Serge Essaian

Serge Essaian

Serge Essaian (Sergueï Aramaïssovitch Yessayan) ( 9 juin 1939 à Moscou - 22 janvier 2007 à Paris) était un artiste français d'origine russe .

Sommaire

Biographie

Son père, Aramaïs Mikhaïlovitch Essaian, journaliste, a été arrêté à la fin de 1938, quelques mois avant la naissance de lartiste. Déporté au Goulag, il y est décédé en 1943. Sa mèreSerafima Teodorovna Essaian, pédiatre, a travaillé à Moscou. Elle est décédée en 1977.

La passion de Serge Essaian pour lart fut très précoce. Les visites répétées à la Galerie Tretiakov (il habitait dans son voisinage immédiat), la fréquentation dun ami de famillele peintre miniaturiste B. Eremine - et lobservation attentive des albums de reproductions et de gravures de la bibliothèque de son père, miraculeusement échappés à la confiscation, ont confirmé et alimenté cette passion.

Cest en possédant des critères artistiques déjà bien établis quil rentre à lécole de Beaux-arts. Ses années détudes (1954-1960) correspondent à ce qui a été nommé "le dégel: la réouverture des salles de musée dart occidental, lapparition des premiers albums de Skira, la redécouverte des artistes jusqualors interdits, - les impressionnistes, les représentants de lavant-garde russe et occidentale, et la découverte des mouvements contemporains de lart mondial. Parallèlement aux Beaux-arts (MKhOu pamiati 1905), lartiste suit, en auditeur libre, des cours de scénographie à lInstitut national des arts du spectacle (GuITis).

Lintérêt avide pour lavant-garde (sous tous ses aspects : musique, poésie, peinture, théâtre) le conduit à côtoyer N. Khardjiev, A. Kroutchenykh, L. Brik.

Il termine ses études avec la pleine conscience de la fracture entre ses aspirations artistiques et celles des positions officielles et, par conséquent, de limpossibilité de vivre de son art.

Il crée à la maison (ce qui explique le format "intime" des travaux de cette période), gagnant sa vie avec des cours de dessin et de peinture, ainsi que des cours danglais. Durant quelque temps il travaille également dans les ateliers de restauration Grabar.

Durant ces années dintenses échanges de la jeunesse bohème (que lon ne désignait pas encore davant-garde "nouvelle", ni " souterraine"), échanges menés entre lancienne et la nouvelle capitale, il se lie damitié avec les poètes Alexis Khvostenko et Henri Volokhonski.

Lintérêt pour l’"autre art" naît également dans le milieu des jeunes scientifiques. Cest ainsi que la première exposition personnelle de Serge Essaian se tient à lInstitut des problèmes physiques, en 1965.

En 1968, il occupe la fonction de rédacteur dune des sections de la revue Art Décoratif de lURSS (Dekorativnoe Iskousstvo SSSR). Rédaction qui a réussi, selon Alexandre Borovski, directeur du département dart contemporain du Musée Russe de Saint-Pétersbourg, « à créer une revue culturellement unique en son genre, réunissant à la fois les forces artistiques et scientifiques des historiens, de philosophes, des ethnologues, des sémiologues, etc. » [1] Parallèlement au travail dans la revue, lartiste prend une part importante dans lactivité de la société des collectionneurs, dont faisaient partie les représentants aussi remarquables que F. E. Vichnevski, I. P. Sanovitch, N. P. Pakhomov, Ia. E. Roubinchtein et bien dautres. Il organisa ainsi une série dexpositions thématiques de cette société dans les salles du salon artistique sur le pont Kouznteski.

Au début des années 1970, lartiste travaille dans un atelier aménagé dans un sous-sol dun vieux bâtiment du quartier Sretenka (Petchatnikov pereoulok), espace qui lui permet enfin de concrétiser ce qui était devenu un réel besoin : travailler la sculpture. Labsence dun milieu artistique contemporain adéquat le conduit à envisager lémigration en tant quunique issue possible. En janvier 1979 il émigre ainsi avec sa famille en Autriche, puis en France. En pleine connaissance de lexpérience amère vécue par lémigration russe, il entreprend de construire sa vie à létranger sans nostalgie, ni illusions.

