Campagne franco-américaine aux états-unis (octobre 1781)

Campagne franco-américaine aux états-unis (octobre 1781)

Campagne franco-américaine aux États-Unis (octobre 1781)

Campagne franco-américaine aux États-Unis (octobre 1781) durant la guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique

Le général Charles O'Hara remettant l'épée du lieutenant-général Charles Cornwallis au Comte de Rochambeau et au général George Washington à Yorktown le 19 octobre 1781.
Gravure anonyme (v. 1783).

Sommaire

Début octobre

Le 1er octobre 1781, les deux redoutes auxquelles les Américains travaillaient n'étant point encore finies, les ennemis ne cessèrent de les canonner. Ils ne tuèrent que deux hommes et ne purent interrompre le travail, qui ne fut achevé que le 5. Les Américains n'éprouvèrent plus que des pertes insignifiantes, le feu des ennemis s'étant très-ralenti pendant les deux derniers jours.[1]

Les Français ne restaient pas non plus inactifs. Guillaume de Deux-Ponts faisait des reconnaissances sur tout le front des troupes et s'assurait que la droite des fortifications de l'ennemi était la partie la meilleure de leurs défenses.

Brillant engagement de de Choisy

M. de Choisy avait eu de son côté, le 3, un brillant engagement.[2]

Dans cette affaire, pendant laquelle M. de Choisy resta en arrière avec un corps de la milice[3] pour soutenir la légion de Lauzun, le commandant de l'infanterie britannique fut tué et Tarleton lui-même fut grièvement blessé. La perte des Français fut très faible[4]. Comme conséquence immédiate de ce succès, M. de Choisy put porter ses postes avancés à un mille de Glocester. Dans cette nouvelle position les patrouilles se fusillaient continuellement, et M. de Lauzun dit qu'il ne put dormir pendant le reste du temps que dura le siège.[5]

Du 4 au 12 octobre, M. de Vioménil commande les travaux du siège d'Yorktown

La nuit suivante (du 4 au 5 octobre), le baron de Vioménil, officier général de jour, ordonna aux patrouilles de s'avancer jusque sous les retranchements des ennemis, ce qu'elles exécutèrent avec succès. Toutes eurent l'occasion de tirer leurs coups de fusil, et l'ennemi, très-inquiété, ne cessa de tirer le canon sans produire toutefois aucun mal.

Composition quotidienne des forces d'investissement

Le 6 octobre, l'artillerie de siège était presque toute arrivée, les fascines, les gabions, les claies, préparés, l'emplacement de la tranchée parfaitement reconnu. Le comte de Rochambeau donna l'ordre de l'ouvrir le soir même[6]

M. de Vioménil disposa dès cinq heures du soir les régiments dans la place qu'ils devaient couvrir. Les officiers du génie (de Querenet pour les Français et du Portail pour les Américains) installèrent à la nuit close, environ vers huit heures, les travailleurs, qui se mirent de suite à l'œuvre dans le plus grand silence.[7] Pendant cette nuit et de ce côté seulement, un grenadier fut tué, six autres blessés et un capitaine d'artillerie, M. de La Loge, eut une cuisse emportée par un boulet. Il mourut quelques heures après.

La gauche de l'attaque commençait à la rivière d'York, à environ deux cents toises de la place, et la parallèle s'étendait vers la droite en s'éloignant de cinquante à soixante toises jusque près de la nouvelle redoute construite par les Américains. En cet endroit elle se reliait à la tranchée ouverte, en même temps par ces derniers.[8]

Au point du jour, les travaux de la grande attaque se trouvèrent en état de recevoir les troupes. On s'occupa d'établir des batteries ainsi que des communications entre ces batteries et les tranchées ouvertes. Il y eut trois hommes de blessés.[9]

Le 8, la batterie du régiment de Touraine fut terminée ainsi qu'une autre construite par les Américains; mais on avait donné l'ordre de ne pas tirer encore. Les ennemis, au contraire, ne cessaient de canonner. Ils ne tuèrent cette nuit qu'un homme et en blessèrent un autre.[10]

Le 9, une frégate ennemie, la Guadeloupe, de vingt-six canons, ayant tenté de remonter la rivière, la batterie de Touraine tira sur elle à boulets rouges. La frégate se mit à couvert sous le feu de la ville; mais le Charon, vaisseau ennemi de cinquante, fut atteint et brûla[11]. Le soir, la batterie américaine commença aussi un feu soutenu. Les déserteurs apprirent que lord Cornwallis avait été surpris de cette attaque de l'artillerie. Ses troupes en étaient décontenancées, car leur général leur avait assuré que les assiégeants n'étaient pas à craindre malgré leur nombre, puisqu'ils n'avaient pas de canons. Il y eut ce jour deux blessés.

