- Brigade irlandaise
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La Brigade irlandaise est un corps de l'armée française de l'Ancien Régime, dont les régiments sont composés d'Irlandais jacobites réfugiés en France. Elle est créée par Louis XIV au début de l'année 1690. À partir de 1697, la Brigade irlandaise, initialement constituée de trois régiments, intègre d'autres unités issues de l'armée du roi Jacques II. Elle apporte son soutien à plusieurs rébellions jacobites en Grande-Bretagne, mais participe aussi aux guerres menées par l'armée française au XVIIIe siècle. Elle est dissoute au début de la Révolution française.
Sommaire
La formation de la Brigade irlandaise
L'exil irlandais en France
Le 16 novembre 1688, Guillaume d’Orange débarque à Torbay en Angleterre pour s’opposer au roi d’Angleterre le catholique Jacques II. Le parlement anglais lui propose, avec sa femme Mary, de prendre la couronne des trois royaumes, Angleterre, Écosse et Irlande.
Après la bataille de la Boyne et la chute de Limerick fin 1691, l’Irlande est perdue pour Jacques II qui se réfugie en France et s'installera au château de Saint-Germain-en-Laye. Il est suivi par les soldats irlandais qui avaient combattu à ses côtés et que la tradition a pris l’habitude de désigner comme les Wild Geese, les « Oies sauvages ».
Article détaillé : Oies sauvages (jacobites).Pour le Roi-Soleil, les troupes irlandaises constituent un apport militaire non négligeable. Pour Jacques II, elles maintiennent un espoir de restauration. Pour les soldats irlandais, le maintien des régiments sur le continent était le symbole de la poursuite de la lutte pour la cause jacobite et, d’une certaine manière, pour la cause irlandaise. Le bloc des régiments irlandais passés en France est devenu un morceau d’Irlande rapporté sur le continent.
L’arrivée des régiments irlandais en France
Avant la bataille de Limerick, suite à l'envoi de renforts en Irlande sous le commandement du duc de Lauzun, Louis XIV exige en échange que cinq régiments d’infanterie irlandais passent à son service en France.
- Première vague de mai 1690 (avant la défaite de La Boyne).
Les régiments irlandais de Mountcashel, d'O'Brien et du lieutenant général Arthur Dillon (1670-1733), fils de Théobald Dillon[1], auxquels s'ajoutent les restes des régiments de Richard Butler et de Fielding, sont rassemblés à Cork, s'embarquent sur les vaisseaux français de Chateau-Renaud et arrivent à Brest le 1er mai 1690. Ils sont armés et équipés à la charge des familles qui les ont levés[2].
Ces troupes sont placées sous le commandement de Mac Carthy, lord Mountcashel, qui les réorganise aussitôt en 3 régiments, constituant la "Brigade Mountcashel", plus connue sous le nom de "Brigade irlandaise"[3] :
La brigade compte 5371 hommes à l’origine, 6039 en 1698. Chaque régiment se compose de deux bataillons de quinze compagnies de cent hommes dont la compagnie propre du colonel.
- Deuxième vague du 3 décembre 1691 (après la capitulation de Limerick)
Aux termes du Traité de Limerick (13 octobre 1691), les vaincus ont la faculté de se retirer en France avec armes et bagages. La plupart le font sur une flotte de 50 vaisseaux rassemblée par leur vainqueur, le général anglais Ginckle. Ils arrivent à Brest le 3 décembre 1691. Ces troupes sont réparties entre :
- 1 régiment de cavalerie, commandé par Tyrconnel, que Jacques II garde auprès de lui à St Germain-en-Laye, comme garde d'honneur, et qui prend à cette occasion le nom de "Royal Regiment of Horse", et devint en 1701, le Sheldon cavalerie, puis le Nugent, et enfin le Fitz James.
- 5 régiments d'infanterie :
- Athlone et Bourke, passés au service de l'Espagne en 1700. - Berwick - Dorrington, qui deviendra le "Régiment des Gardes", puis de Rothe - Albermarle, qui deviendra le "O'Donnel".
Les régiments de la brigade Mountcashel ont donc été rejoints après la défaite et le traité de Limerick par d'autres soldats partisans de Jacques II, qui se battaient encore sous le commandement de Patrick Sarsfield. La guerre sur le continent semblait offrir aux Irlandais le moyen le plus direct de lutter contre les ennemis de leur roi et de contribuer à sa restauration et il y eut beaucoup de volontaires pour l'exil.
