- Catastrophe de Minamata
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Maladie de Minamata
On parle de maladie de Minamata pour désigner une maladie neurologique grave et permanente par intoxication aux composés de mercure.
Sommaire
Minamata, l'origine historique
En 1907, le fondateur de la compagnie Chisso, Jun Noguchi, installe une usine pétrochimique à Minamata, au sud-ouest du Japon. La main-d'œuvre est principalement locale mais les cadres dirigeants sortent des plus hautes universités japonaises. À partir de 1932, cette usine rejette de nombreux résidus de métaux lourds dans la mer dont du mercure. L'oxyde de mercure est utilisé comme catalyseur pour la synthèse de l'acétaldéhyde CH3CHO. Vingt ans plus tard, les premiers symptômes apparaissent (de nombreux problèmes liés au système nerveux, comme, par exemple, la perte de motricité) et la première description de la maladie remonte à 1949. À cette époque, on considère l'entreprise Chisso comme un exemple de réussite économique : c'est une des rares entreprises qui a su continuer à fonctionner durant la guerre.
Suite notamment à la consommation de poissons, on compta près de 900 décès de 1949 à 1965. La firme a par ailleurs reconnu 2200 malades officiels mais a payé près de 10 000 personnes atteintes pour qu'ils arrêtent les poursuites judiciaires (22 000 dollars chacun). Des mères ne présentant aucun symptôme ont donné naissance à des enfants gravement atteints (malformations plus ou moins lourdes, handicaps divers ou multiples, enfants mort-nés…).
En 1959, le docteur Hajime Hosokawa, employé de la firme Chisso, acquit la certitude, suite à des expériences qu'il mena sur des chats, que les phénomènes observés étaient liés à la pollution par le mercure. On avait, en effet, remarqué que les chats du port devenaient fous jusqu'à se jeter dans la mer pour s'y noyer. Ceci apportait une note apocalyptique au mal qui touchait la ville, mais permit de faire le lien avec la population la plus touchée : les familles de pêcheurs. Les poissons tenaient pour les deux groupes une part importante dans leur alimentation.
Les déversements de mercure continuèrent malheureusement jusqu'en 1966 où un procédé de synthèse plus économique (et accessoirement moins polluant) fut mis en place. Durant toute cette période (1932-1966), environ 400 tonnes de mercure furent rejetées dans la baie.
A partir de 1977, les boues contaminées furent traitées et stockées.
En 1993, le mariage du prince héritier Naruhito avec la petite fille de Yutaka Egashira, président de Chisso à l'époque des faits, provoque une indignation passagère au Japon.
Il faudra attendre 1996 pour que l'État propose un compromis pour indemniser l'ensemble des victimes.
Aujourd'hui (2009), 53 ans après le début officiel de la maladie (mai 1956), plus de 13 000 personnes ont été reconnues par l'entreprise et l'Etat:
- 2 955 personnes reconnues par les comités préfectoraux
- 51 personnes, à l'issue de la décision de la Cour suprême en 2004
- 10 353, lors du compromis politique de 1995/96)
Mais près de 25 000 sont encore en attente d'une décision:
- 6103 attendent une décision du système de reconnaissance
- 17 780 reçoivent un certain suivi médical, mais il ne donne pas droit à une indemnisation et une reconnaissance de jure
- 1509 sont encore en procès avec l'Etat
Et par-delà ce décompte, il reste difficile de savoir exactement combien de personnes ont été touchées.
On imagine le combat qu'elles ont dû mener : d'origine modeste, elles ont dû affronter une puissante entreprise qui est considérée comme un exemple de réussite économique dans un Japon qui fait le pari à la sortie de la guerre de devenir une des premières puissances industrielles.
On imagine également la situation délicate du docteur Hajime Hosokawa, qui découvre que l’origine du mal est la compagnie dans laquelle il est employé. Là aussi, le contexte culturel japonais où le lien à l’entreprise est assez particulier et qu’on pourrait simplifier par « un emploi à vie contre la vie pour l’employeur », a posé de nombreux problèmes dans la résolution du problème.
Activités humaines pouvant poser des problèmes d'intoxication au mercure
- L'orpaillage (l'extraction de l'or) utilise une grande quantité de mercure qui, sans traitement, risque de contaminer les populations locales. En Guyane par exemple, la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane a décidé de se porter partie civile et de porter plainte plainte contre X pour empoisonnement.
- Plombages de nos dents cariées : l'amalgame utilisé en Europe, depuis 1830, est composé pour moitié de mercure. C'est un sujet de polémique avec les dentistes.
Un problème à grande échelle
Au total, chaque année, 4 500 tonnes de mercure sont relâchées par l'homme du fait de son activité industrielle et agricole.
- rejets de mercure par les centrales thermiques au charbon.
- rejets de mercure lors de l'incinération des déchets (le mercure se volatilise en fumée et emporté par les vents, va contaminer ailleurs): par exemple lors du recyclage des vieilles voitures, qui serait selon une récente étude américano-canadienne, la 4ième source de mercure sur le continent nord-américain.
- dissolution dans les eaux de surfaces de fongicides utilisées par l'agriculture et les papeteries, et contenant du mercure.
- rejets de mercure dans les eaux usées des industries (le mercure est encore très utilisé comme catalyseur ou revêtement de cathodes.)
Une pollution étendue
La concentration a augmenté jusque dans les régions éloignées de toutes pollutions, comme le Groenland. Transportés par les airs, la neige et par les courants marins, les métaux lourds, dont le mercure, gagnent tous les continents du globe et touchent tous les écosystèmes et toutes les chaînes alimentaires.
Sources
- (en)Minamata Disease Center Soshisha
- (en)National Institute for Minamata Disease
- (en)Japan remembers Minamata, Justin McCurry, Lancet 2006; 367:99-100
- Les pollutions invisibles : Quelles sont les vraies catastrophes écologiques ?, Frédéric Denhez
- "Minamatabyô ni taisuru hoshô", Miyakita Takeshi, Hanada Masanori, (conférence en japonais, Université de Kumamoto Gakuen/Minamatabyô sentâ), 2008
Bibliographie
- Le 400ème chat ou Les pollués de Minamata, Fernand Gigon, 1975, édition Robert Laffont
- Maladies industrielles et syndicats au Japon, Paul Jobin, 2006, éditions de l'EHESS
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