessairement passionnés » par l'horreur des crimes[13].

Le bruit se répand que « Dany le boucher » aurait avoué les quatre meurtres

Après les aveux de Dany Leprince, le Procureur de la République annonce aux journalistes qu' « il y a des aveux », sans préciser qu'il n'a avoué que le meurtre de son frère, et « d'autres éléments permettant de les conforter ». La presse en conclut aussitôt que Dany Leprince a avoué les quatre meurtres, et les journalistes n’hésitent pas à l’écrire et à en faire leurs gros titres : on parle de lui comme de « Dany le boucher ».

Dans son arrêt de renvoi devant la Cour d’assises, la chambre d’accusation elle-même écrira : « En tous cas, il est constant que Dany Leprince a reconnu les meurtres de son frère, sa belle-sœur et ses deux nièces »[23].

La recherche des preuves et le débat sur les éventuels mobiles

Pas de preuves matérielles

Les enquêteurs ne disposent d’aucun élément de preuve matérielle de l’éventuelle culpabilité de Dany Leprince[24].

  • On ne retrouve aucune empreinte de Dany Leprince sur les lieux du crime
  • Les ADN masculins trouvés sur les lieux ne correspondent pas au sien. On ne testera aucune autre empreinte ADN que celles des victimes, la sienne et celle de sa femme.
  • Sur le pantalon jean qu’il portait la veille, et qui n’a pas été lavé, on ne trouve qu’une tache de rouille, provenant sans doute du transport de la vieille machine à laver, le dimanche soir, et du sang d’animal. [réf. nécessaire]Pas une seule goutte de sang humain. Alors que dans la maison du carnage, le sang avait giclé partout, sur les murs et jusqu’au plafond.
  • Dany Leprince chausse du 46[25] et n’a jamais possédé de chaussures Doc Martens.

Reconstitution des événements

Le déroulement des événements est difficile à reconstituer car les témoignages recueillis en garde à vue sont contradictoires. Tous semblent s’accorder sur ce seul point : Dany Leprince aurait tué son frère près de sa boîte aux lettres, environ 3 minutes après être sorti de table. Mais puisqu’on impute les quatre meurtres à Dany Leprince, à quel moment Brigitte et ses filles auraient-elles été massacrées dans leur maison ? Avant ou après le meurtre de Christian ?

Une reconstitution des événements est organisée le 12 avril 1995[26] . Dany Leprince refuse d’y participer. Il continue à clamer son innocence. La reconstitution reprend la version de Martine Leprince, en supposant que Christian n’était pas présent lors du massacre de sa famille, et qu’il aurait été tué à son retour. Cette reconstitution n’a pas permis de répondre à un certain nombre de questions :

  • Christian, Brigitte et leurs filles étaient rentrés tous ensemble, ce soir-là, d’avoir diné chez les grands parents, et se préparaient à se coucher. Quelle preuve a-t-on que Christian se serait absenté ?
  • La reconstitution ne mentionne pas les hurlements stridents, et les cris d’enfants, que Célia, lors de sa garde à vue, disait avoir entendus dans la maison en même temps qu’on assassinait Christian à l’extérieur.
  • On n’explique pas comment, au même endroit que sa mère (devant leur garage) et au même moment (assassinat de Christian), Célia n’a ni vu ni entendu sa mère qui courait d’une maison à l’autre en criant « arrête, arrête ». Martine indique dans la reconstitution qu’elle ne se souvient plus si elle est passée à côté des deux hommes, ou directement à travers la haie.
  • Il n’est fait nulle part mention de l’existence possible de complices, alors qu’on a trouvé des empreintes non identifiées sur les lieux.
  • Martine Leprince dit être revenue presque tout de suite après la macabre découverte. Pourtant, Célia ne l’aurait pas vue « pendant une heure et jusqu’au lendemain ».
  • On ne met pas en scène la version présentée par Dany Leprince, alors que ses aveux lui seront portés à charge.

