Portrait du duc d'Antin

Portrait du duc d'Antin
Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin, duc d'Antin
Image illustrative de l'article Portrait du duc d'Antin
Artiste Hyacinthe Rigaud
Année 1708 - 1719
Technique huile sur toile
Dimensions (H × L) 138 cm × 103 cm
Localisation château de Versailles

Le portrait de Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin, duc d'Antin (1665-1736) a été exécuté entre 1708 et 1719 par le peintre français Hyacinthe Rigaud pour répondre à une commande de l'Académie Royale.

Sommaire

Historique de l'œuvre

Le principal portrait du duc d'Antin a été peint par Hyacinthe Rigaud afin de commémorer la nomination du modèle comme directeur des Bâtiments du Roi, Académies et Manufactures et protecteur de l'Académie Royale en 1708.

« En cette même année [1708], messieurs de lAcadémie royale de peinture et de sculpture, ayant pris pour protecteur M. le duc dAntin, devenu surintendant des bâtiments par la mort de M. Mansard, Rigaud fut choisi par cet illustre corps pour faire le portrait de ce seigneur, pour être placé dans la salle ils tiennents leurs assemblées, et lorsquil eut fini, il leur en fit présent, orné de la bordure. Ce portrait est sur une toile de quatre pieds et demi »

Grâce à ce témoignage tiré de l'autobiographie de l'artiste (1716)[1], et relayé par les procès-verbaux de lAcadémie Royale[2], nous savons que leffigie du duc dAntin, fut commandée dès 1708 et probablement achevée en 1719, date à laquelle lartiste en fit don à lAcadémie (ce qui expliquerait labsence de prix)[3]. Dans son catalogue des gravures daprès Rigaud, Hulst[1] donne cependant la date de 1713 pour la confection de loriginal

La verve générale de la composition, prouve que Rigaud fut particulièrement attentif aux désirs de représentation de son modèle, ce quattestent les relations étroites qui existaient entre eux : « LAcadémie chargea ensuite Rigaud de peindre le Duc dAntin son protecteur, pour être placé dans la salle dassemblée : Rigaud y employa tout son sçavoir & en fit présent à lAcadémie. […] Le Duc dAntin, Surintendant des bâtimens de Sa Majesté, faisait un grand cas dHyacinthe Rigaud »[4].

Le peintre saisit ici le portrait que fit Saint-Simon du modèle :

«  avec beaucoup desprit naturel, il tenait de ce langage charmant de sa mère et du gascon de son père, mais avec un tour et des grâces naturelles qui prévenaient toujours. Beau comme le jour étant jeune, il en conserva de grands restes jusquà la fin de sa vie, mais une beauté mâle et une physionomie desprit. Personne navait ni plus dagréments, de mémoire, de lumière, de connaissance des hommes et de chacun, dart et de ménagement pour savoir les prendre, plaire, sinsinuer, et parler toutes sortes de langages ; beaucoup de connaissances et des talents sans nombre qui le rendaient propre à tout, avec quelque lecture. Un corps robuste et qui sans peine fournissait à tout, répondait au génie, et, quoique peu à peu devenu fort gros, il ne lui refusait ni veilles ni fatigues. Brutal par tempérament, doux, poli par jugement, accueillant, empressé à plaire, jamais il ne lui arrivait de dire mal de personne. Il sacrifia tout à lambition et aux richesses, quoique prodigue, et fut le plus habile et le plus raffiné courtisan de son temps, comme le plus incompréhensiblement, assidu : application sans relâche, fatigues incroyables pour se trouver partout à la fois, assiduité prodigieuse en tous lieux différents […]. Sa table, ses équipages, toute sa dépense était prodigieuse, et la fut dans tous les temps. Son jeu furieux le fit subsister longtemps : il y était prompt, exact en comptes, bon payeur, sans incidents, les jouait tous fort bien, heureux à ceux de hasard, et avec tout cela fort accusé daider la fortune. Sa servitude fut extrême à légard des enfants de sa mère, sa patience infinie aux rebuts. On a vu celui quils[5] essuyèrent pour lui lorsquà la mort de son père ils demandèrent tous au Roi de le faire duc, et, si le dénouement qui se verra bientôt neût découvert ce qui avait rendu tant dannées et de ressorts inutiles, on ne pourrait le concevoir. On eût peut-être difficilement trouvé un homme plus propre que lui à commander les armées : il avait les vues vastes, justes, exactes, de grandes parties de général, un talent singulier pour les marches, les détails de troupes, de fourrages, de subsistances, pour ce qui fait le meilleur intendant darmée, pour la discipline sans pédanterie et allant droit au but et au fait, une soif dêtre instruit de tout qui lui donnait une peine infinie et lui coûtait cher en espions. Avec tant de vues, de soins, dapplications différentes à la cour et à la guerre, toujours à soi, toujours la tête libre et fraîche, despotique sur son corps et sur son esprit, dune société charmante, sans tracasserie, sans embarras, avec de la gaieté et un agrément, tout particulier, affable aux officiers, aimable aux troupes à qui il était prodigue, avec art et avec goût, naturellement éloquent et parlant à chacun sa propre langue, aisé en tout, aplanissant tout, fécond en expédients, et capable à fond de toutes sortes daffaires. Cétait un homme certainement très rare. »

