Christologie paulinienne

Christologie paulinienne

Christologie de Paul

Longtemps on considéra Paul de Tarse comme le premier chrétien converti du judaïsme à la suite d'une apparition racontée dans les Actes. C'était la seule lecture possible. Depuis une quarantaine d'années, mais aussi plus récemment, par exemple avec le travail de Anthony Harvey[1] en 1982 , les historiens se sont attachés à mieux connaître le milieu culturel, politique et économique du judaïsme du second Temple.

Quelques pionniers comme James DG Dunn[2] en 1980 , Maurice Casey[3] en 1991, plantent le décor de l'histoire culturelle et spirituelle dans laquelle se développe la christologie ; la conférence de Marinus de Jonge[4] en 1998 rassemble le faisceau de questions posées par le témoignage des textes sur les communautés qui donnèrent lieu à ce corpus aujourd'hui nommé le Nouveau Testament et les diverses christologies qu'il recèle.

A la suite de ces travaux, l'exégèse contemporaine commença à revoir sa copie et examine la christologie de Paul à nouveaux frais. Paul expose-t-il une christologie ontologique ?

  • Si oui, ceci ouvre la question de comprendre le sens de theos pour les gens du Ier siècle. De "bons juifs" (e.g., Philon) peuvent parler du logos comme d'un second dieu, au moins comme de ce qu'on nommera plus tard, à la suite de Plotin, d'une hypostase (Philon in Quaestiones et Solutiones in Genesim 2.62 et De Somniis 1.229-230). Les manuscrits de la Mer Morte nomment les anges elim et elohim. On peut recommander de jeter un œil sur le livre de M. Meye-Thompson "theos in John" pour se faire une idée du sens étendu du terme et connaître la façon ont il put être compris dans cette période.

A partir de quoi, nous pouvons nous demander si de nombreux courants du Judaïsme pouvaient professer à propos d'une personne qu'elle soit theos. Que pouvait signifier le fait d'élever quelqu'un au statut de theos ?

Une fois tout ceci pris en compte, ces questions doivent être régulièrement posées en sorte que les questions contemporaines ne deviennent pas de savoir si Paul affirme ce que les gens du XXIe siècle entendent sous les termes Dieu et monothéisme.

  • Si non, les auteurs devront construire une argumentation soignée tant à partir des textes que de textes témoins contemporains de Paul en sorte de faire face aux accusations habituelles des courants les plus traditionnels, telles celles décrites dans le livre de Boismard cité infra en sa page 8.

Sommaire

Les divers courants de l'exégèse contemporaine

Richard Bauckham dans son livre God Crucified [5] sur lequel se rassemble un consensus croissant, suggère que les approches actuelles de la recherche autour de l'existence d'une christologie ontologique dans le Nouveau Testament se répartit en trois courants :

  • Le courant qui, comme P. M. Casey et Susan Ashbrook Harvey [6] qui soutiennent que le monothéisme Juif est tout bonnement trop strict i.e. ce serait un monothéisme qui ne pourrait s'accommoder d'un quelconque autre être divin auprès de lui ou inclus dans le Dieu d'Israël, et c'est pourquoi on ne peut comprendre chez Paul la moindre Christologie ontologique. La cote de ce courant est en perte de vitesse.
  • Le courant qui récuse, d'une façon ou d'une autre, un strict monothéisme dans le Judaïsme du Second Temple. Le plus connu dans le monde anglophone sont L. W. Hurtado[7] , Margaret Barker [8] qui, dans son livre The Great Angel, A Study of Israel's Second God, montre que le monothéisme est une nouveauté imposée par la littérature Deutéronomique et que sa diffusion demeura incomplète, mais aussi Christopher Rowland[9] , et, bien sûr, Daniel Boyarin[10] qui place le mot de Binitarisme pour décrire la position de Philon et son rapport au Logos, mais aussi celle décrite dans certaines parties de l'Évangile selon Jean. Dans ce courant, on peut placer l'exégète français Marie-Emile Boismard qui développe une idée semblable dans son ouvrage "A l'aube du Christianisme, avant la naissance des dogmes" (CERF, 1998)
  • Enfin, cette approche à laquelle s'identifie Bauckham lui-même, qui considère que le Judaïsme du Second Temple maintenait un strict monothéisme, mais cependant permettait une Christologie ontologique "par l'identification de Jésus directement avec l'unique Dieu d'Israël" (p. 4.).Ce troisième courant constitue la compréhension contemporaine du courant traditionnel évoqué au tout début de l'introduction..