Pour le mobile, on envisage deux hypothèses : l’argent et la jalousie

On suppose que l’exploitation de Dany et Martine Leprince perdait de l’argent, ce qui obligeait Dany à travailler 18 heures par jour, dès 3 h du matin à la Socopa, avant de reprendre le travail à la ferme dans la journée. Ils étaient dans le rouge, avec une grosse échéance de 20 000 F à régler. De plus, on a retrouvé sur un bureau, chez Christian, la reconnaissance de dette de 10 000 F qu’il avait consentie plusieurs années auparavant à son frère Dany[15]. La défense affirme que la situation financière de Dany Leprince n’était pas aussi mauvaise qu’on l’a prétendu, qu'il était « plutôt bien payé » à la Socopa[27], et les parents témoignent qu’ils sont toujours prêts à aider leurs enfants, y compris pour leur prêter de l’argent ou se porter caution, en cas de nécessité[28]. La défense plaide aussi qu’à supposer que des ennuis d’argent puissent conduire à un « coup de folie », pourraient-ils expliquer une telle furie sanguinaire, même contre des enfants ? Elle suggère aussi que la présence, bien en évidence, de la reconnaissance de dette pourrait bien être une mise en scène destinée à faire accuser Dany Leprince.

Reste le mobile de la jalousie[15]. L’entreprise de carrosserie de Christian est prospère, et Brigitte travaille à la Poste. Le couple peut partir en vacances – ils reviennent d’ailleurs de vacances en Ardèche – et s’offrent des grasses matinées pendant le week-end, alors que Martine et Dany travaillent tous les jours à leur exploitation. Mais selon leurs proches et plusieurs employés de la carrosserie, Dany était fier de son frère et de sa réussite. Un témoin affirme : « Les deux frères s’entendaient à merveille. Par contre, les deux belles-sœurs, c’était pas pareil »[15].

A propos des belles-sœurs, Robert Leprince signale que sa belle-fille Martine est « une grosse jalouse », et Renée Leprince reconnaît qu’on l’entendait marmonner sur « l’argent d’en face ». La nounou parle même d’une « certaine forme de jalousie maladive » de Martine à l’égard de sa belle-sœur. Brigitte et Christian ont fait agrandir leur maison, et installer des Velux sur leur toit, prélude à un aménagement du grenier. Mme N. Hatton, la nounou, témoigne que ces agrandissements insupportaient à Martine, qui se plaignait de la réflexion du soleil dans leurs vitres « avec un ton d’agressivité pas possible ». En mai 1994, soit trois mois avant le drame, Christian offre en plus à sa femme une superbe Triumph décapotable qui semble narguer les envieux[29]. Pourtant, on convient que Martine n’hésite pas à rendre service à sa belle-sœur, à lui garder ses enfants, ou nourrir son chat quand elle s’absente. Très vite, Dany Leprince accuse sa femme : elle aurait menti, ce serait elle l’assassin. Il accuse sa femme de faux témoignage, et se dit convaincu que les crimes ont eu lieu avant son retour, ce soir-là[15]

Le témoignage de Solène

La petite Solène avait été confiée à sa nourrice après le drame. La nounou avait d’abord jugé que Solène n’avait apparemment pas assisté au carnage, puisqu’on l’avait retrouvée dans sa chambre, en forme, et sans une trace de sang nulle part. Très sollicitée par la presse, la nounou avait expliqué, le 13 octobre suivant le drame, que la petite fille se portait très bien, commençait à parler, ne mentionnait jamais les événements sanglants, ne faisait pas de cauchemars.

Mais en 1996, son témoignage change  : Solène reconnait son oncle Dany sur une photo qu’elle frappe en criant « Dany méchant, frapper maman, Yaya, Yéyé » (surnoms de ses sœurs). Elle dit aussi : « […] moi cachée dans grenier ». Elle se met à gribouiller des petits bonshommes barbouillés de rouge, et à « laver frénétiquement les pieds de sa poupée ». Elle raconte aussi que sa tante Martine est « mignonne, elle a dormi avec moi, elle a fait le bain »[30],[15]. On pose alors l’hypothèse qu’elle aurait pu assister au carnage, et, sortant de sa chambre, aurait marché dans le sang.