Après la paix de Ryswick, en septembre 1697, les vingt-cinq bataillons irlandais durent réduire le nombre de leurs compagnies de seize à quatorze et licencier la moitié des effectifs. Une refonte générale eut lieu en février 1698. Seuls les trois régiments de la brigade Mountcashel (Lee, Clare et Dillon) ainsi que le régiment de marine, désormais régiment d’Albemarle, subsistèrent après cette réforme. Les régiments de Limerick et Dublin furent supprimés, les autres intégrés dans cinq nouveaux régiments : Sheldon, Dorrington, Galmoy, Lutrell (puis Bourke) et Berwick.
La Brigade irlandaise au XVIIIe siècle
Le recrutement après 1697
Depuis l’Irlande, l’exil des Oies sauvages a été brutal et limité dans le temps, sous la forme de vagues massives en 1690 et fin 1691-début 1692. Le nombre total des exilés a été estimé à 19 000 hommes. Il y eut ensuite une émigration permanente estimée à environ 1 000 individus par an jusqu'en 1783.
Après 1697, le recrutement direct se fait auprès des Irlandais installés en France et des Irlandais nés en France, la deuxième génération des Wild Geese, mais ils ne sont pas nombreux.
La mesure de naturalisation de 1715
Les régiments irlandais se révélèrent le meilleur processus d’assimilation en France en offrant aux exilés les conditions de réussite sociale.
La coupure avec l'engagement jacobite de la deuxième génération se marque symboliquement par l’octroi le 30 novembre 1715 de la naturalisation, assimilable à une adoption, à tous les soldats étrangers depuis plus de dix ans en France, donc à tous ceux qui avaient appartenu au vol des "Wild Geese" ou "Oies sauvages".
Progressivement, au cours du XVIIIe siècle, l’engagement jacobite des irlandais devient plus symbolique, avec l’exaltation de sentiments idéalisés dans le cadre des traditions familiales, mais les grandes familles aristocratiques irlandaises sont déjà parfaitement intégrées à la société française et ils auront même leurs émigrés tel Arthur Richard Dillon ou leurs martyrs de la révolution française comme Arthur Dillon.
Les campagnes de la Brigade
Dans les contributions les plus importantes de la brigade irlandaise, on peut rappeler une participation décisive à la bataille de Fontenoy le 11 mai 1745, avec un gros sacrifice, ce qui leur valut une grande estime et des récompenses de la part du roi Louis XV de France et du commandant militaire Maurice de Saxe.
Article détaillé : Bataille de Fontenoy.Les six régiments irlandais participèrent à la bataille de Fontenoy :
- Régiment de Rooth
- Régiment de Berwick
- Régiment de Bulkeley
- Régiment de Clare
- Régiment de Dillon
- Régiment de Lally
La réussite de Dillon
Arthur Dillon, qui commandait le régiment de son nom, fut l’un des officiers irlandais jacobites passés en France le plus renommé. Après la défaite de Limerick, il subit la confiscation de ses terres dans les comtés du Mayo, Roscommon et Westmeath. Il est promu brigadier après la victoire de Crémone de 1702, devient lieutenant général en 1706 et se distingue aux côtés du duc de Berwick lors de la campagne de 1714. Lorsqu’il se retire du service actif en 1730, il transmet son régiment à son fils aîné, établissant ainsi de manière définitive les Dillon comme une des grandes familles d’officiers en France. On peut signaler également la carrière ecclésiastique du plus jeune fils, Arthur, qui devint abbé de Saint-Étienne de Caen puis archevêque d’Évreux, archevêque de Toulouse et archevêque de Narbonne.
Le déclin
L’arrivée des "Oies sauvages" en France fut une nouveauté par ses motifs politiques et religieux et surtout par son ampleur. Cependant, le mouvement s’inscrivait dans une tradition plus ancienne et solidement ancrée entre la France et l’Irlande. Un nombre important des officiers avaient déjà servi dans les armées françaises. L'enrôlement d’irlandais dans les troupes françaises pour des raisons économiques était attesté depuis le début du XVIIe siècle.
