Congrès de la soummam

Congrès de la soummam

Congrès de La Soummam

Congrès de La Soummam

Le Congrès de la Soummam déterminant pour la réussite de la révolution Algérienne, organisé principalement par Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi. Les partisans du Congrès de la Soummam étaient Krim Belkacem, Omar Ouamrane, Si M'hamed de son vrai nom Bougarra, Si Sadek, Azzedine, Si Lakhdar, Ali Khodja, Ali Mellah, etc, a eu lieu le 20 août 1956 aux villages Ighbane et Ifri dans la commune d'Ouzellaguen. Mais , il y aura des divergences de points de vue de la part des absents du congrès (les représentants de l'Ouest algérien, de l'Aurès et du Sud algérien) et les organisateurs en majorité Kabyle , ce qui va provoquer une lutte interne entre les chefs du F.L.N. en Tunisie et à l'intérieure de l'Algérie[1]


« La primauté du politique sur le militaire  » [2] constitua l'un des fondements du Congrès. Il y a eu une administration qui gère le civil ( mariage, régler les conflits personnels, enregistrement des naissances, collecte d'impôt, etc).[3] Chaque assemblée populaire était élu sous la supervision du Front de libération nationale (Algérie) .


Après le Congrès de la Soummam, L'Algérie a été divisée en six Wilayas ou État-major.[4]

Une Wilaya est divisée en quatre Zones. Chaque zone est divisée en quatre région. La région est divisée en quatre secteurs. Elle possède une Katiba de 120 hommes armés.

Chaque secteur dispose de 40 mousseblins. Chaque division est contrôlée par un comité formé:

  • un responsable politico-militaire
  • un adjoint politique
  • un adjoint militaire
  • un responsable du renseignement et de la liaison
  • un service de santé et d'intendance

Sommaire

Plate forme de la Soummam

« PLATE FORME DE LA SOUMMAM

POUR ASSURER LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION ALGERIENNE, DANS LA LUTTE POUR LINDEPENDANCE NATIONALE


INTRODUCTION Les extraits de la présente plate-forme daction du FRONT DE LIBERATION NATIONALE ont pour objet de définir, dune façon générale, la position du FLN, à une étape déterminante de la Révolution Algérienne. Elle est divisée en trois parties :


I) La situation politique actuelle.

II) Les perspectives générales.

III) Les moyens dactions et de propagande.

I) LA SITUATION POLITIQUE ACTUELLE

A) LESSOR IMPETUEUX DE LA REVOLUTION ALGERIENNE

LAlgérie, depuis deux ans, combat avec héroïsme pour lindépendance nationale.

La révolution patriotique et anticolonialiste est en marche.

Elle force ladmiration de lopinion mondiale.

a. La Résistance armée.

En une période relativement courte, lArmée de Libération Nationale, localisée dans lAurès et la Kabylie, a subi avec succès lépreuve du feu.

Elle a triomphé de la compagne dencerclement et danéantissement menée par une armée puissante, moderne, au service du régime colonialiste dun des plus grands Etats du monde.

Malgré la pénurie provisoire darmement, elle a développé les opérations de guérillas, de harcèlement, de sabotage, sétendant aujourdhui à lensemble du territoire national.

Elle a consolidé sans cesse ses positions en améliorant sa tactique, sa technique, son efficacité.

Elle a su passer rapidement de la guérilla au niveau de la guerre partielle.

Elle a su combiner harmonieusement les méthodes éprouvées des guerres anti-colonialistes avec les formes les plus classiques en les adoptant intelligemment aux particularités du pays.

Elle a déjà fourni la preuve suffisante, maintenant que son organisation militaire est unifiée, quelle possède la science de la stratégie dune guerre englobant lensemble de lAlgérie.

LArmée de Libération Nationale se bat pour une cause juste.

Elle groupe des patriotes, des volontaires, des combattants décidés à lutter avec abnégation jusquà la délivrance de la patrie martyre.

Elle sest renforcée par le sursaut patriotique dofficiers, de sous-officiers et de soldats de carrière ou du contingent, désertant en masse avec armes et bagages les rangs de larmée française.

Pour la première fois dans les annales militaires, la France ne peut plus compter sur le « loyalisme » des troupes algériennes. Elle est obligée de les transférer en France et en Allemagne.

Les Harkas de goumiers, recrutés parmi les chômeurs souvent trompés sur la nature du « travail » pour lequel ils étaient appelés, disparaissent dans le maquis. Certaines sont désarmées et dissoutes par les autorités mécontentes.

Les réserves humaines de lALN sont inépuisables. Elle est souvent obligée de refuser lenrôlement des Algériens jeunes et vieux, des villes et campagnes, impatients de mériter lhonneur dêtre soldats de leur « Armée ».

Elle bénéficie pleinement de lamour du peuple algérien, de son soutien enthousiaste, de sa solidarité agissante, morale et matérielle, totale et indéfectible.

Les officiers supérieurs, les commandants de zones, les commissaires politiques, les cadres et soldats de lArmée de Libération Nationale sont honorés comme des héros nationaux, glorifiés dans des chants populaires qui ont déjà pénétré aussi bien dans lhumble gourbi que la misérable Khaïma, la ghorfa des casbahs comme le salon des villas.

Telles sont les raisons essentielles du « miracle algérien » : lALN tenant en échec la force colossale de larmée colonialiste française, renforcée par les divisions « atomiques » prélevées sur les forces de lOTAN.

Voilà pourquoi en dépit des incessants renforts, jugés aussitôt insuffisants, malgré le quadrillage ou autre technique aussi inopérante que les déluges de feu, les généraux français sont obligés de reconnaître que la solution militaire est impossible pour résoudre le problème algérien.

Nous devons signaler particulièrement la formation de nombreux maquis urbains qui, dores et déjà, constituent une seconde armée sans uniforme.

Les groupes armés dans les villes et villages se sont notamment signalés par des attentats contre les commissariats de police, les postes de gendarmerie, les sabotages de bâtiments publics, les incendies, la suppression de gradés de la police, de mouchards, de traîtres.

Ce qui affaiblit dune façon considérable larmature militaire et policière de lennemi colonialiste, augmente la dispersion de ses forces sur lensemble du sol national, mais aussi accentue la détérioration du moral des troupes, maintenus dans un état dénervement et de fatigue par la nécessité de rester sur un qui-vive angoissant.

Cest un fait indéniable que laction de lALN a bouleversé le climat politique en Algérie.

Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme.

Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale.

Elle a également déterminé une union psycho-politique de tous les Algériens, cette unanimité nationale qui féconde la lutte armée et rend inéluctable la victoire de la liberté.


b. Une organisation politique efficace.

Le FRONT DE LIBERATION NATIONALE, malgré son activité clandestine, est devenu aujourdhui lunique organisation véritablement nationale. Son influence est incontestable et incontestée sur tout le territoire algérien.

En effet, dans un délai extrêmement court, le FLN a réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existants depuis des dizaines dannées.

Cela nest pas le fruit du hasard. Cest le résultat de la réunion des conditions indispensables suivantes :

1°) Le bannissement du pouvoir personnel et linstauration du principe de la direction collective composée dhommes propres, honnêtes, imperméables à la corruption, courageux, insensibles au danger, à la prison ou à la peur de la mort.

2°) La doctrine est claire. Le but à atteindre, cest lindépendance nationale. Le moyen, cest la révolution par la destruction du régime colonialiste.

3°) Lunion du peuple est réalisée dans la lutte contre lennemi commun, sans sectarisme :

Le FLN affirmait au début de la Révolution que « la libération de lAlgérie sera lœuvre de TOUS les Algériens et non pas celle dune fraction du peuple algérien, quelle que soit son importance ». Cest pourquoi le FLN tiendra compte dans sa lutte de toutes les forces anti-colonialistes, même si elles échappent à son contrôle.

4°) La condamnation définitive du culte de la personnalité, la lutte ouverte contre les aventuriers, les mouchards, les valets de ladministration, indicateurs ou policiers. D la capacité du FLN à déjouer les manœuvres politiques et les traquenards de lappareil policier français.

Cela ne saurait signifier que toutes les difficultés seraient complètement effacées.

Notre action politique a été handicapée au départ pour les raisons ci-après :

1°) Linsuffisance numérique des cadres et des moyens matériels et financiers.

2°) La nécessité dun long et dur travail de clarification politique, dexplication patiente et persévérante pour surmonter une grave crise de croissance.

3°) Limpératif stratégique de SUBORDONNER TOUT AU FRONT DE LA LUTTE ARMEE.

Cette faiblesse, normale et inévitable au début, est déjà corrigée, après la période il se contentait de lancer uniquement des mots dordre de résistance à limpérialisme, on a assisté à une réelle apparition du FLN sur le plan de la lutte politique.

Ce redressement fut marqué par la grève danniversaire du 1er novembre 1955, considérée comme lévénement décisif, tant par son aspect spectaculaire et positif que par son caractère profond, preuve de la « prise en main  » de toutes les couches de la population.

