Compression thoracique

Compression thoracique

La compression thoracique est un geste de premiers secours qui se pratique dans deux circonstances :

  • la victime est consciente et s'étouffe par un corps étranger (aucun son ne sort de la bouche), mais on ne peut pas pratiquer la méthode d'Heimlich (par exemple c'est une femme enceinte ou une personne obèse, ou un nourrisson sur lequel la méthode de Mofenson a échoué, ou une victime inconsciente pour laquelle les insufflations ne passent pas) ; le but ici est de provoquer une surpression dans les poumons pour déloger le corps étranger ;
  • la victime est inconsciente, ne respire pas et son cœur ne bat plus, les compressions thoraciques servent ici à faire circuler le sang ; on alterne trente compressions thoraciques (depuis juin 2006[1],[2]) et deux insufflations (bouche-à-bouche) ; l'ensemble ventilation artificielle/massage cardiaque est appelé réanimation cardio-pulmonaire (RCP).

Dans le deuxième cas, on parlait auparavant de massage cardiaque externe (MCE) ; ce terme a été abandonné car à aucun moment le cœur n'est comprimé.

Cette technique n'est pas une fin en soi mais s'inscrit dans une logique de premiers secours : protection-bilan-alerte des secours-geste de premiers secours.

Le risque de cet technique est de fracturer des côtes de la victime, mais ce risque est négligeable par rapport à la situation (mort certaine de la victime si l'on ne fait rien). On peut s'entraîner à cette technique sur un mannequin prévu à cet effet, contacter les associations de secourisme pour l'apprendre.

Sommaire

Historique

Dès 1878, Boehm démontre qu'une pression rythmique sur le thorax de petits animaux pouvait maintenir une pression artérielle sur un cœur arrêté. La technique a été publiée chez l'homme pour la première fois en 1960 par Kouwenhoven[3].

Description de la technique

Entraînement aux compressions thoraciques sur un mannequin

Position des mains

La technique consiste à appuyer avec le talon de la main (partie de la main rattachée au poignet) sur le milieu de la poitrine. Il y a un os, le sternum, auquel s'attachent les côtes. Si l'on touche cet os, on s'aperçoit que

  • dans sa partie supérieure, il est bombé vers l'extérieur ; cette partie est surnommée « manche du sabre »,
  • et dans sa partie inférieure, il est bombé vers l'intérieur ; cette partie est surnommée « lame du sabre ».

La partie à comprimer est la lame du sabre. En effet, le manche du sabre est fortement attaché à des os (les clavicules) et offre une résistance importante ; de plus, on peut constater lorsqu'on le frappe que le son résonne (on le nomme parfois également « os de King Kong »), la partie sous-jacente offre donc une résistance trop importante.

La lame du sabre, au contraire, est située au-dessus d'une partie molle et comprenant de nombreux vaisseaux sanguins, comme une sorte d'éponge ; la compression de cette partie est donc aisée, elle provoque une surpression suffisante dans les poumons et par conséquent un mouvement d'une quantité suffisante de sang. Par ailleurs, son bombement vers l'intérieur permet de placer le talon de la main.

Position de la victime

La victime doit être placée plat-dos sur une surface dure, en général à même le sol : sur une surface molle comme un lit, l'appui serait inefficace (on comprime le matelas, pas la poitrine).

En milieu hospitalier, certains lits ont un matelas pneumatique pour éviter les escarres et possèdent une valve permettant le dégonflage d'urgence, ce qui permet de transformer le lit en plan dur, sinon, il est possible de positionner une planche dorsale courte sous le tronc du patient ; dans les deux cas, l'efficacité est maximale si la personne effectuant les compressions thoraciques est à genou sur le lit[4].

Position du sauveteur

Le sauveteur doit être placé bien à l'aplomb au-dessus du point d'appui, bras tendu, afin d'être sûr d'appuyer vers le bas.

Entre 1991 et 2001, on a recommandé en France de mettre le bras de la victime à angle droit, et que le sauveteur chevauche le bras : ainsi, le sauveteur était plus proche du corps (ce qui permet une meilleure verticalité), et le bras constitue un repère permettant de passer facilement des compressions thoraciques au bouche-à-bouche.

Depuis 2001, on recommande au contraire de mettre le bras le long du corps : ainsi, en cas de mise en œuvre d'un défibrillateur semi-automatique ou automatique externe, le sauveteur risque moins de toucher la victime. En cas de contact, le sauveteur – ou tout autre personne – peut recevoir un choc électrique violent, bien que de danger faible. Mais surtout, l'analyse de la victime serait erronée, ou la victime ne bénéficierait pas du choc électrique.