La question du monothéisme

Evolution du monothéisme dans la Bible hébraïque

Une majorité de chercheurs et même de tuteurs d'enseignement religieux, insistent régulièrement sur ce point que l'Ancien Testament n'est pas "monothéiste" mais "monolâtre", signifiant qu'Israël honorait "YHWH seulement" non parce qu'il était le seul dieu "réel" ou "vrai" ou existant mais le seul unique pour les fils d'Israël, du fait du contrat/alliance sur l'Horeb/Sinai.

Lors de la période hellénistique, quelques Juifs s'approprient des éléments de la métaphysique grecque et de son monisme pour justifier/valider cette "exclusivité" mais pour attribuer ce raisonnement basé philosophiquement comme commun à une plus ou moins grande partie (plutôt moins que plus) des Juifs. Si "monothéisme" signifie que n'existe qu'un unique être invisible qui a pouvoir sur les hommes, alors on peut dire que l'ancien Israël n'était pas monothéiste. Peut-on dire que les Juifs attendent la période hellénistique pour justifier ou valider leur "exclusivité" alors que leur Dieu se prépare à l'exclusivisme dès le Deutero-Isaïe (particulièrement. Isa.40-49 mais aussi dans de nombreux autres passages, tel les Psaumes de couronnement) des siècles auparavant, appelant tous les peuples à se tourner vers YHWH et à être sauvés, et/ou à n'honorer que lui ?.

Le culte exclusif de YHWH seulement pour Israël, résultat d'un "contrat", remonte (au moins) au Code Deutéronomique et à la réforme de Josias de 621 avant l'ère commune. Auparavant, apparemment le culte de YHWH se basait sur la conception que YHWH possédait le territoire sur lequel ils vivaient, en sorte que "titres et offrandes" étaient en fait un "loyer" analogue à celui des fermiers envers le propriétaire. Cette idée réapparaît dans le "Second Isaïe" quand la sphère / espace /aire du "royaume de YHWH" se développe dans une nouvelle conception, qu'il n'est pas seulement "Le Seigneur de la terre (d'Israël)" mais le créateur de ce monde. Elle devient le soubassement rationnel d'une espérance du "dernier jour" quand "tous les peuples" se soumettront à son autorité parce qu'ils vivent et travaillent sur sa terre. Alors, en effet, nous trouvons dans le "Second Isaïe" l'espérance que ce jour viendra durant lequel " tous les peuples /nations" se soumettront "au Dieu d'Israël comme leur Seigneur ".

Monothéisme et Judaïsme du second temple

Bauckham associe Hurtado à la seconde approche équissée ci-dessus. Hurtado dit que le Seigneur est comme une figure intermédiaire, mais qu'une significative mutation s'est produite identifiant Jésus avec l'unique Dieu d'Israël (ce que Hurtado nomme "binitarisme" dans son article SBLSP vol. 32. 1993, pages 348-68), "Qu'entendons-nous par Monothéisme Juif du premier siècle '?" [en], de même dans son monumental "Seigneur Jésus Christ " |en] (pages 32 et suivantes).

Quoique tout indique une constante rhétorique monothéiste dans le Judaïsme du second Temple., nous devons envisager que ce que nous considérons de nos jours être le monothéisme ne soit pas forcément en consonance avec le monothéisme juif de la période du second Temple.

