- Mosaïque des chevaux (Carthage)
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La mosaïque des chevaux est une mosaïque d'époque romaine trouvée sur le site archéologique de Carthage et déplacée dans le parc archéologique des villas romaines, à proximité immédiate de la villa dite « de la volière ». Sa composition de mosaïque et d'opus sectile ainsi que son thème original en fait l'une des œuvres les plus intéressantes livrées par le site au XXe siècle.
Sommaire
Histoire
La mosaïque a été retrouvée lors de travaux de voirie fin novembre 1960[1], lorsque des ouvriers tunisiens chargés d'élargir la route reliant La Malga au palais présidentiel de Carthage[2] ont mis au jour, au pied de la colline de Junon, une vaste construction dénommée « palais » par Gilbert Charles-Picard et riche de belles mosaïques[3]. Le bâtiment était dans un état très médiocre de conservation, à seulement quelques mètres de l'édifice à colonnes[4].
Le service du patrimoine fait aussitôt déposer les mosaïques dans l'antiquarium situé dans le parc des villas romaines[4]. La construction, datée du IVe siècle selon Gilbert Charles-Picard, a été étudiée par Alexandre Lézine et Louis Foucher. Abdelmajid Ennabli date pour sa part l'œuvre du Ve siècle[5].
Description
La mosaïque mesure 12,12 mètres sur 9,08[6].
Une bordure de 90 centimètres, qui est décorée d'enfants chasseurs, entoure la mosaïque qui est en forme d'échiquier comportant 198 cases et 18 rangées de onze cases[6]. Ces cases de soixante centimètres de côté sont soit des tableaux de tesselles soit des panneaux d'opus sectile[7].
Les enfants de la bordure chassent de petits animaux (gerboises, chats) et tentent de capturer avec un lasso des oiseaux[8].
Les panneaux de mosaïque étaient au nombre de 86, dont 63 ont été conservés en partie. Azedine Beschaouch pense que les panneaux de mosaïques étaient au nombre de 98, 100 panneaux étant composés de plaques de marbre d'opus sectile[9].
Les panneaux de mosaïque sont très fins et de qualité et certains sont d'« authentiques chefs d'œuvre » selon Mohamed Yacoub[10].
Les panneaux représentent presque tous un décor avec des chevaux de course[11] préparés pour une course de cirque et munis de collier avec le nom entier ou abrégé du propriétaire. Une scène complète accompagne parfois le cheval[8]. Les décors liés aux chevaux sont regroupés en six groupes par Gilbert Charles-Picard : des divinités, des personnalisations, des scènes mythologiques, la vie quotidienne, les jeux, d'autres personnages qui ne sont pas liés aux chevaux[12]. Les emblema sont de qualité diverse (due à plusieurs artisans) mais l'ensemble est cohérent et daté du début du IVe siècle par Gilbert Charles-Picard[13].
Les panneaux d'opus sectile sont constitués de fines plaques de marbre de coloris et de formes variés[14].
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Panneau avec l'équipement d'un oiseleur, bâtons, cage et faucon ; le nom du cheval était Auceps (oiseleur) ou Venator (chasseur)[5]
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Panneau de mosaïque avec un cheval et une louve sous laquelle se trouvent deux enfants, peut-être les jumeaux Romulus et Rémus
Interprétation
Le pavement a d'abord été considéré comme un calendrier de fêtes, cette interprétation étant rejetée assez vite pour Jan Willem Salomonson qui considère le décor de chaque emblema comme un rébus pour deviner le nom du cheval de course[15], ce nom étant fréquemment donné sur les mosaïques africaines[16]. Le choix de la devinette est unique à ce jour selon Abdelmajid Ennabli[17]. Cependant, certaines des images figurées n'ont pu être décodées[18].
Le coloris du collier donnerait le nom de la faction à laquelle appartenait le cheval, certains jubilatores figurent aussi avec une casaque colorée. Les factions représentées sont les Bleus et les Rouges, factions aux idées politiques plutôt conservatrices et aristocratiques[19].
Abdelmajid Ennabli évoque une commémoration d'une course célébrée dans le cirque de Carthage[20]. Décrire par le jeu les équipages de coursier permettait au maître du lieu d'éviter la monotonie d'une simple énumération et de témoigner de son raffinement[17].
Mohamed Yacoub pour sa part réfute les interprétations précédentes et considère que la villa appartenait à un riche aristocrate du début du IVe siècle et que les dimensions du bâtiment invitent à y voir le goût du luxe du propriétaire[21] ; la qualité du travail témoigne des dépenses engagées et son érudition également par le mode de devinette des noms des chevaux[10].
Notes et références
- Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », CRAI, vol. 135, n°3, 1991, p. 471
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, Carthage retrouvée, éd. Cérès / Herscher, Tunis / Paris, 1995, p. 144
- Gilbert Charles-Picard, « Un palais du IVe siècle à Carthage », CRAI, vol. 108, n°1, 1964, pp. 101-102
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., p. 102
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, op. cit., p. 108
- Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », p. 473
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., p. 109
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., pp. 109-110
- 71 panneaux de ce mode de construction subsistent selon Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », p. 472
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1995, p. 325
- 62 panneaux représentent des chevaux selon Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, op. cit., p. 111
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., pp. 111-113
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., p. 113
- Mohamed Yacoub, op. cit., p. 321
- Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », pp. 475-476
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., pp. 113-114
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, op. cit., p. 111
- Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », p. 476
- Gilbert Charles-Picard, op. cit., pp. 114-115
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, op. cit., p. 110
- Mohamed Yacoub, op. cit., pp. 320-321
Voir aussi
Bibliographie
: ce logo indique que la source a été utilisée pour la rédaction de l’article.- Azedine Beschaouch, « Encore « la mosaïque des chevaux » de Carthage : à propos de Polystephanus, le coursier aux multiples victoires », CRAI, vol. 140, n°4, 1996, pp. 1315-1320 (lire en ligne ; résumé en ligne)
- Azedine Beschaouch et Claude Nicolet, « Nouvelles observations sur la « Mosaïque des chevaux » et son édifice à Carthage », CRAI, vol. 135, n°3, 1991, pp. 471-507 (lire en ligne)
- Gilbert Charles-Picard, « Un palais du IVe siècle à Carthage », CRAI, vol. 108, n°1, 1964, pp. 101-118 (lire en ligne)
- Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, Carthage retrouvée, éd. Cérès / Herscher, Tunis / Paris, 1995 (ISBN 9973190556)
- Mongi Ennaïfer, « Le thème des chevaux vainqueurs à travers la série des mosaïques africaines », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, vol. 95, n°95-2, 1983, pp. 817-858 (lire en ligne)
- Janine Lancha, « Les ludi circenses dans les mosaïques de l'Occident romain, Afrique exceptée », AAC, n°10, 1999, pp. 277-294 (lire en ligne)
- Colette Picard, Carthage, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1951
- René Rebuffat, « Maisons à péristyle d'Afrique du Nord : répertoire de plans publiés », Mélanges d'archéologie et d'histoire, vol. 81, n°81-2, 1969, pp. 659-724 (lire en ligne)
- Jan Willem Salomonson, La mosaïque aux chevaux de l'antiquarium de Carthage, éd. Imprimerie nationale, La Haye, 1965
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1995
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