Mire (médecin)

Mire (médecin)

Au Moyen Âge, un mire (du latin populaire mirare, « regarder attentivement ») est un médecin. La femme du mire est une miresse.

Ce terme de métier est à l'origine de nombreux patronymes français.

Sommaire

Usage

L'existence du « mire » est notée dès le XIIe siècle[1] : le manuscrit de la Chronique des ducs de Normandie le mentionne vers 1175[2]. La profession prend un essor particulier au siècle suivant, lorsqu'à la suite du quatrième concile du Latran (1215), il devient interdit aux prêtres de verser le sang et, ainsi, d'intervenir auprès de nombreux malades[3]. Cette laïcisation de la médecine est accentuée par une ordonnance du pape Honorius IV ordonnant la séparation définitive de l'exercice médical et de la prêtrise : une raison de cette décision vise à préserver les écclésiastiques de la « tentation » s'ils venaient à examiner et soigner une pénitente[3].

Dans la société médiévale, le mire est considéré comme un homme d'études et de livres, contrairement au chirurgien dont la pratique est manuelle, à l'instar du barbier ou de l'inciseur. Cette position savante est favorisée par le développement des études universitaires (naissance de l'université au XIIIe siècle)[3]. Le langage docte du mire devient dès lors une source de railleries populaires qui se développent dès cette époque et se perpétuent les siècles suivants[4]. Dès le XIIIe siècle, Rutebeuf décrit la vantardise d'un mire dans un monologue que Michel Zink date des environs de 1265[5] :

« Ainçois somes maistre mire fuisicien qui avons esté par estranges terres, par estranges contrées, por querre les herbes et les racines, et les bestes sauvaiges dont nos faison les oignemenz de quoi nos garisson les malades et les bleciez, et les navrez qui sont en cest païs et en ceste contrée[6] ».

Le terme apparaît vieilli à la fin du XVIe siècle[1] mais il est toujours employé : en 1574, Ronsard compose une élégie à Apollon, « Roy des mires », pour la guérison de Charles IX dont les crachats de sang se font fréquents et dont la mort est imminente[7].

Au XVIIe siècle, Ménage signale encore dans son Dictionnaire (1694) qu'on voit « par les anciens titres de la confrairie des maistres chirurgiens de Paris […] qu'ils sont communément appelez Maistres Mires[8] ». Molière connaît également le terme, qui s'appuie sur un fabliau médiéval intitulé Le Vilain mire (le bourgeois médecin) pour en tirer l'argument du Médecin malgré lui (1666)[9].

Au XIXe siècle, le mire est toujours un médecin, mais de façon quelque peu ironique et grandiloquente. Tel Gustave Flaubert, dans les Trois Contes :

« Il manda les maîtres mires les plus fameux, lesquels ordonnèrent des quantités de drogues. » (La Légende de saint Julien l'Hospitalier)

De nos jours, le souvenir de ce praticien médiéval ne subsiste plus que dans des patronymes.

Patronymes

Mire est à l'origine, entre autres, des noms de famille Mire, Le Mire, Lemire, Lemyre, Lemyere, Myre, Mir, Miret, Miron, Miro, Miroux, Mironneau[10]

Proverbes

  • « Après la mort le mire », proverbe commun
  • « Bon mire est qui sait guérir » (Jehan Mielot, XIXe siècle)
  • « Bon mire fait plaie puante » (Mimes de Baïf, fol. 58, XVIe siècle)
  • « Qui cherche la guérison du mire, il lui convient son mal dire »[11]

Voir aussi

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Articles connexes

Références

  1. a et b Émile Littré, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, t. 4, p. 432, Paris, Société du nouveau Littré, Le Robert, 1969.
  2. Charles du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, p. 234, Paris, Firmin-Didot, 1850 lire en ligne
  3. a, b et c Article, « Le médecin et le chirurgien : Le chanoine médecin », université Paris Descartes lire en ligne
  4. Danielle Jacquart, Claude Thomasset, Matthew Adamson, Sexuality and Medicine in the Middle Ages, p. 42, Princeton University Press, 1988. (ISBN 0691055505)
  5. Comptes-rendus des séances, n° 2, Académie des inscriptions et belles-lettres, 2006.
  6. Rutebeuf, Ci gomence l'erberie : « Ainsi nous sommes maître mire physicien, qui avons été par étranges terres, par étranges contrées, pour quérir les herbes et les racines, et les bêtes sauvages dont nous faisons les onguents avec lesquels nous guérissons les malades et les blessés, et les malheureux qui sont en ce pays et en cette contrée ».
  7. Paul Laumonier, Ronsard, poète lyrique, p. 252, Paris, Hachette, 1909, lire en ligne
  8. Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique de la langue française, p. 155, t. II, Paris, chez Briasson, 1750 (nouvelle édition) lire en ligne
  9. Cedric E. Pickford, « Farce : L'importance de la farce française», Encyclopædia Universalis lire en ligne
  10. Analyse géo-anthroponymique, « Migneron-Miron », Centre de recherches généalogique du Québec, Montréal lire en ligne
  11. Le Roux de Lincy, Ferdinand Denis, Le livre des proverbes français, vol. 1, Paris, Paulin, 1842.

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