- Dépolitisation
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La dépolitisation est un néologisme qui peut traduire une perte de conviction ou d’engagement politique.
Le terme peut s’appliquer à plusieurs domaines :
- la politique ;
- l’économie ;
- la sociologie ;
- les médias.
Bien qu’il traduise une réalité reconnue par une majorité de l’élite intellectuelle et politique, le terme reste cependant connoté. La dépolitisation sous-entend en effet que le pragmatisme politique s’est imposé à l’idéologie (idéocratie), ce qui revient à dire, de manière simpliste que le libéralisme l’a emporté sur le communisme. De fait, l’usage du terme s’est développé avec l’échec (années 1980), puis la disparition (années 1990) des systèmes socialistes d’Europe de l’Est. Ainsi, bien qu’il la déplore, le philosophe italien Roberto Esposito voit dans la dépolitisation « la forme achevée de la Modernité politique » [1].
Dépolitisation de la société
Dans les démocraties modernes, ce sont les partis et intellectuels de gauche (qui sont, historiquement, liés à l’idéologie marxiste) qui sont les plus prompts à dénoncer la dépolitisation de la société. En 2000, le sociologue français Pierre Bourdieu signait ainsi une lettre intitulée « Contre la politique de la dépolitisation » afin « de prendre la défense de tous les laissés-pour-compte de la politique néo-libérale ». Dans son essai Un Procès en France, le journaliste Edwy Plenel s’insurge, lui, contre la dépolitisation de la société, qui selon lui, se traduirait, notamment, par l’impossibilité du débat : « le débat a laissé place à l’invective et la violence » [2].
Dans le domaine artistique, le thème avait déjà été abordé, en 1996, par le groupe français Noir Désir dans Un jour en France [3]: « Il y avait Paul et Mickey / On pouvait discuter mais c'est Mickey / Qui a gagné / D'accord, n'en parlons plus. »
Ainsi, la dépolitisation de la société se traduirait par :
- une acceptation du libéralisme comme modèle dominant ;
- un recul de l’interventionnisme d’État en matière économique et sociale ;
- une désintégration progressive du lien social ;
- une perte d’influence des partis politiques traditionnels ;
- un désintérêt de l’opinion publique pour le débat politique (méfiance à l’égard des élus, abstention…) ;
Selon le contexte, la dépolitisation peut également être le reflet d’un apaisement du débat politique. Dans certains pays comme l’Espagne ou le Chili, ayant tardivement rompu avec la dictature, la dépolitisation est un terme qui est davantage employé à droite qu’à gauche. « La prétendue dépolitisation de la société chilienne est un thème de la droite, qui aimerait qu'ainsi soit plus vite oublié le passé », estime l'historien chilien Carlos Huneeus [4].
Dépolitisation des médias
À l’inverse du débat sur la dépolitisation de la société, le phénomène de dépolitisation des médias, dans son constat, échappe à la polémique.
L’expression « dépolitisation des médias » recouvre deux phénomènes parallèles :
- la fin du contrôle de l’État sur les médias audiovisuels, comme ce fut le cas avec l’ORTF en France, et comme c’est le cas dans les pays accédant progressivement au pluralisme et à la démocratie ;
- la perte d’influence et d’audience de la presse d’opinion et la quasi-disparition des organes de presse officiels des partis politiques. En France, si le quotidien L’Humanité continue de traiter l’actualité, en partie, par le prisme de l’idéologie communiste, il n’est plus l’organe officiel du Parti communiste français.
Selon les points de vue, la dépolitisation des médias est la cause ou le résultat de la crise qui touche la presse écrite depuis les années 1980 dans les démocraties. Mais au-delà de ce débat, la presse et les médias d’information professionnels tendent aujourd’hui à traiter l’actualité en opérant une distinction entre le factuel et le commentaire.
Notes et références
- Roberto Esposito, Catégories de l'impolitique, traduit de l'italien par Nadine Le Lirzin, éd. Seuil, 2006, 245 pages.
- Edwy Plenel, Un procès en France, éd. Stock, 2005, 840 pages.
- 666.667 Club. album
- « L'héritage de Pinochet » interview de Carlos Huneeus par Michel Faure parue dans L’Express le 11 mars 2003.
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