- Démantèlement nucléaire
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Contrairement à une déconstruction, le démantèlement comprend la destruction de tous les composants, y compris les réacteurs ou charges explosives nucléaires. Il signifie l'arrêt total et définitif de l'exploitation, et implique la destruction des bâtiments et le traitement (incluant l'inertage quand cela est possible) puis l'évacuation des déchets radioactifs ou dangereux (pour des raisons de toxicité chimique, en évitant les réutilisations illégales possibles).La notion générale de démantèlement nucléaire décrit :
- le démantèlement de systèmes d'armes nucléaires (notamment cadré par des conventions internationales visant à freiner la course aux armements) ;
- le démantèlement d'engins à propulsion nucléaire (sous-marin, porte-avions, brise-glace...)
- le démantèlement d'une installation nucléaire (militaire ou civile) ; La durée d'un démantèlement d'une centrale est aujourd'hui estimée à 30 ans (de l'arrêt du réacteur à la remise du site à l'état initial). Les matériels et équipements des réacteurs nucléaires ont été dimensionnés pour une certaine durée de vie (parfois revue à la hausse). Certains peuvent être remplacés pendant les arrêts périodiques du réacteur (dit « arrêt de tranche »), d'autres ne le peuvent pas (ex : caisson, cuve du réacteur...).
Les trois étapes du démantèlement d'un réacteur sont classées comme suit :
- Niveau I : mise à l'arrêt définitif (MAD) : déchargement du combustible du cœur du réacteur et son entreposage pendant deux ans en piscine de "désactivation" du bâtiment combustible, cela comprend :
- la décharge du combustible nucléaire
- la vidange des circuits
- Niveau II : démantèlement partiel : destruction de tous les bâtiments en dehors du bâtiment abritant le réacteur, cela comprend :
- la décontamination et destruction de tous les bâtiments en dehors du bâtiment abritant le réacteur nucléaire,
- le confinement du bâtiment du réacteur nucléaire
- Niveau III : démantèlement total : démantèlement du bâtiment réacteur, cela comprend :
- le démantèlement des échangeurs thermiques
- le démantèlement du bloc réacteur
- la destruction du bâtiment du réacteur nucléaire
Sommaire
Coûts du démantèlement
Les coûts sont estimés et pourraient évoluer en fonction des exigences réglementaires, des prix des matériaux, des imprévus
À terme, le démantèlement pourrait bien représenter la plus grosse part des dépenses que devront engager l’industrie nucléaire et les gouvernements qui l’ont soutenue[1].États-Unis d'Amérique
Aux États-Unis (104 réacteurs), le Nuclear Regulatory Commission (NRC) évalue le coût du démantèlement à 300 millions de dollars par centrale nucléaire.
France
En France (58 réacteurs), les coûts de démantèlement des centrales du parc REP a fait l'objet d’une estimation en 1991 par le ministère de l'Industrie, à hauteur de 15 % du coût d'investissement net (hors intérêts intercalaires). Cette estimation sert de base à la constitution des provisions pour démantèlement sur la durée de vie des équipements concernés. Au 31/12/2005 cette provision s'élevait à 13,1 milliards d'euros[2]. Ces provisions sont des éléments de passif qui ne garantissent pas par eux-mêmes la disponibilité des fonds correspondants. À cette fin EDF constitue des fonds dédiés. Les engagements nucléaires font l'objet d'une supervision par le Comité de suivi des engagements nucléaires, rattaché au conseil d'administration de la société[3].
Fin 2003, la Cour des comptes a évalué les fonds effectivement disponibles à 2,3 milliards d'euros. L'estimation de la Cour des Comptes pour le démantèlement du parc électronucléaire français était une fourchette de 20 à 39 milliards d'euros 2003, sommes cohérentes avec le mode d'estimation retenu par EDF et la durée de vie résiduelle des centrales, mais différentes des estimations du Royaume-Uni.
Diverses ONG rassemblées au sein du réseau Sortir du nucléaire reprochent à EDF d’avoir sous-estimé les coûts de démantèlement qui se compteraient en centaines de milliards d'euros et non en dizaines de milliards comme l'a annoncé EDF ; La Grande-Bretagne prévoit 103 milliards d'euros pour le démantèlement de son parc, qui est bien moins important que celui de la France.
Début 2011, en France 10 réacteurs nucléaires de production d'électricité sont concernés par les opérations de démantèlement: Brennilis (Finistère), Bugey 1 (Ain), Saint-Laurent-des-Eaux A1 et A2 (Loir-et-Cher), Chinon A1, A2, et A3 (Indre-et-Loire), Chooz A (Ardennes), Phénix (Gard) et Superphénix à Creys-Malville (Isère) [4].