Dans le cas d'un nourrisson, la surface dure est en général une table dans le cas de la réanimation cardio-pulmonaire, ou bien l'avant-bras du sauveteur dans le cas d'une désobstruction des voies aériennes.

Rythme de compression

Dans le cas de la réanimation cardio-pulmonaire, le rythme constitue un point important des compressions. Il faut s'attacher à faire des compressions régulières, à laisser la poitrine reprendre sa forme initiale entre deux compressions, et à ce que le temps de relâchement soit égal au temps de compression. En effet, le relâchement de la poitrine permet le retour veineux, et donc le remplissage du cœur, capital pour la bonne circulation.

Le rythme de massage doit être suffisant pour faire circuler le sang, mais pas trop rapide sinon la circulation n'est pas efficace (on crée des turbulences qui s'opposent à l'écoulement du sang).

Le fait d'adopter un rythme régulier permet aussi d'avoir des mouvements fluides, ce qui réduit le risque de fracture des côtes.

On conseille pour cela de compter à voix haute : « un-et-deux-et-trois-… », les « et » correspondant au temps de relâchement.

Les recommandations européennes[5] indiquent qu'un cycle compression-relâchement doit durer 0,6 secondes (on fait donc 15 cycles en 9 secondes) ; cela représente une fréquence de 100 compressions par minute, mais les cycles de compression étant interrompus par des insufflations, il n'y a en fait que 75 à 80 compressions thoraciques en une minute.

Cette fréquence est un des points critiques de l'efficacité circulatoire :

  • une étude américaine[6] a montré une corrélation entre le taux de survie et la fréquence de massage : chez les patients survivants, la fréquence moyenne de compression était de 90 par minute, alors que chez les patients décédés, elle était de 70 par minute seulement ;
  • une étude française[7] a montré que sur le terrain, les sapeurs-pompiers avaient tendance à masser beaucoup trop vite, avec une fréquence comprise entre 130 et 160 compressions par minutes ; à cette fréquence, le cœur n'a pas le temps de bien se remplir, la circulation sanguine est donc moins efficace ; ceci est attribué au stress de l'intervention et à une dérive de la formation.

Compression thoracique sur un adulte ou un enfant de plus de huit ans

Placement de la main avant la CPR. La main se place, chez un adulte à deux doigts en haut du plexus solaire.
Position pour la CPR. Les bras sont maintenus tendus, les compressions viennent du mouvement des épaules.

Le sauveteur se place à genou à côté de la victime, au niveau de la poitrine, le plus proche du corps de celle-ci.

Il place le talon d'une main (partie restante de la paume quand nous replions les doigts sur sa main) au milieu de la poitrine nue de la victime.

Une fois la première main positionnée, la deuxième vient se placer par-dessus.

Il est important que seul le talon de la main touche la poitrine ; les doigts doivent être relevés pour éviter de comprimer les cotes et ainsi empêcher le retour à l'état initial de la cage thoracique.

Puis, le sauveteur se place bien verticalement au-dessus de la poitrine, les bras tendus et coudes verrouillés. Il appuie progressivement et sans à-coup avec le poids de son corps afin d'enfoncer la poitrine de 4 à 5 cm ; puis, il se redresse afin que la poitrine reprenne son volume normal. Un cycle compression-relâchement dure environ 0,6 seconde, la compression dure autant de temps que le relâchement.

pour plus de renseignement voir le RN PSC1 (référentiel national de PREVENTION ET SECOURS CIVIQUE DE NIVEAU 1) [3]

Compression thoracique sur un enfant entre un et huit ans

Sur un enfant de un à huit ans, la compression se fait avec un seul bras tendu, afin de limiter la force exercée. La poitrine doit s'enfoncer de 3 à 4 cm.

Compression thoracique sur un nourrisson de moins d'un an

Sur un nourrisson, l'appui se fait avec deux doigts, la poitrine devant s'enfoncer de 2 à 3 cm. Les deux doigts se placent à une distance d'un doigt sous la ligne imaginaire joignant les deux mamelons.

Dans le cas d'une obstruction totale des voies aériennes, cette technique fait suite à la Méthode de Mofenson ; le sauveteur est alors assis et le nourrisson est à plat ventre à cheval sur l'avant-bras du sauveteur. Le sauveteur place l'autre bras contre le dos du nourrisson, maintient la tête avec sa main, puis retourne le nourrisson ; celui-ci se retrouve à plat-dos sur l'avant-bras du sauveteur. L'avant-bras s'appuie sur la cuisse.

Dans le cas d'une réanimation cardiopulmonaire, les compressions font suite à une insufflation ; le nourrisson est alors plat-dos sur une table. La main qui tient la tête en position neutre reste en place, et c'est la main qui était sous le menton qui pratique les compressions.