La juge Brunetière cherche à vérifier ces témoignages : elle vérifie que l’enfant reconnaît les membres de sa famille sur des photos, y compris ses parents et ses sœurs. Ayant pris l’enfant sur ses genoux, elle constate que la petite frappe avec une grande colère la photo de son oncle quand on la lui présente[13]. La Juge demande aussi une expertise à une pédopsychiatre, le Dr Liliane Daligand, qui estime que les propos de l’enfant sont crédibles, qu’elle parle avec « ses mots à elle, ses sensations à elle […]. En particulier, le fait qu’elle dise : « Ils[31] criaient et Maman essayait de les calmer », il n’y a qu’elle qui a pu assister à ça[15] ».

On évoque le fait que Solène aurait « assisté » au carnage, à cause de la photo, mais on ne semble pas envisager qu’elle a très bien pu, sans sortir de sa chambre, entendre les hurlements stridents, derrière sa porte, sans pour autant avoir rien vu. Martine Leprince y a pensé, puisqu’elle a téléphoné à la nounou le 7 septembre pour lui demander si Solène « a vu ou entendu quelque chose[32] ». Lors du procès, l’avocat de Dany Leprince, Me Jean-Louis Pelletier, posera la question de savoir, dans tous ces souvenirs « lesquels proviennent effectivement de ce qu’elle a vécu, et lesquels lui ont été éventuellement suggérés[15]».

Roland Agret, de l’association Action Justice, qui défend Dany Leprince, fait remarquer que Dany Leprince, avec les horaires de travail qu’il s’imposait, n’avait que très peu de temps pour s’occuper de ses propres enfants. Quel souvenir d’un oncle toujours au travail peut bien avoir conservé un bébé de deux ans, habitant dans la maison voisine, et ceci deux ans après les faits[33]? Roland Agret estime aussi que si la petite avait été là, « les monstres ne l’auraient pas épargnée[13].

La troisième version de Martine Leprince

En mars 1996, une voisine des Leprince témoigne que le soir du crime, vers 22h, elle aurait entendu et vu « passer à vive allure » la voiture de Dany et Martine Leprince, sans voir qui conduisait[34]. La nounou, elle, suggère que Renée Leprince, mère de Dany et Christian, était peut-être déjà au courant du massacre quand elle est arrivée le 5 au matin[35].

Martine Leprince est convoquée chez la Juge qui l'informe de ces témoignages, ainsi que des propos de la petite Solène sur le bain que lui aurait donné « Gentille mamy » (surnom de sa tante Martine). Martine Leprince a alors un « flash » de mémoire : elle dit se souvenir que lorsqu'elle s'est précipitée dans la maison de Christian et Brigitte, le soir du drame, elle aurait trouvé Solène dans sa chambre, avec du sang sur elle. Elle l'aurait alors emmenée, l'aurait lavée dans sa salle de bains, puis serait allée en voiture chez sa belle-mère, lui expliquant que « Dany est devenu fou », qu'il a tué tout le monde, et lui demandant de prendre en charge la petite. Renée Leprince aurait alors refusé de recueillir Solène, au prétexte qu'il fallait « sauver Dany », et lui aurait demandé de ramener la petite dans sa chambre, dans la maison de ses parents, pour faire comme si de rien n'était[36],[15]. Martine Leprince aurait alors ramené la petite Solène dans sa chambre - n'osant pas la garder chez elle de peur que son mari-assassin la voie - serait restée auprès d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme, puis serait rentrée chez elle. Quant aux parents Leprince, ils vont nier catégoriquement avoir jamais vu arriver leur belle-fille avec Solène ce soir-là[37]. Mme Leprince lâchera cependant la phrase : « Je me demande si je n'ai pas fait quelque chose ; j'ai peut-être tué quelqu'un »[38].

Le procès

Le secret de l’instruction a été bien gardé, et mises à part les premières indications données en 1994 par le Procureur, plus rien n’a filtré de l’enquête et de l’instruction jusqu’au procès, qui s’ouvre le 11 décembre 1997[39].