Description

Ce vaste portrait, figurant le duc en militaire, reprend une attitude à succès de Rigaud, étrennée avec celle du maréchal-duc de Villars en 1704. À cette date, le tableau du maréchal valait 530 livres[6]. L'attitude sera reprise avec succès pour le portrait du comte de Hyom en 1716 puis dans celui du prince de Lichtenstein en 1740. Le modèle, représenté jusqu'aux genoux dans un environnement imaginaire dont le ciel tourmenté est le seul élément, pose l'une de ses mains sur un bâton de commandement posé sur un rocher. En arrière-plan, un casque est posé, tandis que l'autre main se tient sur la hanche. Le marquis est vêtu de la traditionnelle armure et habillé d'un ample manteau doublé d'hermine. Le buste est ceint de l'écharpe bleu de l'ordre du Saint-Esprit.

La date précise de la confection du portrait du duc d'Antin n'est cependant pas aisée. En effet, si la commande est passée en 1708, il semble que l'artiste mis du temps avant de la livrer. Si les premiers travaux des aides de latelier remontent à 1710[7], on sait que le Duché-Pairie dAntin ne fut érigé quen 1711 à partir du marquisat dAntin et des Baronnies, terres et Seigneuries de Bellisle, Mieslan, Tuilerie de Pis et Certias. Or, lensemble de liconographie du duc dAntin chez Rigaud présente le modèle vêtu de son manteau de Pair de France.

De même, les premiers états de la gravure de Tardieu (1720)[8],[9] ne figurent logiquement pas le cordon de chevalier du Saint-Esprit que dAntin reçoit le 7 juin 1724, toutes les copies connues du portrait noublient pas la décoration. Dailleurs, la majorité dentre elles montrent le ruban bleu de lordre, glissé sous les doigts de la main gauche de dAntin alors que la copie vénitienne (vendue au Dorotheum et à Munich) trahi un évident rajout de ce cordon, assez maladroitement peint dailleurs, contournant la main. Cette dernière version serait la plus ancienne connue, englobant davantage de paysage sur les côtés de la composition. Ainsi, on ne connaît pas la localisation du portrait original. La version offerte par l'artiste à l'Académie[10] semble postérieurs à 1724.

Dans la version en buste de la vente Christies de mars 2004, seule la tête du duc est conforme au tableau dorigine : le drapé est très différent ainsi que laspect de larmure.

Copies et travaux

  • « Une de Mr le duc dAntin pour Monsieur Le Fevre[n 1] » pour 75 livres (1710).
  • « Deux teste de Mr le marquis dAntin » par Prieur pour 24 livres (1710).
  • « Deux bustes de Mr le duc dAntin » par Prieur pour 24 livres (1711).
  • « Un habillement de Mr le duc dAntin » par Prieur pour 12 livres (1711).
  • « Ébauché lhabillement du marquis dAntin, un jor » par Bailleul pour 3 livres (1711).
  • « Un buste du duc dAntin » par Bailleul pour 20 livres (1712).
  • « Un habillement dun buste hors la draperie, daprès Mr le duc dAntin » par Vial pour 3 livres (1712).
  • « Une teste de Mr le duc dAntin » par Bailleul pour 12 livres (1713).
  • « Une coppie [sic] en grand du duc dAntin » par La Penaye pour 70 livres (1717).
  • « Retouché une grande copie de Mr l. D. dAntin faite par le Sr Lecomte, ou jai demeuré 17 jr » par La Penaye pour 28 livres (1718).
  • « Une tête de Mr l. D. dAntin, dun buste dont jai retouché lhabillement » par La Penaye pour 20 livres (1718).
  • « Une autre tête de Mr l. D. dAntin, dont jai retouché lhabillement » par La Penaye pour 10 livres (1718).
  • « Une de Mr le duc dAntin pour Mr Adam » pour 150 livres (1719).
  • « Une de Mr le duc dAntin pour le duc dAntin » pour 500 livres (1719).
  • « Une copie de Mr le duc dAntin pr. M. Adam » sans prix (1729).

