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Cathédrale Saint-Pierre de Lisieux
Pour les articles homonymes, voir Cathédrale Saint-Pierre.Rare monument lexovien rescapé des bombardements de 1944, La cathédrale Saint-Pierre de Lisieux est un monument de style gothique. Si la présence d’une cathédrale est supposée depuis le VIe siècle, l’église visible de nos jours fut certainement construite entre 1160 et 1230, à l'initiative de l'évêque Arnoul. Dès le départ, l’architecte conçut des voûtes d’ogives quadripartites et des arcs-boutants. Ce qui en fait l’un des premiers édifices gothiques de Normandie. La nef, assez austère, s’inspire du style gothique d’Île-de-France tandis que les dernières parties édifiées au XIIIe siècle (le chevet, la tour-lanterne ou la façade occidentale) relève du style normand. On dit qu'Henri, comte d’Anjou et duc de Normandie, futur roi d'Angleterre, et Aliénor d'Aquitaine s'y sont mariés en 1152. L'évêque Pierre Cauchon, dont le nom reste attaché au procès de Jeanne d'Arc, y est enterré en 1442.
La cathédrale ne doit pas être confondue avec la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux, beaucoup plus récente.
Cette ancienne cathédrale fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis 1840[1]. Sommaire
La 3e ou la 4e cathédrale
La cathédrale actuelle n’est évidemment pas le monument d’origine. En 538, est cité le premier évêque de Lisieux, Theudobaudis (Thibaut). La présence d’un évêque suppose dès cette époque du Haut Moyen Âge l’existence d’une cathédrale. On ne sait rien de cette première église. A-t-elle été endommagée durant les raids vikings ? Ce n’est qu’au XIe siècle que nous apprenons une information sur le monument : l’évêque Herbert (1026-1049) puis son successeur Hugues d’Eu (1049-1077) procèdent à sa reconstruction. L’extension de la surface de l’église contraint à l’abattement d’une partie du rempart de la ville. C’est probablement à l’occasion de cette reconstruction que l’on découvre les reliques de plusieurs saints vénérés autrefois dans le chœur : saint Ursin, saint Patrice et saint Berthevin. Enfin, à partir du milieu du XIIe siècle, cet édifice roman est remplacé par une cathédrale gothique, le monument actuel.
Les étapes du chantier gothique
La cathédrale de Lisieux est l’un des plus anciens monuments gothiques de Normandie. Sa construction intervint en effet vers 1160 selon Éliane Pèlerin ou vers 1170 selon Alain Erlande-Brandenburg. La cathédrale de Lisieux suit le nouveau mouvement stylistique bien avant la conquête de la Normandie par le roi de France Philippe Auguste. Cette précocité s’explique par le commanditaire de l’ouvrage, l’évêque Arnoul (1141-1181), qui fit sûrement appel à un maître d’œuvre de cette région. Arnoul, prélat de premier plan, devait être au fait des nouveautés architecturales par sa familiarité avec Suger, abbé de Saint-Denis et ses relations avec le monastère Saint-Victor de Paris.
Les bâtisseurs commencèrent par la nef. Il ne faut donc pas être surpris par l’aspect primitif de cette partie de la cathédrale de Lisieux : des arcades supportées par de grosses colonnes, un premier étage de fausses tribunes à la mouluration épaisse, un dernier niveau de fenêtres hautes. En somme, une nef assez lourde et sombre. Cette première partie fut finie peu avant 1183 comme l’indique la datation de la charpente, au-dessus des voûtes, par dendrochronologie.
Le reste de l’église fut probablement entièrement réalisé dans le premier quart du XIIIe siècle. Le transept et les deux premières travées du chœur sont dans le même style que la nef. L’extrémité du chœur révèle par contre un revirement. Le maître d’œuvre, différent du temps d’Arnoul, imposa un style gothique normand et non plus francilien : les colonnes qui composent les arcades sont doubles, les tailloirs prennent une forme circulaire ou polygonale, des trilobes percent les murs. Surtout, le style gothique apparaît beaucoup plus évolué et élancé : un triforium remplace les fausses tribunes de la nef, les arcades se resserrent, les colonnes s’affinent, les moulurations se perfectionnent.
Ces travaux terminés, les bâtisseurs retournèrent sur la façade principale pour sculpter les 3 portails et élever les deux tours.
Agrandissements et reconstructions
Une cathédrale est un chantier jamais achevée. Celle de Lisieux n’échappe pas à la règle. Dès la première moitié du XIVe siècle, les chanoines s’investirent en participant à l’agrandissement de l’édifice. Ils élevèrent le long des bas-côtés 12 chapelles rectangulaires, presque carrées. Ces petites constructions affichent les caractéristiques du gothique flamboyant. Leur édification s’échelonna jusqu’au XVe siècle.
Le fameux évêque de Lisieux, Pierre Cauchon (1432-1442), s’attacha aussi à marquer son empreinte à Lisieux même s’il résidait plutôt à Rouen ou à Paris. Il reconstruisit la chapelle de la Vierge, située à l’extrémité est de l’église. De style flamboyant, elle est remarquable par sa profondeur (17,20 m) et par ses 9 grandes verrières. La gothique atteint là son idéal : les vides qui l’emportent sur les pleins, les murs.
En dehors de ces opérations prestigieuses, la cathédrale connut aussi des reconstructions imposées. En 1553, la tour sud s’effondra. La fabrique réussit à amasser suffisamment d’argent pour commencer sa réédification 26 ans plus tard. Craignant peut-être un nouvel effondrement, les bâtisseurs créèrent une tour moins ouverte que la précédente.
