- Ce soir
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Ce soir était un journal quotidien du soir créé par le Parti communiste en 1937. Il cessa de paraître en 1953. Journal d'informations générales, il organise après la Libération des épreuves cyclistes. Ainsi en 1946, il crée la Ronde de France, qui se veut préfiguration d'un Tour de France sans ses organisateurs d'avant-guerre ou leurs continuateurs.
Sommaire
1937 - 1939, le journal du Front populaire et de la guerre d'Espagne
Dans le but de concurrencer Paris-Soir, Maurice Thorez formule à la fin de l'année 1936 le projet de créer un journal quotidien paraissant le soir. L'origine des fonds ayant servi au lancement de cet organe, officiellement indépendant, est controversée. La République espagnole, dont le journal se fit le défenseur vigilant, a-t-elle participé au financement ? Le premier numéro du journal Ce soir sort le 1er mars 1937. Il est placé sous la direction de deux écrivains célèbres. L'un est connu pour son appartenance au Parti communiste, Louis Aragon, l'autre Jean-Richard Bloch en est un très proche sympathisant. Il adhère au PCF en 1938, après les accords de Munich. Cependant le journal ne se veut pas organe politique du parti. Son rédacteur en chef, Elie Richard a été recruté pour sa compétence « technique » : il a travaillé auparavant à Paris-Soir… La direction « économique » du titre est entre les mains de Gaston Bensan. Celui-ci, « homme de l'ombre », habitué des maisons d'édition du Parti, administrateur du journal, en maîtrise seul les sources de financement qui permettent un tirage de démarrage de 100 000 exemplaires. Si Ce soir ne parvient jamais à atteindre les tirages de Paris-Soir, il réussit à trouver un lectorat avide de dernières nouvelles en fin de journée. En mars 1939, le tirage est de 250 000. Affaire non déficitaire, Ce soir doit sa notoriété à la qualité de ses collaborateurs; Ainsi, le chef du service de politique étrangère est Paul Nizan, qui lui aussi mène alors de front activité journalistique et écriture romanesque. Pascal Pia est le chef du service des Informations générales, jusqu'à son départ pour Alger républicain en août 1938. Parmi les journalistes professionnels, on retrouve René Dunan, de Édith Thomas et de Andrée Viollis, toutes deux spécialisées dans les grandes enquêtes-reportages. Le conflit espagnol est couvert par 18 journalistes et reporters-photographes. Les grands noms du journalisme de gauche se succèdent pour décrire et illustrer les combats, du côté républicain : Édith Thomas, Andrée Viollis, déjà citées, Simone Téry, Louis Parrot, Stéphane Manier, Georges Soria.
Envoyés spéciaux de Ce soir, des photographes appelés à devenir célèbres font bénéficier le quotidien de leurs clichés qui ont maintenant valeur d'archives de la guerre civile espagnole :
- Gerda Taro, qui est tuée sur le front de Brunete en juillet 1937
- Robert Capa, son compagnon, photographe officiel de Ce soir jusqu'à la retraite des républicains vers la France, en 1939.
- Chim, (David Seymour)
- Mathieu Corman.
Considéré comme proche du Parti communiste, le quotidien est interdit le 25 août 1939, en même temps que L'Humanité et l'ensemble des publications de ce parti, suspectées de soutenir le Pacte Germano-soviétique.
1940 : Sous l'occupation allemande
Le quotidien sera autorisé à paraître, étant considéré de moindre notoriété que L'Humanité par l'occupant[1],[2]. Cependant il ne reparut pas.
