Bororos (Afrique)

Bororos (Afrique)

Wodaabes

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Wodaabe (Fulbe-Mbororo)
Jeunes femmes Wodaabe au Niger
Jeunes femmes Wodaabe au Niger
Populations significatives par régions
Nigeria Nigeria 2 241 000
Niger Niger 492 000
Cameroun Cameroun 154 000
République centrafricaine République centrafricaine 55 000
Tchad Tchad 50 000
Population totale
2 992 000
Langue(s)
peul
Religion(s)
Islam

Les Wodaabe (ou WoDaaBe, singulier Bodaado) sont un sous-groupe du peuple Fulani (aussi appelé Fula, Fulbe, ou Peul). On les désigne parfois sous le nom de Bororos – à ne pas confondre avec les Bororos d'Amazonie – ou Mbororo, et le choix de l'ethnonyme ne fait pas l'unanimité.

Les Bororo sont traditionnellement des éleveurs nomades et des marchands, dont les migrations les mènent du sud du Niger, au nord du Nigeria, dans le nord-est du Cameroun, au sud-ouest du Tchad et les régions occidentales de la République Centrafricaine. Depuis quelques années ils pénetrent également au Congo-Kinshasa dans les régions du Bas-Uele et du Haut-Uele, frontalières de la Centrafrique et du Soudan[1][2].

Les Wodaabe du Niger sont réputés pour leur beauté (aussi bien les hommes que les femmes), leur artisanat élaboré et leurs riches cérémonies. Comparativement à d'autres populations africaines, ils ont été abondamment décrits, photographiés et filmés.

Sommaire

Ethnonyme

« Bororo ou Wodaabe. Quel terme choisir ? ». Cette question soulevée en 2007 par un quotidien suisse[3] reflète un réel enjeu identitaire. « Bororo » serait un exonyme surtout employés par les populations environnantes, telles que les Haoussas ou les Zarmas. Par analogie avec le nom du zébu – la vache bororo –, il serait perçu comme péjoratif. Mais la dénomination « Wodaabe » est parfois rejetée également par ceux qui se veulent avant tout Mbororo.

En peul la racine woɗa désigne un interdit, un tabou. Woɗaaɓe signifierait ainsi « le peuple du tabou »[4], mais l'interprétation de cette expression reste débattue[5] .

Population

« Bororoji, ou Peuls nomades » (1900)

Les incertitudes pesant sur la dénomination ne facilitent pas le dénombrement de cette population avant tout nomade. En 1983 l'écrivain et photographe Carol Beckwith[6] estimait à 45 000 le nombre de Wodaabe du Niger.

À l'occasion de ses recherches sur le terrain au début des années 2000, Elisabeth Boesen, de l'Université du Luxembourg, [7] évalue leur nombre à 100 000 personnes.

Religion

Les Wodaabe sont principalement musulmans. Bien que les pratiques revêtent divers degrés d'orthodoxie, la majorité adhère aux principes de base de cette religion[8]. Certains les ont appelés musulmans « de nom » en raison d'éléments culturels non-musulmans contraires à certains préceptes de l'Islam. L'Islam devint une religion importante parmi les Bororo au cours du XVIe siècle quand le prophète El Maghili prêcha parmi les élites du nord du Nigeria. Le prêche d'El Maghili amena la conversion des classes dirigeantes chez les peuples Hausa, Fulani, et Touareg[1][2].

Mariage

Les Wodaabe sont souvent polygames. Les mariages sont arrangés par les parents alors que les futurs époux sont encore enfants (appelés koogal). La mariée reste avec son mari jusqu'à ce qu'elle soit enceinte, retournant alors chez sa mère, où elle reste pendant 3 à 4 années. Elle donne naissance à l'enfant chez sa mère et devient alors une boofeydo ce qui signifie littéralement, « quelqu'un qui a fait une erreur »[9].

Fête de la Geerewol

Fête de la Geerewol

Une fois l'an, à la fin de la saison des pluies, aux portes du désert près d'Agadez, durant les six jours et les six nuits de la Geerewol[10], les Wodaabe du Niger oublient dans l'ivresse de la fête qu'ils sont un peuple en sursis. Pendant toute l'année, les jeunes Wodaabe attendent la cérémonie de la Geerewol. Cette grande fête de la pluie dure six jours et six nuits. Chaque clan familial, représenté par ses plus beaux danseurs, s'affronte dans un concours de beauté pour hommes dont le jury est constitué par les plus belles filles de la tribu. La danse se termine par la séduction et des échanges amoureux. Fardés, drogués au bendore (décoction faite d'écorce noire de banohe, de gypse pilé et de lait), les danseurs arborent leurs colliers de perles et de cauris, leurs amulettes et une plume d'autruche blanche au front.

