- Ellipse (cinéma)
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Figure de style littéraire, l'ellipse possède un pendant de même nom dans le cinéma. Il consiste à suggérer une action en montrant simplement ce qui se passe avant et ce qui est observé après. La grande majorité des films se servent d’ellipses pour effacer les actions qui n’apportent rien à la narration. C’est pour cela qu’on ne voit jamais un personnage aller aux toilettes ou se brosser les dents si cela ne fait pas avancer l’action. Au-delà de ces ellipses de « convenance », d’autres sont néanmoins utilisées pour faire avancer le récit, pour le rythmer, voire pour le compliquer.
Les plus usitées sont l'ellipse de suggestion par le son et l'ellipse de suggestion par l'image, elle-même pouvant être une ellipse « temporelle » ou bien une ellipse « spatiale » (certaines ellipses peuvent être à la fois temporelles et spatiales).
- La suggestion par l'image est la plus courante, on passe de l'évocation d'une action à son résultat, sans montrer l'action elle-même.
- La suggestion par le son va dans le même sens, mais cette fois l'action est évoquée par un son implicite au spectateur (par exemple, un homme trouve une publicité. Le plan suivant est noir mais laisse entendre le bruit d'une pièce de monnaie ou d'une caisse enregistreuse pour symboliser l'achat).
C’est au montage que l’ellipse est réellement mise en valeur. Jusqu’alors, des plans peuvent avoir été tournés sans que le réalisateur ne pense au départ à les couper. L'ellipse évite les redondances et conserve le rythme du film. Elle prend un intérêt nouveau pour un réalisateur qui désire désorienter temporairement le spectateur. Le film 2046 de Wong Kar-wai, est même entièrement construit sur une série d'ellipses.
Quelques ellipses célèbres
- À bout de souffle de Jean-Luc Godard (séquence du voyage de Belmondo au début dans la voiture, séquence sur la terrasse des Champs-Élysées lors du monologue de Jean Seberg).
- Amadeus : Salieri laisse entendre à la cantatrice qu'elle ne chantera certainement pas dans le prochain opéra de Mozart, qui se passe dans un bordel. La scène suivante la montre chantant L'Enlèvement au sérail.
- Les Tontons flingueurs : Lino Ventura, en réponse au sarcasme d'un invité, pose sa sacoche. L'image suivante montre le persifleur KO dans sa voiture de sport.
- L'Homme de Rio : on demande à Belmondo quelle couleur il préfère pour la voiture qu'on va lui fournir. Excédé, il répond « Rose, avec des étoiles vertes ! ». La scène suivante le montre roulant dans une telle voiture.
- Moi y'en a vouloir des sous : Suite au succès de ses entreprises, Benoît Lepape (Jean Yanne) est élu président du conseil national du patronat. Son prédécesseur le félicite chaudement, et lui demande à quelles nouvelles acquisitions d'entreprise il va maintenant procéder. La scène suivante le montre chassé de sa société d'électronique pendant qu'on y pose un nouveau panonceau : Électronique Benoît Lepape.
- Chacal : toutes les séquences d'action sauf la dernière sont suggérées par des ellipses, ce qui met en relief le caractère froidement déterminé du tueur.
- 2001 : L'Odyssée de l'espace : une des plus belle ellipses du cinéma, un saut de plusieurs centaines de milliers d'années alors qu'un os est lancé en l'air par un primate à l'« aube de l'humanité » pour se « transformer » en satellite dans l'espace.
Évolution
L’ellipse est plus usitée en ce début de XXIe siècle que trente ans auparavant. Au départ un texte l'indiquait au spectateur, l'habitude de l'écriture cinématographique a rendu cette précision inutile. Par exemple, The Hours de Stephen Daldry met en relation les destins de trois femmes dans trois époques différentes. L’ellipse est fondée sur le récit d’une de ces femmes mettant en scène l'une des deux autres. L’ellipse est donc narrative et l’on passe d’époque en époque sans avoir besoin d'indication sur ces transitions temporelles.
L'écriture cinématographique évolue vers des ellipses de trajet qu'on pourrait dénommer « micro-ellipses spatio-temporelles », c’est-à-dire qu'à l'intérieur d'une séquence les raccords de plan sautent le « temps réel » (un personnage sur un plan est à un endroit donné, sur le plan suivant, le temps a passé, il se retrouve ailleurs mais dans le même décor). Cette technique, bien qu'artificielle, permet d'accélérer le rythme de l'action. La « micro-ellipse » est un saut temporel, le spectateur n'en a pas conscience.
D'autres sauts temporels : la séquence commence le matin, l'ellipse fait passer le temps en fin d'après midi, dans ce cas, une rupture d'ambiance sonore marquée peut donner l'indication de cette rupture temporelle, de même qu'un fondu enchaîné.
Catégories :- Analyse et esthétique du cinéma
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