Daniel Boyarin , grand admirateur de Paul de Tarse , parle aussi de binitarisme. Il envisage la question d'une manière différente dans son article "Memra" dans le Harvard Theological Review. Le point de départ de sa réflexion s'enracine dans sa recherche générale sur les débuts parallèle du christianisme "orthodoxe" et le judaïsme rabbinique qui, selon lui et un courant dont le pilote pourrait être Jacob Neusner, ne commencent pas d'être séparés avant le milieu du IIe siècle. En sorte que le binitarisme qu'il évoque dans l'article cité en référence étudie le passage entre l'hypostase du Logos trouvée chez Philon et celle de l'Esprit trouvée chez Jean. Pour lui, la première rencontre de Paul avec le mouvement juif des environs d'Antioche que la notion de messie/christ passe, à l'intérieur de la pensée juive, du statut d'attribut à celui de nom propre puis de titre chez Marc. L'explication par l'hellénisme seul lui semble de celles qu'il faudrait réviser. L'anthropomorphisme du culte romain de l'empereur n'est pas la seule cause de la divinisation de Jésus. Cette hypothèse relève de l'a priori qu'aucun des judaïsmes "pré-rabbiniques" ne serait assez différents du rabbinisme post-chrétien pour autoriser la "déification" d'un homme imaginé comme fils d'El, Messie Roi, Grand Prêtre et Seigneur. Cet a priori lui semble impossible car le courant rabbinique ne constituait pas une norme dans l'espace culturel juif d'avant 70 ; le Talmud recense 70 sectes juives pour cette époque dont plusieurs messianismes. Boyarin rencontre sur ce point l'idée de Burton Mack qui recense au moins cinq mouvements qui se réclamaient de Jésus dont quatre chez qui toute notion de messie/christ ne joue aucun rôle.

En même temps, Boyarin indique que supposer un courant rabbinique comme norme avant 70 promeut l'anachronisme au rang de vérité scientifique et l'attache en remorque du mythe des origines que le rabbinisme se raconte à lui-même. L'idée d'un "christianisme" tardif génétiquement étranger au monde juif du premier siècle et dont on retrouverait l'embryon chez Paul repose sur une vision simpliste du judaïsme pré-constantinien diffusée par une théologie rabbinique qui s'intéresse davantage à faire du courant chrétien juif et de toute la diversité juive des premiers siècles un non-judaïsme, un hellénisme, une trahison, un syncrétisme, etc. Il conclut :

"Judaïsmes et Christianismes [du premier siècle] demeurèrent entremêlés bien au-delà de la première partie du second siècle et ce jusqu'à ce que le judaïsme rabbinique, dans sa tentative nativiste de se couper de sa propre histoire avec la théologie du logos "chrétien", se mit à s'imaginer lui-même comme une communauté pure de tout hellénisme".

Monothéisme ou hénothéisme chez Paul ?

Donc, on trouve dans le "Second Isaïe" l'espérance qu'un jour vienne où "tous les peuples/nations" se soumettront au dieu d'Israël comme leur "seigneur" ; on peut supposer que telle est la base sur laquelle Paul fonde sa mission de "rassembler les gentils." Cette démarche est bien de la "monalâtrie", et non du "monothéisme."

Paul fait la même chose en 1 Cor 8, disant qu'il y a de "nombreux dieux" mais "pour nous", c'est différent . Cela sonne comme l'hénothéisme si on le prend au pied de la lettre. Après cette déclaration apparemment hénothéiste, Paul clarifie son point de vue sur ces "dieux" : ce sont des esprits du mal (1 Cor 10.18ss), et non des déités. Pour autant, cette clarification est-elle suffisante ?

Peut-être une exégèse plus aiguë de 1 Cor 8:4-6 doit-elle être pratiquée en parallèle avec une appréciation de la force de 1 Cor 10:19-20 :

(19) Que dis-je donc ? Que la viande sacrifiée aux idoles est quelque chose, ou qu'une idole est quelque chose ? Nullement.

