- Carré magique (lettres)
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Un carré magique de lettres, également appelé « mots carrés », est une forme de mots croisés disposé en carré, ne comportant pas de case noire et constitué de mots valides dans une langue définie. Ils peuvent, par définition, être lus horizontalement et verticalement et présentent dans ces deux sens les mêmes mots. Une forme plus aboutie et plus rare est le carré magique de lettres palindromique, il peut être lu en plus dans tous les sens rétrogrades. Certains peuvent être lus en diagonale.
Sommaire
Carrés magiques avec lettres
Il existe un grand nombre de carrés magiques de lettres en français. En utilisant uniquement les mots de l'Officiel du Scrabble (ODS4), donc sans noms propres, on peut construire 3 195 901 carrés 7×7, 40 018 carrés 8×8 et 2 carrés 9×9 (reproduits ci-dessous [1],[2]).
Quelques exemples de carrés en français :
C U L T E G R A I N P A C T I S E N T P R E C A I R E S T U B E R A S A T E T E R O S E U N I E S R O N D E A C H E M I N E R R E D O N N E N T U B A C A S A P E T A T O S E R L I O N S A N E E S C H A R M E R A I E D E N T A S S E B A C H S A R A T A T U S E R F T E N T A I D E A L T E R R I G E N E C O N C I L I E R E C H U A P A S E T U I E R F C E S S A I N E S L E I M M I N E N T S A N T I S I G M A S I E G E R A I T I N A L I E N E S L U N E A S A C A B V U X E E N R E N A S S E R E S I G N O N S U B A C S A S A B A U X E M N E A N T I S E R E N S E M E N C E N A C H A S A B A C X E N A T R I E S T E R S S T E R A S S E S E C H O E M A S
Carrés magiques de lettres en anglais
Le plus grand carré magique de lettres en anglais serait de 100 cases, en incluant des noms propres[réf. nécessaire].
Quelques exemples de carrés en anglais :
B I T C A R D H E A R T G A R T E R B R A V A D O L A T E R A L S I C E A R E A E M B E R A V E R S E R E N A M E D A X O N E M A L T E N R E A R A B U S E R E C I T E A N A L O G Y T O E P L A T E D A R T R E S I N T R I B A L V A L U E R S E N P L A N E D T R E N D E S T A T E A M O E B A S R E L A N D E D R E E L E D D E G R A D E A M A N D I N E O D Y S S E Y L A T E E N E R S L E D D E R S
Le carré palindromique SATOR
Article détaillé : Carré Sator.Ce carré magique constitue une exception par son ancienneté, sa sophistication et son mystère. C'est un carré de 5 x 5 en latin, qui compose un palindrome aussi bien en lecture horizontale qu'en lecture verticale. Il est constitué des cinq mots SATOR, AREPO, TENET, OPERA, et ROTAS.
S A T O R A R E P O T E N E T O P E R A R O T A S
ou, en sens inverse :
R O T A S O P E R A T E N E T A R E P O S A T O R
Le mot AREPO est un hapax et plusieurs interprétations lui ont été appliquées. Il serait soit un nom propre, soit une forme gauloise du mot charrue comme le propose Jérôme Carcopino, soit une forme hébraïque ou une allusion au dieu Apis [3]. Les autres mots signifient : sator, le laboureur - tenet, (il /elle) tient ou dirige - opera, l'œuvre, le travail (à l'ablatif singulier, operā peut signifier "avec soin") - rotas, les roues.
De nombreux exégètes se sont penchés sur la signification qu'on peut donner à cette suite de mots, plusieurs versions sont possibles, faisant intervenir des grilles religieuses, alchimiques, numérologiques ou kabbalistiques.
Les traductions les plus simples et littérales étant : « Le laboureur guidant la charrue travaille en tournant[réf. nécessaire] » ou encore « Le semeur Arepo conduit les roues avec soin » [4].
La plus ancienne représentation de ce carré a été trouvée dans la villa de Pasquius Proculus et de son épouse dans les ruines de Pompéi, ce qui le date au moins de 79 apr. J.-C. Par la suite, on le retrouve en de nombreux lieux, principalement des monuments religieux chrétiens en de nombreux endroits du monde.
L'explication chrétienne
Le carré Sator aurait été composé par les premiers chrétiens, qui étaient poursuivis et devaient se cacher, et leur aurait servi de code de reconnaissance. Sa composition est étonnante de complexité : on observe que le mot tenet forme une croix dont les quatre branches sont terminées par la lettre T (dont la forme renvoie elle-même à la croix) entourées des lettres A (en grec, alpha) et O (en grec, oméga) qui évoquent Dieu, désigné comme l'Alpha et l'Oméga au moment de l'apocalypse, c'est-à-dire l'origine et la finalité de toutes choses. De plus, on peut, avec les 25 lettres du carré, former une croix écrivant Pater Noster complétée de deux A et deux O, porteurs de la symbolique évoquée ci-dessus (voir illustration ci-contre).