Jamais, de mémoire dAlgérie, aucune organisation politique navait obtenu une grève aussi grandiose dans les villes et villages du pays.

Dautre part, le succès de la non-coopération politique lancée par le FLN est non moins probant. La cascade de démissions des élus patriotes suivie de celles des élus administratifs ont imposé au gouvernement français la non-prorogation du mandat des députés du Palais Bourbon, la dissolution de lAssemblée Algérienne. Les conseils généraux et municipaux et les djemaa ont disparu, vide accentué et amplifié par la démission de nombreux fonctionnaires et auxiliaires de lautorité coloniale, caïds, chefs de fraction, gardes champêtres. Faute de candidatures ou de remplaçants, ladministration française est disloquée; son armature considérée comme insuffisante ne trouve aucun appui parmi le peuple; dans presque toutes les régions elle coexiste avec lautorité du FLN.

Cette lente mais profonde désagrégation de ladministration française a permis la naissance puis le développement dune dualité de pouvoir. Déjà fonctionne une administration révolutionnaire avec des djemaa clandestines et des organismes soccupant du ravitaillement, de perception dimpôts, de la justice, du recrutement de moudjahidine, des services de sécurité et de renseignements. Ladministration du FLN prendra un nouveau virage avec linstitution des assemblées du peuple qui seront élues par les populations rurales avant le deuxième anniversaire de notre révolution.

Le sens politique du FLN sest vérifié dune façon éclatante par ladhésion massive des paysages pour lesquels la conquête de lindépendance nationale signifie en même temps la réforme agraire qui leur assurera la possession des terres quils fécondent de leur labeur.

Cela se traduit par léclosion dun climat insurrectionnel qui sest étendu avec rapidité et une forme variée à tout le pays.

La présence déléments citadins, politiquement mûrs et expérimentés, sous la direction lucide du FLN, a permis la politisation des régions retardataires. Lapport des étudiants a été dune grande utilité, notamment dans les domaines politiques, administratif et sanitaire.

Ce qui est certain, cest que la Révolution Algérienne vient de dépasser avec honneur une première étape historique.

Cest une réalité vivante ayant triomphé du pari stupide du colonialisme français prétendant la détruite en quelques mois.

Cest une révolution organisée et non une révolte anarchique.

Cest une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. Cest une marche en avant dans le sens historique de lhumanité et non un retour vers le socialisme.

Cest en fin la lutte pour la renaissance dun Etat Algérien sous la forme dune république démocratique et sociale et non la restauration dune monarchie ou dune théocratie révolues.

c. La faillite des anciennes formations politiques.

La Révolution Algérienne a accéléré la maturité politique du peuple algérien. Elle lui a montré, à la lumière de lexpérience décisive du combat libérateur, limpuissance du réformisme et la stérilité du charlatanisme contre-révolutionnaire.

La faillite des vieux partis a éclaté au grand jour.

Les groupements divers ont été disloqués. Les militants de base ont rejoint le FLN. LUDMA dissoute et les Oulama se sont alignés courageusement sur les positions du FLN ; lUGEMA groupant tous les universitaires et lycéens, a proclamé par la voix de son congrès unanime le même sentiment.

Le Comité central du M.T.L.D. a complètement disparu en tant que regroupement ex-dirigeants et en tant que tendance politique.


Le Messalisme en déroute


L e M.N.A., en dépit de la démagogie et de la surenchère, na pas réussi à surmonter la crise mortelle du M.T.L.D. Il conservait une assise organique seulement en France du fait de la présence de Messali en exil, de lignorance totale des émigrés de la réalité algérienne.

Cest de que partaient les mots dordre, les fonds et les hommes en vue de la création en Algérie de groupes armés ou de maquis dissidents, destinés non à la participation à la lutte contre lennemi exécré des opérations de provocation et à saboter par le défaitisme, le désordre et lassassinat, la Révolution Algérienne et ses dirigeants militaires et politiques.

Lactivité sporadique et brève du M.N.A. sétait manifestée publiquement, dans les rares villes telles Alger, comme une secte contre-révolutionnaire dans des opérations de division (campagne antimozabite), de gangstérisme(racket de commerçants), de confusion et de mensonges (Messali, soi-disant créateur et chef de lArmée de Libération Nationale).

Le messalisme a perdu sa valeur de courant politique. Il est devenu de plus en plus un état dâme qui sétiole chaque jour.

Il est particulièrement significatif que les derniers admirateurs et défenseurs de Messali soient précisément les journalistes et intellectuels proches de la présidence du gouvernement français. Ils prétendent dénoncer lingratitude du peuple algérien qui ne reconnaîtrait plus «les mérites exceptionnels de Messali, le créateur, il y a trente ans, du nationalisme algérien ».

La psychologie de Messali sapparente à la conviction insensée du coq de la fable qui ne se contente pas de constater laurore, mais proclame « quil fait lever le soleil ».

Le nationalisme Algérien dont Messali revendique effrontément linitiative est un phénomène de caractère universel, résultat dune évolution naturelle suivie par tous les peuples sortant de leur léthargie.

Le soleil se lève sans que le coq soit pour quelque chose, comme la Révolution Algérienne triomphe sans que Messali y ait aucun mérite.

Cette apologie du messalisme dans la presse française était un indice sérieux de la préparation psychologique dun climat artificiel favorable à une manœuvre de grande envergure contre la Révolution Algérienne.

Cest la division, arme classique du colonialisme.

Le gouvernement français a tenté en vain dopposer au FLN des groupements modérés, voire même le groupe des «61». Ne pouvant plus compter sur les Sayah ou Farès, le béni-oui-ouisme étant discrédité dune façon définitive et sans retour, le colonialisme français espérait utiliser le chef du MNA dans son ultime manœuvre diabolique pour tenter de voler au peuple algérien sa victoire.

Dans cette perspective, Messali représente, en raison de son orgueil et de son manque de scrupules, linstrument parfait pour la politique impérialiste.

Ce nest dons pas par hasard que Jacques Soustelle pouvait affirmer en novembre 1956 au professeur Massignon : « Messali est ma dernière carte ».

Le ministre résidant Lacoste ne se gêne pas pour confier à la presse colonialiste algérienne sa satisfaction de voir le MNA sefforcer uniquement daffaiblir le FLN.

Lhebdomadaire socialiste «Demain», dévoilant les divergences tactiques divisant les gouvernants français, pouvait écrire que certains ministres étaient disposés, pour empêcher le renforcement du FLN à accorder à Messali sa liberté totale, «le seul problème étant de protéger la vie du leader algérien».

Quand on se rappelle que Messali sest livré à une violente attaque contre les pays arabes, ce qui ne peut que réjouir les Soustelle, Lacoste et Borgeaud, son déplacement dAngoulême à Belle-Isle justifie la thèse du journal «Demain».

Lorsque la vie de Messali est si précieuse pour le colonialisme français, faut-il sétonner de le voir glisser vers la trahison consciente.


Le Communisme Absent

Le P.C.A., malgré son passage dans lillégalité et la publicité tapageuse dont la presse colonialiste la gratifié pour justifier la collusion imaginaire avec la Résistance Algérienne, na pas réussi à jouer un rôle qui mériterait dêtre signalé.

La direction communiste, bureaucratique, sans aucun contact avec le peuple, na pas été capable danalyser correctement la situation révolutionnaire. Cest pourquoi elle a condamné le «terrorisme» et ordonné dès les premiers mois de linsurrection aux militants des Aurès, venus à Alger chercher des directives, DE NE PAS PRENDRE LES ARMES.

La sujétion au P.C.F. a pris le caractère dun Béni-oui-ouisme avec le silence qui a suivi le vote des pouvoirs spéciaux.

Non seulement les communistes algériens nont pas eu suffisamment de courage pour dénoncer cette attitude opportuniste du groupe parlementaire, mais ils nont pas soufflé mot sur labandon de laction concrète contre la guerre dAlgérie : manifestations contre les renforts de troupes, grèves de transports, de la marine marchande, des ports et des docks, contre le matériel de guerre.

Le P.C.A. a disparu en tant quorganisation sérieuse à cause surtout de la prépondérance en son sein déléments européens dont lébranlement des convictions nationales algériennes artificielles a fait éclater les contradictions face à la résistance armée.

Cette absence dhomogénéité et la politique incohérente qui en résulte ont pour origine fondamentale la confusion et la croyance en limpossibilité de la libération nationale de lAlgérie avant le triomphe de la révolution prolétarienne en France.

Cette idéologie qui tourne le dos à la réalité est une réminiscence des conceptions de la S.F.I.O., favorable à la politique dassimilation passive et opportuniste.

Niant le caractère révolutionnaire de la paysannerie et des fellahs algériens en particulier, elle prétend défendre la classe ouvrière algérienne contre le danger problématique de tomber sous la domination directe de la «bourgeoisie arabe», comme si lindépendance nationale de lAlgérie devait suivre forcément le chemin des Révolutions manquées, voire même de faire marche arrière vers un quelconque féodalisme.