(20) Je dis que ce qu'on sacrifie, on le sacrifie à des démons, et non à Dieu ; or, je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons.

La question est-elle seulement d'avoir conscience de l'existence d'autres dieux et que ceux-ci ne sont pas du tout des dieux mais des démons ? Paul expose qu'il croit en l'efficace des sacrifices aux idoles pour mettre leurs adeptes en relation avec eux et que la viande du sacrifice mettrait tout autant ses auditeurs en relation avec le dieu de l'autre. En sorte, que Paul est bien hénothéiste : il croit que d'autres êtres que le dieu d'Israël ont pouvoir sur les hommes et que, pour les fils d'Israël, ses auditeurs, il n'est de Dieu valide que celui de la Bible. S'ils s'agissait seulement de dire que les autres dieux sont, en fait, des démons, il deviendrait légitime de suspecter une interprétation de la théologie de Paul à l'image de nos théologies médiévales. Ceci suggère que Paul s'intègre exactement dans le processus des écritures hébraïques (e.g. Psaume 96 tapant sur l'idée des autres dieux). Paul ne s'éloigne pas du contexte Juif pour cadrer les choses de cette façon même si l'on garde à l'esprit que son "hénothéisme" s'exprime dans le contexte dune citation/allusion au Schéma.

En ce qui concerne sa préoccupation sur le sens du mot 'theos', Bauckham attire l'attention sur l'utilisation de ce titre en 2 Cor 4:4. Ce verset nous montre Paul utilisant heureusement ho theos pour désigner satan. Cet exemple avec celui cité de Philon et des Manuscrits de la Mer Morte, tend à établir que Paul ne donne pas à Jésus le titre theos (au moins pas tout le temps, mais des objections peuvent se présenter, bien sûr, en fonction de certaines exégèses de Rom 9:5 et de ce que le consensus savant considère être ou non de l'authentique littérature paulinienne).

Suggestions pour envisager la christologie de saint Paul

Chez les penseurs anglophones

Les réflexions précédentes conduisent à dessiner, chez Paul, les contours d'une christologie qui ne serait pas aussi ontologique qu'on le pense généralement... Comme le dit Bauckham dans son article en ligne sur la Christologie de Paul (page 23): "Si Paul a employé les déclarations scripturaires au sujet de la catégorie 'dieu' à Jésus, nous devons le comprendre comme 11QMelchizedek le fait en référence à Jésus, c’est-à-dire, en comprenant le 'dieu' en concordance avec ce à quoi font référence ces textes scripturaires dans ces énoncés particuliers qui ne serait pas YHWH, l'unique Créateur et Seigneur de toutes choses, mais un être angélique, créé et régi par YHWH. Une telle pratique exégétique ne saurait constituer ce que nous nommons une Christologie de l'identité divine"

Chez les penseurs européens continentaux

Pour en revenir aux penseurs francophones, Marie-Emile Boismard qu'on peut classer dans la 2e phase de la typologie de Bauckham, parvient à une conclusion analogue par un cheminement un peu différent. D'abord, Boismard envisage ce qu'il convient de considérer comme le texte reçu du corpus paulinien ; il ne rechigne donc pas à examiner les deux hymnes pré-pauliniens cités dans les deutero-pauliniens, dits épîtres de captivité, comme l'épître aux Colossiens (Col 1:15-20, cité page 89) et Philippiens (2:6-11, cité page 92). Il faut dire que Boismard montre, curieusement, dans cet ouvrage quelques difficultés (pages 8 et 99-100) à s'habituer à l'idée que les épîtres soient estimées pseudépigraphiques dans leur majorité.

Dans le premier hymne, Boismard s'intéresse particulièrement au ta panta di 'autou ektistai. Pour lui, ce "tout subsiste en lui" est une adaptation de l'hymne original tel que le reprendra Jean ; il considère que Paul adapte au Christ un texte original qui parlait du Logos ; en cela, il s'inspire de Philon : "tout par lui est devenu [panta di 'autou ergeneto]"; pour Philon, le Logos est "premier engendré", le reste de la création étant qualifié de "fils puîné". Boismard souligne l'empreinte des livres sapientiaux où la Sagesse est personnifiée dans des termes empruntés, selon Silvia Schroeder[11] , avec des traits empruntés à la déesse Isis.