L’arrêt de renvoi, lu ce matin-là devant la cour, énonce qu’ « En tout cas, il est constant que Dany Leprince a reconnu les meurtres de son frère Christian, de sa belle-sœur Brigitte, et de ses deux nièces Sandra et Audrey » et reprend les versions de Martine Leprince, y compris son intervention pour sauver sa nièce. Dany Leprince ne cesse de réaffirmer son innocence, et met en cause sa femme. Les psychiatres viennent à la barre, et leur témoignage lui est défavorable. Martine Leprince apparaît « fragile [… ] très apeurée[…] pas sûre d’elle du tout »[39], « elle a énormément de mal à s’exprimer, elle sanglote » fait un malaise[40]. Elle confirme ses accusations, ainsi que sa fille Célia. Dany Leprince crie : « Elle ment ! Depuis trois ans elle calque ses dépositions sur mes aveux extorqués ». Il pense qu’elle a commis ce crime avec un amant. Mais il ne peut rien démontrer[15].

Le Procureur Général reconnait que « Le procès n’a pas permis de comprendre ce qui s’est réellement passé ce dimanche soir du 4 septembre » mais « reste ferme »[15] et demande quand même la peine maximale. L’avocat de la défense, Me Jean-Louis Pelletier expliquera qu’il a essayé de semer le doute, notamment à propos de l’empreinte de la mystérieuse chaussure Doc Martens, mais que c’était insuffisant pour contrebalancer le désir de « vengeance sociale ».

Dany Leprince est condamné à la prison à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans.

Contre-enquête et demande de révision du procès

Un Comité de soutien est créé pour tenter d’obtenir la révision du procès de Dany Leprince. En 1997, il n’était en effet pas encore possible de faire appel d’une condamnation prononcée par une Cour d'Assises. Les parents Leprince engagent le détective Roger-Marc Moreau, à cette époque le directeur d'enquête de l’association Action-Justice, présidée par Roland Agret, qui vont se mobiliser à leurs côtés[41] et mettre en place de nouvelles investigations. Ils recueillent un certain nombre d'informations.

Juste après la condamnation de Dany Leprince, en décembre 1997, une dentiste, Madame Rouxel, raconte avoir été appelée au téléphone par un homme qui croyait avoir fait le numéro de la gendarmerie, ne différant du sien que par un chiffre. L'homme aurait voulu lui parler quand même, et la conversation soigneusement notée par cette dame, pendant une heure vingt[13]. Cet homme prétendait que le soir du drame, il faisait des travaux « au noir » dans les combles situés au-dessus du garage, chez Christian et Brigitte, et accessibles par un escalier escamotable, que l'on peut relever et qui s'encastre alors dans le plafond. Il aurait alors entendu une violente dispute entre deux femmes dont il dit avoir reconnu les voix. Puis, plus tard, des cris et des hurlements horribles. « Pendant une accalmie », il serait descendu et aurait découvert Brigitte, ainsi que ses filles « hachées », selon ses propres termes. Le corps de Christian n’avait pas encore été traîné dans la maison. Il indique que Brigitte n’était pas encore décédée et qu’on est venu l’achever par derrière plus tard[42]. Il aurait alors trouvé Solène, "cachée sous son lit"[42], aurait pris du rechange pour l'enfant et l'aurait emportée dans les combles, en prenant soin de remonter l’escalier escamotable. Il aurait entendu de nouveau des cris, plusieurs voix d’hommes. Il aurait passé la nuit avec « la puce » dans ce grenier, sur un matelas, et, le lendemain, l'aurait changée et l'aurait remise dans sa chambre « aux premiers bruits » de la découverte du carnage. Il se serait alors enfui par le toit.

Pourtant, interrogé par la Commission de révision des condamnations pénales, cet homme dira ne se souvenir de rien. Interrogé par les enquêteurs d’Action-Justice, il dira « avoir tout inventé en lisant les journaux ». Les défenseurs de Dany Leprince ont fait remarquer que les journaux n’ont jamais parlé de cet escalier escamotable qui mène effectivement aux combles au-dessus du garage. A l’époque, la police n’avait pas compris pourquoi et comment le garage était fermé de l’intérieur, et avait été obligée d’y entrer par effraction. Elle n’avait pas remarqué l’escalier encastré dans le plafond. On le découvrira en 2005. La position des corps qu’il indique correspondrait à ce qu’on a découvert[42]. Le surnom de la petite Solène était effectivement « la puce ». On se souvient qu’elle avait dit : « moi cachée dans grenier » après le drame. On retrouve les gaines électriques datant de l’époque[43]. Ce témoignage est toutefois controversé : il semble cadrer avec les faits, mais les horaires qu’il donne sont faux car il situe l'action dans l'après-midi.