Analyse architecturale
Le plan de la cathédrale gothique reprend probablement celui de la cathédrale romane :
- Un narthex
- Une nef de 8 travées, flanquée de bas-côtés
- Un transept accompagné d’un bas-côté sur sa face orientale. C’est une disposition très rare en Normandie.
- Un chœur enrobé d’un déambulatoire à 3 chapelles rayonnantes
La longueur de l'édifice est de 110 m, sa hauteur sous voûtes de 20m. Les voûtes de la tour lanterne sont à 30 m.
L’élévation, courante dans les grandes églises gothiques, se compose de trois niveaux :
- Un premier niveau de grandes arcades
- Un dernier niveau de fenêtres hautes
- Le niveau intermédiaire diffèrent selon la partie de la cathédrale. Dans la nef et les deux premières travées du chœur, ce sont des fausses tribunes. Fausses car elles ne donnent pas sur l’étage des bas-côtés (il n’y en a pas) mais sur les combles de ces bas-côtés. Dans la transept, l’étage médian est rythmé par des baies qui ouvrent sur une coursière. C’est une disposition typiquement normande et même romane. Enfin, dans le fond du chœur, le deuxième niveau correspond à un triforium. Il n’est pas ajouré puisqu’il n’est pas percé de fenêtres sur l’extérieur. La présence de ce triforium confirme l’appartenance du chevet au gothique rayonnant.
Les parties les plus anciennes de la cathédrale de Lisieux s’inspirent des premières réalisations de l’Île-de-France : les cathédrales de Laon et de Paris voire de Sens. Les colonnes des grandes arcades de la nef ont en effet un sérieux air de ressemblance. Il n’est pas impossible, comme le suggère William W. Clark, que la cathédrale de Lisieux ait bénéficié aussi d’une série d’exemples venant de Normandie orientale, principalement de la cathédrale d’Évreux. Le chevet, on l’a vu, participe au style gothique normand. Les sources d’inspirations appartiennent donc à la région : l'abbatiale Saint-Étienne de Caen et la cathédrale de Bayeux.
Trois tours dominent le bâtiment : la tour-lanterne, fréquente dans les grandes églises normandes, et deux tours de façade. Celle du nord, élancée, remonte au XIIIe siècle. Sa voisine fut reconstruite entre 1579 et 1600 après effondrement. Terminée par une flèche, elle culmine à 72 m. Son style est difficilement définissable : gothique flamboyant avec quelques caractères Renaissance (des arcs plein-cintres, des ouvertures assez petites, une horizontalité marquée). L’architecte Georges Duval préfère parler d’un « pastiche roman ».
Comme beaucoup d’églises normandes, la décoration externe de la cathédrale de Lisieux se veut sobre. Il n’y a par exemple aucune statue sculptée sur les façades des portails. Seuls, des motifs géométriques, de feuillages, des colonnettes ou des arcatures animent la pierre. De petits visages sculptés forment les seuls éléments fantaisistes à l’extérieur.
L’intérieur n’offre pas plus de décorations. Les statues sont modernes (sainte Thérèse ou Jeanne d’Arc). Des feuillages stéréotypés couvrent de nombreux chapiteaux. Il faut en fait un regard attentif pour saisir les éléments originaux : à l’entrée, les têtes d’un roi et d’une reine, à proximité, le visage d’un homme barbu. Sur les parements, des traces de peintures suggèrent un intérieur jadis plus coloré. De style gothique flamboyant, la chapelle de la Vierge se démarque du reste de l’édifice par sa décoration plus notable. Un bestiaire plus ou moins fantastique (un singe, un hibou, une sorte de chauve-souris…) couvre les écoinçons. Les feuillages des chapiteaux atteignent une telle précision qu’on peut déterminer l’arbre ou la plante dont ils s’inspirent.
Très peu de vitraux remontent au Moyen Âge. Au XVIIe siècle, l’évêque Léonor II de Matignon décida de remplacer les verrières anciennes par des verres blancs. Sûrement dans le but d’éclaircir l’intérieur de la cathédrale.
La cathédrale et sainte Thérèse de Lisieux
La cathédrale, monument médiéval au cœur du centre-ville, ne doit pas être confondue avec la basilique Sainte-Thérèse, édifice du XXe siècle. Si sainte Thérèse n’a jamais connu cette dernière, la cathédrale lui était familière. C’est là qu’elle assistait à la messe le dimanche avec son père, ses sœurs et la gouvernante. Une statue et une inscription dans une chapelle du chœur rappellent l’endroit où la famille était exactement placée pendant les offices religieux. C’est ici que la future sainte eut la révélation de sa mission : sauver l’âme des pécheurs.
Le père de Thérèse, Louis Martin, offrit le maître-autel du chœur.
Depuis le XXe siècle, Thérèse est la troisième patronne de la cathédrale, après Pierre et Paul. Elle figure à ce titre sur l’un des vitraux du fond du chœur.
Notes et références
Bibliographie
- E. Pellerin et J. Bergeret, La Cathédrale Saint-Pierre de Lisieux, Ville de Lisieux, 1995
- A. Erlande-Brandenburg, « La Cathédrale de Lisieux. Les campagnes de construction », Congrès Archéologique, 1974, p. 139-172
- W. W. Clark, « La Cathédrale de Lisieux » in L’Architecture au Moyen Âge, Presses universitaires de Caen, Tome II, Éditions Charles Corlet, 1997
- G. Duval, « La Cathédrale Saint-Pierre de Lisieux » in Art de Basse-Normandie n° 89-90-91, Hiver 1984-1985, p. 98-109
- F. Epaud, L’Évolution des techniques et des structures de charpenterie du XIe au XIIIe siècle en Normandie. Une approche des charpentes par l’archéologue du bâti, thèse, Rouen, Université de Rouen, 2002.
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