La C.G.T., subissant linfluence communiste, se trouve dans une situation analogue et tourne à vide sans pouvoir énoncer et appliquer le moindre mot dordre daction.

La passivité générale du mouvement ouvrier organisé, aggravée dans une certaine mesure par lattitude néfaste des syndicats F.O. et C.F.T.C., nest pas la conséquence du manque de combattivité des travailleurs des bras croisés, les directives de Paris.

Les dockers dAlger en ont donné la preuve en participant à la grève politique anniversaire du 1er novembre 1956.

Nombreux furent les travailleurs qui ont compris que cette journée daction patriotique aurait revêtu un caractère dunanimité nationale, plus démonstrative, plus dynamique, plus féconde, si les organisations ouvrières avaient été entraînées intelligemment dans la lutte générale par une véritable centrale syndicale nationale. Cette appréciation juste se trouve entièrement confirmée dans les succès complets de la grève générale patriotique du 5 juillet 1956.

Voila pourquoi les travailleurs algériens ont salué la naissance de lU.G.T.A., dont le développement continu est irrésistible, comme lexpression de leur désir impatient de prendre une part plus active à la destruction du colonialisme, responsable du régime de misère, de chômage, démigration et dindignité humaine.

Cette extension du sentiment national, en même temps que son passage à niveau qualificatif plus élevé, na manqué de réduire, comme une peau de chagrin, la base de masse du P.C.A., déjà rétrécie par la perte des éléments européens hésitants et instables.

On assiste cependant à certaines initiatives émanant à titre individuel de certains communistes sefforçant de sinfiltrer dans les rangs du F.L.N. et de lA.L.N. Il est possible quil sagisse de sursauts individuels pour retourner à une saine conception de la libération nationale.

Il est certain que le P.C.A. essaiera dans lavenir dexploiter ces « placements » dans le but de cacher son isolement total et son absence dans le combat historique de la Révolution Algérienne.


B) LA STRATEGIE IMPERIALISTE FRANCAISE.

La Révolution Algérienne, détruisant impitoyablement tous les pronostics colonialistes et faussement optimistes, continue de se développer avec une vigueur exceptionnelle, dans une phase ascendante de longue portée.

Elle ébranle et ruine ce qui reste de lempire colonial français en déclin.

Les gouvernements successifs de Paris sont en proie à une crise politique sans précédant. Obligés de lâcher les colonies dAsie, ils croient pouvoir conserver celles dAfrique. Ne pouvant faire face au « pourrissement » de lAfrique du Nord, ils ont lâché du lest en Tunisie et au Maroc pour tenter de garder lAlgérie.

a) La leçon des expériences tunisiennes et marocaines.

Cette politique sans perspectives réalistes sest traduite notamment par la succession rapide de défaites morales dans tous les secteurs :

Mécontentement en France, grèves ouvrières, révoltes de commerçants, agitation chez les paysans, déficit budgétaire, inflation, sous-production, marasme économique, question algérienne à lONU, abandon de la Sarre en Allemagne.

La poussée révolutionnaire nord-africaine, malgré labsence dune stratégie politique commune en raison de la faiblesse organique de ce qua été le Comité de Libération du Maghreb, a acculé le colonialisme français à improviser une tactique défense hâtive, bouleversant tous les plans de la répression esclavagiste traditionnelle.

Les conventions franco-tunisiennes qui devaient jouer le rôle de barrage néo-colonialiste ont été dépassées sous la pression conjuguée du mécontentement populaire et des coups portés à limpérialisme dans les trois pays frères.

Le rythme de lévolution de la crise marocaine, lentrée en lutte armée des montagnards venant renforcer la résistance citadine, et surtout la pression de la révolution algérienne ont été parmi les facteurs les plus déterminants du revirement de lattitude officielle française et de lindépendance marocaine.

Le brusque changement de méthode du gouvernement colonialiste abandonnant limmobilisme pour sengager dans la recherche dune solution rapide était dicté dabord par des raisons de caractère stratégique.

Il sagissait :

1°) Dempêcher la constitution dun véritable second front, en mettant fin à lunification de la lutte armée au RIFF et en ALGERIE.

2°) Dachever de briser lunité de combat des trois pays dAfrique du Nord.

3°) Disoler la Révolution Algérienne dont le caractère populaire la rendait nettement plus dangereuse.

Tous les calculs ont été voués à léchec. Les négociations menées séparément avaient pour but de tenter de duper ou de corrompre certains dirigeants des pays frères en les poussant à abandonner consciemment ou inconsciemment le terrain réel de la lutte révolutionnaire jusquau bout.

La situation politique nord-africaine est caractérisée par le fait que le problème algérien se trouve encastré dans les problèmes marocain et tunisien pour nen faire quun seul.

En effet, sans lindépendance de lAlgérie, celle du Maroc et de la Tunisie est un leurre.

Les Tunisiens et les Marocains nont pas oublié que la conquête de leurs pays respectifs par la France a suivi la conquête de lALGERIE.

Les peuples du MAGHREB sont aujourdhui convaincus par lexpérience que la lutte en ordre dispersé contre lennemi commun na pas dautre issue que la défaite pour tous, chacun pouvant être écrasé séparément.

Cest une aberration de lesprit que de croire que le Maroc et la Tunisie pouvaient jouir dune indépendance réelle alors que lAlgérie restera sous le joug colonial.

Les gouvernants colonialistes, experts en hypocrisie diplomatique, reprenant dune main ce quils cèdent de lautre, ne ma, queront pas de songer à la reconquête de ces pays dès la conjoncture internationale leur semblera favorable.

Dailleurs, il est important de souligner que les leaders marocains et tunisiens formulent dans des déclarations récentes et renouvelées des points de vue rejoignant lappréciation du FLN.

b) La politique algérienne du gouvernement.

Le gouvernement à direction socialiste dès le 6 février, après la manifestation ultra colonialiste dAlger, a abandonné les promesses électorales du Front républicain : Ramener la paix en Algérie par la négociation, renvoyer dans leurs foyers les soldats du contingent, briser les « féodalités » administratives et financières, libérer les prisonniers politiques, fermer les camps de concentration.

Si, avant la démission de Mendès-France, celui-ci représentait au gouvernement la tendance à la négociation face à la tendance opposée, animée furieusement par Bourgès-Maunoury et Lacoste, aujourdhui, cest la politique Lacoste qui fait lunanimité. Cest la guerre à outrance qui a pour but chimérique de tenter disoler le maquis du peuple par lextermination.

Devant cet objectif accepté par lunanimité du gouvernement et la presque totalité du parlement français, il ne peut exister aucune divergence, sauf quand cette politique dextermination dite «de pacification » aura échouée. Il est clair que les buts politiques déclarés à nouveau par Guy Mollet ne servent quà camoufler lentreprise réelle qui veut être le nettoyage, par le vide, de toutes nos forces vives.

Loffensive militaire est doublée dune offensive politique condamnée, davance, à un échec.

La «reconnaissance de la personnalité algérienne» reste une formule vague sans contenu réel, concret, précis. La solution politique exprimée dune façon schématique navait au début dautres supports que deux idées-forces : celle de la consultation des Algériens par des élections libres et celle du cessez-le-feu. Les réformes fragmentaires et dérisoires étaient proclamées dans lindifférence générale : provisoirement pas de représentation parlementaire au Palais Bourbon, dissolution de lAssemblée algérienne, épuration timide de la police, remplacement de «trois» hauts fonctionnaires, augmentation des salaires agricoles, accès des musulmans à la fonction publique et à certains postes de directions, réforme agraire, élections au collège unique. Aujourdhui le gouvernement Guy Mollet annonce lexistence de 6 ou 7 projets de statuts pour lAlgérie, dont la ligne générale serait la création de deux assemblées, la première législative, la seconde économique, avec un gouvernement composé de ministres ou de commissaires et présidé doffice par un ministre du gouvernement français.

Cela démontre dune part lévolution, grâce à notre combat, de lopinion publique en France, et dautre part le rêve insensé des gouvernants français de croire que nous accepterions un compromis honteux de ce genre.

La tentative disoler les maquis de la solidarité du peuple algérien, préconisée par Naegelen sur le plan intérieur, devait être complétée par la tentative disoler la Révolution Algérienne de la solidarité des peuples anti-colonialistes, engagée par Pineau sur le plan extérieur.

Le FLN déjouera comme par le passé les plans futurs de ladversaire.

Nous mentionnerons lappréciation sur la situation internationale dans la troisième partie.

II) LES PERSPECTIVES POLITIQUES

La preuve est faite que la Révolution Algérienne nest pas une révolte de caractère anarchique, localisée, sans coordination, sans direction politique, vouée à léchec.

La preuve est faite quil sagit au contraire dune véritable révolution organisée nationale et populaire, centralisée, guidée par un état-major capable de la conduire jusquà la victoire finale.

