- Démon de Socrate
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Familier (esprit)
Un génie familier, démon familier ou tout simplement familier est, dans bon nombre de croyances et de cultures, une entité bénéfique, imaginaire et invisible, à laquelle les hommes s'adressent pour demander des conseils ou obtenir des services. Le plus connu de ces génies familiers est le daïmon de Socrate, mais bon nombre d'érudits ont, au cours de l'histoire, fait référence à des entités de ce type, parfois sous le nom de bon génie ou esprit gardien. Le concept du familier a été reprit par les ouvrages inspirés de la fantasy moderne et notamment le jeu de rôle, où ces entités sont décrites comme des créatures de petite taille qui accompagnent les érudits et les magiciens.
Sommaire
Nature
Les génies familiers sont généralement décrits comme des esprits invisibles aux hommes, ainsi, Plutarque pensait que l'éternuement était une manifestation des génies. Certains auteurs pensaient au contraire que les génies familiers avaient une réalité physique[1].
Témoignages
ðaïmon de Socrate
Socrate nomme ðaïmon ce qui lui souffle ses réponses lorsqu'il s'exprime sur un sujet. Pour éviter l'ambiguïté, on adopte en français l'orthographe « ðaïmon » pour décrire ce type de démon. Il se disait inspiré d'un génie particulier, qu'il nommait son ðaïmon, et qui lui suggérait toutes ses résolutions, tous les principes de sa philosophie et de sa conduite. Ce daïmon lui aurait ainsi conseillé, un jour, de ne pas emprunter une certaine route. Le philosophe suivit son conseil tandis que ses compagnons restèrent. Un peu plus tard, ils furent bloqués par un troupeau de porcs et arrivèrent couverts de boue[2].
Apulée de Madaure, au IIe siècle dans un petit traité intitulé A propos du Dieu de Socrate, dit en s'inspirant du dialogue de Platon :
« Non, vous répondra Platon par ma bouche, non, les dieux ne sont pas tellement distincts et séparés des hommes, qu'ils ne puissent entendre nos vœux. Ils sont, il est vrai, étrangers au contact, mais non au soin des choses humaines. Il y a des divinités intermédiaires qui habitent entre les hauteurs du ciel et l'élément terrestre, dans ce milieu qu'occupe l'air, et qui transmettent aux dieux nos désirs et les mérites de nos actions : les Grecs les appellent démons. Messagers de prières et de bienfaits entre les hommes et les dieux, ces démons portent et reportent des uns aux autres, d'un côté les demandes, de l'autre les secours; interprètes auprès des uns, génies secourables auprès des autres… »Dans un dialogue intitulé Le Banquet, Platon rapporte l'enseignement de Diotime à Socrate :
« Tout ce qui est démonique est intermédiaire entre ce qui est mortel et ce qui est immortel.
- Avec quelle fonction ? demandai-je.
- Avec celle de faire connaître et de transmettre aux dieux ce qui vient des hommes, et aux hommes ce qui vient des Dieux : les prières et les sacrifices des premiers, les injonctions des seconds et leurs faveurs, en échange des sacrifices; et, d'un autre côté étant intermédiaire entre les uns et les autres, ce qui est démonique en est complémentaire, de façon à mettre le Tout en liaison avec lui-même. C'est grâce à cette sorte d'être qu'ont pu venir au jour la Divination dans son ensemble, la science des prêtres touchant les choses qui ont rapport aux sacrifices, aux initiations, aux incantations, à la prédiction en général et à la magie. Le Dieu, quant à lui, ne se mêle pas à l'homme; mais toutefois, grâce à cette nature moyenne, c'est d'une façon complète que se réalise pour les Dieux la possibilité d'entrer en relation avec les hommes et de converser avec eux, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil. »Henri III
Le roi Henri III était censé avoir reçu un génie familier en cadeau d'un magicien. Il le nommait Terragon et cette créature était tirée des soixante esprits nourris à l'école de Soliman. On supposait que cette entité avait « épousé » la comtesse de Foix qui ne supportait pas son contact parce qu'il était brûlant. Selon une rumeur, Henri III fit venir une fille de joie pour la prostituer à son génie familier, et cette femme pensa en mourir de frayeur[3].