Œuvres en rapport

Le duc d'Antin par Tardieu d'après Rigaud. Premier état
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 138 ; L. 103. Versailles, musée national du château (salle 85, exposé). MV5555, Inv. 7559, B 2157. Légué par Rigaud en 1719 à lAcadémie. Mentionné au dépôt de Nesle en 1796. Ancienne collection, mentionné dans les réserves du Louvre en 1824. Entré à Versailles sous Louis-Philippe (1833)[11].
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 120 ; L. 91 (avec variantes car la main droite est sensiblement différente, reposant sur un bâton de commandement plus court), Versailles, musée national du château. MV4333, Inv. 7560, B 2081. Anciennement à lAcadémie royale de peinture. Ancienne collection ; entré à Versailles sous Louis Philippe ; en dépôt au musée de Metz[11].
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 135 ; L. 104. Versailles, musée national du château. MV3673, inv. 7557 ; MR 2403. Ancienne collection du château, entré à Versailles sous la Restauration en provenance du musée du Louvre[11].
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 138 ; L. 104. Châteauroux, musée Hôtel-Bertrand. Inv. D-1214. Dépôt du Louvre en 1872. Voir cat. du musée [Beulay], 1910, p. 7, n°13.
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 101 ; L. 129. Collections du duc dUzès.
  • Huile sur toile daprès Rigaud. H. 145 ; L. 114. Isola di Torcello (Venise), collection de Nicoletta Piccoli (par héritage dun marchand dart) ; sa vente, Vienne, Dorotheum, 16 octobre 2007, lot. 90 (30 000 euros), repr. p. 179 du catalogue ; Vente Münich, Hampel, 5 décembre 2008, lot 302.
  • Huile sur toile daprès Rigaud (adaptation en buste avec habillement différent). H. 80 ; L. 65,1. Vente Londres, Christies, 4 mars 2004, lot 370, n°6806, « collection Madame X » (invendu), repr. p. 41 du cat. ; vente Londres, Christies, 22 avril 2005, lot 121, cat. p. 145, repr.
  • Gravé par Nicolas-Henri Tardieu dans le même sens que la toile, figure jusquaux genoux, pour sa réception à lAcadémie le 29 novembre 1720. En bas, la lettre suivante, de part et dautre dune composition aux armes : Louis Antoine de - Pardaillan de Gondrin, / Duc dAntin, Pair de France, Lieutenant Général - des Armées du Roy et de la haute et basse Alsace, / Gouverneur et Lieutenant Général pour sa Majesté - des villes et Duché dOrléans et Pays Orléanois, / et de la ville et Château dAmboise, Surintendant - et Ordonnateur général des Bâtimens et Jardins / du Roy, Arts et Manufactures, Académies Royales - et Conseiller du Conseil de Régence / Peint par Hyacinthe Rigaud et gravé par Nic. Tardieu - pour sa réception à lAcadémie en 1720. Trois états (avant la lettre, sans lordre du Saint-Esprit, avec lordre du Saint-Esprit).
  • Gravé par François Chéreau (selon Hulst), « daprès le même tableau [sans aucun changement] », pour sa réception [à l'Académie] en 1724.
  • Gravé par François Chéreau, la même attitude, « augmentée seulement du cordon et de la croix du Saint-Esprit » en 1724.
  • Gravé par Jean Audran en 1716, « buste sans mains, dont la tête daprès le même tableau et le surplus de lattitude et des draperies composé exprès pour cette forme ».
  • Gravé par Martin Bernigeroth en 1724, en buste dans un ovale. H. 14,3 ; L. 9.

Notes

Références

  1. a et b Charles-Philippe de Chennevières-Pointel 1854, p. 192
  2. Anatole de Montaiglon 1875-1892, p. 62-63
  3. Absent des livres de comptes du peintre.
  4. Antoine Joseph Dezallier d'Argenville 1745, p. 314, 316
  5. Le duc du Maine et le comte de Toulouse, soutenus par le duc dOrléans.
  6. Joseph Roman 1919, p. 107
  7. Joseph Roman 1919, p. 154, 160, 166, 167, 170, 184, 186, 188, 205
  8. Portalis & Béraldi 1880, p. 51,53 (n°3)
  9. Portalis & Béraldi 1880, p. 583 (n°10)
  10. Versailles, musée national du château, (salle 85, exposé), MV5555, Inv. 7559, B 2157.
  11. a, b et c Constans 1995, p. 764, n°4308

Bibliographie

  • Charles-Philippe de Chennevières-Pointel, Louis Étienne Dussieux, Paul Mantz, Anatole de Montaiglon, Édouard Soulié, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de lAcadémie royale de peinture et de sculpture, publiés daprès les manuscrits conservés à lécole impériale des beaux-arts, vol. II, Paris, Société de l'histoire de l'art français, 1854 
  • Claire Consans, Musée National du château de Versailles : Les peintures, Paris, Réunion des musée Nationaux, 1995 
  • Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, avec leurs portraits gravés en taille-douce, les indications de leurs principaux ouvrages, Quelques réflexions sur leurs Caractères, et la manière de connoître les dessins des grands maîtres, vol. IV, Paris, De Bure, 1745 
  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de lAcadémie Royale de Peinture et de Sculpture (1648-1793) publiés par Anatole de Montaiglon daprès les registres originaux conservés à lÉcole des Beaux-Arts de Paris, Paris, Société de lHistoire de lart français, 1875-1892 
  • Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), le peintre des rois, Montpellier, Nouvelles Presses du Languedoc, 2004 
  • Roger de Portalis (baron) et Henri Beraldi, Les graveurs du dix-huitième siècle, Paris, D. Morgand et C. Fatout, 1880-1882 



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