- Droit de courte citation
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La question du droit de courte citation s'analyse comme une exception aux droits d'auteur qui accordent tout contrôle à l'auteur sur la diffusion de ses œuvres. Dans un certain nombre de circonstances, un auteur ne peut s'opposer à la republication d'un extrait limité de son œuvre.
La convention de Berne (article 10, 1°) autorise les citations, mais sans en donner de définition très précise :
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- « Sont licites les citations tirées d’une œuvre, déjà rendue licitement accessible au public, à condition qu’elles soient conformes aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but à atteindre, y compris les citations d’articles de journaux et recueils périodiques sous forme de revues de presse. ».
Le droit de citation a des acceptions légèrement différentes selon les législations et les jurisprudences nationales, et suivant la nature de l'œuvre. Savoir si une citation est abusive ou non est à juger au cas par cas, mais dans tous les cas, il faut que l'insertion du texte soit :
- partielle (pour pouvoir prétendre au titre de « citation », la reproduction ne doit pas être intégrale) ;
- clairement justifiée par ce que l'on en dit : « dans la mesure justifiée par le but à atteindre », tout est là ;
- clairement attribuée à son auteur (et par conséquent accompagnée autant que possible d'une référence — sur le web une URL — assez précise pour permettre de vérifier sur l'original, sans ambiguïté ou perte de temps).
Sommaire
Traitements nationaux
Union européenne
Dans l'Union européenne, c'est la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 qui doit s'appliquer, à charge pour les États membres de la traduire dans leur propre législation. Cette directive autorise les législations nationales à prévoir un certain nombre d'exceptions ou de limitations au droit de l'auteur pour la reproduction, la copie ou la distribution dont, en ce qui concerne le thème de cet article :
- « lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'œuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'événements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur » (art. 5, c) ;
- « lorsqu'il s'agit de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu'elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée et qu'elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi » (art. 5, d).
États-Unis
Aux États-Unis, c'est le Titre 17 du United States Code qui régit la propriété intellectuelle.
Le droit de citation est à peu près inclus dans le fair use, mais celui-ci est plus étendu : il peut également autoriser des reproductions intégrales dans certaines circonstances.
France
En France c'est le code de la propriété intellectuelle qui le détermine, et en particulier l'article L122-5. Les conditions de la loi française sont simplement (art L122-5 CPI) : « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : […] 3º Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source : a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ». Le droit de citation est gratuit et autorisé à tous.
Cas des œuvres littéraires
Le statut juridique des citations est fixé depuis longtemps dans le domaine littéraire :
- la citation doit être brève, tant par rapport à l'œuvre dont elle est extraite que par rapport au nouveau document dans laquelle elle s'insère. Le code de la propriété intellectuelle ne donne pas de caractère quantitatif, on apprécie la « courte citation » en termes de proportion ; Le juge fait une appréciation in concreto ;
- elle implique que le nom de l'auteur, son copyright et le nom de l'œuvre d'où elle est extraite soient cités, de façon à respecter le droit moral de l'auteur ; dans le cas d'un extrait de livre, le titre, l'éditeur, la date de publication doivent également être mentionnés ;
- la citation ne doit pas concurrencer l'ouvrage original et doit être intégrée au sein d'une œuvre construite, pour illustrer un propos ; la citation en outre doit plutôt inciter le lecteur à se rapporter à l'œuvre originelle.
La citation s'apprécie en principe par rapport à ce qu'est l'œuvre publiée. Par exemple, si Baudelaire a publié une œuvre Les Fleurs du mal (composée de poèmes), la citation intégrale de tout un poème pour illustrer le recueil serait une « citation » du recueil. En revanche, si le recueil est formé de poèmes publiés séparément, chaque poème est une œuvre indépendante, et le droit à citation ne permet pas de citer le texte intégral…
Les anthologies, ne sont ainsi juridiquement pas une collection de citations, mais des œuvres dérivées dont la publication nécessite l'autorisation des ayants droit de l'œuvre originale.
Le cas de site comme Google ou Amazon est intéressant. Ces sites permettent aux internautes de consulter de courts extraits d’œuvres littéraires. Si ces plateformes exercent le droit de courte citation d’une œuvre dans le but d’informer le public, aucune autorisation de l’auteur n’est nécessaire. En revanche, si le caractère commercial du site fait que la citation relève plus d’une incitation à acheter l’œuvre que d’une information au public, alors une autorisation devra être demandée à l’auteur.
Cas des autres œuvres intellectuelles
Son
La jurisprudence en faisait jusqu'à présent une interprétation restrictive et l'interdisait en matière d'extraits musicaux jusqu'à un jugement en 2002 qui ne la nie pas totalement. En effet, pourvu que les conditions précitées soient respectées, et les moyens techniques actuels permettent de le faire, rien ne s'y oppose si ce n'est la définition d'une « brève citation » d'un phonogramme de 3 ou 4 minutes. À titre d'exemple, le tribunal de grande instance de Paris[1],[2] a indiqué, dans un jugement du 15 mai 2002, qu'un extrait de trente secondes n'était pas une courte citation par rapport à un morceau de trois minutes (ce qui correspond à un taux de citation de 16 %).