Le 10, au matin, huit bateaux plats des ennemis chargés de troupes remontèrent la rivière à environ un mille et tentèrent de débarquer du côté de M. de Choisy. Celui-ci, instruit de leur projet, les reçut à coups de canon et les força à s'en retourner. Le même jour, les Français démasquèrent une forte batterie sur le milieu de leur front. Son tir parut faire beaucoup de dégâts au milieu des batteries ennemies, qui ralentirent leur feu.[12]

Le 11, M. de Chastellux étant maréchal de camp, huit cents travailleurs, sous la protection de deux bataillons de Gâtinais et de deux bataillons de Deux-Ponts, commencèrent la construction de la seconde parallèle à environ cent quarante toises en avant de la première et à petite portée de fusil de la place. On s'attendait à une vigoureuse sortie et l'on avait renforcé les quatre bataillons de service ordinaire de quelques compagnies auxiliaires de grenadiers de Saintonge et de chasseurs de Bourbonnais. Mais on n'eut qu'à échanger quelques coups de fusil avec de faibles patrouilles britanniques qui ne s'attendaient pas sans doute à trouver les assiégeants si près.[13],[14] Le 12, on occupa six cents travailleurs à achever la seconde parallèle et à construire des batteries. L'ennemi dirigea sur ce point un feu assez nourri, qui tua six hommes et en blessa onze. Deux officiers de Soissonnais, MM. de Miollis et Durnes furent blessés.

Le 13 se passa en travaux exécutés sur les mêmes points par six cents hommes, protégés par quatre bataillons d'Agenais et de Saintonge, sous les ordres de M. le vicomte de Vioménil, maréchal de camp. On échangea beaucoup de bombes et de boulets de canon. Aussi y eut-il un homme tué et vingt-huit blessés.

Pour que cette seconde parallèle pût comme la première s'allonger vers la droite jusqu'à la rivière d'York, il fallait nécessairement s'emparer de deux redoutes ennemies qui se trouvaient sur son trajet.[15]

M. de Vioménil veut donner l'assaut

Le 12, les généraux accompagnés de quelques d'aciers de leur état-major, au nombre desquels était Dunks, s'étaient rendus, à l'attaque des Français, dans une batterie fort bien placée deçà d'un ravin qui la séparait de la redoute la plus éloignée du fleuve. Le baron de Vioménil témoignait une grande impatience.[16]

Rochambeau l'en dissuade

«Vous vous trompez, lui dit M. de Rochambeau; mais en reconnaissant l'ouvrage de plus près on pourra s'en assurer.» Il ordonna de cesser le feu, défendit à ses aides de camp de le suivre et n'y autorisa que son fils, le vicomte de Rochambeau. Il sortit de la tranchée, descendit lentement dans le ravin en faisant un détour, et, remontant ensuite l'escarpement opposé, il s'approcha de la redoute jusqu'aux abatis qui l'entouraient. Après l'avoir bien observée, il revint à la batterie sans que l'ennemi l'eût dérangé par le moindre coup de feu.[17] Cet acte de sang-froid et de courage modéra l'ardeur du baron de Vioménil.[18]

L'attaque est décidée

L'attaque des redoutes fut décidée pour le 14 au soir. [19]

Dès le matin, M. de Vioménil sépara les grenadiers et les chasseurs des deux régiments de tranchée et en forma un bataillon dont il donna le commandement à Guillaume de Deux-Ponts en lui disant qu'il croyait par là lui donner une preuve de sa confiance.[20]

A ce moment M. de Rochambeau vint dans la tranchée et, s'adressant aux soldats du régiment de Gâtinais, il leur dit: «Mes enfants, si j'ai besoin de vous cette nuit, j'espère que vous n'avez pas oublié que nous avons servi ensemble dans ce brave régiment d'Auvergne sans tache, surnom honorable qu'il a mérité depuis sa création.» Ils lui répondirent que, si on leur promettait de leur rendre leur nom, ils allaient se faire tuer jusqu'au dernier. M. de Rochambeau le leur promit, et ils tinrent parole comme on le verra. Le roi, sur le rapport que lui fit M. de Rochambeau de cette affaire, écrivit de sa main: bon pour Royal-Auvergne.

Détails sur les forces prenant part à l'assaut

M. le baron de Vioménil dirigeait l'attaque; mais le commandement immédiat en était donné à Guillaume de Deux-Ponts. Les chasseurs de Gâtinais, commandés par le baron de l'Estrade, avaient la tête de la colonne. Ils étaient par pelotons. [21] M. de Vauban, qui avait été chargé par M. de Rochambeau de lui rendre compte de ce qui se serait passé, se tenait auprès de M. de Deux-Ponts. Celui-ci donna l'ordre de ne tirer que lorsqu'on serait arrivé sur le parapet, et défendit que personne sautât dans les retranchements avant d'en avoir reçu l'ordre. Après ces dernières instructions, on attendit le signal convenu pour se mettre en marche.

Les troupes françaises et les milices américaines rivalisent d'ardeur

L'attaque des troupes françaises sur la redoute de gauche était combinée avec celle des troupes américaines aux ordres de La Fayette et Steuben sur la redoute de droite. Elles devaient se faire toutes les deux au même signal. Le régiment de Touraine devait simultanément les soutenir par une fausse attaque, et M. de Choisy, par une démonstration du côté de Glocester.