Les danseurs confectionnent eux-mêmes leur tenue. Ils passent un pagne de femme sur leur vêtement de cuir. Dans le dos pend une chaîne de cauris, le barbol, terminée par une minuscule calebasse. Ainsi, ces rudes pasteurs sont poussés par le culte de leur beauté à féminiser leur aspect. Les femmes n'échappent pas à cet élan narcissique. Les jeunes filles, parées d'innombrables bracelets, se préparent aux rites de la séduction. Après la danse, elles choisiront celui qui, pour une nuit ou pour la vie, partagera sa couche.

Danseurs aux visages fardés

En plus des parures élaborées dont elles sont revêtues, les jeunes femmes Wodaabe ornent leurs jambes d'anneaux de bronze superposés et astiqués avec de la boue et du sable. Ces atours étaient, jadis, portés jusqu'au deuxième enfant. Les femmes mariées qui assistent aux cérémonies de la Geerewol font parfois preuve d'une grande liberté de choix et il leur arrive de disparaître avec un beau danseur.

Les canons de beauté sont stricts mais n'interdisent pas une certaine hardiesse dans le choix des parures, tel qu'une calebasse sur la tête ou des lunettes de soleil ultramodernes. Les Wodaabe admirent les visages ovales, les traits fins, les nez minces et longs et les dents blanches et régulières. Le danseur devra se farder longtemps. Il étale sur son visage du beurre mélangé à de l'ocre. Les yeux, les lèvres et les sourcils sont soulignés au charbon. Un trait jaune continu épouse la ligne dorsale du nez qu'il allonge.

Mode de vie

La Geerewol est finie. Les Wodaabe quittent les zones d'abondance en quête de nouveaux pâturages. À dos d'âne, les femmes suivent les troupeaux avec un chargement complexe assurant la survie des pasteurs pendant la saison sèche. Seules les sécheresses comme dans les années 1970 font vaciller l'équilibre écologique des Bororo, qui reconstituent, petit à petit, leur cheptel anéanti. La tradition et la sagesse sont l'ossature de ce peuple courageux. Pourtant, devant tant de misère, de nombreux jeunes Wodaabe quittent la vie nomade pour les bidonvilles[11].

Notes

  1. a  et b "People of Africa", "African Holocaust Society"
  2. a  et b "Wodaabe People", "University of Iowa "
  3. Voir l'article de Raphaëlle Boucher dans Le Courrier du 21 septembre 2007 [1]
  4. Carol Beckwith, « Niger's Wodaabe : "people of the taboo" », National Geographic, n° 164, 4, octobre 1983, p. 482-509 [2]
  5. « Bororo ou Wodaabe. Quel terme choisir ? », loc. cit. [3]
  6. « Niger's Wodaabe : "people of the taboo" », loc. cit. [4]
  7. Les nouveaux urbains dans l'espace Sahara-Sahel : un cosmopolitisme par le bas, Karthala, 2008, p. 209
  8. Wodaabe religion "Wodaabe religion", "Africa.com"
  9. "African Marriage Ritual", "African Holocaust Society"
  10. Voir aussi Carol Beckwith, « Geerewol : el arte de la seducción », in Ramona Nadaff, Nadia Tazi et Michel Feher (dir.), Fragmentos para una historia del cuerpo humano, vol. 2, 1992, p. 200-218
  11. Voir Elisabeth Boesen et Laurence Marfaing, Les nouveaux urbains dans l'espace Sahara-Sahel : un cosmopolitisme par le bas, Karthala, 2008, 330 p. (ISBN 9782845869516)