La preuve est faite que le gouvernement français, convaincu de limpossibilité dune solution militaire, est obligé de rechercher une solution politique.

Voilà pourquoi le FLN, inversement, doit se pénétrer de ce principe :

La négociation suit la lutte à outrance contre un ennemi impitoyable, elle ne la précède jamais.

Notre position à cet égard est fonction de trois considérations essentielles pour bénéficier du rapport des forces :


1°) Avoir une doctrine politique claire ;

2°) Développer la lutte armée dune façon incessante jusquà linsurrection générale ;

3°) Engager une action politique dune grande envergure.


A) POURQUOI NOUS COMBATTONS !

La Révolution Algérienne a la mission historique de détruire de façon définitive et sans retour le régime colonial odieux, décadent, obstacle au progrès et à la paix.

I. Les buts de guerre ;

II. Le cessez-le-feu ;

III. Négociations pour la paix.

I. Les buts de guerre

Les buts de guerre, cest le point final de la guerre à partir duquel se réalisent les buts de paix. Les buts de guerre, cest la situation à laquelle on accule lennemi pour lui faire accepter nos buts de paix. Ce peut être la victoire militaire ou bien la recherche dun cessez-le-feu ou dun Armistice en vue de négociations. Il ressort que, vu notre situation, nos buts de guerre sont politico-militaires. Ce sont :

1°) Laffaiblissement total de lArmée française, pour lui rendre impossible une victoire par les armes ;

2°) La détérioration sur une grande échelle de léconomie colonialiste par le sabotage, pour rendre impossible ladministration normale du pays ;

3°) La perturbation au maximum de la situation en France sur le plan économique et social, pour rendre impossible la continuation de la guerre;

4°) Lisolement politique(de la France) en Algérie et dans le monde ;

5°) Donner à linsurrection un développement tel quil la rend conforme au droit international(personnalisation de larmée, pouvoir politique reconnaissable, respect des lois de la guerre, administration normale de zones libérées par lALN) ;

6°) Soutenir constamment le peuple devant les efforts dextermination des Français.



II. Cessez- le-feu

Conditions

a) Politiques :

1°) Reconnaissance de la Nation Algérienne indivisible.

Cette clause est destinée à faire disparaître la fiction colonialiste de « Algérie française ».

2°) Reconnaissance de lindépendance de lAlgérie et de sa souveraineté dans tous les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie.

3°) Libération de tous les Algériens et Algériennes emprisonnés, internés ou exilés en raison de leur activité patriotique avant et après linsurrection nationale du 1er novembre 1954.

4°) Reconnaissance du FLN comme une seule organisation représentant le peuple algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. En contre-partie, le FLN est garant et responsable du cessez-le-feu au nom du peuple algérien.


b) Militaires

Les conditions militaires seront précisées ultérieurement.

III. Négociations pour la paix

1°) Les conditions sur le cessez- le- feu étant remplies, linterlocuteur valable et exclusif pour lAlgérie demeure le FLN. Toutes les questions ayant trait à la représentativité du peuple algérien sont du ressort exclusif du FLN (gouvernement, élections, etc….). Aucune ingérence de ce fait de la part du gouvernement français nest admise.

2°) Les négociations se font sur la base de lindépendance (diplomatie et défense nationale incluses).

3°) Fixation des points de discussions :

- Limites du territoire algérien(limites actuelles y compris le Sahara algérien) ;

- Minorité française(sur la base de loption entre : citoyenneté algérienne ou étrangère - pas de régime préférentiel - pas de double citoyenneté algérienne et française) ;

- Biens français: de lEtat français, des citoyens français ;

- Transfert des compétences(administration) ;

- Formes dassistance et de coopération françaises dans les domaines économiques, monétaire, social, culturel, etc.…. ;

- Autres points.

Dans une deuxième phase, les négociations sont menées par un gouvernement chargé de préciser le contenu des têtes de chapitre. Ce gouvernement est issu dune assemblée constituante, elle-même issue délections générales.


La Fédération Nord-africaine

LAlgérie libre et indépendante, brisant le colonialisme racial fondé sur larbitraire colonial, développera sur des bases nouvelles lunité et la fraternité de la Nation Algérienne dont la renaissance fera rayonner sa resplendissante originalité.

Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de la Patrie, sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin, étroit et aveugle.

Cest pourquoi ils sont en même temps des Nord-Africains sincères attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb.

LAfrique du Nord est un TOUT par : La géographie, lhistoire, la langue, la civilisation, le devenir.

Cette solidarité doit donc se traduire naturellement dans la création dune Fédération des trois Etats nord-africains.

Les trois peuples frères ont intérêt pour le commencement à organiser une défense commune, une orientation et une action diplomatique communes, la liberté des échanges, un plan commun et rational déquipement et dindustrialisation, une politique monétaire, lenseignement et léchange concerté des cadres techniques, les échanges culturels, lexploitation en commun de nos sous-sols et de nos régions sahariennes respectives.

Les tâches nouvelles du FLN pour préparer linsurrection générale.

Léventualité de louverture des négociations pour la Paix ne doit en aucun cas donner naissance à une griserie du succès, entraînant inévitablement un dangereux relâchement de la vigilance et la démobilisation des énergies qui pourrait ébranler la cohésion politique du peuple.

Au contraire, le stade actuel de la révolution algérienne exige la poursuite acharnée de la lutte armée, la consolidation des positions, le développement des forces militaires et politiques de la Résistance.

Louverture des négociations et leur conduite à bonne fin sont conditionnées dabord par le rapport des forces en présence.

Cest pourquoi, sans désemparer, il faut travailler avec ensemble et précision pour transformer lAlgérie en un camp retranché, inexpugnable. Telle est la tâche que doivent remplir avec honneur et sans délai le FLN et son Armée de Libération Nationale.

Dans ce but, reste valable plus que jamais le mot dordre fondamental :

Tout pour le Front de la Lutte Armée.

Tout pour obtenir une victoire décisive.

Lindépendance de lAlgérie nest plus la revendication politique, le rêve qui a longtemps bercé le peuple algérien courbé sous le joug de la domination française.

Cest aujourdhui un but immédiat qui se rapproche à une allure vertigineuse pour devenir, très bientôt, une lumineuse réalité.

Le FLN marche à pas de géants pour dominer la situation sur le plan militaire, politique et diplomatique.

Objets nouveaux : préparer dès maintenant, dune façon systématique, linsurrection générale, inséparable de la libération nationale.

a) Affaiblir larmature militaire, policière, administrative et politique du colonialisme ;

b) Porter une grande attention, et dune manière ininterrompue, aux cotés techniques de la question, notamment lacheminement du maximum de moyens matériels ;

c) Consolider et élever la synchronisation de laction politico-militaire.

Faire face aux inévitables manœuvres de division, de divergence ou disolement lancé par lennemi, par une contre-offensive intelligente et vigoureuse basée sur lamélioration et le renforcement de la Révolution populaire libératrice.

a) Cimenter lunion nationale anti-impérialiste ;

b) Sappuyer dune façon plus particulière sur les couches sociales les plus nombreuses, les plus pauvres, les plus révolutionnaires, fellahs, ouvriers agricoles ;

c) Convaincre avec patiente et persévérance les éléments retardataires, encourager les hésitants, les faibles, les modérés, éclairer les inconscients ;

d) Isoler les ultra-colonialistes en recherchant lalliance des éléments libéraux, dorigine européenne ou juive, même si leur action est encore timide ou neutraliste.

Sur le plan extérieur, rechercher le maximum de soutien matériel, moral et psychologique.

a) Augmenter le soutien de lopinion publique ;

b) Développer laide diplomatique en gagnant à la cause algérienne les gouvernements des pays neutralisés par la France ou insuffisamment informés sur le caractère national de la guerre dAlgérie.

III) MOYENS DACTION ET DE PROPAGANDE

Les perspectives politiques générales tracées précédemment mettent en relief la valeur et la variété des moyens daction que le FLN doit engager pour assurer la victoire complète du noble combat pour lindépendance de la patrie martyre.

Nous allons en préciser les grandes lignes sur le plan algérien, nord-africain, français et étranger.


1°) Comment organiser et diriger des millions dhommes dans un gigantesque combat .

Lunion psyco-politique du peuple algérien forgée et consolidée dans la lutte armée est aujourdhui une réalité historique.

Cette union nationale, patriotique, anticolonialiste, constitue la base fondamentale de la principale force politique et militaire de la Résistance.

Il convient de la maintenir intacte, inentamée, dynamique, en évitant parfois les fautes impardonnables de sectarisme ou dopportunisme, pouvant favoriser les manœuvres diaboliques de lennemi.

Le meilleur moyen dy parvenir, cest de maintenir le FLN comme guide unique de la Révolution Algérienne ; cette condition ne doit pas être interpréter comme un sentiment de vanité égoïste ou un esprit de suffisance aussi dangereux que méprisable.