Les six bombes qui devaient donner le signal furent tirées vers onze heures, et les quatre cents hommes que commandait Guillaume de Deux-Ponts se mirent en marche dans le plus profond silence. À cent vingt pas environ de la redoute, ils furent aperçus par une sentinelle hessoise qui, du haut du parapet, cria en allemand Wer da? (Qui vive?). On ne répondit rien, mais on doubla le pas. Immédiatement l'ennemi fit feu. [22]

Charles de Lameth parvint le premier sur le parapet et il reçut à bout portant la première décharge de l'infanterie hessoise. Une balle lui fracassa le genou droit, une autre lui traversa la cuisse gauche. M. de l'Estrade, malgré son âge, escaladait le parapet après lui.[23] Bien qu'il fût tout meurtri, M. de l'Estrade se releva et remonta à l'assaut. M. de Deux-Ponts retomba aussi dans le fossé après une première tentative. M. de Sillègue, jeune officier des chasseurs de Gâtinais, qui était un peu plus en avant, vit son embarras et lui offrit son bras pour l'aider à monter.[24] L'ennemi faisait un feu très-vif et chargeait à coups de baïonnette, mais sans faire reculer personne. Les charpentiers avaient fini par faire dans les palissades une large brèche qui permit au gros de la troupe d'arriver sur le parapet. Il se garnissait rapidement et le feu des assaillants devenait très-vif à son tour, tandis que l'ennemi s'était placé derrière une sorte de retranchement de tonneaux qui ne le protégeait guère.

Le moment était venu du reste de sauter dans la redoute et M. de Deux-Ponts se disposait à faire avancer à la baïonnette, quand les Britanniques mirent bas les armes. Un cri général de Vive le roi fut poussé par les Français qui venaient d'emporter la place. Ce cri eut un écho parmi les troupes de la tranchée. Mais les Britanniques y répondirent des autres postes par une salve d'artillerie et de mousqueterie.[25]

L'ennemi se contenta d'envoyer quelques boulets sur la redoute, mais ne fit pas de tentative sérieuse pour la reprendre.[26]

Dans les sept minutes qui suffirent pour emporter cette redoute, les Français perdirent quarante-six hommes tués et soixante-deux blessés, parmi lesquels six officiers: MM. Charles de Lameth, Guillaume de Deux-Ponts, de Sireuil, capitaine de Gâtinais, de Sillègue et de Lutzon. M. de Berthelot, capitaine en second de Gâtinais, fut tué.

Dès que Dumas fut informé de la blessure de son ami Charles de Lameth, il accourut auprès de lui à l'ambulance. Les chirurgiens déclarèrent d'abord qu'il ne pourrait être sauvé que par l'amputation des deux cuisses, mais le chirurgien en chef, M. Robillard, plutôt que de réduire à l'état de cul-de-jatte un jeune officier de cette espérance, ne voulut pas faire les amputations et s'en remit à la nature pour la guérison de blessures aussi graves. Le succès couronna sa confiance. Charles de Lameth se remit promptement et revint en France deux mois après.

M. de Sireuil mourut de sa blessure quarante jours après.

Les ennemis perdirent aussi beaucoup de monde. On compta de leur côté dix-huit morts restés dans la redoute. On fit aussi quarante soldats prisonniers et trois officiers. Les cent soixante-dix hommes restants s'échappèrent, emportant leurs blessés.

Lafayette et de Vioménil

La redoute du côté des Américains fut enlevée avec une rapidité plus grande encore, et l'on peut dire à ce propos que les troupes alliées rivalisèrent d'ardeur. Cette rivalité de la part des chefs causa même un commencement de jalousie. M. le baron de Vioménil ne se gêna pas la veille de l'attaque pour manifester à M. de La Fayette le peu de confiance qu'il avait dans les troupes américaines pour le coup de main projeté, et fit trop paraître son dédain pour ces milices peu aguerries.[27]

Il donna le commandement des troupes américaines au colonel Hamilton, prit sous ses ordres les colonels Laurens et de Gimat. L'ardeur des troupes fut telle qu'elles ne laissèrent pas aux sapeurs le temps de frayer la voie en coupant les abatis. Le bataillon du colonel Barber, qui était le premier dans la colonne destinée à soutenir l'attaque, ayant été détaché au secours de l'avant-garde, arriva au moment où l'on commençait à s'emparer des ouvrages. Au rapport de La Fayette lui-même, pas un coup de fusil ne fut tiré par les Américains, qui n'employèrent que la baïonnette. M. de Gimat fut blessé à ses côtés. Le reste de la colonne, sous les généraux Muhlenberg et Hazen, s'avançait avec une discipline et une fermeté admirables. Le bataillon du colonel Vose se déployait à la gauche. Le reste de la division et l'arrière-garde prenaient successivement leurs positions, sous le feu de l'ennemi, sans lui répondre, dans un ordre et un silence parfaits[28].

