- Claude de Malleville
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Claude Malleville
Claude Malleville, né et mort à Paris (1597[1]-1647) est un poète français, l'un des premiers membres de l'Académie française en 1634.
Sommaire
Sa vie
Les connaissances sur la vie de Claude Malleville se sont longtemps réduites à peu près à cette notice de son contemporain Paul Pellisson :
« Claude de Malleville était parisien. Son père avait été officier dans la maison de Retz, et sa mère était de bonne famille de Paris. Il étudia fort bien au collège, et avait l'esprit fort délicat. On le mit pour s'instruire dans les affaires chez un secrétaire du roi nomme Potiers, qui était dans les finances ; mais il n'y demeura guère, par l'inclination qu'il avait aux belles-lettres. Il fit connaissance avec M. Porchères-Laugiers, qui le donna au maréchal de Bassompierre. Il fut longtemps auprès de ce seigneur, en qualité de secrétaire, mais sans y avoir que fort peu d'emploi, et comme il avait beaucoup d'ambition, il s'en ennuya, et le pria d'agréer qu'il le quittât pour être au cardinal de Bérulle, qui était alors en faveur. Mais n'y ayant pas mieux fait ses affaires, il retourna à son premier maître, auquel il rendit beaucoup de services dans sa prison, et qui en étant sorti, et ayant été rétabli en sa charge de colonel des Suisses, lui donna la secrétairerie qui y était attachée. Cet emploi lui valut beaucoup, et en peu de temps il gagne 20 000 écus. Il en employa une partie à une charge de secrétaire du roi, dont il se fit pourvoir : sur quoi il y a dans ses œuvres quelques vers à M. le Chancelier. Il avait accompagné M. de Bassompierre en son voyage d'Angleterre ; mais non pas en celui de Suisse. Il mourut âgé d'un peu plus de cinquante ans. Il était de petite taille, fort grêle ; ses cheveux étaient noirs, et ses yeux aussi, qu'il avait assez faibles. Ce qu'on estimait le plus en lui, c'était son esprit, et le génie qu'il avait pour les vers. Il y a un volume de ses Poésies, imprimées après sa mort, qui ont toutes de l'esprit, du feu, un beau tour de vers, beaucoup de délicatesse et de douceur, et marquent grande fécondité ; mais dont il y en a peu, ce me semble, de bien achevées.[2] »Cette notice succincte, et en partie erronée, doit maintenant être remplacée par un travail de Maurice Cauchie, publié en 1923, et corrigé sur certains points par R. Ortali[3].
Les œuvres
Membre du cercle de Conrart et de Mlle de Gournay, habitué de l'hôtel de Rambouillet, Malleville contribua par une dizaine de poésies, qui furent toutes très appréciées, à la Guirlande de Julie. Son sonnet le plus célèbre[4], La Belle Matineuse, fut composé à l'occasion d'une joute poétique avec Vincent Voiture sur un thème qui remonte au poète latin Catulle et fut repris successivement par Clément Marot, Joachim du Bellay, François Ier, Annibal Caro et Tristan L'Hermite[5]. Comme d'autres poètes français de l'époque, il a écrit des sonnets sur les thèmes de la Belle More, de la Belle Gueuse et de la Belle Baigneuse, empruntés au Cavalier Marin [6]. Quelques-uns de ses poèmes furent appréciés à demi-mot par Boileau[7]. Selon le jugement d'Émile Faguet, Claude Malleville fut « tout simplement un bon ouvrier en vers[8]. »
Outre ses sonnets imités de l'italien dont il a été question plus haut (et dont il reprend certains thèmes dans des Stances), on vante son élégie sur la mort de la princesse de Conty, amante et peut-être secrètement épouse de Bassompierre[9], sa paraphrase du Psaume XXX Exaltabo Te Domine[10] et une priapée héroïque sur le célèbre Éthiopien Zaga-Christ, qui, au jugement de plusieurs critiques[11], est son chef-d'œuvre.
Deux poèmes
- [Sur la mort de sa sœur religieuse]
Celle qui me fut chère à l'égal de moi-même,
Qui combattit le monde, et par d'heureux efforts
À la loi de l'esprit soumit celle du corps,
Va recevoir du ciel un riche diadème.
Seigneur qui satisfais à son désir extrême
Et combles son amour de tes rares trésors,
Ajoute-moi comme elle au nombre de ces morts
Que ta faveur élève à ta gloire suprême.
Je sais que je ne puis, sans être criminel,
Prétendre de moi-même au repos éternel
Que ta justice accorde à sa longue souffrance,
Mais de ton propre sang j'espère mon destin,
Et sais que ta bonté fait peu de différence
Du vigneron du soir à celui du matin[12].