En mai 1979 sa première exposition personnelle se tient à Vienne.

Il sinstalle à Paris en juin 1979, il vécut et travailla jusquà sa mort : dabord dans un atelier à Montparnasse (Boulevard Edgar Quinet), puis près du parc des Buttes Chaumont (allée Darius Milhaud).

Tout en peignant et sculptant dans son atelier, Serge Essaian se consacre avec enthousiasme à la conception de décors et de costumes. Dabord pour le théâtre expérimental Sharazad à Stockholm, puis pour dautres théâtres de Suède. Il participe également à divers séminaires, symposiums et festivals théâtraux (Italie, USA, Suède).

Mais les projets artistiques personnels exigeant tout son temps, il abandonne lactivité théâtrale au début des années 1990. Durant ces années il expose en Allemagne, la Grande-Bretagne et en France.

Il travaille sur les séries de reliefs, dont la plupart seront exposées en 2002 à loccasion de lexposition rétrospective consacrée à son œuvre au Palais de Marbre du Musée Russe de Saint-Pétersbourg.

Les années suivantes sont consacrées au projet " Maison-vues-gens", réunissant les diverses formes de son art : peinture, sculpture, art graphique, reliefs. Le livre Serge Essaian, publié en 2006, reflète laboutissement de cette idée.

Serge Essaian a résumé sa vie dans ces quelques lignes autobiographiques : « Je suis en 1939 à Moscou, ville connue de ses habitants sous le nom de « port des cinq mers », appellation hautement romantique pour cette capitale déprimante. Jai vécu dans ce port jusquen 1979, lorsque je fus rassasié de ces dépression et romantisme. Cette année, à lâge de 40 ans, jai émigré avec ma famille en France et depuis je vis à Paris. Mon atelier se trouve près du parc nostalgique des Buttes Chaumont, non loin du parc futuriste de la Villette… »[2].

Serge Essaian est décédé à Paris le 22 janvier 2007. Il est enterré au cimetière du Montparnasse.

Processus créatif

« Je travaille par séries », S. Essaian explique ainsi sa méthode de travail dans une interview accordée à A. Borovski, directeur du département dart contemporain du Musée Russe de Saint-Pétersbourg, puis, sur un ton l'on décèle presque lexcuse, rajoute, - « séries au sens des variations beethoveniennes »[3].

Cette forme sérielle dexpression fut depuis longtemps. Lorsquil se remémore ses débuts, lartiste écrit dans une lettre : « fasciné un jour par le geste dEsther, je répétais sans cesse la composition de Rembrandttantôt en élargissant lintérieur, tantôt en éclaircissant le fond, tantôt en remplissant larrière-plan par mes propres personnages. Je me souviens que dans une de ces variations, jai posé la table directement dans une rue moscovite » [4].

Son analyse du processus de travail sur la série des années 1980 « En attendant Charlotte Corday » est plus développée : « jétais préoccupé par une question purement plastiqueun homme, un corps solitaire, soudé avec la baignoire, un corps qui a conscience de soi dans lespace, enfoncé dans un espace dun intérieur anonyme et expulsé de cet intérieur au premier plan. […] Javoue avoir oublié, dans le processus du travail, ce « point dimpulsion », la composition suivante provoquait ou émanait de la précédente, et la pulsation des variations me préoccupait bien plus que lexécution dun seul tableau » [5]

Les séries ne créent pas uniquement des pulsations à lintérieur delles-mêmes. Leur sortie en dehors du cadre des tableaux vers la sculpture ; leur retour vers le plan de la toile, enrichi par la compréhension tactile ou par le mouvement circulaire autour du corps ; limplosion des intérieurs ; lexpulsion hors les murs dans les maison-reliefs - cest une seule et même pulsation dun processus créateur unique.

Au sujet de ses maisons-reliefs lartiste écrit : « cest avant tout une sculpture, jinstalle et modèle les grandes masses avant de leur conférer un aspect définitif. […] dans les maisons-reliefs jaimerais voir plutôt licône dune maison quune maison concrète. Cest-à-dire une maison idéale dans le sens concevaient leurs tableaux de villes Piero della Francesca et ses disciples »[6].