Le colonel Barber

La redoute fut emportée immédiatement. Elle n'était défendue que par quarante hommes, tandis qu'il y en avait cent cinquante à l'autre redoute. Comme le feu des Français durait encore, La Fayette, trouvant le moment favorable pour donner une leçon de modestie au baron de Vioménil, envoya auprès de lui le colonel Barber, son aide de camp, pour lui demander s'il avait besoin d'un secours américain.[29]

Dans le courant de la nuit et du jour suivant, on s'occupa de continuer la seconde parallèle à travers la redoute prise par les Français jusqu'à celle des Américains; puis on installa dans cette parallèle une batterie de canons qui commença aussitôt son feu.

Les redoutes sont enlevées

Pendant que Français et Américains rivalisaient de courage, deux fausses attaques tenaient en échec une partie des forces dont pouvait disposer lord Cornwallis. C'étaient d'abord, à la gauche des lignes françaises, sur le bord de la rivière d'York, les batteries dressées par le régiment de Touraine qui ouvrirent un feu très-vif sur les ouvrages ennemis. Les Français ne perdirent aucun homme sur ce point[30].

Du côté de Glocester, M. de Choisy reçut l'ordre de faire aussi une fausse attaque. Emporté par sa bravoure, il résolut de la faire aussi sérieuse que possible et d'emporter, l'épée à la main, les retranchements ennemis.[31] Furieux de son échec, il se disposait deux jours plus tard à renouveler sa tentative, lorsqu'il en fut empêché par les préliminaires de la capitulation.

Cependant le succès remporté par les troupes alliées dans la nuit du 14 au 13 octobre avait inspiré trop de confiance aux soldats d'Agenais et de Soissonnais qui étaient de tranchée la nuit suivante avec M. de Chastellux pour maréchal de camp.Ils n'exercèrent point une surveillance suffisante, placèrent peu de sentinelles et s'endormirent pour la plupart en ne laissant personne à la garde des batteries. Les Britanniques envoyèrent, à cinq heures du matin, un corps de six cents hommes d'élite contre les postes avancés des Français et des Américains. [32] Les Britanniques ne se retirèrent que devant M. de Chastellux, qui arrivait bien tardivement avec sa réserve. Ce général mit tous ses soins à réparer le mal causé par l'ennemi dans son heureuse sortie. Il poussa vivement la construction de nouvelles batteries, et, grâce au zèle du commandant de l'artillerie, M. d'Aboville, les pièces, mal enclouées, purent recommencer leur feu six heures après ce petit échec.

Dès le matin du 16, d'autres batteries étaient prêtes et commencèrent à prendre à ricochet le couronnement des défenses de l'ennemi. En plusieurs endroits les fraises furent détruites et des brèches pratiquées. L'ennemi ne laissa pas que de répondre encore à cette attaque, et les Français eurent deux hommes tués et dix blessés. Le marquis de Saint-Simon, qui était de service comme maréchal de camp avec M. de Custine comme brigadier, fut légèrement blessé. Mais il ne voulut quitter la tranchée qu'après ses vingt-quatre heures de service écoulées, lorsque le comte de Vioménil vint le remplacer avec deux bataillons de Bourbonnais et deux autres de Royal-Deux-Ponts. Un officier d'artillerie, M. de Bellenger, fut aussi tué dans cette journée.

La position de Cornwallis devient insoutenable

Cependant la position de lord Cornwallis n'était plus tenable. Il avait résisté jusqu'à la dernière extrémité et le quart de son armée était dans les hôpitaux. Il avait en vain attendu des secours de New-York et il se trouvait privé de vivres et de munitions.

Il envoie le 17 un parlementaire à Washington

Déjà, dès le 17, à dix heures du matin, il avait envoyé un parlementaire au camp des alliés pour demander une suspension d'armes de vingt-quatre heures. Mais le général Washington n'ayant pas trouvé sa demande assez explicite avait ordonné de continuer le feu. On continua en effet à tirer jusqu'à quatre heures: à ce moment vint un nouveau parlementaire qui soumit au généralissime de nouvelles conditions. L'attaque fut suspendue et la journée du 18 se passa tout entière en négociations.

Le vicomte de Noailles au nom de l'armée française, le colonel Laurens pour l'armée américaine et M. de Grandchain pour la flotte, avaient été nommés par leurs généraux respectifs pour dresser les articles de la capitulation, conjointement avec des officiers de l'armée de lord Cornwallis. Celui-ci demanda à sortir tambours battants et enseignes déployées, suivant la coutume adoptée quand on obtient les honneurs de la guerre. Le comte de Rochambeau et les officiers français, qui n'avaient aucun grief particulier contre le général britannique, étaient d'avis de les lui accorder. Les généraux américains n'étaient même pas contraires à cette opinion. Mais La Fayette, se rappelant que les mêmes ennemis avaient forcé, lors de la capitulation de Charleston, le général Lincoln à tenir ployés les drapeaux américains et à ne pas jouer une marche nationale, insista pour qu'on usât de représailles à leur égard et obtint que la capitulation se fît dans ces deux mêmes conditions, ce qui fut adopté.