- La Belle Matineuse
Le silence régnait sur la terre et sur l'onde ;
L'air devenait serein et l'Olympe vermeil,
Et l'amoureux Zéphyre affranchi du sommeil
Ressuscitait les fleurs d'une haleine féconde.
L'Aurore déployait l'or de sa tresse blonde
Et semait de rubis le chemin du Soleil ;
Enfin ce dieu venait au plus grand appareil
Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde,
Quand la jeune Philis au visage riant,
Sortant de son palais plus clair que l'Orient,
Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.
Sacré flambeau du jour, n'en soyez point jaloux !
Vous parûtes alors aussi peu devant elle
Que les feux de la nuit avaient fait devant vous[13]Publications
- L'Almerinde (1646) et La Stratonice (1649). Traduits de l'italien de Luca Assarino par Pierre d'Audiguier le jeune et Claude de Malleville.
- Poésies du sieur de Malleville (1649) Texte en ligne
- Diverses poésies de l'Académie. Divers sonnets, stances, élégies, chansons, madrigaux, épigrammes & rondeaux (1664) Texte en ligne
- Mémoires du maréchal de Bassompierre, contenans l'histoire de sa vie (4 volumes, 1723)
- Œuvres poétiques, édition critique publiée par Raymond Ortali, Didier, Paris, 1976.
Notes, sources et références
- ↑ Probablement entre 1594 et 1596 d'après R. Ortali, « Œuvres poétiques » de Claude Malleville, t. 1, Paris, Didier, 1976, p. XV.
- ↑ Paul Pellisson, Histoire de l'Académie françoise, volume I, 1653, p. 265-267. Orthographe modernisée.
- ↑ Maurice Cauchie, « L'Académicien Claude Malleville », Revue des bibliothèques, 1923, pp. 129-132, repris dans Documents pour servir à l'histoire littéraire du dix-septième siècle, 1924, pp. 53-76; Raymond Ortali, dans Œuvres poétiques de Claude Malleville, t. 1, Paris, Didier, pp. XIII-XXVII.
- ↑ Il a en fait traité le même sujet dans trois sonnets de qualité semblable. Voir Claude Malleville, Œuvres poétiques, édition critique publiée par Raymond Ortali, Didier, Paris, 1976, t. 1, pp. 40-44. « (...) tous trois sont si bons que le moins bon me semble meilleur que les deux italiens ensemble » Gilles Ménage, cité par R. Ortali, ib., p. 41.
- ↑ Historique de la question dans Émile Faguet, Histoire de la poésie française de la Renaissance au Romantisme, vol. III, pp. 206-208.
- ↑ Voir R. Ortali, Œuvres poétiques de Claude Malleville, t. 1, Paris, Didier, 1976, pp. 45-48, qui renvoie à Valéry Larbaud, « Trois belles mendiantes », in Technique, Œuvres complètes, VIII, 1953, pp. 323-380.
- ↑ Nicolas Boileau, Art poétique, chant II, v. 94-98 : « Un sonnet sans défauts vaut seul un long poëme. / Mais en vain mille auteurs y pensent arriver ; / Et cet heureux phénix est encore à trouver. / À peine dans Gombaut, Maynard et Malleville, / En peut-on admirer deux ou trois entre mille. »
- ↑ Émile Faguet, Histoire de la poésie française de la Renaissance au Romantisme. III. Précieux et burlesques, Boivin, Paris, 1923-1936, p. 211.
- ↑ Armide à Daphnis, dans Claude Malleville, Œuvres poétiques, édition critique publiée par Raymond Ortali, Didier, Paris, 1976, t. 2, pp. 264-283. « Cette élégie est la plus longue qu'ait écrite Malleville. C'est aussi la plus touchante et la plus belle, malgré d'assez nombreuses négligences dans la facture des vers. » (R. Ortali, ib., p. 286.)
- ↑ Selon Thierry Maulnier, Poètes précieux et baroques du XVIIe siècle, 1941, p. 48, cette paraphrase contient « des strophes d'une qualité difficilement surpassable ». (Cité par R. Ortali, Œuvres poétiques de Claude Malleville, Paris, 1976, t. 2, p. 504.)
- ↑ Notamment Faguet et Cauchie, cités par R. Ortali, Œuvres poétiques de Claude Malleville, Paris, 1976, t. 2, pp. 553-554.
- ↑ Claude Malleville, Œuvres poétiques, édition critique publiée par Raymond Ortali, t. 1, Didier, Paris, 1976, p. 87. Cauchie et Ortali considèrent ce sonnet comme le plus beau des quelques sonnets chrétiens de Malleville. (R. Ortali, ib., p. 88.)
- ↑ Claude Malleville, Œuvres poétiques, édition critique publiée par Raymond Ortali, Didier, Paris, 1976, t. 1, p.40.
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