Cest lexpression dun principe révolutionnaire : réaliser lunité de commandement dans un état-major qui a déjà donné les preuves de sa capacité, de sa clairvoyance, de sa fidélité à la cause du peuple algérien.

Il ne faut jamais oublier que, jusquau déclenchement de la Révolution, la force de limpérialisme français ne résidait pas seulement dans sa puissance militaire et policière, mais aussi dans la faiblesse du pays dominé, divisé, mal préparé à la lutte organisée, et surtout, pendant une longue période, de linsuffisance politique des dirigeants des diverses fractions du mouvement anti-colonialiste.

Lexistence dun FLN puissant, prolongeant ses racines profondes dans toutes les couches du peuple, est une des garanties indispensables.

a) Installer organiquement le FLN dans tout le pays, dans chaque ville, village, mechta, quartier, entreprise, ferme, université, collège, etc.. ;

b) Politiser le maquis ;

c) Avoir une politique de cadres formés politiquement, éprouvés, veillant au respect de la structure de lorganisation, vigilants, capables dinitiatives ;

d) Répondre avec rapidité et clarté à tous les mensonges, dénoncer les provocations, populariser les mots dordre du FLN en éditant une littérature abondante, variée touchant les secteurs même les plus restreints.

Multiplier les centres de propagande avec machines à écrire, papier, ronéo(reproduction des documents nationaux et édition de bulletins ou tracts locaux).

Editer brochure sur la Révolution et bulletin intérieur pour directives et conseils aux cadres.

Bien se pénétrer de ce principe : La propagande nest pas lagitation qui se caractérise par la violence verbale, souvent stérile et sans lendemain. En ce moment ou le peuple algérien est mûr pour laction armée positive et féconde, le langage du FLN doit traduire sa maturité en prenant la forme sérieusement, mesurée et nuancée sans manquer pour cela de la fermeté, de la franchise et de la flamme révolutionnaire.

Chaque tract, déclaration, interview ou proclamation du FLN a aujourdhui une résonance internationale. Cest pourquoi nous devons agir avec un réel esprit de responsabilité qui fasse honneur au prestige mondial de lAlgérie en marche vers la liberté et lindépendance.


2°) Clarifier le climat politique

Pour conserver juste lorientation de la Résistance tout entière, dressée pour détruire lennemi séculaire, nous devons balayer tous les obstacles et tous les écrans sur notre chemin par les éléments conscients ou inconscients dune action néfaste, condamnés par lexpérience.


3°) Transformer le torrent populaire en énergie créatrice

Le FLN doit être capable de canaliser les immenses vagues qui soulèvent lenthousiasme patriotique de la nation. La puissance irrésistible de la colère populaire ne doit pas se perdre comme la force extraordinaire du torrent qui sévanouit dans les sables.

Pour la transformer en énergie créatrice le FLN a entrepris un colossal travail de brassage de millions dhommes.

Il sagit dêtre présent partout.

Il faut organiser sous des formes multiples, souvent complexes, toutes les branches de lactivité humaine.


A) Le Mouvement Paysan

La participation massive de la population des fellahs, khammès et ouvriers agricoles à la Révolution, la proportion dominante quelle représente dans les moudjahidine ou moussebiline de lArmée de Libération Nationale ont profondément marqué le caractère de la Résistance algérienne.

Pour en mesurer limportance exceptionnelle, il suffit dexaminer le revirement spectaculaire de la politique agraire colonialiste.

Alors que cette politique était basée essentiellement sur le vol des terres (habous, arch, melk) les expropriations sétant poursuivies jusquen 1945-46, le gouvernement français préconise aujourdhui la réforme agraire. Il ne recule pas devant la promesse de distribuer une partie des terres dirrigation, en mettant en application la loi Martin restée lettre morte à la suite du veto personnel dun haut fonctionnaire au service de la grosse colonisation. Lacoste lui-même ose envisager, dans ce cas, une mesure révolutionnaire : lexpropriation dune partie des grands domaines.

Par souci déquilibre, pour apaiser la furieuse opposition des gros colons, le gouvernement français a décidé la réforme du Khammessat. Cest une mesure trompeuse tendant à faire croire à lexistence dune rivalité intestine entre fellahs et Khammés, alors que le métayage a déjà évolué naturellement vers un processus plus équitable, sans lintervention officielle, pour se transformer généralement en « chourka benés » ou lassociation par moitié.

Ce changement de tactique traduit le profond désarroi du colonialisme voulant tenter de tromper la paysannerie pour la détacher de la Révolution.

Cette manœuvre grossière de dernière heure ne dupera pas les fellahs qui ont déjà mis en échec la vielle chimère des «affaires indigènes» séparant artificiellement les Algériens en Berbères et Arabes hostiles.

Car la population paysanne est profondément convaincue que sa soif de terre ne pourra être satisfaite que par la victoire de lindépendance nationale.

La véritable réforme patriotique de la misère des campagnes, est inséparable de la destruction totale du régime colonial.

Le FLN doit sengager dans cette politique juste, légitime et sociale. Elle aura pour conséquence :

a) La haine irréductible à lendroit du colonialisme français, de son administration, de son armée, de sa police et des traîtres collaborateurs.

b) La constitution de réserves humaines inépuisables pour lALN et la Résistance ;

c) Lextension de linsécurité dans les campagnes(sabotages, incendies de fermes, destruction des tabacoops et des vinicoops, symboles de la présence colonialiste) ;

d) La création des conditions pour la consolidation et lorganisation de nouvelles zones libérées.


B) Le Mouvement Ouvrier

La classe ouvrière peut et doit apporter une contribution plus dynamique pouvant conditionner lévolution rapide de la Révolution, sa puissance et son succès final.

Le FLN salue la création de lU.G.T.A. comme lexpression dune saine réaction des travailleurs contre linfluence paralysante des dirigeants de la C.G.T., de F.O. et de la C.F.T.C..

LU.G.T.A. aide la population salariée à sortir du brouillard de la confusion et de lattentisme.

Le gouvernement socialiste français et la direction néo-colonialiste de F.O. sont inquiets de laffiliation internationale de lU.G.T.A. à la C.I.S.L., dont laide à lU.G.T.A. et à la Centrale marocaine a été positive dans divers domaines nationaux et extérieurs.

La naissance et le développement de lU.G.T.A. ont eu en effet un profond retentissement. Son existence a provoqué immédiatement un violent remous au sein de la C.G.T, abandonnée en masse par les travailleurs. Les dirigeants communistes ont essayé vainement de retenir les cadres les plus conscients en essayant de retrouver sous les cendres lesprit de lancienne C.G.T.U. dont le mot dordre de lindépendance de lAlgérie fut enterré au lendemain de lunité syndicale en 1935.

Mais pour devenir une centrale nationale, il ne suffit pas à la filiale de la C.G.T. parisienne de modifier le titre, ni de changer la couleur de la carte, ni même de couper un cordon ombilical atrophié.

Pour sadapter aux fonctions nouvelles du mouvement ouvrier ayant déjà atteint lâge adulte, il ne suffisait pas à lU.G.S.A. de changer de forme ou daspect extérieur. Quiconque observe les velléités communistes, ne peut manquer de retrouver le rythme et la méthode colonialistes, qui ont présidé à la transformation des délégations financières en la bâtarde Assemblée Algérienne.

Laccession de certains militants à des postes de direction syndicale rappelle singulièrement la promotion symbolique de certains élus-administratifs.

Dans les deux cas, il aurait fallu changer le but, la nature et le contenu du Foyer civique et du Palais Carnot.

Lincapacité de la direction du P.C.A. sur le plan politique ne pouvait que se traduire sur le plan syndical et entraîner la même faillite.

LU.G.T.A. est le reflet de la profonde transformation qui sest produite dans le mouvement ouvrier, à la suite dune longue évolution et surtout après le bouleversement révolutionnaire provoqué par la lutte pour lindépendance nationale.

La nouvelle centrale algérienne diffère des autres organisations C.G.T.F.O. et C.F.T.C. dans tous les domaines, notamment par labsence de tutelle, le choix de létat-major, la structure rationnelle, lorientation juste et la solidarité fraternelle en Algérie, en Afrique du Nord et dans le monde entier.

1°) Le caractère national se traduit non seulement par une indépendance organique, détruisant les contradictions inhérentes à une tutelle étrangère, mais aussi par une liberté totale dans la défense des travailleurs dont les intérêts vitaux se confondent avec ceux de toute la nation algérienne.

2°) La direction est formée non par des éléments issus dune minorité ethnique nayant jamais subi loppression coloniale, toujours enclins au paternalisme, mais par des patriotes dont la conscience nationale aiguise la combattivité contre la double pression de lexploitation sociale et de la haine raciale.

3°) La « colonne vertébrale » est constituée non par une aristocratie ouvrière(fonctionnaires et cheminots) mais par les couches les plus nombreuses et les plus exploitées(dockers, mineurs, ouvriers agricoles, véritables parias jusquici abandonnés honteusement à la merci des seigneurs de la vigne.

