Jean Morély

Jean Morély

Jean-Baptiste Morély, dit de Villiers, appelé aussi Morelly, en réalité Morel, en latin Morelius, vers 1524 à Paris, et mort vers 1594 en Angleterre, est un théologien protestant français.

Fils de Jean Morelli, médecin ordinaire de François Ier, originaire de Normandie[1], Morély était réfugié avec sa famille à Genève pour cause de religion. Homme desprit et de savoir, plein de zèle pour la Réforme et surtout de bonne foi, il ne trouvait pas dans les temps apostoliques le modèle du consistoire tel que Jean Calvin lavait organisé. Lhistoire de lÉglise chrétienne lui montrant, au contraire, lassemblée entière des fidèles appelée, jusquà lorigine de la hiérarchie, à prononcer en dernier ressort sur toutes les questions importantes concernant la doctrine, les mœurs, lélection des pasteurs, etc., il osa exprimer le vœu dun retour à lancienne constitution démocratique des communautés chrétiennes, dans un ouvrage quil soumit au jugement du réformateur lui-même. Calvin, qui naimait que lon critique ni ses doctrines ni ses institutions, lui retourna son ouvrage avec un billet portant quil navait pas le temps de lire un si gros volume écrit sur un sujet qui avait été décidé par la Parole de Dieu. Morély, blessé peut-être de ce procédé, envoya son manuscrit à Lyon, sans le soumettre à la censure, obligation à laquelle les ministres eux-mêmes, y compris Calvin, étaient astreints, et le fit imprimer sous le titre de Traicté de la discipline et police chrétienne, à Lyon, de Tournes, 1564, in-4° en le plaçant sous le patronage de Viret.

Cet ouvrage nest pas moins remarquable par la clarté et la correction du style que par la force des raisonnements ; la plus grande modération y règne dailleurs dun bout à lautre, et lon y chercherait en vain une attaque directe contre la discipline calviniste. Le seul reproche que lon serait peut-être en droit dadresser à lauteur, cest quil choisit un moment peu opportun pour le mettre au jour ; mais linopportunité dune publication est-elle une raison suffisante pour la condamner, comme le Synode national dOrléans condamna, en 1562, le traité de Morély, qui le lui avait présenté lui-même, et surtout pour en excommunier lauteur ? Beaucoup de personnes, et des plus zélées pour la Cause, trouvèrent la sentence du Synode très étrange. Soubise, entre autres, sen expliqua vivement avec Théodore de Bèze, qui parvint à le calmer, sans doute, en insistant sur les considérations politiques. Morély, qui sétait rendu à Orléans, pour y défendre ses opinions, se retira alors à Tours, il trouva dans le pasteur Saint-Germain un adversaire aussi ardent que Bèze lui-même. Il retourna donc à Genève, au mois de novembre 1562.

Peu de temps après son arrivée, Morély reçut une citation à comparaitre devant le consistoire pour avoir à se rétracter. Il refusa dobéir en offrant toutefois de se soumettre au jugement de Farel, de Viret et de Calvin. Ce dernier ne voulut pas accepter le rôle darbitre, en déclarant quil nétait pas supérieur au Synode qui avait prononcé la condamnation. Morély demanda alors la permission de se défendre par écrit ; mais le consistoire « attendu quil ne respondoit pertinemment et quil sçavoit cependant bien maintenir ses erreurs, » lexcommunia, le 31 août 1563, et le déféra, comme schismatique, au Conseil qui fit brûler son livre par la main du bourreau et en défendit la vente, le 16 septembre. Lirritation ne fit que croitre entre les deux partis. Trois synodes nationaux, celui de Paris, en 1565, celui de La Rochelle, en 1574, et celui de Nîmes, en 1572, furent encore appelés à soccuper de cette question, et la résolurent contre Morély, en condamnant de nouveau comme hérétique son Traité de la discipline et en ajoutant à cette condamnation celle de sa Réponse à la Confirmation de la discipline, sur le rapport de Bèze, Chandieu et Beaulieu, chargés de lexaminer.