De véritables dynasties de soldats se constituèrent parmi les grandes familles aristocratiques dont étaient issus les colonels propriétaires des régiments, à l’exemple des Bourke, Dillon, Rooth. Cependant le nombre des régiments irlandais diminua progressivement au cours du XVIIIe siècle jusqu’à la réforme de 1763, où ils furent réduits à une brigade de 4 000 hommes.
Après plusieurs réformes, en 1775, il restait 3 régiments dans la Brigade irlandaise, avec la création du régiment Walsh successeur des régiments Rooth et Roscommon, l'absorption du régiment de Clare par le régiment de Berwick et celle des régiments Lally et Bulkeley par le régiment Dillon.
Le rôle symbolique de la Brigade
Les régiments irlandais permettent aux exilés de maintenir un fort sentiment identitaire et de protéger leur particularisme. Rapidement, une légende nationale s’érigea autour de quelques hauts faits des Irlandais sur le continent et de la figure de Patrick Sarsfield. Sa mort précoce sur le champ de bataille de Neerwinden priva la communauté irlandaise d’une figure prestigieuse auprès de la cour de Saint-Germain-en-Laye, mais elle lui assura définitivement le statut de héros national.
Le particularisme irlandais se nourrissait d'une animosité farouche envers les membres en exil des deux autres nations britanniques Angleterre et Écosse. Les soldats irlandais refusaient tous les officiers britanniques autres que leur compatriotes irlandais.
Les victoires des régiments irlandais ont été l’occasion d’exalter leur fierté nationale.
De nombreux poèmes et chansons jacobites saluèrent la « surprise de Crémone » le 1er février 1702. Les deux bataillons du régiment Dillon, sous le commandement du major Daniel O'Mahony, résistèrent, au prix de lourdes pertes (223 tués sur 600 hommes), à une attaque du prince Eugène contre la ville que tenait Villeroy avec des troupes françaises et irlandaises et le contraignirent à se retirer.
Les drapeaux des régiments irlandais comportaient une croix rouge de saint Georges avec un liséré blanc pour rappeler à la fois le service de Jacques François Stuart héritier du roi Jacques II exilé en France et prétendant au trône d'Angleterre, et le service du roi de France Louis XV.
Liste des Oies sauvages avec leur descendants
- Patrick Sarsfield, (1660–1693), 1er comte de Lucan, général irlandais puis français,
- Piers Butler vicomte de Galmoy (1652-1740),comte de Newcaste a servi le roi de France pendant vingt ans à la tête d’un régiment d’infanterie de son nom, le régiment Butler. Il est promu maréchal de camp (1702), puis lieutenant général (1705), le plus haut grade de l’armée de terre[5].
- Justin Mac Carthy, ( -1700), vicomte Mountcashel, colonel irlandais puis français,
- Jacques Fitz-James, duc de Berwick, (1670-1734), maréchal de France,
- François de Fitz-James, (1709-1764), évêque de Soissons,
- Charles de Fitz-James, pair et Maréchal de France,
- Charles O'Brien, vicomte de Clare ( - 1706), commandant du régiment de Clare,
- Charles O'Brien de Thomond (1699 – 1761), lieutenant général ayant commandé la brigade irlandaise à Fontenoy, maréchal de France en 1757, fils du précédent,
- Cornelio O'Ryan, ( - 1707), capitaine au régiment de Berwick,
- Nicolas Cusack, lieutenant des gardes du corps de Jacques II,
- Richard Edmond de Cusack (1687-1770), lieutenant colonel des gardes irlandais (Régiment de Rooth) à Fontenoy, maréchal de France.
- Francis Cusack ancien Lord Kirbally Porter, Comte de Midhe, a combattu à St Mihiel dans le régiment de Dillon, à Fontenoy et Culloden dans les chevau-légers.
- Comte Arthur de Dillon, (1670-1733), maréchal de camp,
- Jacques Dillon, ( -1745), colonel du régiment Dillon, chevalier de Malte, fils du précédent,
- Edouard Dillon, ( -1747), autre colonel du régiment Dillon, autre fils d'Arthur
- Arthur Richard Dillon, (1721-1806), archevêque, primat des Gaules, autre fils d'Arthur,
- Théobald Dillon (1743-1792), petit-fils d'Arthur, général français,
- Arthur Dillon (1750-1794), petit-fils d'Arthur, général français, guillotiné,
- Daniel O'Mahony ( - 1714), lieutenant général du roi de France et du roi d’Espagne,
- Barthélemy O'Mahony (1748-1825), lieutenant général, grand-croix de Saint-Louis et chevalier de Malte, colonel commandant le régiment de Berwick
- Arsène O'Mahony (1787-1858), fils du précédent, lieutenant colonel puis journaliste au Conservateur, Défenseur, Mémorial catholique, etc.