Une autre caractéristique apparaît également très tôt, - le dialogue avec les œuvres dart. « Je crois que le thème du tableau, en tant quobjet du ressenti pictural, c'est-à-dire avec le pinceau dans la main, me préoccupait tout autant que le thème de la pomme chez Cézanne. […] Il me semble que pour un peintre (dans tous les cas pour un jeune peintre) lœuvre dart constitue une réalité nullement moindre que celle du milieu « vivant »»[7]

Voici comment A. Borovski définit la position créatrice de S. Essaian : « De manière générale lidentification avec un collectif lui était totalement étrangère. Si parfois il ressentait le besoin d’ « actions collectives », il choisissait lui-même ses compagnons, - avant tout parmi les maîtres anciens ou les classiques de lart contemporain. Cest et seulement quil admettait lidée dune possible réciprocité de découverte et de complémentarité, cest-à-dire de linterpellation de sa propre vision du monde par une vision différente, étrangère. Que ces relations aient été de dialogue, de conflit ou damour exalté, elles se construisaient toujours dégal à égalune responsabilité personnelle, un choix individuel, son propre destin » [8]

Œuvres

Mises en scènes théâtrales
  • 1981 : Scénographie et costumes pour la pièce Doctor Dapertutto. Metteur en scène W. Carlson, Théâtre Sharazad. Stockholm. Suède. Représentée au théâtre du Rond Point, Paris.
  • 1983 : Scénographie et costumes pour la pièce de A. Khvostenko "Agence de voyage ou le syndrome de Robinson ». Metteur en scène W. Carlson, Théâtre Sharazad. Stockholm. Suède.
  • 1985 : Scénographie pour la pièce « La cage des vierges". Théâtre de la ville de Säffle. Suède.
  • 1986 : Scénographie pour la pièce « La victoire sur le soleil ». Metteur en scène Arman Gatti. Toulouse. France.
  • 1986 : Scénographie et costumes pour lopéra-ballet « Balagantchik » (A. Blok). Musique de Yan Walgern. Opéra royal. Stockholm. Suède.
  • 1987 : Scénographie et costumes pour lopéra « La chatte anglaise » (H. de Balzac). Musique de Werner-Geints. Théâtre de la ville. Karlstadt. Suède.
Symposiums, séminaires, festivals
  • 1980 : Participation au festival international « Théâtre du geste » . Stockholm. Suède.
  • 1981 : Participation au séminaire international « Meyerhold et le constructivisme ».
  • 1982 : Direction du séminaire de scénographie autour du projet « Le Maitre et Marguerite ». Bologne. Italie
  • 1983 : Workshop de scénographie à luniversité de Yale. USA.
  • 1983 : Workshop de scénographie lors du séminaire international « Pédagogie théâtrale ». Stockholm. Suède.
  • 1984 : Participation au projet « Théâtre perspectif ». Exposition des esquisses théâtrales des décors et des costumes. Munich. Allemagne.
  • 1987 : Participation au séminaire « Gontcharova et les ballets russes ». Musée de San Antonio. USA.
  • 1999 : Participation en tant que consultant à lexposition « 100 ans dart graphique russe ». Galerie de la Scala. Paris.
  • 2003 : Consultant pour lexposition « Les Russes » au Musée de Montmartre. Paris
Expositions personnelles
  • 1965 : Institut des problèmes physiques, Moscou, URSS.
  • 1973 : Salon d'art, Moscou, URSS.
  • 1979 : Mairie de Vienne, Autriche.
  • 1980 : Galerie "Art et Décoration", Paris, France.
  • 1981 : Galerie "Nikolenko", Paris, France.
  • 1987 : Galerie "Era", Karlstadt, Suède.
  • 1989 : Fondation Boden, Oppenhof et Schneider, Cologne, Allemagne.
  • 1989 : Galerie "Anita Falber", Cologne, Allemagne.
  • 1990 : Galerie "Oberlin", Strasbourg, France.
  • 1993 : Galerie "Euros", Mulhouse, France.
  • 1995 : Galerie "Axia", Londres, Royaume Uni.
  • 2000 : Galerie de Buci, Paris, France.
  • 2002 : Musée Russe, St Petersbourg, Russie.
Expositions collectives
  • 1977 : Biennale de Venise, Italie.
  • 1980 : Première biennale internationale "L'Art et le papier", Touquet, France. (Médaille d'or).
  • 1981 : Galerie "Le Point", Monte Carlo.
  • 1981 : Maison d'artiste à Bergen, Autriche.
  • 1988 : Exposition "Urbanisme et planification architecturale", Thiers, France.
  • 1990 : "L'autre art", Galerie Tretiakov, Moscou, Russie.
Expositions personnelles mémorielles
  • 2008 : Exposition "Années russes", galerie de Buci, Paris, France.
  • 2009 : Exposition "Molloy et autres dos", galerie de Buci, Paris, France.
  • 2010 : Exposition "Baigneurs, plongeurs etc.", galerie de Buci, Paris, France.
  • 2010 : Exposition "Serge Essaian, un hommage", Sotheby's, Paris, France.