Centrale de Brennilis
La Cour des Comptes évalue en 2005 le coût du démantèlement de la Centrale de Brennilis à 482 millions d'euros, soit 20 fois plus que l'estimation de la commission PEON qui est à l'origine du parc nucléaire actuel[5].
Un premier décret de 1996 a autorisé le démantèlement des parties périphériques au réacteur (moins radioactives) et un nouvel arrêté (9 février 2006) a autorisé le démantèlement, plus délicat, du bâtiment du réacteur. Mais cet arrêté a été annulé par le Conseil d’État le 5 juin 2007, pour défaut de présentation de l’enquête publique dans les délais réglementaires (Il appartenait au gouvernement « de tout mettre en œuvre » pour que les 700 000 habitants des 50 km alentour puissent consulter l'étude d'impact »).
Le site de Brennilis doit servir de test, mais n'est qu'une centrale de première génération (seul exemple en France de la filière à eau lourde) ; de 70 MW. Les prochains démantèlements concerneront les réacteurs des filières UNGG qui sont actuellement (2011) tous en phase de démantèlement plus ou moins avancée et REP qui reste le type de tous les réacteurs en phase de production (900 MW et plus). Un chantier test de démantèlement pour ce type de réacteur est en cours sur le site de Chooz A. Hormis les centrales, divers réacteurs expérimentaux et sites industriels nucléaires civils ou militaires seront aussi à démanteler. Le premier de grande taille à être démantelé en France est l'usine d'extraction du plutonium de Marcoule (UP1), pour un coût estimé de 5,6 milliards d'euros (plus que 10 fois supérieur à celui de Brennilis).
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni (35 réacteurs), le démantèlement du réacteur de Windscale d'une puissance de 32 MW a coûté 117 millions d'euros. Le gouvernement a annoncé, le jeudi 30 mars 2006, sa décision de confier au secteur privé le démantèlement de ses centrales nucléaires, pour un coût estimé à 103 milliards d'euros [6].
Allemagne
En Allemagne (36 réacteurs), la centrale de Niederaichbach, un réacteur à eau lourde d'une puissance de 100 MW, a été arrêtée après 18 mois d'essais. Elle a été totalement démantelée pour un coût d'environ 90 millions d'euros. Le démantèlement des cinq tranches de 440 MW du site de Greifswald est évalué à plus de 4 milliards d'euros sur 20 ans.
Démantèlements dans le monde
Selon Nicholas Lenssen, en 1999, 94 réacteurs nucléaires ont été arrêtés définitivement, tandis que 429 continuaient de fonctionner dans le monde. Cela signifie qu’un réacteur sur 5,5 a été fermé, dont seuls quelques-uns ont été démantelés.
Démantèlement d'installations nucléaires en France
En France, en 2008, Neuf réacteurs étaient en cours de déconstruction :- un réacteur à eau pressurisée (Chooz A),
- un réacteur à eau lourde (Brennilis en Bretagne[7]),
- six réacteurs uranium naturel graphite-gaz (Chinon A1, A2 & A3, Saint-Laurent A1 & A2, Bugey 1),
- un réacteur à neutrons rapides (Creys-Malville).
Il faut y ajouter d'autres installations (listées ci-dessous), dont plusieurs installations du CEA également en cours de démantèlement[8]. Un arrêté du gouvernement Fillon a fait craindre à la CRIIRAD que les déchets à très faible activité radioactive (gravats provenant du démantèlement des installations nucléaires) ne soient utilisés dans les biens de consommation[9].
Installations démantelées ou en cours de démantèlement en France
- Les réacteurs de puissance
- La centrale des monts d’Arrée (EL4) à Brenilis.
- Les réacteurs de la filière uranium naturel-graphite-gaz (UNGG).
- Le réacteur Chooz A D (centrale nucléaire des Ardennes).
- Le réacteur Superphénix.
- Les réacteurs de recherche
- Les laboratoires et ateliers du CEA
- L’atelier pilote de retraitement AT1.
- L’atelier de fabrication de sources de césium 137 et de strontium 90 (ELAN IIB).
- Les ateliers de traitement de l’uranium enrichi (ATUE).
- Le laboratoire de découpage d’assemblages combustibles (LDAC).
- Le laboratoire de chimie du plutonium (LCPu).
- Le laboratoire d’études de combustibles à base de plutonium.
- L’accélérateur Saturne.
- L’accélérateur linéaire de Saclay (ALS).
- Autres installations
- L'Usine d'extraction du plutonium de Marcoule (UP1) (Gard).
- Les ATUe (Atelier de Traitement de l'Uranium enrichi)
- L’usine FBFC de Pierrelatte.
- L’irradiateur de la Société normande de conserve et stérilisation (SNCS) servant à l'irradiation des aliments.