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • (de) Nikolaus Schareika, Westlich der Kälberleine : nomadische Tierhaltung und naturkundliches Wissen bei den Wodaabe Südostnigers, Lit, Münster, 2003, 347 p. (ISBN 3-8258-5687-9) (Thèse soutenue à l'Université de Mayence en 2001)
  • (en) Carol Beckwith, « Wodaabe charm dances (Niger) », in African ceremonies, volume 1, Harry N. Abrams, New York, 1999, p. 174-195
  • (en) Gert Chesi, « The Bororo », in Last Africans, Perlinger, Wörgl, 1978, p. 64-95
  • (en) Ifeanyi Ifezulike, « Patterns of environmental adaptation among the Igbos and the Wodaabe Fulani », Humanitas (Ibadan), n° 3, 1985/1986, p. 9-18
  • (en) Kristín Loftsdóttir, « The place of birth : Wodaabe changing histories of origin » in History in Africa (New Brunswick), n° 29, 2002, p. 283-307
  • (en) Guy Edward Maxedon, « The Gerewol of the Bororo Fulani in northern Nigeria : a bibliography », in Seminar on dress, costume and body arts : summer 1981, Indiana University, Department of Fine Arts, 1981
  • (en) Derrick J. Stenning, Savannah nomads; a study of the Wodaabe pastoral Fulani of Western Bornu Province, Northern Region, Nigeria, International African Institute, Oxford University Press, Londres, 1959, 266 p.
  • (es) Carol Beckwith, « Geerewol : el arte de la seducción », in Ramona Nadaff, Nadia Tazi et Michel Feher (dir.), Fragmentos para una historia del cuerpo humano, vol. 2, 1992, p. 200-218 (ISBN 84-306-0151-1)
  • (fr) Henri Bocquené, Moi, un Mbororo : autobiographie de Oumarou Ndoudi, Peul nomade du Cameroun, Karthala, 1986, 387 p. (ISBN 9782865371648)
  • (fr) Angelo Maliki Bonfiglioli, Dudal : histoire de famille et histoire de troupeau chez un groupe de Wodaabe du Niger, Éditions MSH, 1988, 293 p. (ISBN 9782735102495)
  • (fr) Angelo Maliki Bonfiglioli, Beldum : bonheur et souffrance chez les Wodaabe, A. B. Maaliki, Niamey, entre 1980 et 1999 ?, 112 p.
  • (fr) Mette Bovin, « Mariages de la maison et mariages de la brousse dans les sociétés peule, wodaabe et kanuri autour de lac Tchad » (Actes du IVe colloque Mega-Tchad CNRS/ORSTOM, Paris, du 14 au 16 septembre 1988, vol. 2, Les relations hommes-femmes dans le bassin du lac Tchad, Paris, 1991, p. 265-323)
  • (fr) Mette Bovin, Mette, « Nomades sauvages et paysans civilises : Wodaabe et Kanuri au Borno », numéro spécial publié sous le titre "Le Worso : mélanges offerts à Marguerite Dupire", Journal des africanistes, 55 (1-2), 1985, p. 53-82
  • (fr) Marguerite Dupire, Peuls nomades : Étude descriptive des Wodaabe du Sahel nigérien, Institut d'ethnologie, Paris, 1962, 336 p.
  • (fr) Roger Labatut, Le Parler d'un groupe de Peuls nomades : les WoDaaBe Hoorewaalde Dageeja BiBBe Bii Siroma, Nord-Cameroun, Société d'études linguistiques et anthropologiques de France, 1973, 326 p. (d’après une thèse de 3e cycle, 1970)
  • (fr) Mahalia Lassibille, Danses nomades : mouvements et beauté chez les WoDaaBe du Niger, École des hautes études en sciences sociales, Paris, 2004, 621 p. (Thèse)
  • (fr) Sandrine Loncke et Jean-Marc Durou, Nomades du Sahel : les Peuls Bororos, Vilo, 2000, 167 p. (ISBN 9782719105290)
  • (fr) Sandrine Loncke, Lignages et lignes de chant chez les Peuls Wodaabe du Niger, INALCO, Paris, 2002, 410 p. (Thèse)
  • (fr) Patrick Paris, « Les Bororos : nomades peuls du Niger », in Ténéré : désert d'absolus, AGEP VILO, Paris, 1990, p. 188-203
  • (fr) Patrick Paris, « Ga'i ngaanyka ou les taureaux de l'Alliance : description ethnographique d'un rituel interlignage chez les Peuls Vod'aab'e du Niger », in Journal des africanistes, 67 (2) 1998, p. 71-100

Discographie

  • (fr) Niger - Peuls Wodaabe - Chants du worso, INEDIT, Maison des cultures du monde, 2007 (CD)

Filmographie

  • (en) Deep hearts, film produit par Robert Gardner, Harvard University Film Study Center, États-Unis, 1980, 53'
  • (fr) La femme volée, film réalisé par Nena Baratier et Geneviève Louveau et produit par CNRS audiovisuel, France, 1980, 16'
  • (en) Way of the Wodaabe, film réalisé Carol Beckwith et produit par Kevin A. Peer, Grande-Bretagne, 1988, 26'
  • (en) Disappearing World: The Wodaabe, film réalisé par Leslie Woodhead et produit par Granada Television, 1988, 52'
  • (fr) Wodaabe : les bergers du soleil, film réalisé par Werner Herzog et produit par Arion productions et Werner Herzog Verlag, Allemagne, France, 1989, 52'
  • (en) Bird of the wilderness : the beauty competition of the Wodaabe people of Niger, film réalisé par Christopher D. Roy, États-Unis, 2007, 62'
  • (fr) Kawritem koe men, rassemblons nos têtes, film réalisé et produit par Sandrine, France, 2006, 52'

Liens externes

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Références

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