À Rome, on retrouve ces deux dessins gravés sur les murs et sur les tombes des premiers sanctuaires chrétiens.
Dans le même registre, il y avait aussi le "poisson", symbolisé par la lettre N centrale, ce N, soit 'noun' signifiant poisson en araméen (cf.sur internet: "Le carré SATOR, le Pater Noster et la Croix"); le poisson en grec se dit ΙΧΘΥΣ (ikhthus ou ichtus), acrostiche de la déclaration de foi : I : ΙΗΣΟΥΣ (Iēsous), X : ΧΡΙΣΤΟΣ (Khristos), Θ : ΘΕΟΥ (Théou) Υ : ΥΙΟΣ (Uios), Σ : ΣΩΤΗΡ (Sōtēr), ce qui signifie : Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur.
Pompei[Palestra Grande] Nautilus, l'enigme de l'empire, Osvaldo Rea, ISBN 88-901473-7-7
La solution juive
Une interprétation récente d'un jeune chercheur aurillacois, Nicolas Vinel, donne une lecture plus juive que chrétienne, rapportée dans le n° 173 de la Revue de l'histoire des religions[5]. En voici l'essentiel :
Il a eu l’intuition qu'un lien existait entre le célèbre carré de lettres et les carrés de chiffres, dits « magiques », dont il avait par ailleurs mis en évidence l’origine pythagoricienne à partir d'un passage du philosophe syrien Jamblique (IIIe-IVe siècle de notre ère). La pratique de ces carrés magiques n'était jusque-là attestée en Occident qu’à partir du XIVe siècle de notre ère. À cette date, un traité byzantin leur est consacré, qui donne un exemple de carré magique de 5. Nicolas Vinel a soupçonné que l'exemple du traité byzantin, s'il était bien une émanation pythagoricienne, pouvait avoir servi à coder le carré Sator de Pompéi. Le berceau du pythagoricisme étant précisément l'Italie du Sud, l'hypothèse n'était pas absurde. Restait à encoder celui-ci {ROTAS - 12345, OPERA = 678910...) et à le convertir en lui appliquant le chiffre transmis par les Byzantins.
*11 24 07 20 03* T O P O T * 4 12 25 08 16* A E R E A *17 05 13 21 09* R S N S R *10 18 01 14 22* A E R E A *23 06 19 02 15* T O P O T
Le résultat est frappant. La parfaite symétrie de toutes les lettres autour du N central saute d'abord aux yeux. En scrutant davantage, l'observateur repérera le double mot AEREA que relient de chaque cote deux ARA, pour former un rectangle de 3 sur 5 cases. Dans le latin du Ier siècle, la locution signifie « autel de bronze ». Un familier de l'Ancien Testament pensera alors aux descriptions de l'autel de bronze, dont le livre de Josué fait le symbole de la présence de YHWH pour le peuple en exil (Ex 27,1-2; 2 Ch 6; Jos 22,28-29). Il verra peut-être sinuer les lettres de SERPENS au-dessus et au-dessous d'AEREA, comme le « serpent de bronze » que brandit Moise au désert pour sauver ses compatriotes d'une mort certaine (Nb 21,6-9). Le TENET pointant en diagonale vers les angles lui rappellera l’immunité assurée à celui qui saisissait l'autel par une corne (1R 1,50). Et si notre examinateur n'est pas encore convaincu que le carré désigne explicitement la présence et le salut divins, Nicolas Vinel passera du latin... à l'hébreu, comme le font volontiers les inscriptions juives antiques. Il expliquera alors que les quatre OT qui enserrent le tableau sont précisément la transcription du mot « signe » et que le Taw hébraïque, coincé dans les angles, est aussi le signe que YHWH ordonna d'écrire sur le front des justes (Ez 9,4). Dans le cas particulier du Sator de la palestre de Pompéi, une épigraphe, SAUTRAN VALE, a été ajoutée sous le SATOR de la ligne inférieure. Un hébraïsant ne manquera pas leur racine commune STR, qui renvoie a l'idée de « cacher, protéger ». Ce que fait en somme le carré !
Notes et références
- [1], Gazette des Mathématiciens, 1996. Mots croisés mélanophobes: Laurent Bartholdi,
- Formules, n° 9, septembre 2005. Deux grilles 9 x 9 : Nicolas Graner,
- Arepo in the Magic Sator' Square : J. Gwyn Griffiths, The Classical Review, New Ser., Vol. 21, No. 1, March 1971, pp. 6-8
- C’est ainsi, par exemple que le traduit David Crystal dans The Cambridge Encyclopedia of Language, Cambridge : Cambridge University Press, 1987
- Nicolas Vinel, "Le judaïsme caché du carré SATOR de Pompéi", Revue de l'histoire des religions, tome 223, volume 2, 2006, pp. 173-194
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