- Les dernières minutes du vol AF447
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L'équipage du vol 447 d'Air France comprend trois pilotes. Un commandant de bord et deux copilotes. Quelques minutes avant le crash le commandant de bord est remplacé en place gauche par le premier copilote. Le commandant de bord est allé se reposer, en cabine de repos (il n'est plus dans le cockpit). Le deuxième copilote (le moins expérimenté des trois), assis à droite est alors aux commandes (pilote en fonction, PF). Il devient du fait de ce statut et de l'absence du commandant le responsable du vol. En effet, bien que ce point n'ai pas été explicitement défini par le commandant avant son départ en repos, les règles stipulent qu'en l'absence du commandant, le PF est dépositaire de l'autorité du commandant.
L'avion est sous pilotage automatique. Il est dans les nuages au niveau de vol 350 (une altitude d'environ 35 000 pieds), il est entré dans la zone de convergence intertropicale, les pilotes s'attendent à des turbulences. Les hôtesses en sont averties. Les pilotes modifient légèrement la trajectoire vers la gauche.
À 2 h 10 min 05 (UTC), le pilote automatique et l'auto-poussée (manette des gaz automatique) se désengagent, très probablement suite à de la glace qui aurait bouché les sondes Pitot, privant l'appareil d'une mesure de vitesse fiable. Le copilote en fonction (PF) (à droite) reprend les commandes et le manche en main ("J'ai les commandes").
A 2 h 10 min 10 (UTC), l'alarme de décrochage "Stall stall stall" se déclenche.
A 2 h 10 min 11(UTC), le PNF (copilote) manifeste son incompréhension "Qu'est ce que c'est que ca ?"
A 2 h 10 min 14(UTC), le PF indique "On n'a pas une bonne annonce ... de vitesse" alors que l'alarme de décrochage "Stall stall stall" a retenti une seconde fois.
Le vol est turbulent, et les actions sur le manche sont relativement importantes notamment vers l'arrière (action à cabrer). L'alarme de décrochage se déclenche. L'appareil prend de l'altitude et atteint 37 924 pieds. Le copilote PNF indique qu'il faut « redescendre ». Le pilote en fonction exerce quelques actions à piquer (il pousse sur le manche) ce qui ralentit la montée, mais n'est pas suffisant pour l'arrêter complètement ni a fortiori pour redescendre. La vitesse diminuant avec la prise d'altitude (transfert d'énergie), l'incidence de l'avion augmente pour maintenir la portance. Au dela d'un certain stade, l'incidence devient trop importante : l'appareil décroche, ce qui ne semble pas avoir été détecté par l'équipage. Effet, alors qu'il faut pousser sur le manche pour abaisser le nez de l'avion et sortir du décrochage, l'action des pilotes restera à essentiellement à cabrer jusqu'à l'impact. L'avion va donc subir une chute et toucher la surface de l'eau à une vitesse vraie de 293 km/heure.
Interactions entre les pilotes et la machine
À 2 h 10 min 51, l'alarme de décrochage se déclenche à nouveau (elle a brièvement retenti deux fois pendant la mise en montée) et reste active durant 54 secondes. L'incidence enregistrée (de l'ordre de 6 ° au déclenchement) indique aux enquêteurs que cette information de décrochage est valide. Il faut noter que l'information d'incidence n'est pas indiquée sur le tableau de bord. L'avion décroche et perd de l'altitude de manière importante. Le PF continue de tirer sur le manche, ce qui maintient l'appareil en situation de décrochage, alors qu'il faudrait pousser franchement sur le manche, pour faire plonger l'appareil et réduire l'incidence afin de récupérer la portance.
À 2 h 11 min 32, le PF annonce « je n’ai plus le contrôle de l’avion là. J’ai plus du tout le contrôle de l’avion ». L'autre copilote (PNF) annonce qu'il prend les commandes. En fait le PNF n'agira quasiment pas sur les commandes et le PF continue de manœuvrer l'avion. Il tire sur le manche, ce qui maintient la situation de décrochage.
À 2 h 11 min 43, le commandant de bord revient dans le cockpit et dit « Eh qu’est-ce que vous (faites) ? ». L'incidence atteint 40 ° et la perte d'altitude s'accélère (vitesse verticale de -10 000 pieds/minute). L'incidence mesurée est tellement importante que les vitesses indiquées deviennent trop faibles et donc invalides. Ceci arrête l'alarme de décrochage.
À 2 h 12 min 13, le copilote de gauche demande au commandant de bord « Qu’est-ce que tu en penses qu’est-ce que tu en penses, qu’est-ce qu’il faut faire ? ». Le commandant de bord répond : « Là je sais pas là ça descend ».
Lorsque que les pilotes arrêtent de tirer sur le manche la vitesse mesurée augmente, ce qui la rend valide et donc cela provoque à nouveau l'alarme de décrochage. Cela ne les encourage probablement pas à pousser sur le manche. Le décrochage continue et l'équipage s'aperçoit de la perte d'altitude. Les conversations montrent que les pilotes n'envisagent pas qu'ils puissent être en décrochage, et n'entreprennent rien pour en sortir : il faudrait pousser franchement sur le manche.
Vers 2 h 13 min 40, le copilote commence à pousser sur la manche, alors que l'avion a atteint 9 000 pieds. Le copilote de droite dit « Mais je suis à fond à cabrer depuis tout à l’heure » . Le commandant de bord répond : « Non non non ne remonte pas », le copilote de gauche dit « Alors descends Alors donne-moi les commandes à moi les commandes ». Le copilote de droite répond : « Vas-y tu as les commandes on est en TOGA toujours hein ».
À 2 h 14 min 05, le commandant de bord dit : « Attention tu cabres là ». Le copilote de gauche « Je cabre ? ». Le copilote de droite : « Ben il faudrait on est à quatre mille pieds ».
À 2 h 14 min 17, les alarmes « Sink rate » (taux de descente !) et « Pull up » (tirez !) se déclenchent, indiquant que la surface de l'océan se rapproche trop rapidement. L'altitude indiquée est 2 140 pieds. Le commandant de bord : « Allez tire ». Le copilote de gauche « Allez on tire on tire on tire on tire ».
À 2 h 14 min 26, le manche à gauche est positionné à piquer et à droite. Le manche à droite est positionné en butée à cabrer et autour du neutre en latéral. Le commandant de bord dit : « (Dix) degrés d’assiette ».
L'impact
3 minutes 30 après le début du décrochage, l'appareil touche la surface de l'eau avec une vitesse sol (horizontale) de 107 nœuds (195 km/h), une vitesse verticale de -10 912 pieds/minute (220 km/h). Ce qui fait une vitesse vraie de 293 km/h. L'assiette est de 16,2 degrés à cabrer, le roulis est de 5,3 degrés à gauche et le cap magnétique est de 270 degrés. Durant cette chute, l'avion a effectué un virage sur la droite de plus de 180°. Les enregistrements s’arrêtent à 2 h 14 min 28. L'épave sera retrouvée à la position .
L'appareil se fragmente aussitôt de manière importante. Il n'y a pas de signe d'incendie. Les débris plus denses coulent les plus rapidement et touchent en premier le fond océanique plat constitué de sédiments argileux à 3 900 mètres de profondeur. Les autres débris moins denses se répartissent sur un alignement de plusieurs centaines de mètres en direction de l'ouest-sud-ouest. Un morceau de fuselage de 7 mètres avec des hublots coule 2,5 km plus loin.
Notes et références
Catégories :- Accident et incident aériens d'Air France
- Airbus A330
- 2009
- Relations entre le Brésil et la France
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