Capitulation signée le 19

La capitulation fut signée le 19, à midi. À une heure, les alliés prirent possession des ouvrages britanniques, et, à deux heures, la garnison défila entre les deux haies formées par les Américains et les Français, et déposa ses armes, sur les ordres du général Lincoln, dans une plaine à la gauche des lignes françaises. La garnison de Glocester défila de son côté devant M. de Choisy; puis l'armée prisonnière rentra dans York et y resta jusqu'au 21. On la divisa en plusieurs corps qui furent conduits dans différentes parties de la Virginie, du Maryland ou de la Pensylvanie.

Lord Cornwallis prétexta une indisposition pour ne pas sortir à la tête de ses troupes. Elles furent commandées par le général Charles O'Hara. L'adjudant général Dumas fut chargé d'aller au-devant de ces troupes et de diriger la colonne.[33]

Chagrin des officiers britanniques

Les généraux et les officiers britanniques semblaient du reste très-affectés de leur défaite et faisaient paraître surtout leur mécontentement d'avoir dû céder devant des révoltés pour lesquels ils avaient professé publiquement jusque-là le plus grand dédain et même un mépris qui était souvent allé jusqu'à l'oubli des lois les plus ordinaires de l'humanité[34].

Dumas, en signalant ce dépit des officiers britanniques, qu'il était bien à même de remarquer, puisqu'il dirigeait la colonne prisonnière, raconte que le colonel Abercromby, des gardes britanniques, au moment où sa troupe mettait bas les armes, s'éloigna rapidement, se couvrant le visage et mordant son épée.

On se traita de part et d'autre avec la plus grande courtoisie, on se rendit des visites. Mais au milieu de ces démonstrations de politesse perçait, du côté des vaincus, un sentiment d'amertume qui se traduisait en paroles satiriques ou dédaigneuses pour les Américains, auxquels les Britanniques ne voulaient pas reconnaître qu'ils avaient été obligés de se rendre. Ainsi les généraux Washington, Rochambeau et La Fayette, envoyèrent chacun un aide de camp complimenter lord Cornwallis, qui retint celui de La Fayette, le major Washington, parent du général. Il lui dit qu'il mettait du prix à ce que le général contre lequel il avait fait cette campagne fût persuadé qu'il ne s'était rendu que par l'impossibilité de se défendre plus longtemps [35]

Le même général O'Hara: qui voulait rendre son épée à M. de Rochambeau plutôt qu'au général Washington, se trouvant un jour à la table des généraux français, fit semblant de ne pas vouloir être entendu de M. de La Fayette et dit qu'il s'estimait heureux de n'avoir pas été pris par les Américains seuls: «C'est apparemment, lui répliqua aussitôt La Fayette, que le général O'Hara n'aime pas les répétitions.» Il lui rappelait ainsi que les Américains seuls l'avaient déjà fait prisonnier une première fois avec Burgoyne. Les Français seuls le firent prisonnier quelques années après, pour la troisième fois, à Toulon.

Pertes des deux côtés

La garnison prisonnière se montait à 6 198 hommes, plus 1 800 matelots et 68 hommes pris pendant le siège. Mais il y en avait 4 873 dans les hôpitaux d'York. Ces troupes étaient composées du 1er bataillon des gardes du roi de Grande-Bretagne, des 17e, 23e 33e et 48e régiments d'infanterie, des 71e, 76e et 80e régiments des montagnards écossais, des régiments hessois du prince héréditaire et de Boos, et des régiments allemands d'Anspach et de Bayreuth, de la light infantry de la British légion et des queen's rangers[36].

On trouva en outre 214 bouches à feu de tous calibres, 7 320 petites armes, 22 drapeaux, 457 chevaux. Les Britanniques perdirent aussi 64 bâtiments dont ils coulèrent une vingtaine. Mais les 40 qui restaient étaient en bon état, 5 étaient armés, et la frégate la Guadeloupe de 24 canons qui avait été coulée put être relevée.

Les Français avaient eu pendant le siège 253 hommes tués ou blessés, parmi lesquels 18 officiers. Un seul de ceux-ci avait été tué le dernier jour du siège, c'était M. de Bellanger, lieutenant d'artillerie.

Quoique les troupes françaises fussent traitées sous tous les rapports comme des auxiliaires et que, les généraux français eussent toujours reconnu la suprématie des généraux américains, ceux-ci s'empressèrent de leur accorder la préférence pour la nourriture et pour tous les soins qui dépendaient d'eux. C'est ainsi que quand les troupes du marquis de Saint-Simon joignirent celles de La Fayette, le jeune général prit sur lui d'ordonner que l'on ne délivrât de farines aux troupes américaines que lorsque les Français auraient reçu des provisions pour trois jours. Aussi les Américains n'avaient-ils presque jamais que de la farine de maïs. Il fit prendre les chevaux des gentlemen du pays pour monter les hussards français, et les officiers supérieurs eux-mêmes cédèrent leurs propres chevaux dans le même but. Cependant il ne s'éleva pas la moindre plainte au su et de ces préférences que les soldats américains reconnaissaient devoir être accordées à des étrangers qui venaient de loin combattre pour leur cause.

Article détaillé : Capitulation de Yorktown.

