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Discrimination par les prix
La discrimination par les prix désigne la modulation par agent des prix de son offre en fonction des caractéristiques connues ou supposées de la demande.
Classiquement, on distingue trois types de discriminations par les prix en fonction de l'information dont dispose l'agent discriminateur :
- Discrimination de premier type, ou discrimination parfaite : l'agent connaît la propension à payer de chaque agent, et lui propose exactement le prix maximal qu'il est prêt à payer.
- Discrimination de deuxième type : l'agent connaît une caractéristique des clients potentiels imparfaitement liée à leur propension à payer. Il propose alors un menu de prix en fonction des modalités de cette caractéristique.
- Discrimination de troisième type : l'agent connaît ou peut inférer la distribution dans la population d'une caractéristique liée à la propension à payer. Il propose alors un menu de couples (qualité, prix) pour que les client potentiels s’autosélectionnent.
Sommaire
Discrimination parfaite
On parle de discrimination parfaite lorsque l'offreur peut connaître exactement la propension à payer de chaque consommateur qui se présente et lui proposer un prix égal à cette propension. Il capture alors l'intégralité du surplus issu de la transaction. La discrimination parfaite peut aussi reposer sur la connaissance de toute caractéristique parfaitement corrélée à la propension à payer.
En pratique, la discrimination parfaite est impossible. Il existe cependant des cas où certains agents sont capables d'évaluer la propension à payer de leur client et d'effectuer une discrimination de ce type. On peut prendre pour exemple les pratiques de certains artisans à domicile (plombiers, vitriers, serruriers) dont les prix varient en fonction de l'estimation qu'ils font de la richesse du client et de l'urgence de la réparation.
Bien que neutre sur le plan de la transaction, le transfert de surplus généré par la discrimination parfaite se fait au détriment du consommateur. C'est pourquoi le droit de la consommation interdit souvent les discriminations de ce type en imposant l'affichage des prix de manière à fixer l'offre avant que la transaction ait lieu (bars, restaurants, coiffeurs…). Pour ce qui est des entreprises, le droit de la concurrence promeut une certaine transparence en posant l'obligation pour le fournisseur de communiquer son barême de prix et ses conditions générales de vente au revendeur qui en fait la demande. Cette obligation de communication posée à l'article 441-6 du Code de commerce [1] n'est cependant pas précédé par une obligation d'établissement. Le fournisseur peut en conséquence établir des documents différents pour chaque entreprise cliente car le texte de l'article 442-6 du Code de commerce [2] ne sanctionne la discrimination que dans la mesure où elle "crée un avantage ou un désavantage dans la concurrence".
Discrimination de deuxième type
Définition et exemples
La discrimination de deuxième type a lieu lorsque l'offreur connaît la distribution a priori d'une caractéristique des agents corrélée à la propension à payer, mais qu'il ne peut en connaître la modalité chez un agent particulier. L'offreur va alors moduler à la fois le prix et une caractéristique du bien différemment valorisée en fonction de la caractéristique de l'agent.
La forme la plus générale de discrimination du deuxième type est la présentation d'un menu (qualité, prix) qui amène les clients valorisant le plus la qualité à payer plus cher. L'exemple le plus simple est le restaurant qui propose une série de menus de prix et de sophistication croissante.
Formulation mathématique
Formulation simple
Prenons l'exemple d'un caviste qui dispose d'un stock de deux type de bouteilles : les bouteilles b de vin de pays médiocre, et les bouteilles B de vin de haute qualité. Ce caviste sait que deux types de clients viennent chez lui : une proportion q ne sont pas très connaisseurs, et cherchent l'ivresse sans s'occuper du flacon, et une proportion (1-q) de connaisseurs. N clients entrent chez lui chaque jour.
Les clients du premier groupe sont prêts à payer pl pour une bouteille b et Pl > pl pour une bouteille B. Les connaisseurs eux sont prêts à payer ph pour b et Ph > Pl,Ph > ph pour B. On modélise cette préférence comme un paramètre. Une bouteille b apporte au premier type de consommateurs un surplus pl − p et une bouteille B Pl − P, et au connaisseur respectivement ph − p et Ph − P.