4°) Le souffle révolutionnaire purifie le climat syndical non seulement en chassant lesprit néo-colonialiste et le chauvinisme national quil engendre, mais en créant les conditions pour lépanouissement dune fraternité ouvrière, imperméable au racisme.

5°) Laction syndicale, maintenue longtemps dans le cadre étroit des revendications économiques et sociales, isolée de la perspective générale, est devenue non un frein dans la lutte anti-colonialiste mais un accélérateur dans le combat pour la liberté et la justice sociale ;

6°) La population laborieuse algérienne, jugée jusquici comme mineure ne méritant pas lémancipation, est appelée, non à occuper un rang subalterne dans le mouvement social français, mais à coopérer brillamment avec le mouvement ouvrier nord-africain et international ;

7°) LU.G.S.A. -C.G.T-, se verra inévitablement contrainte de se dissoudre à lexemple des organisations similaires de Tunisie et du Maroc pour céder entièrement la place à lU.G.T.A., centrale nationale authentique et unique, groupant tous les travailleurs algériens sans distinction.

Le FLN ne doit pas négliger le rôle politique quil peut jouer pour aider et compléter laction syndicale indépendante de lU.G.T.A. en vue de sa consolidation et de son renforcement.

Les militants FLN doivent être parmi les plus dévoués, les plus actifs, toujours soucieux de respecter les règles démocratiques selon la tradition en honneur dans le mouvement ouvrier libre.

Pas de schématisme: tenir compte de chaque situation concrète et adapter les formes dactions aux conditions particulières, objectives de chaque corporation.

- Développer lesprit de combattivité en organisant sans retard laction revendicative sous une forme souple et variée selon les conditions concrètes du moment(arrêt de travail limité, grèves locales, corporatives, de solidarité) ;

- Entraîner dans laction, les travailleurs européens ;

- Concrétiser la sympathie pour lALN en transformant en action de soutien la résistance : souscriptions, fournitures aux combattants, actes de sabotage, grèves de solidarité, grèves politiques.


C) Le Mouvement des Jeunes

La jeunesse algérienne a les qualités naturelles de dynamisme, de dévouement et dhéroïsme.

De plus, elle se caractérise par un fait rare. Très nombreuse, elle représente près de la moitié de la population totale, en raison dun développement démographique exceptionnel.

En outre, elle possède une qualité originale ; la maturité précoce. En raison de la misère, de loppression coloniale, elle passe rapidement de lenfance à lâge adulte ; la période de ladolescence est singulièrement réduite.

Elle suit avec passion, avec le mépris de la peur et la mort, lorganisation révolutionnaire qui peut la conduire à la conquête de son pur idéal de liberté.

La Révolution Algérienne, les exploits de lALN et laction clandestine du FLN répondent à sa témérité que nourrit le plus noble sentiment patriotique.

Cest donc pour le FLN un levier inflexible dune puissance et dune résistance formidables.


D) Intellectuels et Professions Libérales

Le ralliement des intellectuels à la patrie algérienne, le fait que la «francisation » na pas réussi à étouffer leur conscience nationale, la rupture avec les positions idéalistes individualistes ou réformistes, sont les preuves dune saine orientation politique.

1°) Former des comités daction des intellectuels patriotiques :

a) Propagande : indépendance de lAlgérie ;

b) Contacts avec les libéraux français ;

c) Souscriptions.

Le FLN devra assigner aux étudiants et étudiantes, dune manière rationnelle, des tâches précises dans les domaines ou ils peuvent rendre le mieux : politique, administratif, culturel, sanitaire, économique, etc

2°) Organiser des services de santé :

a) Chirurgiens, médecins, pharmaciens en liaison avec les hospitaliers(internes et infirmiers) ;

b) Soins, médicaments, pansements ;

c) Infirmiers de campagne, traitement des malades et convalescents.


E) Commerçants et Artisans

A côté du syndicat commercial algérien, dominé par le monopoleur Schiaffino, maître des chambres de commerce et le mouvement Poujade raciste et colonial-fasciste, se trouvait le vide constitué par labsence dune véritable Centrale commerciale et artisanale, dirigée par des patriotes pour assurer la défense de léconomie algérienne.

LU.G.C.A. prendra donc une place importante à côté de lorganisation ouvrière sœur, lU.G.T.A.

Le FLN doit laider à se développer rapidement en créant les conditions politiques les plus favorables :

1°) Lutte contre les impôts.

2°) Boycott des grossistes colonialistes, poujadistes, apportant un soutien actif à la guerre impérialiste.

F) Mouvement des Femmes

Dimmenses possibilités existent et sont de plus en plus nombreuses dans ce domaine.

Nous saluons avec émotion, avec admiration, lexaltant courage révolutionnaire des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et des mères ; de toutes nos sœurs « moudjahidates » qui participent activement, et parfois les armes à la main, à la lutte sacrée pour la libération de la Patrie.

Chacun sait que les Algériens ont chaque fois participé activement aux insurrections nombreuses et renouvelées qui ont dressé, depuis 1830, lAlgérie contre loccupation française.

Les explosions principales de 1864 des Ouled Sidi Cheikh du Sud Oranais, de 1871 en Kabylie, de 1916 dans les Aurès et la région de Mascara ont illustré à jamais lardent patriotisme, allant jusquau sacrifice suprême, de la femme algérienne.

Celle-ci est aujourdhui convaincue que la Révolution actuelle aboutira inexorablement à la conquête de lindépendance.

Lexemple récent de la jeune fille kabyle qui repousse une demande en mariage, parce que némanant pas dun maquisard illustre dune façon magnifique le moral sublime qui anime les Algériennes.

Il est donc possible dorganiser dans ce domaine, avec des méthodes originales propres aux mœurs du pays, un redoutable et efficace moyen de combat.

a) Soutien moral des combattants et des résistants ;

b) Renseignements, liaisons, ravitaillement, refuges ;

c) Aide aux familles et enfants de maquisards, de prisonniers ou dinternés.

4°) L a recherche des alliances.

Pour libérer leur patrie enchaînée, les Algériens comptent dabord sur eux-mêmes.

Laction politique, comme la science militaire, enseignement quil ne faut négliger aucun facteur, même apparemment peu important, pour assurer la victoire.

Laction politique le FLN a entrepris avec succès la mobilisation de toutes les énergies nationales. Mais il ne laissera pas lennemi colonialiste sappuyer sur la totalité de la minorité ethnique en Algérie, dresser contre nous lopinion en France et nous priver de la solidarité internationale.


A) Les Libéraux Algériens

A la différence de la Tunisie et du Maroc la minorité ethnique dorigine européenne a une importance numérique dont il faut tenir compte. Elle est renforcée par une immigration permanente jouissant dune aide officielle et fournissant au régime colonial une fraction importante de ses soutiens les plus farouches, les plus obstinés, les plus racistes.

Mais en raison de ses privilèges inégaux, du rôle quelle joue dans la hiérarchie économique, administrative et politique du système colonialiste, la population dorigine européenne ne constitue pas un bloc indissoluble autour de la grosse colonisation dirigeante.

Lesprit de race supérieure est général. Mais il se manifeste sous des aspects nuancés, allant de la frénésie du type « sudiste » à lhypocrisie paternaliste.

Le colonialisme français, maître tout-puissant de ladministration algérienne, de la police, du monopole de la presse, de la radio, sest montré souvent capable dexercer une pression psychologique pouvant cristalliser lopinion publique autour dune idée-force réactionnaire.

Le départ de Soustelle et la manifestation du 6 février ont été les preuves dune grande habilité dans lart de la provocation et du complot.

Le résultat fut la capitulation du chef du gouvernement français.

Pour atteindre son but, le colonialisme organisa la panique. Il accusa le gouvernement dabandonner la minorité ethnique non-musulman à la « barbarie arabe », à la « guerre sainte », à un Saint-Barthélemy plus immonde.

Le slogan fabriqué par le maître chanteur Reygasse et diffusé par le bourreau Benquet-Crevaux, lodieuse image « la valise ou le cercueil » semblent aujourdhui anodins.

Les anciens partis nationalistes nont pas toujours accordé à cette question limportance quelle mérite. Ne prêtant dattention que pour lopinion musulmane, ils ont négligé souvent de relever comme il convient des déclarations maladroites de certains charlatans ignorés, apportant en fait de leau au moulin de lennemi principal.

Actuellement, la contre-offensive est encore faible. La presse libérale de France ne put enrayer totalement le poison colonialiste. Les moyens dexpression du FLN sont insuffisants.

Heureusement la Résistance Algérienne na pas fait de faute majeure pouvant justifier les calomnies de la presse colonialiste du service psychologique de larmée colonialiste, convaincu de mensonges flagrants par les témoignages de journalistes français et étrangers.

Voilà pourquoi le bloc colonialiste et raciste, sans fissure le 6 février, commence à se désagréger. La panique a cédé la place peu à peu à un sentiment plus réaliste. La solution militaire devant rétablir le statu-quo est un mirage évident. La question dominante aujourdhui, cest le retour à une paix négociée : quelle est la place qui sera faite à ceux qui considèrent lAlgérie comme patrie toujours généreuse même après la disparition du règne de Borgeaud ?.