Notes

  1. Thomas Balch mentionne comme un fait bizarre la destruction d'une patrouille de quatre soldats américains, dans la journée du 2, par un seul boulet. Trois de ces hommes furent tués sur le coup, et le quatrième gravement blessé.
  2. Voici comment Lauzun en parle dans ses Mémoires: «M. de Choisy commença dès son arrivée par envoyer promener le général Weedon et toute la milice, en leur disant qu'ils étaient des poltrons, et en cinq minutes il leur fit presque autant de peur que les Britanniques, et assurément c'était beaucoup dire. Il voulut dès le lendemain aller occuper le camp que j'avais reconnu. Un moment avant d'entrer dans la plaine de Glocester, des dragons de l'État de Virginie vinrent très-effrayés nous dire qu'ils avaient vu des dragons britanniques dehors et que, crainte d'accident, ils étaient venus à toutes jambes, sans examiner. Je me portai en avant pour tâcher d'en savoir davantage. J'aperçus une fort jolie femme à la porte d'une petite maison, sur le grand chemin; je fus la questionner; elle me dit que dans l'instant même le colonel Tarleton sortait de chez elle; qu'elle ne savait pas s'il était sorti beaucoup de troupes de Glocester; que le colonel Tarleton désirait beaucoup presser la main du duc français (to shake hands with the french duke). Je l'assurai que j'arrivais exprès pour lui donner cette satisfaction. Elle me plaignit beaucoup pensant, je crois par expérience, qu'il était impossible de résister à Tarleton; les troupes américaines étaient dans le même cas? «Je n'étais pas à cent pas de là que j'entendis mon avant-garde tirer des coups de pistolet. J'avançai au grand-galop pour trouver un terrain sur lequel je pusse me mettre en bataille. J'aperçus en arrivant la cavalerie britannique, trois fois plus nombreuse que la mienne (Elle comptait quatre cents chevaux et était soutenue par deux cents fantassins qui faisaient un fourrage). Je la chargeai sans m'arrêter. Tarleton me distingua et vint à moi le pistolet haut. Nous allions nous battre entre les deux troupes, lorsque son cheval fut renversé par un de ses dragons poursuivi par un de mes lanciers. Je courus sur lui pour le Prendre (On remarquera ce trait qui est dans le caractère de Lauzun; son adversaire étant démonté pendant cette sorte de duel, il court sur lui, non pour le tuer, mais pour le prendre.); une troupe de dragons britanniques se jeta entre nous deux et protégea sa retraite; son cheval me resta. Il me chargea une deuxième fois sans me rompre je le chargeai une troisième, culbutai une partie de sa cavalerie et le poursuivis jusque sous les retranchements de Glocester. Il perdit un officier, une cinquantaine d'hommes, et je fis un assez grand nombre de prisonniers.»
  3. Cette conduite de Choisy n'est-elle pas la justification de celle de Weedon qui ne voulait pas exposer imprudemment ses milices
  4. Trois hussards furent tués et onze blessés. MM. Billy Dillon et Dutertre, capitaines de la légion, furent blessés légèrement; MM. Robert Dillon, Sheldon, Beffroy et Monthurel s'y distinguèrent
  5. M. de Lauzun ne raconte pas dans ses mémoires le trait suivant recueilli par un autre officier et qui lui fait honneur. Comme il s'en revenait avec sa troupe, il aperçut un des lanciers de sa légion qui se défendait à quelque distance contre deux lanciers de Tarleton. Sans rien dire à personne, il lâcha la bride à son cheval et alla le délivrer.
  6. Les détails du service pendant le siège sont dans le Journal de M. de Ménonville Furent commandés pour ce service: Maréchal de camp: M. le baron de Vioménil. Brigadier: le comte de Custine. Bourbonnais: deux bataillons. Soissonnais: id. Travailleurs de nuit: mille hommes. Ces mille hommes étaient composés avec deux cent cinquante pris dans chacun des quatre régiments qui n'étaient pas de tranchée, non compris celui de Touraine.
  7. Ils ne furent pas inquiétés par les Britanniques, qui portaient toute leur attention et dirigèrent tout leur feu sur le régiment de Touraine. Celui-ci était chargé, à l'extrême gauche de la ligne française, de construire une batterie de huit pièces de canon et dix obusiers pour servir de fausse attaque.
  8. Le 7 octobre, le service fut ainsi organisé: Maréchal de camp: M. de Chastellux. Agenais: deux bataillons. Saintonge: id. Travailleurs de nuit: neuf cents hommes.
  9. Le 8, maréchal de camp: le marquis de Saint-Simon. Brigadier: de Custine. Gâtinais: deux bataillons. Royal Deux-Ponts: deux bataillons. Auxiliaires: les grenadiers de Soissonnais et de Saintonge. Travailleurs de nuit: huit cents hommes.
  10. Le 9, maréchal de camp: le comte de Vioménil. Bourbonnais: deux bataillons. Soissonnais: id. Auxiliaires: chasseurs d'Agenais et de Gâtinais. Travailleurs de nuit: sept cents hommes.