Dès 1563, Morély avait prudemment quitté Genève. Une lettre dHespérien à Bèze[2], montre quen 1566, il remplissait les fonctions de précepteur auprès du fils de Jeanne dAlbret[3], qui, sur les instances du consistoire de Genève[4], le remercia de ses services et le remplaça par Milet. Nous savons déjà par une autre lettre du ministre de Lestre que « beaucoup de grands personnages » partageaient ses opinions. On peut donc conclure de quil fut victime des passions cléricales, et quil ne fut poursuivi avec tant dacharnement par les ministres que parce que ses doctrines menaçaient leur autorité. Il est regrettable que Bèze soit intervenu aussi activement dans une persécution exercée contre un homme dont la seule faute était de vouloir ramener véritablement lÉglise aux institutions de lâge apostolique.

Après sa dernière condamnation au Synode de Nîmes, léglise de Paris, qui jusque- ne lui avait pas été hostile, se tourna aussi contre lui. À dater de cette époque, Morély disparait de la scène. Tout porte à croire quil passa en Angleterre, et quil est le même que Jean Morel ou plutôt Moreli (Joannes Morelius), fugitif de France pour cause de religion, déjà vieux et presque décrépit en 1589, comme il le dit lui-même dans la dédicace à la reine Élisabeth de son Tractatus de ecclesiâ ab Antichristo per ejus excidium liberandâ, eâque ex Dei promissis beatissime reparandâ : cui addita est ad calcem verissima certissimaque ratio conciliandi dissidii de coenâ Domini, Londres, 1589, in-8° ; trad. en allemand par F. Kranmeyer, sous le titre de Extirpatio Antichristi, sive Explicatio in Apocalyps. S. Joannis qualiter Antichristus ex christianâ Ecclesiâ exterminari possit, cum solutione litis de coenâ Domini, Bâle, 1594, in-12.

Ce Jean Moreli, dont Lelong fait à tort un Allemand, dans sa Bibliotheca sacra, a encore publié, selon Watt, Verborum latinorum cum græcis anglicisque conjunctorum locupletissimi commentarii, Londres, 1583, in-fol.

Notes

  1. Probablement de Blaru
  2. Mss. de Genève, no 197b.
  3. À la même époque, de La Roche était précepteur de Catherine de Navarre.
  4. On lit dans les Notes extraites des registres, du consistoire de léglise de Genève, par Cramer : Du 28 novembre 1566 : Sur ce qui a esté proposé par Mde Bèze, ministre, touchant le blasphème faict contre Dieu et le tort faict à ceste église, voyre à la Seigneurie, par Jehan Morelli de Paris qui aultrefois a habité en ceste cité, contenus es lettres par ledit spect. ministre adressantes à lui et à tous les ministres de ceste église. A esté advisé de bailler charge audict M. de Bèze, M. Remond ministre, M. le marquis Galéace Caracciolo et au sieur F. de Chasteauneuf assistant au consistoire daller propouser et remonstrer le faict pardevant Messieurs et les prier de bien [peser] le faict pour en rescripre à la royne de Navarre et à son conseil au sein de laquelle ledict Morelli sest allé fourrer.— Du 5 déc. 1566. Sur le faict de Jehan Morelli de Paris dont fust traicté jeudi dernier ici et aussi devant Messieurs, a esté advisé, par le rapport de M. de Besze au nom des ministres, quil serait bon denvoyer et déléguer un des ministres de ceste église pour aller pardevant la royne de Navarre pour lui remonstrer le faict, non pas par forme de plaincte, ains seulement par forme dadvertissement, et pour y pourveoir, « premièrement que M. ladmyral de France en soit adverty, touttefois avec le bon vouloir de Messieurs, et affin que les choses soient déduictes par ordre, le faict leur soit communiqué dès demain : pour ce faire plaise à M. de Besze et aux aultres sieurs commis de jeudi aller propouser le faict par devant eulx à demain.

Sources

Tout ou partie de cet article reprend E. Haag, La France protestante : ou Vies des protestants français qui se sont fait un nom dans lhistoire depuis les premiers temps de la réformation jusquà la reconnaissance du principe de la liberté des cultes par lAssemblée nationale, t. 7, Joël Cherbuliez, 1846-1859, 560 p. [lire en ligne (page consultée le 2 février 2011)], p. 505-7 , qui est dans le domaine public.

Bibliographie

  • Philippe Denis et Jean Rott, Jean Morély (ca 1524-ca 1594) et lutopie dune démocratie dans lÉglise, avant-propos de Bernard Roussel, Droz, Genève, 1993, 405 p.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Jean Morély de Wikipédia en français (auteurs)

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