Des tendances diverses apparaissent.

1°) Le neutralisme est le courant le plus important. Il exprime le souhait de laisser les ultra-colonialistes défendre leurs privilèges menacés par les nationalistes « extrémistes ».

2°) Les partisans dune solution « intermédiaire » : la négociation pour « une communauté algérienne à égale distance entre le colonialisme français et le rétrograde impérialiste arabe » par la création dune double nationalité ;

3°) La tendance la plus audacieuse accepte lindépendance de lAlgérie et la nationalité algérienne, à la condition de sopposer à lingérence américaine, anglaise et égyptienne.

Cette analyse est sommaire. Elle na dautre but que de souligner la différenciation qui sopère dans le large éventuel de lopinion publique européenne.

Ce serait donc une erreur impardonnable que de mettre dans le « même sac » tous les Algériens dorigine européenne ou juive.

Comme il serait impardonnable de nourrir lillusion de pouvoir les gagner entièrement à la cause de la libération nationale.

Lobjectif à atteindre, cest lisolement de lennemi colonialiste qui opprime le peuple algérien.

Le FLN doit donc sefforcer daccentuer lévolution de ce phénomène psychologique en neutralisant une fraction importante de la population européenne.

La Révolution Algérienne na pas pour but de « jeter à la mer » les Algériens dorigine européenne, mais de détruire le joug colonial inhumain.

La Révolution Algérienne nest pas une guerre civile, ni une guerre de religion.

La Révolution Algérienne veut conquérir lindépendance nationale pour installer une république démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens dune même patrie, sans discrimination.


B) La Minorité Juive

Ce principe fondamental, admis par la morale universelle, favorise la naissance dans lopinion israélite dun espoir dans le maintien dune cohabitation pacifique millénaire.

Dabord, la minorité juive a été particulièrement sensible à la campagne de démoralisation du colonialisme. Des représentants de leur communauté ont proclamé au congrès mondial juif de Londres leur attachement à la citoyenneté française, les mettant au-dessus de leurs compatriotes musulmans.

Mais le déchaînement de la haine antisémite qui a suivi les manifestations colonialo-fascistes ont provoqué un trouble profond qui fait place à une saine réaction dauto-défense.

Le premier réflexe fut de se préserver, du danger dêtre pris entre deux feux. Il se manifeste par la condamnation des Juifs, membres du « 8 novembre » et du mouvement poujadiste, dont lactivité trop voyante pouvait engendrer le mécontentement vindicatif contre toute la communauté.

La correction inflexible de la Résistance Algérienne, réservant tous ses coups au colonialisme, apparut aux plus inquiets comme une qualité chevaleresque dune noble colère des faibles contre les tyrans.

Des intellectuels, des étudiants, des commerçants prirent linitiative de susciter un mouvement dopinion pour se désolidariser des gros colons et des anti-juifs.

Ceux- navaient pas la mémoire courte. Ils nont pas oublié linfâme souvenir du régime de Vichy. Pendant quatre ans, 185 lois, décrets ou ordonnances les ont privés de leurs droits, chassés des administrations et des universités, spoliés de leurs immeubles et de leurs fonds de commerce, dépouillés de leurs bijoux.

Leurs coreligionnaires de France étaient frappés dune amende collective dun millard. Ils étaient traqués, arrêtés, internés au camp de Drancy et envoyés par wagons plombés en Pologne ou beaucoup périrent dans les fours crématoires.

Au lendemain de la libération de la France, la communauté juive algérienne retrouva rapidement ses droits et ses biens grâce à lappui des élus musulmans, malgré lhostilité de ladministration pétainiste.

Aura-t-elle la naïveté de croire que la victoire des ultra-colonialistes, qui sont précisément les mêmes qui lont persécuté, naguère, ne ramènera pas le même malheur ?

Les Algériens dorigine juive nont pas encore surmonté leur trouble de conscience, ni choisi de quel côté se diriger.

Espérons quils suivront en grand nombre le chemin de ceux qui ont répondu à lappel de la patrie généreuse, donné leur amitié à la Révolution en revendiquant déjà avec fierté, leur nationalité algérienne.

Cette option est basée sur lexpérience, le bon sens et la clairvoyance.

En dépit du silence du Grand Rabbin dAlger, contrastant avec lattitude réconfortante de lArchevêque se dressant courageusement et publiquement contre le courant et condamnant linjustice coloniale, limmense majorité des Algériens sest gardée de considérer la communauté juive, comme passée définitivement dans le champ ennemi.

Le FLN a étouffé dans lœuf des provocations nombreuses préparées par les spécialistes du gouvernement général. En dehors du châtiment individuel infligé aux policiers et contre-terroristes responsables de crimes contre la population innocente, lAlgérie a été préservée de tout progrom. Le boycottage des commerçants juifs, devant suivre le boycottage des Mozabites a été enrayé même dexploser.

Voilà pourquoi, le conflit arabo-israélien na pas eu, en Algérie, de répercussions graves, ce qui aurait comblé le vœu des ennemis du peuple algérien.

Sans puiser dans lhistoire de notre pays les preuves de tolérance religieuse, de collaboration dans les plus hauts postes de lEtat, de cohabitation sincère, la Révolution Algérienne a montré par les actes, quelle mérite la confiance de la minorité juive pour lui garantir sa part de bonheur dans lAlgérie indépendante.

En effet, la disparition du régime colonial, qui sest servi de la minorité juive comme tampon pour atténuer les chocs anti-impérialistes, ne signifie pas forcément sa paupérisation.

Cest une hypothèse absurde que de simaginer que« lAlgérie ne serait rien sans la France ».

La prospérité économique des peuples affranchie est évidente.

Le revenu national, plus important, assurera à tous les Algériens une vie plus confortable.

Tenant compte de ce qui précède, le FLN recommande :

1°) Encourager et aider à la formation de comités et mouvements de libéraux algériens, même ceux ayant au départ des objectifs limités :

a) Comité daction contre la guerre dAlgérie ;

b) Comité pour la négociation et la paix ;

c) Comité pour la nationalité algérienne ;

d) Comité de soutien des victimes de la répression ;

e) Comité détudes du problème algérien ;

f) Comité pour la défense des libertés démocratiques ;

g) Comité pour le désarmement des milices civiles ;

h) Comité daide aux ouvriers agricoles(parrainage des syndicats, soutien des grèves, défense des enfants et des femmes exploités).

2°) Intensifier la propagande auprès des rappelés et des soldats du contingent :

a) Envoi de livres, revues, journaux, tracts anti-colonialistes ;

b) Comité daccueil des permissionnaires ;

c) Théâtre : pièces exaltant la lutte patriotique pour lindépendance.

3°) Multiplier les comités de femmes de mobilisés pour exiger le rappel de leurs maris.

C) LAction du FLN en France

1°) Développer lappui de lopinion libérale

Lanalyse de léventail politique chez les libéraux en Algérie peut être valable pour saisir les nuances de lopinion publique en France, sujette à des fluctuations rapides en raison de la sensibilité populaire.

Il est certain que le FLN attache une certaine importance à laide que peut apporter à la justice cause de la Résistance Algérienne la partie éclairée du peuple français, insuffisamment informé des horreurs indicibles perpétrées en son nom.

Nous apprécions la contribution des représentants du mouvement libéral français tendant à faire triompher la solution politique, pour éviter une effusion de sang inutile.

La Fédération FLN en France, dont la direction est aujourdhui renforcée à Paris, a une tâche politique de premier plan pour annuler leffet négatif de la pression réactionnaire et colonialiste.

1°) Contacts politiques avec les organisations, mouvements et comités contre la guerre coloniale.

- Presse, meetings, manifestations et grèves contre le départ des soldats, la manutention et le transport du matériel de guerre.

2°) Soutien financier par la solidarité aux résistants et aux combattants pour la liberté.


2°) Organiser lémigration algérienne

La population algérienne émigrée en France est un capital précieux en raison de son importance numérique, de son caractère jeune et combatif, de son potentiel politique.

La tâche du FLN est dautant plus importante pour mobiliser la totalité de ces forces quelle nécessite, en même temps, la lutte à outrance contre les tentatives de survivance du messalisme.

1°) Eclairer lopinion publique française et étrangère en donnant informations, articles de journaux et revues. Grouper à cet effet les militants expérimentés, les intellectuels et les étudiants.

2°) Dénoncer dune façon infatigable et patiente la faillite du messalisme comme courant politique, sa compromission avec les milieux proches du gouvernement français ce qui explique lorientation dirigée non contre le colonialisme, mais contre le FLN et lALN.

D) La Solidarité Nord-Africaine

Lintransigeance révolutionnaire du FLN, la poursuite farouche de la lutte armée par lALN, lunanimité nationale du peuple algérien soudée par lidéal dindépendance nationale, ont mis en échec les plans colonialistes.