  11. Jamais spectacle plus horrible et plus beau n'a pu s'offrir à l'oeil. Dans une nuit obscure, tous ses sabords ouverts jetant des gerbes de feu, les coups de canon qui en partaient, l'aspect de toute la rade, les vaisseaux sous leurs huniers fuyant les vaisseaux enflammés, tout cela faisait un spectacle terrible et grandiose. (Mercure de France, novembre 1781; rapport d'un officier généralfrançais.)
  12. Maréchal de camp: le baron de Vioménil. Brigadier: M. de Custine. Agenais et Saintonge: deux bataillons chacun. Travailleurs de nuit: trois cents hommes. Il y eut un soldat tué et trois blessés.
  13. Il y eut quatre hommes blessés: à la grande attaque et trois à l'attaque de Touraine. Les Américains maintenaient leurs travaux à la hauteur de ceux des Français.
  14. Le 12, maréchal de camp: M. de Saint-Simon; Brigadier: M. de Custine; Bourbonnais: deux bataillons. Soissonnais: id. Auxiliaires: grenadiers d'Agenais et de Gâtinais.
  15. L'une de ces redoutes était à l'extrême droite sur le bord du fleuve en avant des troupes américaines; l'autre, qui n'en était pas éloignée de plus de cent toises, était à la jonction de la parallèle des Américains avec celle des Français, à la droite de ceux-ci. La prise de ces redoutes était devenue indispensable.
  16. Il soutenait que les canons de la batterie dans laquelle on se trouvait avaient suffisamment endommagé la redoute qu'on retardait inutilement l'attaque, puisque le feu de l'ennemi paraissait éteint.
  17. «Eh bien, dit-il, les abatis et les palissades sont encore en bon état. Il faut redoubler notre feu pour les briser et écrêter le parapet; nous verrons demain si la poire est mûre.»
  18. 12 octobre 1781, il y avait à l'hôpital de Williamsbourg quatre cents malades ou blessés et treize officiers, avec défaut complet de moyens. Il fallait, non-seulement des secours pour l'ambulance, mais aussi pour M. de Choisy du côté de Glocester. M. Blanchard déploya dans son service la plus grande activité et le zèle le plus louable; mais il avoua que si le nombre des blessés avait été plus grand, il aurait été dans l'impossibilité de leur faire donner les soins nécessaires.
  19. Le baron de Vioménil était maréchal de camp de service et M. de Custine brigadier. Il y avait à la tranchée deux bataillons de Gâtinais, deux autres de Deux-Ponts, et, en outre, des auxiliaires tirés des grenadiers de Saintonge, des chasseurs de Bourbonnais, d'Agenais et de Soissonnais.
  20. Ces paroles remplirent de joie M. de Deux-Ponts, qui se douta bien de ce qu'on attendait de lui. Dans l'après-midi, M. de Vioménil vint prendre cet officier et l'emmena avec le baron de l'Estrade, lieutenant-colonel de Gâtinais, qu'il lui donna pour second, et deux sergents des grenadiers et chasseurs du même régiment, Le Cornet et Foret. Ceux-ci, aussi braves qu'intelligents au rapport de Guillaume de Deux-Ponts, étaient spécialement chargés de reconnaître avec la dernière exactitude le chemin que l'on devrait suivre pendant la nuit. Ils devaient marcher à la tête des porte-haches. M. de Deux-Ponts revint ensuite former son bataillon et le conduisit à l'endroit de la tranchée le plus voisin de celui d'où on devait déboucher.
  21. Au premier rang se trouvaient les deux sergents Foret et Le Cornet, avec huit charpentiers précédant cent hommes portant les uns des fascines et les autres des échelles ou des haches. M. Charles de Lameth, qui venait de remettre le service de tranchée à Dumas, s'était joint à cette première troupe ainsi que M. de Damas. Venaient ensuite les grenadiers de Gâtinais rangés par files, sous le commandement de M. de l'Estrade, puis les grenadiers et chasseurs de Deux-Ponts en colonne par sections. Les chasseurs des régiments de Bourbonnais et d'Agenais suivaient à cent pas en arrière de ce bataillon, commandé par Guillaume de Deux-Ponts (Il est à remarquer que Guillaume de Deux-Ponts, bien qu'il ne fût que lieutenant-colonel, fut toujours chargé de postes plus importants que le marquis son frère, qui était colonel du même régiment.). Le second bataillon du régiment de Gâtinais, commandé par le comte de Rostaing, terminait la réserve.
  22. On ne lui répondit pas davantage, et les charpentiers qui marchaient en tête attaquèrent les abatis à coups de hache. Ils étaient encore bien forts et bien conservés, malgré le feu continu des jours précédents. Ils arrêtèrent quelques instants la colonne d'attaque, qui, se trouvant encore à vingt-cinq pas de la redoute, aurait été fort exposée si l'obscurité n'avait enlevé au tir de l'ennemi toute précision. Une fois les abatis et les palissades franchis avec résolution, les fascines furent jetées dans le fossé, et tous luttèrent d'ardeur et d'activité pour se faire jour au travers des fraises ou monter à l'assaut.
  23. Mais telle était l'ardeur des soldats que l'un d'eux ne reconnaissant pas son chef, se suspendit à son habit pour s'aider à monter et le précipita dans le fossé où plus de deux cents hommes passèrent nécessairement sur son corps.