Le problème du caviste est de choisir les prix p et P des bouteilles b et B. Sa stratégie repose dans un premier temps sur la proportion d'acheteurs de chaque type. Comparons les cas suivants :
- Le caviste vend ses bouteilles B à Pl. Son intérêt est alors de ne pas vendre du tout de bouteilles b, et il gagne N.P_l.
- Le caviste vend ses bouteilles B à Ph et ses bouteilles b à pl. Si le caviste arrive à vendre à ces prix les B aux connaisseurs et les b aux autres, il fait une recette π = N.q.pl + (1 − q).N.Ph (il discrimine).
Le caviste préfère la discrimination si
N.Pl < N.q.pl + (1 − q).N.Ph
soit :
Cette condition signifie que la discrimination est d'autant plus probable que la proportion de connaisseurs est importante (q faible), l'écart entre les propensions à payer pour la qualité important (Ph − Pl important) et l'écart entre les propensions à payer extrêmes est important (Ph − pl).
Supposons le caviste trouve intéressant de discriminer. La discrimination est évidemment possible si pl > ph : les clients s'autosélectionnent d'eux-mêmes. On peut cependant supposer que le connaisseur valorise plus n'importe quel vin que le non-connaisseur : ph > pl. Le caviste doit alors proposer un autre menu de prix pour que la sélection ait lieu.
Il voudrait alors que :
- Les connaisseurs achètent une bouteille B plutôt qu'une bouteille b : Ph − P > ph − p;
- Les connaisseurs achètent une bouteille : Ph − P > 0 ou ph − p > 0
- Les non-connaisseurs achètent une bouteille b : pl − p > 0
Il est clair que le caviste a intérêt à faire payer autant qu'il peut aux non-connaisseurs : pl − p = 0.
En substituant, on obtient : P < Ph − ph + pl, sous réserve que P < Ph.
Le caviste propose donc le menu (pl,min{Ph,Ph − ph + pl})
Formulations élaborées
On peut envisager différentes extensions qui rendent le problème plus complexe:
- Le caviste peut choisir la qualité des vins en plus du prix. Il peut alors diminuer la qualité des vins b pour s'assurer que les connaisseurs achètent les bouteilles B.
- Le caviste a à sa disposition plus de deux qualités différentes, fixées. Le résultat général est alors que la stratégie optimale du caviste est de diminuer au maximum la qualité des moins bonnes bouteilles afin d'extraire plus des bouteilles de meilleure qualité. Empiriquement, cela explique que la suppression des troisième classe de chemin de fer se soit traduite par la baisse des prix de la première classe et la hausse des prix de deuxième classe.
- Les propensions à payer des agents et les qualités possibles sont des variables continues. L'analyse devient alors analytiquement très complexe, se rapprochant des problèmes de fiscalité optimale.
Discrimination de troisième type
La discrimination de troisième type consiste à moduler le prix d'un même produit en fonction d'une caractéristique connue des clients potentiels et imparfaitement liée à leur propension à payer.
La discrimination de troisième type est le plus souvent légale, et même couramment pratiquée. On peut penser aux places de cinéma avec un tarif réduit pour les étudiants, ou les billets d'avion (il est très rare que, prenant l'avion, vous ayez payé le même prix que votre voisin).
Bibliographie
Sautel, Olivier (2009), La discrimination en prix : la position des autorités de concurrence à la lumière de la théorie économique, Microeconomix - Economic Focus, Mai 2009, http://www.microeconomix.fr/publications/doc_details/213-la-discrimination-en-prix.html
Swedish Competition Authority (2005). The Pros and Cons of Price Discrimination, http://www.kkv.se/upload/Filer/Trycksaker/Rapporter/Pros&Cons/rap_pros_and_cons_pricediscrimination.pdf
Tirole, Jean (1988), The Theory of Industrial Organization (Chapitre 3), MIT Press.
Voir aussi
Articles connexes
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