Les gouvernements tunisien et marocain ont en particulier(sous la pression des peuples frères), pris nettement position sur ce problème qui conditionne léquilibre nord-africain.

Le FLN doit encourager :

1°) La coordination de laction gouvernementale des deux pays du Maghreb, dans le but de faire pression sur le gouvernement français : action diplomatique ;

2°) Lunification de laction politique par la création dun comité de coordination des partis frères nationaux avec le FLN ;

a) Création de comités populaires de soutien de la Résistance Algérienne ;

b) Intervention multiforme dans tous les secteurs ;

3°) La liaison permanente avec les Algériens résidant au Maroc et en Tunisie(action concrète auprès de lopinion publique, de la presse et du gouvernement) ;

4°) La solidarité des Centrales Ouvrières U.G.T.T, U.M.T.,U.G.T.A.;

5°) Lentraide des trois unions estudiantines.

6°) La coordination de laction des trois centrales économiques.

4°) LAlgérie devant le monde.

La diplomatie française a entrepris sur le plan international un travail interne pour obtenir partout cest possible, ne serait-ce que très provisoirement, une aide morale et matérielle ou une neutralité bienveillante et passive. Les seuls résultats plus ou moins positifs sont les déclarations gênées, arrachées aux représentants des EtatsUnis, de lAngleterre et de lO.T.A.N.

Mais la presse mondiale, notamment la presse américaine, condamne impitoyablement les crimes de guerre, plus particulièrement la légion et les paras, le génocide des vieillards, des femmes, des enfants, le massacre des intellectuels et des civils innocents, la torture des emprisonnés politiques, la multiplication des camps de concentration, lexécution dotages.

Elle exige du colonialisme français, la reconnaissance solennelle du droit du peuple algérien à disposer librement de son sort.

La lutte gigantesque engagée par lArmée de Libération Nationale, son invincibilité garantie par ladhésion unanime de la nation algérienne à lidéal de liberté, ont sorti le problème algérien du cadre français dans lequel limpérialisme la tenu jusqualors prisonnier.

La conférence de Bandoeng et surtout la 10ème session de lO.N.U. ont en particulièrement le mérite historique de détruire la fiction juridique de « lAlgérie française ».

Linvasion et loccupation dun pays par une armée étrangère ne sauraient en aucun cas modifier la nationalité de ses habitants. Les Algériens nont jamais accepté la « francisation », dautant plus que cette « étiquette » ne les a jamais empêchés dêtre dans leur patrie moins libres et moins considérés que les étrangers.

La langue arabe, langue nationale de limmense majorité, a été systématiquement étouffée. Son enseignement supérieur a disparu dès la conquête par la dispersion des maîtres et des élèves, la fermeture des universités, la destruction des bibliothèques, le vol des donations pieuses.

La religion islamique est bafouée, son personnel est domestiqué, choisi et payé par ladministration colonialiste.

Limpérialisme français a combattu le mouvement progressiste des Oulémas pour donner son appui total au maraboutisme, domestiqué par la corruption de certains chefs de confréries.

Combien apparaît dégradante le malhonnêteté des Bidault, Lacoste, Soustelle et du Cardinal Feltin lorsquils tentent de tromper lopinion publique française et étrangère en définissant la Résistance Algérienne comme un mouvement religieux fanatique au service du panislamisme.

La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent lAlgérie, mais entre dune part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine et dautre part, les colonialistes et leurs soutiens, quelle que soit leur religion ou leur condition sociale.

La meilleure des preuves nest-elle pas le châtiment suprême infligé à des traîtres officiants du culte, dans lenceinte même des mosquées.

Par contre, grâce à la maturité politique du peuple algérien et à la sage et lucide direction du Front de Libération Nationale, les provocations traditionnelles et renouvelées du colonialisme : pogroms, troubles anti-chrétiens, xénophobie, ont été déjouées et étouffées dans lœuf.

La Révolution Algérienne, malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique, dont la base est incontestablement de caractère national, politique et social.

Elle nest inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington.

Elle sinscrit dans le cours normal de lévolution historique de lhumanité qui nadmet plus lexistence de nations captives.

Voilà pourquoi lindépendance de lAlgérie martyre est devenue une affaire internationale et le problème-clé de lAfrique du Nord.

De nouveau, laffaire algérienne sera posée devant lO.N.U. par les pays afro-asiatiques.

Si, lors de la dernière session de lAssemblée Générale de lO.N.U., on constata chez ces pays amis le souci tactique exagérément conciliateur, allant jusquà retirer de lordre du jour la discussion de laffaire algérienne, il nen est pas de même aujourdhui car les promesses de la France nont nullement été tenues.

Ce manque de hardiesse était déterminé par lattitude des pays arabes en général et de lEgypte en particulier. Leur soutien à la lutte du peuple algérien demeurait limité ; il était assujetti aux fluctuations de leur diplomatie. La France exerçait une pression particulière sur lr Moyen-Orient en monnayant son aide économique et militaire et son opposition au Pacte de Bagdad. Elle avait notamment essayé de peser de toutes ses forces pour paralyser les armes psychologiques et morales dont le FLN dispose.

Lattitude des pays non arabes du bloc afro-asiatique était conditionnée, semble-t-il, par le souci dune part de ne jamais dépasser celle des pays arabes, par le désir dautre part de jouer un rôle déterminant dans des problèmes tels que ceux désarmement et de la coexistence pacifique.

Ainsi linternationalisation du problème algérien dans sa phase actuelle a renforcé la prise de conscience universelle sur lurgence du règlement dun conflit armé pouvant affecter le bassin méditerranéen et lAfrique, le Moyen-Orient et le monde entier.

Comment Diriger Notre Activité internationale ?

Nos contacts avec les dirigeants des pays frères nont jamais été autre chose que des contacts dalliés et non dinstruments.

Nous devons veiller dune façon systématique à conserver intacte lindépendance de la Révolution Algérienne. Il convient de réduire à néant la calomnie lancée par le gouvernement français, sa diplomatie, sa grande presse pour nous présenter, nayant pas de racines dans la Nation Algérienne captive.

1°) Provoquer chez les gouvernements du Congrès de Bandoeng, en plus de lintervention à lO.N.U., des pressions diplomatiques, voire économiques directes sur la France ;

2°) Rechercher lappui des peuples dEurope, y compris les pays nordiques et les démocraties populaires ainsi que les pays dAmérique Latine ;

3°) Sappuyer sur lémigration arabe dans les pays de lAmérique Latine.

Dans ce but, le FLN a renforcé la Délégation algérienne en mission à lextérieur. Il devra avoir :

a) Bureau permanent auprès de lONU et aux USA ;

b) Délégation dans les pays dAsie ;

c) Délégations itinérantes pour la visite des capitales et la participation aux rassemblements mondiaux culturels, estudiantins, syndicaux, etc ;

d) Propagande écrite crée par nos propres moyens ; bureau de presse, éditions de rapports, documents par la photo et le film.


Conclusion

Il y a dix an, au lendemain de la fin de la deuxième guerre mondiale, une formidable explosion a ébranlé limpérialisme.

Lirrésistible mouvement de libération nationale, longtemps comprimé, secoua les peuples captifs. Une réaction en chaîne entraîna les pays colonisés, lun après lautre, dans la conquête dun avenir flamboyant de liberté et de bonheur..

En cette courte période, dis huit nations sont sorties des ténèbres de lesclavage colonial et ont pris place au soleil de lindépendance nationale.

Les peuples de Syrie et du Liban, du Viet-Nam et du Fezzan ont brisé les barreaux de leurs cellules et réussi à quitter limmense prison du colonialisme français.

Les trois peuples du Maghreb ont manifesté à leur tour leur volonté et leur capacité de prendre leur place dans le concert des nations libres.

La révolution Algérienne du 1er Novembre 1954 est sur la bonne voie.

La lutte sera encore difficile, âpre, cruelle.

Mais sous la ferme direction du FRONT DE LIBERATION NATIONALE, la victoire couronnera la longue lutte armée menée par le peuple algérien indompté.

La date humiliante du 5 juillet 1830 sera effacée avec la disparition de lodieux régime colonial.

Le moment est proche le peuple algérien recueillera les doux fruits de son douloureux sacrifice et de son courage sublime.


LINDEPENDANCE DE LA PATRIE SUR LAQUELLE FLOTTERA SOUVERAINEMENT LE DRAPEAU NATIONAL ALGERIEN. » [5]

Références

  1. La Guerre d'Algérie, Yves Courrière, édition Robert Laffont, page77,78,79
  2. La Guerre d'Algérie, Yves Courrière, édition Robert Laffont, page75
  3. La guerre d'Algérie, Yves Courrière, édition Robert Laffont, page66
  4. La guerre d'Algérie, Yves Courrière, édition Robert Laffont, page63, 64
  5. El Mouradia ( Présidence algérienne)

Liens externes

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