1944 - 1953: euphorie et déclin du journal
Le quotidien ne reparaît que le 25 août 1944. Louis Aragon, organisateur de la Résistance des "Lettres", de retour à Paris fin septembre 1944 en reprend la "direction", qui revient dans les faits à Jean-Richard Bloch, quand celui-ci rentre en France en janvier 1945. Jean-Richard Bloch a passé la guerre en URSS, où il a été la voix de la France sur Radio-Moscou. Fin 1946, il est élu au Conseil de la République, nouveau nom du Sénat, renforçant ainsi le poids politique du quotidien du soir. Mais il meurt subitement le 15 mars 1947. Aragon est alors seul directeur de Ce soir. Il est assisté par un de ses camarades de parti, vieux routier du journalisme, Fernand Fontenay. Florissant à la Libération, l'éviction des ministres communistes et les débuts de la guerre froide vont à contre courant de la raison même de l'existence de Ce soir. De plus, Ce soir voit son administration jumelée avec celle de L'Humanité en 1947: les deux titres sont réunis dans un même immeuble, 37 rue du Louvre à Paris. Le quotidien, qui a perdu son autonomie, est ensuite pris dans une spirale de déclin qui affecte de nombreux titres nés dans la Résistance, et en particulier la presse communiste. Le 2 mars 1953, il disparait. Coïncidence..., Staline meurt quelques jours plus tard. Et c'est au journal littéraire les Lettres françaises, dont il vient de prendre la direction qu'Aragon publie le dessin de feu le dictateur vu par Picasso, qui déclenche une petite affaire politico-artistique.
1945-1946: concurrencer l'Équipe ?
De même que le service sportif de Paris-Soir s'était lancé, sous la direction de Gaston Bénac, dans l'organisation de courses cyclistes, en créant en 1932 le Grand Prix des Nations, une course contre-la-montre disputée dans la vallée de Chevreuse en région parisienne, de même Ce soir tenta cette gageure : ravir quelques parts du marché de l'organisation des grandes épreuves cyclistes. Il s'insérait dans la stratégie politique du PCF, visant à s'implanter dans le domaine sportif. Mais il avait le but de la promotion du titre, que permet le "sponsoring" (le mot n'est pas d'époque) sportif. Le Journal l'Auto est interdit de parution après la Libération. Or c'est ce quotidien qui organisait un grand nombre de courses cyclistes. En particulier le Tour de France lui appartenait depuis que sa création en 1903. L'opération pour Ce soir ne vise rien moins qu'à obtenir des pouvoirs publics la reprise de cette épreuve reine du calendrier, alors que le groupe éditeur de l'Auto s'apprête à faire paraître le quotidien sportif l'Équipe et à reprendre le quasi monopole de l'Auto en tant qu'organisateur de courses. Le chef du service des sports de Ce soir, Georges Pagnoud, qui est en même temps le rédacteur en chef de l'hebomadaire sportif Miroir Sprint se lance dans l'entreprise. Il est aidé dans cette tâche par un journaliste, issu de Paris-Soir, Albert Baker d'Isy. En cette année 1946, il reprend momentanément l'organisation de la course Paris-Nice, poursuit l'organisation d'une nouvelle épreuve créée l'année précédente, une course d'un jour disputée en région parisienne : le circuit des Boucles de la Seine.
Ce soir organise son tour de France : la Ronde de France, 1946
Georges Pagnoud monte surtout une épreuve plus ambitieuse,la Ronde de France, sorte de Tour de France miniature. En effet, il existe un obstacle de taille au lancement d'un vrai Tour de France : la limitation, après la Libération, des courses cyclistes à une durée maximum de 5 jours.