- Maurice O'Mahony (1849-1920), fils du précédent, vice-président du conseil de préfecture du Loiret,
- Darby Demetry O'Mahony (1718-1795), lieutenant colonel au régiment Dillon,
- Jean-François O'Mahony (1772-1842), fils du précédent, général français, chevalier de Saint-Louis,
- Ernest, comte O'Mahony (1826- ), fils du précédent, avocat à Paris,
- George Browne, (1698-1792), maréchal de camp de l'armée russe,
- Maximilian Ulysses von Browne (1705-1757), maréchal de camp autrichien,
- Phillip Walsh (1666-1708), capitaine corsaire malouin d'origine irlandaise, ami proche du roi d'Angleterre Jacques II, qu'il aide à fuir en France après la Glorieuse Révolution.
- François Jacques Walsh (1704-1782), fils du précédent, nommé 1er comte de Serrant par Louis XV en 1754. Il fonde une dynastie de négriers nantais, son associé Etienne Meslé de Grand-Clos faisant la même chose à Saint-Malo.
- Antoine Walsh (1703-1763), autre fils de Phillip, a fondé la Société d'Angola et financé la rébellion jacobite de 1745.
- Charles-Antoine-Augustin Walsh, comte de Serrant, colonel au régiment Walsh créé en 1770.
- Henry de Bulkeley,
- François de Bulkeley, (1686-1756), maréchal de camp en février 1734,
- William Bulkeley ( -1793), époux de Céleste Bulkeley, combattant de l'armée vendéenne, guillotiné,
- Jean Raymond Charles Bourke, général français,
- Jean O'Neill, général français,
- Thomas Arthur de Lally-Tollendal, (1702-1766), général français, gouverneur de l'Inde française,
- Gérard de Lally-Tollendal, (1751-1830), homme politique français,
- Peter de Lacy, (1678–1751), maréchal de camp russe,
- François Maurice de Lacy, (1725-1801), maréchal de camp autrichien et russe,
- Richard Hennessy (1724-1800), officier irlandais au régiment de Clare, fondateur de la maison du cognac Hennessy à Cognac en 1765,
- Amiral William Brown (Guillermo Brown) (1777–1857), fondateur de la marine de l'Argentine, originaire du comté de Mayo,
- Bernardo O'Higgins, (1778-1842), libérateur du Chili,
- Maréchal Patrice de Mac-Mahon, (1808-1893), maréchal de France, 3e président de la République française,
- Thomas Lynch,
- Jean-Baptiste Lynch, (1749-1835), maire de Bordeaux,
- Isidore de Lynch, (1755-1841), lieutenant général français,
- Thomas-Michel Lynch, (1754-1840), député français, membre du Conseil des Cinq-Cents.
On peut aussi compter dans les descendants actuels :
- de nombreuses familles d'exploitants des vins de Bordeaux tels que Château Clarke, Château Dillon, Château Kirwan, Château Mac Carthy, Pontac-Lynch, Marquis de McMahon, etc.
Liens externes
- Les "Wild Geese" sur le site Gaeltacht
- Service historique de la Défense, Article sur les Wild Geese par Nathalie Genet-Rouffiac.
- (en) La chronologie de la Brigade irlandaise en France avec ses références
- (en) The "Wild Geese" today
- Drapeaux historiques infanterie française
- Drapeaux et étendards du Roi
Notes et références
- http://vial.jean.free.fr/new_npi/revues_npi/NPI_2008/npi_2008/npi08_dillon.htm
- Cf. Général Arthur Dillon, The Irish Officers in French Army
- Ganneron, Histoire de l'Irlande, p. 188.
- Le régiment Mountcashel deviendra Lee en 1695, puis Bulkeley en 1733.
- Un Irlandais à St Germain-en-Laye ; Piers Butler vicomte de Galmoy (1652-1740) sur le site de Les Yvelinois, consulté le 8 avril 2010.
Catégories :- Histoire de l'Irlande
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