Napoléon Ier
L'Empereur Napoléon Ier s'adressait à une entité qu'il nommait « le petit bonhomme rouge ». Elle lui aurait donné ses conseils militaire et prédit son avenir en lui annonçant ses victoires d'Austerlitz, Wagram, Friedland, et Iéna, tout son parcours, sa chute et son exil[4].
Robert Louis Stevenson
L'écrivain Robert Louis Stevenson appelait ses génies familiers « Bons Brownies » et explique que « ce sont eux qui faisaient la moitié de son travail pour lui tandis qu'il dormait »[5].
Autres
Le pape Benoît IX, élu en 1033, et le Pape Alexandre VI, élu en 1492, étaient réputés s'adresser à des génies familiers. Celui d'Alexandre VI serait passé au service de César Borgia par la suite. Un moine de l'abbaye de Cîteaux passait aussi pour avoir un familier qui l'aidait à ranger ses affaires et aurait été exclu par l'abbé pour cette raison. Au XVIe, le démonologue Jean Bodin évoque un homme dont le familier lui donnait des coups sur l'oreille gauche lorsqu'il faisait une erreur ou pour le prévenir des mauvaises intentions[1].
L'alchimiste Paracelse évoque la présence de ce genre de créature plusieurs fois. Son génie familier était son valet et son secrétaire, il le gardait caché dans le pommeau de son épée et ne s'en séparait jamais. Cornelius Agrippa en évoque un également. Le mathématicien Jérôme Cardan prétend aussi qu'il avait reçu l'une de ces entités de son père et qu'elle s'adressait à lui pendant ses rêves pour lui souffler des conseils. Ses talents, son savoir et ses meilleurs idées en seraient issues. Le comte Saint-Germain recevait aussi des conseils d'un génie familier[1].
Culture populaire
Jiminy Cricket, décrit comme la conscience de Pinocchio dans le conte de Carlo Collodi, possède les attributs d'un génie familier : il guide et conseille Pinocchio tout au long de ses aventures.
Jeu de rôle
Dans les jeux de rôle, un familier est une petite créature, généralement un diablotin ou un dragonnet, qui accompagne les magiciens et leur donne des conseils tout en les taquinant au fil de leurs aventures.
Ésotérisme
Consulter son ðaïmon familier, c'était pour Socrate consulter sa divinité intérieure, son jugement, sa raison, qu'il regardait non seulement comme un don mais comme une émanation et une portion de la divinité. Socrate le prenait pour un guide réel, distinct de son imagination et organe d'une divinité tutélaire. Pour Mme Blavatsky, le ðaïmon de Socrate est la partie incorruptible de l'homme, ou plutôt le véritable homme intérieur, le Noûs, ou l'Ego rationnel divin[6].
Notes et références
- ↑ a , b et c Édouard Brasey, La Petite Encyclopédie du merveilleux, Éditions le pré aux clercs, Paris, 14 septembre 2007, 435 p. (ISBN 978-2842283216), p. 32-33
- ↑ (en)William Jones Credulities past and present Londres, Chatto et Windus, 1880
- ↑ Jules Garinet La sorcellerie en France : histoire de la magie jusqu'au XIXe siècle Paris 1818. Réédition par François Beauval, 1970
- ↑ Eloïse Mozzani, Magie et superstitions de la fin de l'ancien régime à la restauration, Robert Laffon, 1988
- ↑ Scribner's magazine, janvier 1888
- ↑ Mme Blavatsky, Glossaire théosophique, Ed. Adyar, 1981
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Édouard Brasey, La Petite Encyclopédie du merveilleux, Éditions le pré aux clercs, Paris, 14 septembre 2007, 435 p. (ISBN 978-2842283216), p. 32-33
- Platon, Le Banquet, Gallimard, 1950.
- Apulée, À propos du Dieu de Socrate, Les Belles Lettres, 1973. [1]
- Plutarque, Du démon de Socrate. [2]
- Mme Blavatsky, Glossaire théosophique, Ed. Adyar, 1981. "Le Dæmon de Socrate est la partie incorruptible de l'homme, ou plutôt le véritable homme intérieur que nous appelons Nous ou l'Ego rationnel divin. De toute façon, le Dæmon (ou Daimon) du grand Sage n'était sûrement pas le démon de l'enfer chrétien ou de la théologie chrétienne orthodoxe."
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