D'ailleurs, le Siracide (Si 24:6-9) présente la Sagesse comme créée par Dieu avant toutes choses. L'affirmation initiale que le Christ est "image du dieu invisible" est imitée de Sg 7:26 "Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tâche de l'activité de Dieu, une image de sa bonté". Identifié à la Sagesse, c'est dans le cadre de cette spéculation qu'il participe de la création et donc est antérieur à tout ce qui existe. Le verset 19 : "Car Dieu s'est plu à faire habiter [katoikésai] en lui toute la plénitude" indique donc que la Sagesse habite le Christ de façon suréminente, au sens où, en 1Co 3,16, Paul dit que l'Esprit de Dieu habite [oikei] en chacun.

En ce qui concerne Philippiens 2:6, ce verset affirme-t-il la divinité de Jésus comme on le croit le plus souvent ? L'expression dit en morphei theou c’est-à-dire "en forme de Dieu", expression rencontrée ailleurs comme "à l'image de Dieu". L'hymne grec eût peut-être une forme précédente araméenne et selon Pierre Grelot qui fait cette supposition, c'est bislem qu'il faudrait imaginer pour "en morphei", en sorte que la traduction en serait identique.

Pour Phil. 2:9 : '"aussi Dieu l'a surexalté et lui a donné le Nom qui est au dessus de tout nom ", Boismard suit la tradition juive pour laquelle l'expression "le Nom" ne peut faire référence qu'à YHWH, le nom ineffable. Ladite tradition peut concevoir que Dieu peut communiquer/révéler son Nom ineffable à un homme ; une telle expérience est racontée à propos de Moïse (Ex. 3,14). A partir de la critique textuelle, c’est-à-dire de l'évaluation des manuscrits et des traditions qu'ils rapportent, Boismard propose 2 autres compréhensions possibles et en développe une qui a sa faveur. L'hypothèse est que le nom au-dessus de tous les autres serait "fils" (couramment fils de Dieu) au sens de l'adoption tel que dans le psaume du couronnement en Ps 2:7., c’est-à-dire comme un titre royal. Ce titre de fils le rend supérieur aux anges mais pas égal à Dieu, non plus que dieu lui-même. Ici, donc, Boismard rencontre la conclusion de Backham.

Boismard examine alors Tite 1:3-4 et 1Tm 1,1b-2 et montre qu'il s'agit d'une insertion issue de Marc 10,45 remaniée au filtre d'une épître sur l'autre au fil du temps.

Enfin, Boismard s'attache à la doxologie de Romains 9:5[12]. Suivant Otto Kuss , Zü Römer 9,5[13], il estime qu'elle n'est pas authentique. Il remarque que les traductions modernes du Nouveau Testament, notamment celle de la Jérusalem et celle de la TOB attribuent au Christ l'expression Dieu béni éternellement alors que le texte grec l'attribue toujours au Père à l'exception d'une lettre à l'authenticité contestée (2 Tm en4:18) et de l'épître aux Hébreux, dont il est établi depuis 1976 (les travaux d'Albert Vanhoye) qu'elle ne saurait être attribuée à Paul. Outre cette traduction problématique, Boismard fait remarquer les difficultés concernant l'édition de la lettre aux Romains (e.g. l'adjonction probable du chapitre 16) et, de ces réflexions sur Tite et 2Thimotée, considère que cette doxologie fut introduite par les générations suivantes d'éditeurs, en sorte que cela correspondrait à une théologie plus tardive. Cette remarque est d'un grand intérêt car elle montre que la doctrine se construit progressivement à mesure de la réflexion élaborée dans les générations qui suivirent.