  24. Au même instant il reçut un coup de fusil dans la cuisse. Un petit nombre d'hommes étant enfin parvenus sur le parapet, M. de Deux-Ponts ordonna de tirer.
  25. «Jamais je ne vis un spectacle plus majestueux. Je ne m'y arrêtai pas longtemps; j'avais mes soins à donner aux blessés, l'ordre à faire observer parmi les prisonniers, et des dispositions à prendre pour garder le poste que je venais de conquérir.» (Deux-Ponts.)
  26. Comme une sentinelle vint avertir M. de Deux-Ponts que l'ennemi paraissait, il avança la tête hors du parapet pour regarder: au même instant un boulet vint frapper le parapet tout près de sa tête et ricocha en lui criblant la figure de sable et de gravier. Cette blessure était peu grave, mais elle ne le força pas moins à quitter son poste pour aller à l'ambulance.
  27. La Fayette, un peu piqué, lui dit: «Nous sommes de jeunes soldats, il est vrai; mais notre tactique, en pareil cas, est de décharger nos fusils et d'entrer tout droit à la baïonnette.» Il le fit comme il le dit.
  28. Mémoires de La Fayette
  29. Cette démarche était en réalité inutile, car les Français ne furent de leur côté que sept minutes à se rendre maîtres de la position qu'ils avaient attaquée. Ils avaient aussi rencontré de plus sérieux obstacles et une résistance plus énergique. Mais le colonel Barber fit preuve en cette circonstance d'un sang-froid qui étonna les officiers français. Il fut blessé dans le trajet par le vent d'un boulet ennemi qui lui fit une contusion au côté. Il ne voulut pourtant pas se laisser panser avant de s'être acquitté de sa commission, qui resta d'ailleurs sans réponse.
  30. Après la nuit de la grande attaque (du 14 au 15 octobre 1781), le nombre des malades à l'ambulance était d'environ cinq cents dont vingt officiers. (Blanchard.)
  31. Dans ce but, il fit distribuer des haches à la milice américaine pour couper les palissades. Mais au premier coup de feu, beaucoup de miliciens jetèrent les haches et les fusils et prirent la fuite. Ainsi abandonné avec quelques compagnies seulement d'infanterie française, M. de Choisy dut se replier sur la cavalerie de Lauzun après avoir perdu une douzaine d'hommes.
  32. Ils surprirent ces postes, enclouèrent du côté des Français une batterie de sept canons, tuèrent un homme et en blessèrent trente-sept autres, ainsi que plusieurs officiers: MM. Marin, capitaine de Soissonnais; de Bargues, lieutenant de Bourbonnais; d'Houdetot, lieutenant d'Agenais; de Léaumont, sous-lieutenant d'Agenais, et de Pusignan, lieutenant d'artillerie. M. de Beurguissant, capitaine d'Agenais, qui avait été chargé de la garde et de la défense de la redoute prise dans la nuit précédente, fut lui-même blessé et fait prisonnier.
  33. Il se plaça à la gauche du général O'Hara, et comme celui-ci lui demanda où se tenait le général Rochambeau: «À notre gauche, répondit Dumas; à la tête de la ligne française;» et aussitôt le général O'Hara pressa le pas de son cheval pour présenter son épée au général français. Dumas devinant son intention partit au galop pour se placer entre le général britannique et M. de Rochambeau. Celui-ci lui indiquait en même temps d'un geste le général Washington placé en face de lui à la tête de l'armée américaine. «Vous vous trompez, lui dit alors Dumas, le général en chef de notre armée est à la droite; puis il le conduisit. Au moment où le général O'Hara levait son épée pour la remettre, le général Washington l'arrêta en lui disant: Never from such good a hand(jamais d'une aussi bonne main).
  34. Les troupes britanniques commirent pendant la guerre de l'Indépendance, et sur tous les points du globe où elles eurent à combattre, les actes de barbarie les plus révoltants et les plus contraires non-seulement aux lois de l'humanité, mais même à celles que l'usage a consacrées dans les guerres entre peuples civilisés.
  35. Lord Cornwallis donna à dîner le 21 au duc de Lauzun, qui, revenant de Glocester, passait au parc; ce général était assez gai et on le trouva fort aimable. Le lendemain, le vicomte de Damas alla l'inviter à dîner de la part de M. de Rochambeau. Ce jour-là il parut plus triste que de coutume. Il n'avait rien à se reprocher, mais se plaignait de Clinton.
  36. Les troupes d'Anspach, deux jours après la capitulation, offrirent, officiers et soldats, au duc de Lauzun de servir dans sa légion. M. de Lauzun leur répondit qu'ils appartenaient aux Américains et qu'il ne pouvait les prendre au service du roi de France sans l'agrément du roi et du Congrès.

Source

Thomas Balch, Les Français en Amérique pendant la guerre de l’Indépendance des États-Unis 1777-1783, 1872 [détail de l’édition]

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