En 1999, le comité de soutien de Dany Leprince dit avoir reçu l'appel téléphonique d'un autre témoin, indiquant qu'un gros couteau de boucher, marqué « Leprince », aurait été retrouvé par hasard lors de travaux de terrassement par Maurice Lebarbier, conducteur d’engins, alors qu’il enlevait un tas de terre en bordure de route. Ce dernier confirme le fait; il aurait montré ce couteau à ses employeurs, lesquels ont confirmé, et aurait fait deux dépositions, dans deux gendarmeries. Les journalistes de l’émission « Special investigation » font des recherches, découvrent que des gendarmes ont enquêté sur un couteau, mais à la gendarmerie du Mans, on ne se souvient de rien. Les pièces concernant cette affaire auraient dû être transmises au Parquet du Mans : mais là encore, on n’en retrouve aucune trace. A la Socopa, on confirme que Dany Leprince n’a jamais eu de couteau à son nom, mais que sa femme Martine était à une époque employée au désossage des animaux dans les abattoirs, et possédait des couteaux gravés à son nom[44].

Les actions menées pour obtenir la révision du procès

Le Comité de soutien, mené par Corinne Justice, et l’association Action-Justice de Roland Agret mènent des actions de sensibilisation de l’opinion, via les journaux et la télévision. Un numéro de l'émission Sept à huit sur TF1, réalisé par Nicolas Poincaré, un Secrets d'actualité par Anne-Sophie Martin, sur M6, entre autres émissions, de nombreux articles dans les journaux commencent à toucher l’opinion. En janvier 2008, Roland Agret et Nicolas Poincaré publient un livre : Condamné à tort L’affaire Leprince.

La Cour de cassation demande un complément d’enquête en 2006

Un rapport sur la contre-enquête est déposé à la Commission de révision des condamnations pénales, pour appuyer une demande de révision du procès. Le 20 mars 2006, une décision de la Commission admet que des éléments introduisent un doute sérieux quant à la culpabilité de Dany Leprince, et un complément d’enquête est demandé contre l’avis du Parquet[45]. Malheureusement, les scellés en garde au greffe du Mans ont été détruits en 2001 ; ils mentionnaient notamment le bouton violet retrouvé près du corps de la petite Sandra[46]. Comme on est également sans trace du couteau de boucher portant l’inscription « Leprince » retrouvé par hasard au bord d’une route, et disparu depuis, on a donc détruit ou égaré au moins deux objets qui auraient pu constituer des pièces à conviction. En 2008, deux scellés sont toutefois retrouvés au CHU de Nantes, où ils avaient été envoyés pour analyse : il s’agit du couteau cassé ensanglanté retrouvé dans la maison du drame, et des cheveux retrouvés dans la main d’une des fillettes. L’empreinte ADN retrouvée sur ce couteau n’appartient pas à Dany Leprince. Quant aux cheveux, qu’on ne pouvait exploiter à l’époque car ils n’avaient plus leurs bulbes, ils seraient désormais exploitables, les techniques ayant évolué depuis 1994. En 2008 également, de nouvelles expertises ont montré que les ADN mêlés retrouvés sur un couteau à manche jaune, retrouvé chez Martine Leprince, seraient compatibles avec le sien et celui de l’une des petites filles assassinées[47].

Nu dans sa cellule

Dany Leprince a choisi de rester « nu à perpète devant la justice » pour protester contre son incarcération. Il renonce à ses vêtements, en mars 2007, et reste désormais confiné dans sa cellule, ce qui le privera aussi de visites[48].

Renée Leprince se suicide

Renée Leprince, après 10 années de combat pour obtenir la révision du procès de son fils, se suicide en 2007. La semaine suivante, le 24 juin 2007, un Sept à huit sur TF1 retrace les principaux éléments de l’affaire[49]: « Quelques heures avant l’enterrement, Dany Leprince a été amené discrètement au funérarium où reposait sa mère. Deux brigadiers en civil et un chauffeur [l’accompagnent], pas de gendarmes, un geste exceptionnel de la part de l’administration pénitentiaire ».