Notes et références

  1. A. Borovski, Serge Essaian. Années russes, catalogue de lexposition, Paris, galerie de Buci, 2007, p. 2.
  2. Note autobiographique. 08. 2004, destinée pour le livre Serge Essaian, 2006. Non incluse, archives familiales.
  3. Vidéo entretien avec A. Borovsky « Serge Essaian connu et méconnu », Musée russe, 2002.
  4. Extrait de la lettre à S. B. Bazazians (rédacteur du journal D.I. SSSR), archives familiales.
  5. Ibid.
  6. Extrait de la lettre à A. Strigalev, citée dans A. Strigalev, « Rencontre avec Serge Essaian », Serge Essaian, catalogue de lexposition du Musée russe, Saint-Pétersbourg, Palace éditions, 2002, p. 57.
  7. Extrait de la lettre à S. B. Bazazians (rédacteur du journal D.I. SSSR), archives familiales.
  8. A. Borovski, «  Molloy et autres dos, catalogue de lexposition, Paris, éditions galerie de Buci, 2009, p. 3.

Bibliographie

  • Alexandre Zinoviev, A. Zamler, Sergej Essaian, catalogue de lexposition, 1979.
  • Henri Volokhonsky et Alexis Khvostenko, Fables (Басни), Paris, 1984. Illustrations et maquette du livre.
  • H. Volokhonsky, R. Pevear et P. Schmidt, Llovers, Munich, C.S.A.A.S., 1987.
  • Loïc Chotard, En attendant Charlotte Corday et autres baignoires révolutionnaires, Paris, 1988.
  • H. Volokhonsky et A Khvostenko, Les champs urbains (Городские поля), Paris, 1991. Illustrations et maquette du livre.
  • Xenia Bogemskaya, Têtes, catalogue de lexposition, Paris, éditions Galerie de Buci, 2000.
  • A. Borovsky, A. Stigalev, A. et I. Samarine, Serge Essaian au Palais de Marbre : peintures, sculptures, dessins, catalogue de lexposition, Musée Russe, Saint-Pétersbourg, Palace Editions, 2002.
  • Alexandre Borovsky et Xavier Fabre, Serge Essaian, maisons vues, gens, Paris, Fragments Éditions, 2006.
  • Alexandre Borovsky, Années russes. 197579, catalogue de lexposition, Paris, éditions Galerie de Buci, 2008.
  • Alexandre Borovsky et Irina Kronrod, Molloy et autres dos, catalogue de lexposition, Paris, éditions galerie de Buci, 2009.
  • Alexandre Borovsky et Vincent Delecroix, Baigneurs, plongeurs, etc., catalogue de lexposition, éditions Paris, Galerie de Buci, 2010.
  • Alexandre Borovsky, Serge Essaian, un hommage, catalogue de lexposition, Paris, Sotheby's, 2010.

Lien externe

Site officiel



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