Au bout de ce parcours, il conclut que la christologie de Paul ne saurait être ontologique.

Originalité du courant européen

Ce sous-titre pour introduire une conclusion toute temporaire sur le travail de Boismard peut sembler abusif dans la mesure où aucune opposition réelle n'existe entre les travaux des chercheurs américains et ceux des européens. Il s'agit juste d'un artifice pour signaler la différence entre la méthodologie et les objectifs de Boismard dans ce petit ouvrage de vulgarisation exégétique.

Les ouvrages des équipes américaines évoqués ci-dessus s'adressent à des spécialistes et reflètent l'actualité du débat exégétique contemporain dont ils sont une pièce versée au débat. On remarquera qu'ils citent peu les européens comme si les ouvrages avaient du mal à traverser l'Atlantique, ce qui est un fait dont l'origine tient dans la structure du marché de l'édition.

Au contraire, Boismard s'appuie sur des chercheurs européens, le plus souvent allemands et anglais et écrit pour un public plus large. Il n'entre donc pas, dans cet ouvrage, dans les grands débats (celui de la pseudépigraphie, celui de l'historiographie autour de l'édition des lettres du corpus paulinien, celui des méthodes d'identification des gloses). Par un cheminement têtu au travers de l'ensemble des textes du Nouveau Testament, il procède à l'examen de chaque expression grecque, la compare à des textes similaires trouvés dans d'autres parties du Nouveau Testament, en décline la généalogie en introduisant à la lecture des textes des auteurs contemporains de la rédaction du corpus étudié. Il conduit son lecteur par la main dans un amarinement tant à la méthode exégétique comparatiste qu'au concept d'histoire des dogmes.

  1. Harvey, Anthony E., Jesus and the Constraints of History, Philadelphia: Westminster, 1982
  2. James D. G. Dunn: Christology in the Making. A New Testament Enquiry into the Origins of the Doctrine of the Incarnation (London: SCM, 1980
  3. Maurice Casey, From Jewish Prophet to Gentile God, 1991, ISBN 0227679202 et Maurice Casey, the question of compatibility of christology with Jewish monotheism
  4. Marinus de Jonge, "Monotheism and Christology," pp. 225-37), in Early Christian Thought in Its Jewish Context Catholic Biblical Quarterly, The, Oct 1998
  5. God Crucified : Monotheism and Christology in the New Testament Wm. B. Eerdmans Publishing Company (April, 1999)
  6. abstract de 'MONOTHEISM, WORSHIP AND CHRISTOLOGICAL DEVELOPMENT IN THE PAULINE CHURCHES' avec quelques discussions: voir aussi : _The Jewish Roots of Christological Monotheism. Papers from the St. Andrews Conference on the Historical Origins of the Worship of Jesus.
  7. What Do We Mean by "First-Century Jewish Monotheism"? Society of Biblical Literature 1993 Seminar Papers, ed. E. H. Lovering (Atlanta: Scholars Press, 1993), pp. 348-68
  8. Margaret Barker. The Great Angel, A Study of Israel's Second God. Westminster/John Knox Press, 1992. recension
  9. Christopher Rowland, Christian Origins, J. D. G. Dunn, Unity and Diversity in the New Testament and David Horrell, An Introduction to the Study of Paul, pp. 65-9
  10. “The Gospel of the Memra: Jewish Binitarianism and the Prologue to John,” Harvard TheologicalReview 94:3 (July, 2001), 243-284.72
  11. citée par Boismard pour son article Die perzonifierte Sophia in Buch der Weisheit dans le recueil Ein Gott allein ?, Göttinguen, 1994, pp 547-558
  12. [versets concernés]
    (4)Car l'Éternel est grand et très digne de louange, Il est redoutable par-dessus tous les dieux;
    (5)Car tous les dieux des peuples sont des idoles, Et l'Éternel a fait les cieux.
  13. Otto Kuss, Zü Römer 9,5 (Tübingen et Göttingen, 1976)

Voir aussi

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