L'image
Le droit à citation d'une image est en cours d'évolution car la taille non chiffrée des images utilisables suit une jurisprudence équivoque. En effet, la profondeur de zoom représente la valeur de la photo, valeur qui doit être chiffrable sur un marché. En matière de photo ou d'œuvre d'art graphique, elle est encore considérée comme impossible, essentiellement parce que les « citations » traduites devant les tribunaux ont toujours en fait été des reproductions intégrales : c'est dans ce cas la logique du tout ou rien qui prévaut. Un autre problème est que la photo peut elle-même représenter une œuvre, par exemple, une photo de tournage d'un film montre des costumes qui sont eux-mêmes des créations, soumises au code de la propriété intellectuelle. En revanche, la reproduction d'une image fixe ou d'une scène tirée d'un film, ou d'un gros plan d'un tableau, peuvent théoriquement répondre à la définition d'une courte citation.
Cependant, des arrêts récents en France montrent un évolution de la jurisprudence dans ce domaine dans ce pays :
- le 12 octobre 2007 la cour d'appel de Paris dans une affaire concernant la photographie a maintenu son analyse malgré la cassation prononcée en novembre 2006 : « la reproduction d'une photographie sous forme de vignette avec un champ de vision plus large, accompagnant d'autres photographies […], peut être qualifiée de courte citation puisqu'elle sert à illustrer en s'y incorporant un texte critique et polémique »[3] ;
- le 22 mai 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement relatif à l'affaire opposant Bob De vitis et son éditeur à la société Moulinsart, a considéré qu'une « vignette qui constitue un extrait d'un ensemble, réalise une courte citation d'un album qui ne peut être résumé à un assemblage d'œuvres distinctes, tant qu'elle ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre, ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur »[4].
Arts plastiques
La Cour de cassation a pendant longtemps considéré que la citation en matière graphique était interdite, opérant une interprétation littérale du texte. Juridiquement, la photographie d'une statue ou d'une œuvre architecturale ne constitue pas une « courte citation », mais une « reproduction » ou une « exploitation » nécessitant l’autorisation de son auteur. En effet, l’exigence légale de « courte citation » faisait obstacle au droit de citation en cette matière puisque une œuvre graphique n’était souvent citée que dans son intégralité. Ce problème quantitatif a partiellement été résolu par la modification de l’article L. 122-5 qui dans son neuvièmement autorise la citation intégrale des œuvres d’art dans un but et un contexte d’actualité.
La citation de l'image de l'artiste
Depuis longtemps[Quand ?], la Cour de cassation a introduit un principe de proportionnalité entre le droit à l’image et le droit à l’information du public. Ainsi, elle a affirmé que la liberté de communication des informations autorise « la publication d’image de personne impliquées dans un événement », posant toutefois comme limite le respect de la dignité humaine (Cass. 1re Civ ; 20 février 2001). La notion d’implication dans un événement a progressivement été étendue pour satisfaire les nécessités de l’information du public.
Récemment[Quand ?], la Cour de cassation s’est prononcée sur le droit de citation de l’image de l’auteur et de l’artiste interprète justifié, selon le défendeur, par l’information du public ; elle a jugé dans deux affaires, de la primauté du droit à l’image rendant l’autorisation nécessaire pour reproduire l’image d’un chanteur sur le support de ses œuvres.
- Dans le premier arrêt, rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation le 9 juillet 2009, « Charles A. » dénonçait l’apposition de sa photographie sur une compilation de ses œuvres tombées dans le domaine public.
S’appuyant sur l’art 9 du Code civil, la haute juridiction retient une absence de proportionnalité entre l’atteinte au droit à l’image et le droit à l’information du public et cela, même si elle ne relève pas d’atteinte à la vie privée de l’artiste. La Cour de cassation remet en cause la « nécessité de l’information » (ici la citation de l’image de l’artiste au soutien de la vente d’une compilation) dont le public à droit au titre de la liberté d’expression pour casser la décision de cour d’appel.
- Dans le second arrêt, rendu par la 1re chambre civile le 24 septembre 2009, « Henri S. », la Cour de cassation s’aligne sur la décision de la cour d’appel estimant que si le droit à l’image peut souffrir d’exception du fait de l’exercice de la liberté d’expression, en l’espèce, « la reproduction de la photographie de l’artiste sur la jaquette d’un compilation (de chansons tombées dans le domaine public), constituait un acte d’exploitation commerciale et non l’exercice de la liberté d’expression ».
Le caractère commercial de la reproduction de l’image fait ici disparaître le droit de citation.
Notes et références
L'émission de Canal + Le Zapping s'appuie sur ce droit de courte citation en construisant un programme original quotidien à partir d'extraits d'émissions de télévision françaises.
- « Musique : les sites web de radios commerciales face au « droit de citation ».
- disponible sur Legalis) Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 15 mai 2002 (
- Newlook avait publié des photos en illustration d'un article, et Entrevue en avait repiqué une en petit et en mentionnant l'origine. Procès pour contrefaçon. Entrevue a revendiqué la citation dans PAPIERS-NICKELÉS, La revue de l'image populaire, « Pour un droit de citation graphique », éditoriaux des nos 4 (1er trimestre 2005) et 17 (2e trimestre 2008).
- « L'auteur et l'éditeur d'œuvres parodiques de Tintin qui reproduisaient des vignettes de l'œuvre d'Hergé et réalisaient des parodies de couvertures d'albums et de dessins sans l'accord de ses ayants droit ont été condamnés pour contrefaçon et atteinte au droit moral de l'auteur », dans « Une « brèche » ouverte pour un droit de citation graphique », L'association des professionnels de l'information et de la documentation, 4 juin 2008.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques.
- Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
- La jurisprudence en France en matière de propriété intellectuelle
- Une analyse juridique de 1997
- Un résumé du sujet, par l'académie de Besançon (France)
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