Dany Leprince s’est remarié en prison en février 2008 avec Béatrice, médecin dans la région bordelaise, qui lui avait écrit après la mort de sa mère, et qui l’aide désormais dans son combat. Il espère toujours une révision de son procès. Il est défendu à présent par Maîtres Yves Baudelot et Jean-Denis Bredin, qui avaient travaillé avec Denis Seznec à la réhabilitation de son grand-père, Guillaume Seznec. Une demande de grâce a été envoyée au Président de la République, qui a été refusée par Nicolas Sarkozy le 5 Octobre 2011.

Juillet 2010 : saisie de la Cour de révision et mise en liberté

Le 1er juillet 2010, la commission de révision de la Cour de cassation saisit la Cour de révision, ce qui laisse augurer une éventuelle annulation de sa condamnation. Elle ordonne également une suspension de peine alors que la décision d'annulation de la condamnation n'a pas été prise, ce qui est rarissime en termes de justice. Dany Leprince sera libéré de la centrale de Poissy, où il est détenu, le jeudi 8 juillet 2010 à 9h50 après la suspension de sa peine par la Commission de révision des condamnations pénales.

Mars 2011 : Cour de Cassation

Le 14 mars 2011, l'avocat général de la Cour de Cassation, siégeant en sa qualité de cour de révision, a demandé la tenue d'un nouveau procès. Il a également demandé la réouverture des poursuites dans l'affaire, visant probablement son ancienne épouse Martine Compain. Dans l'histoire de droit français, c'est la 9e fois qu'une telle procédure de révision aboutit. La décision a été mise en délibéré jusqu'au 6 avril 2011. Après le rejet de sa requête par la Cour de révision le 6 avril 2011, Dany Leprince retourne en prison.

29 juin 2011 : Revirement de situation

Malgré le fait qu'il clame toujours son innocence, le deuxième jugement qui était prévu n'aura finalement pas lieu.

Octobre 2011 : Refus de la grâce présidentielle

La grâce demandée en 2008, par les défenseurs de Dany Leprince, a été refusée le 5 octobre 2011 par le Président de la République Nicolas Sarkozy.