Systèmes mécaniques

Des systèmes mécaniques ont été développés pour essayer de remplacer l'action de la main. Le premier était sous la forme d'une roue excentrée assurant une compression cyclique sur le sternum. Ce système a été abandonné.

À partir du milieu des années 1990 est apparue la cardiopompe (Ambu® Cardio-pump) : il s'agit d'une ventouse que l'on colle sur la poitrine, et munie de poignées. Si le bénéfice en matière de circulation a été prouvé, peu d'études ont en revanche prouvé un meilleur taux de survie, et l'efficacité du dispositif est contestée (il n'est toutefois pas néfaste). Après un engouement pour ce dispositif prometteur, de nombreux organismes cessent de l'utiliser.

Un système similaire a été inventé et permettant de faire des contre-compression abdominales : le LifeStick™ Ressuscitator. Il comprend deux parties adhésives, une allant sur la poitrine et l'autre sur l'abdomen, reliées par un balancier muni de deux poignées.

De nouveaux systèmes sont apparus dans les années 2000[8] :

  • le système Lucas CPR de Jolife : il s'agit d'un moteur actionnant un piston qui appuie périodiquement sur le thorax ; le moteur est relié à une planche se glissant sous les omoplates par une sangle ;
  • le système AutoPulse™ de Revivant™ : une planche est glissée dans le dos de la victime, et une sangle s'y attache et passe sur la poitrine ; la planche dispose d'un système mécanique qui tend et détend la sangle, assurant les compressions thoraciques
  • le système Thumper® de Michigan Instrument, qui est un piston muni d'un pied qui se fixe sur une planche dorsale

Autres techniques associées

Massage abdominal

D'autres techniques ont été essayées par des équipes médicales en association avec les compressions thoraciques. Par exemple, le fait d'effectuer des compressions abdominales à contre-temps des compressions thoraciques pour améliorer le retour veineux ; cela ne peut se faire que sur un patient intubé en raison des risques de régurgitation (syndrome de Mendelson), et est au final peu pratiqué, sans doute en raison d'un manque de bénéfice flagrant.

Massage des membres

Dans certains cas, les équipes médicales pratiquent des massages des membres pour assurer une circulation jusqu'aux extrémités : en effet, le sang circulant mal, une des complications possibles en cas de survie est l'amputation d'extrémités. Ceci ne peut se concevoir qu'avec une équipe importante, et donc exclusivement en bloc opératoire. On pourrait objecter que plus le sang va vers les extrémités, moins il va vers le myocarde et le cerveau.

Ébranlement thoracique

Dans certains pays, on préfère, avant le massage cardiaque externe, réaliser un ébranlement thoracique (ou « coup de poing sternal ». Ce geste consiste à frapper deux ou trois fois, sèchement, avec le poing, le thorax de la victime à hauteur du cœur. L'efficacité est très inconstante. Le geste n'est pas dénué de risque et la méthode ne doit pas se substituer au massage cardiaque externe classique[9].

Notes et références

  1. Samu De France : Actualités - Nouvelles normes de réanimation cardio-pulmonaire et de mise en oeuvre de la DSA
  2. Recommandations ERC 2005 : réanimation cardio-pulmonaire de base (RCP) - Urgences-Online [Urg-Serv]
  3. Kouwenhoven WB, Jude JR, Knickerbocker GG, Closed-chest cardiac massage, JAMA, 1960;173:1064-1067
  4. PY. Gueugniaud (Lyon), P. Plaisance (Montréal), M. Vranckx, B. Huart, B. Atanasova, F. Duwe, A. Farhat, J. Thomas (Nivelles), Massage cardiaque externe dans un lit d'hôpital : une planche est-elle utile ?, communication du congrès Urgence de la SFMU 2004 [1]
  5. European Resuscitation Council Guidelines 2000 for Adult Basic Life Support, p4 [2]
  6. B.S. Abella et coll. : Chest compression rates during cardiopulmonary resuscitation are suboptimal. À prospective study during in-hospital cardiac arrest., Circulation n°111 (2005), pp 428-434
  7. Dr J. Hascoët (service médical BSPP), Secourisme revue n°149 (avril 2005), éd. Association des instructeurs et moniteurs de secourisme (Anims)
  8. L. Wik, Automatic and manual mechanical external chest compression devices for cardiopulmonary resuscitation, Ressuscitation volume 47, n°1, septembre 2000, pp7—25
  9. Sayre MR, Koster RW, Botha M et Als. Adult basic life support : 2010 International consensus on cardiopulmonary resuscitation and emergency cardiovascular care science with treatment recommendations, Circilation, 2010;122:S298-S324

Voir aussi

  • Portail des premiers secours et du secourisme Portail des premiers secours et du secourisme

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