D'autres réacteurs nucléaires sont à démanteler (définitivement arrêtés en 2006) :
- le réacteur à neutrons rapides et caloporteur sodium Superphénix de la centrale nucléaire de Creys-Malville,
- les 3 réacteurs les plus anciens de la centrale nucléaire de Chinon,
- les 2 anciens réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent,
- le premier réacteur de la centrale nucléaire du Bugey,
- le premier réacteur de la centrale nucléaire de Chooz.
Voir la liste des réacteurs nucléaires en France
- Sous-marins nucléaires : En 2009, les 6 bâtiments de la série « Le Redoutable » sont retirés du service. « Le Redoutable est devenu un musée après les opérations de dénucléarisation (séparation et stockage de la tranche réacteur et décontamination éventuelle des autres compartiments) et de déclassification (enlèvement ou dénaturation des équipements classifiés)[13]. Les autres actuellement stockés à Cherbourg, à divers stades de dénucléarisation »[13]. La « déconstruction des coques de SNLE » concerne environ 36 000 t de métal. Le démantèlement des sous-marins, a été - pour le niveau III - « différé de plusieurs dizaines d’années » [13].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) US Nuclear Regulatory Commission
- (en) European website on decommissioning of nuclear installations
- [PDF] Rapport de la Cour des Comptes sur le Démantèlement et la gestion des déchets radioactifs (2005)
- Conférence organisée par la Société française de radioprotection (SFRP) les 18-19 février 2008 : « Démantèlement des installations et réhabilitation de sites contaminés » - supports des présentations disponibles sur le site de la SFRP (lien vérifié le 23/07/2008) (rubrique "Manifestation de la SFRP", sous rubrique "Les manifestations passées")
- Page du site Internet du CEA consacrée au démantèlement
- [PDF] Brochure sur le démantèlement éditée par le Groupe de travail sur le démantèlement et la déconstruction (WPDD).
- [PDF]Démantèlement des installations nucléaires : les voies de la maîtrise industrielle par Robert LALLEMENT
Bibliographie
- OCDE, Agence pour l'Energie Nucléaire, Déclassement et démantèlement des installations nucléaires : État des lieux, démarches, défis, Éditions OCDE, 17 mars 2003, 60 p. (ISBN 978-92-64-28488-3) [lire en ligne (page consultée le 15/03/2011)]
- Guillaume De Rubercy et François Lenglart, Démantèlement des installations nucléaires en Europe : Enjeux juridiques et financiers, L'Harmattan, 04 janvier 2010, 402 p. (ISBN 978-2-296-10596-6)
Notes et références
- Centrales nucléaires, une bombe à retardement ? - Le courrier de l'Unesco, 03/1999
- (fr) Comptes du groupe EDF 2005 p 82
- Source site EDF
- Le démantèlement nucléaire, quel chantier… - JDD - 19/03/2011
- Cour des comptes, Le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs : Rapport au Président de la République suivi des réponses des administrations et des organismes intéressés, janvier 2005, 279 p. [lire en ligne (page consultée le 14 mars 2011)], p. 119
- M. Blair confie au secteur privé le démantèlement de ses vieilles centrales nucléaires - Article du Monde publié le 1er avril 2006
- Communiqué de presse commun des associations AE2D (Agir pour l’Environnement et le Développement Durable) et Sortir du Nucléaire Cornouaille - publié le 26 octobre 2005
- Dossier Assainissement/Démantèlement sur le site internet du CEA Cadarache [PDF]
- Bientôt de la radioactivité dans nos objets de consommation ?, Rue 89, 8 janvier 2010
- Note d'information Déclassement de l'installation nucléaire de base n°21 (réacteur de recherche Siloette - CEA Grenoble) sur le site internet de l'Autorité de sûreté nucléaire le réacteur Siloette (CEA) a été déclassé le 15 août 2007 (date de publication au journal officiel);
- centre de Cadarache sur la commune de Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône), dont le démantèlement total s’est achevé le 5 octobre 2007 ; page "Les INB du Centre de Cadarache" sur le site internet du CEA Cadarache (lien vérifié le 14/05/2008). le réacteur Harmonie, du CEA au
- Arrêté du 26 mai 2009 portant homologation de la décision n° 2009-DC-0133 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 31 mars 2009 portant déclassement de l'installation nucléaire de base n° 41, dénommée Harmonie, sur le territoire de la commune de Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône), JORF n°0132 du 10 juin 2009 page 9388. L'installation a été déclassée le 26 mai 2009 ;
- SYNTHESE DU RAPPORT SUR LE DEMANTELEMENT DES MATERIELS D’ARMEMENT (Ministère de la défense, 2008)
Catégories :- Déchet radioactif
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