Ce soir, associé à Miroir Sprint et au quotidien Sports, que le Parti communiste a lancé en février 1946, organise la nouvelle épreuve du 10 au 14 juillet 1946 entre Bordeaux et Grenoble, via Pau, Toulouse, Montpellier et Gap. Bien évidemment située aux beaux jours de juillet, la date de clôture de cette Ronde de France témoigne d'une volonté d'ancrer l'épreuve sportive dans le patrimoine historique français. Le déroulement de la course cependant ne va pas permettre la mise en valeur du cyclisme français, contrairement aux attentes des organisateurs. Deux coureurs français gagnent une étape, Raymond Louviot à Montpellier et Apo Lazaridès à Grenoble, au terme d'un exploit, puisqu'il devance son second de plus de 8 minutes. Cependant les 2 premiers au classement final sont les Italiens Giulio Bresci et Enzo Bertocchi, qui ont entamé l'épreuve française après avoir disputé le Tour d'Italie, où ils ont affûté leur "forme" physique. Les français font un tir groupé à partir de la troisième place: Edouard Fachleitner, Pierre Cogan, Apo Lazaridès... Un mois plus tard, la course Monaco-Paris, déjà nommée "petit Tour de France" ,organisée par L'Équipe, se termine, elle, sur la victoire française d'Apo Lazaridès. Nul doute, outre l'expérience organisationnelle des successeurs de l'Auto, que la victoire de Lazaridès, révélation de l'année, devant le populaire René Vietto et le breton Jean Robic, tout comme le déroulement de la course, à rebondissements, confortèrent l'Équipe, aux yeux des autorités politiques et sportives, dans sa vocation à reprendre en 1947 le vrai Tour de France. Ce soir, continue cependant d'organiser les Boucles de la Seine, en commun avec l'Humanité Dimanche( après 1948), jusqu'à la disparition du journal. Mais d'internationale, en sa première édition, la course limitée aux coureurs français dès 1946, n'acquiert jamais le lustre d'une grande classique. Le destin malgré tout changea de camp et permit la pérennité de l'épreuve au-delà de la vie de Ce soir: le vainqueur de 1947 était un jeune coureur breton du nom de Louison Bobet... Sa notoriété grandissante dès le tour 1947 rejaillit sur les "Boucles" qui se disputèrent jusqu'en 1973. Vingt ans après la mort du journal.
Cette vocation cycliste du journal Ce soir est souvent ignorée. Aussi, en cette année 1946 où s'exacerbent ces antagonismes politiques par sport cycliste interposé, un jeune journaliste fait ses débuts à Ce soir. Il s'agit de Pierre Chany, auteur bien plus tard de "la fabuleuse aventure du tour de France". Chany reste au journal dirigé par Aragon jusqu'à la fin. En 1953, il est embauché par l'Équipe. Il n'est pas le seul journaliste cycliste à connaître ce parcours. Jacques Marchand passe lui aussi à l'école de Ce soir avant d'écrire à l'Équipe. En 1961, c'est à lui que revient la création du Tour de l'Avenir, épreuve destinée à faire se rencontrer les coureurs amateurs de l'Ouest et de l'Est européens.
Sources
le quotidien d'informations politiques
- Nicole Racine, notice "Louis Aragon", Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, 1940-1968, Les Editions de l'Atelier, 2005.(notice sur CD Rom) ; notice "Jean-Richard Bloch", DBMOF, tome 19, Les Editions Ouvrières, 1983.
- Baptiste Eychart, "Jean-Richard Bloch, la guerre d'Espagne et Ce soir", Les Annales" de la société Louis Aragon-Elsa Triolet, n° 1-1999.
- François Eychart : conversation avec Gaston Bensan, article dans "Les annales" de la société Louis Aragon-Elsa Triolet, n° 7-2005.
- Alexandre Courban, "Ce soir, le deuxième quotidien communiste", in Xavier Vigna, Jean Vigreux, Serge Wolikow (dir.), Le Pain, la paix, la liberté, expériences et territoires du front populaire, Paris, Editions sociales, 2006.
- François Maspero, L'ombre d'une photographe, Gerda Taro, Seuil, 2006.
- François Fontaine, La guerre d'Espagne, un déluge de feu et d'image. BDIC / Berg international, 2003.
l'organisateur d'épreuves cyclistes
- Serge Laget, Tour de France, 100 ans, 1903-2003, volume 1. 1940-1946, des ersatz. Edition de l'Équipe, 2002.
- Pierre Lagrue, Le Tour de France reflet de l'histoire et de la société. Éditions L'Harmattan, Paris, 2004.
- Miroir du cyclisme, encyclopédie, n° 299-1981.
Notes et références
- Emmanuel De Chambost, La Direction du PCF dans la Clandestinité (1941-44), Paris, L'Harmattan, coll. « MEMOIRES DU XXEME SIECLE », 03 mars 2000, 316 p. (ISBN 2-7384-5515-8)
- HISTOIRE DU PCF (1940-1942) » sur http://edechambost.ifrance.com/ Emmanuel De Chambost, «
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