Notes et références

  1. (fr)La Cour de révision est saisie du cas de Dany Leprince, qui va être libéré sur www.lemonde.fr. Consulté le 1er juillet 2010.
  2. (fr)Dany Leprince va retourner en prison sur www.lemonde.fr. Consulté le 6 avril 2011.
  3. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince, Michel Lafon 2008, 262 pages, p.86
  4. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 42
  5. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 45-47
  6. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p.42 et FR2 "Fait divers le Mag" 2 mai 2009 L'enquête : Dany Leprince, vers la révision? Pierre Vergely
  7. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 33-36 et 61-62
  8. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p.49
  9. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 64
  10. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p.87-88 : Procès-verbal de garde à vue
  11. Canal+ « Spécial Investigation » L'affaire Leprince : contre-enquête sur un quadruple meurtre Bernard Nicolas 10 avril 2009 et Roland Agret op. cit. p. 97-106
  12. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 56-57 et 64-66
  13. a, b, c, d et e Canal+ « Special Investigation » L'affaire Leprince : contre-enquête sur un quadruple meurtre Bernard Nicolas, 10 avril 2009
  14. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 67-68
  15. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m et n France 2 « Faites entrer l'accusé », « Dany Leprince, la feuille de boucher », Christophe Hondelatte, 1er avril 2007
  16. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p. 69-70 et p 167-168 : Procès-verbal d'audition de témoin du 9 mai 1996
  17. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p 82-87 : Procès-verbal de garde à vue de Martine C.
  18. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p 70 et p 94-95 : Procès-verbal de constatations 9 septembre 1994
  19. Roland Agret, Condamné à tort L'affaire Leprince op. cit. p 88-93 : Procès-verbal de garde à vue de Martine C. et p.75-78 Procès-verbal de déposition de témoin
  20. Canal+ "Spécial Investigation" L'affaire Leprince : contre-enquête sur un quadruple meurtre Bernard Nicolas 10 avril 2009 et Roland Agret op. cit. p 69
  21. Canal+ "Spécial Investigation" L'affaire Leprince : contre-enquête sur un quadruple meurtre , Bernard Nicolas 10 avril 2009, et Roland Agret op. cit. p. 97-106
  22. Propos recueillis par Roland Agret op. cit. p 186
  23. Canal + «Spécial Investigation» 10 avril 2009
  24. Roland Agret op. cit.p 107-115
  25. Nicolas Poincaré, qui est allé voir Dany Leprince en prison dans l'émission de Canal+ "Spécial Investigation" 10 avril 2009
  26. Roland Agret op. cit. p. 117-125 avec le Procès-verbal de reconstitution
  27. Témoignage d'Alain Leprince, Canal+, "Special Investigation", Bernard Nicolas, le 10 avril 2009
  28. Témoignage de Robert Leprince sur Canal+, "Spécial Investigation", Bernard Nicolas, le 10 avril 2009
  29. Roland Agret op. cit. Procès-verbal de Nelly Hatton, la nourrice, p. 155-157
  30. Roland Agret op.cit. p.140-146
  31. Sur la bande sonore de l'émission, on entend mal quels pronoms doivent être notés dans cette phrase : ils ou elles, le, la ou les ?
  32. Roland Agret Procès-verbal d'audition de Nelly Hatton 23 septembre 1994 op. cit. p. 153
  33. Roland Agret op. cit. p.142
  34. Roland Agret op. cit. Procès-verbal de Mme Froger 27 mars 1996 p 136-139
  35. Roland Agret op. cit. p.165
  36. Roland Agret op. cit. p. 165-173
  37. Roland Agret op. cit. Procès-verbal de Martine Leprince du 14 mai 1996 p.171-173
  38. « Affaire Leprince : le doute était presque parfait », Libération du 6 avril 2011
  39. a et b Christine Corre, Ouest France, sur Canal+ « Spécial Investigation » 10 avril 2009
  40. Philippe Lavergne, Le Maine Libre, sur Canal+ « Spécial Investigation » 10 avril 2009
  41. Roland Agret op. cit. p. 205-207
  42. a, b et c FR2 «Fait divers Le Mag » 2 mai 2009
  43. Roland Agret op. cit. p.212-217
  44. Canal+ « Special Investigation » Bernard Nicolas 10 avril 2009 et Roland Agret op. cit. p.226
  45. Franck Johannès, Le Monde 15 janvier 2008
  46. Isabelle Horlans, Actualités au quotidien France Soir 18 mars 2009
  47. « FR2 Fait divers Le Mag » Pierre Vergely 2 mai 2009 et Isabelle Horlans,Actualités au quotidien France Soir 18 mars 2009
  48. Christine Corre, Ouest France, Actualités Sarthe, 23 juin 2007 et Franck Johannès, Le Monde, 15 janvier 2008
  49. Présenté par Robert Namias, avec Anne-Sophie Lapix et Harry Roselmack

Annexes

Bibliographie

Documentaires

  • Enquête sur un massacre réalisé par Nicolas Poincaré et Saddek Chettab, TF1, Sept à huit, 15 janvier 2006.
  • L'énigme Leprince Anne-Sophie Martin, Delphine Kargayan, Jean-Baptiste de Lescure, M6, Secrets d'actualité, 26 novembre 2006.
  • Dany Leprince, « la feuille de boucher » réalisé par Bernard Faroux et Agnès Grossmann, FR2, Faites entrer l'accusé, 1er avril 2007.
  • La tragédie des Leprince présenté par Robert Namias, TF1, Sept à huit, 24 juin 2007.
  • L'affaire Leprince : contre-enquête sur un quadruple meurtre réalisé par Bernard Nicolas, Canal + ,Special investigation, 10 avril 2009.
  • Vers la révision? réalisé par Pierre Vergely, FR2, Faits divers Le Mag, 2 mai 2009.
  • Massacre à domicile présenté par Jacques Legros, TMC, Suspect N°1, 22 octobre 2011.

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