Bataille d'Elhri

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Elhri est un petit village marocain, situé au sud et à 20 km de Khénifra où campaient les troupes de Mouha ou Hammou Zayani, après la prise de Khénifra en juin 1914 par F. Berger, contingent de cavaliers estimés à environ mille. Ce village entra dans l'histoire du fait de l'affrontement qui s'y déroula le 13 novembre 1914 à l'aube. Cette bataille est souvent surnommée, le Dien Bien Phu marocain[réf. nécessaire], au regard de la pugnacité des tribus berbères Zayanes et Ichkirn et des pertes infligées aux assaillants. Mais cette bataille n'a pas eu les éloges qu'elle méritait de la part des histographes marocains, comme il en a été de Bataille d'Anoual, seul un monument aux morts est érigé pour rappeler la défaite d'Elhri. Cette bataille entre dans la cadre de la campagne du Maroc (1907-1914).

Sommaire

Introduction

L'Europe embrasée par la guerre, les autorités coloniales se trouvent devant le problème de conquérir le Maroc soumis au protectorat depuis 1912, pour compenser la supériorité du Reich. La France voyait dans le Maroc un pays contributeur mais qui ne lui était pas totalement soumis. Une grande partie du pays menant une lutte acharnée contre l'occupant, le gouvernement de Paris décide d'envoyer toutes les troupes stationnées au Maroc sur les ports atlantiques, ce qui implique l'abandon des postes avancés répartis dans le territoire marocain, et de garder les axes stratégiques : Kénitra-Meknes-Fes-Oujda, Boudnib, Casablanca-Tadla. Cette décision du gouvernement de Paris peut mettre en péril les troupes restantes au Maroc et fragiliser la présence française. L'inquiétude de Lyautey l'oblige à s'exprimer ainsi : « Si nous commençons à évacuer, nous sommes fichus, si nous lâchons la moindre partie du front (...) ce sera la boule de neige », avec 20 bataillons il continuera sa conquête du Maroc dans une situation quasi périlleuse. Lyautey s'engage à mener une guerre contre les redoutables tribus berbères (Zayanes, Ichikirne, Ait Atta, les Marmouchas, les Ait Allahms, Aït Sadden etc, sensibilisés par la propagande de Constantinople (alliance turco-germanique) qui prêche la guerre contre les Iroumines (chrétiens).

Cependant l'aide aux rebelles par les services secrets allemands et espagnols ne tarde pas à faire effet par l'approvisionnement en armes.

Sous la conduite du Maréchal Lyautey devenu résident général, après l'établissement du protectorat français sur le Maroc, l'armée française lutte contre les tribus berbères, dans le cadre de la pacification du Maroc. Le colonel Charles Mangin est un des principaux acteurs de cette guerre coloniale. Il mène l'offensive contre les tribus rebelle du Moyen Atlas, il cherche à s'emparer des plateaux du Tadla et de Beni Mellal, qu'il considère comme une ressource importante en nourriture pour les colons et contraindre les tribus Zayanes à se réfugier dans les montagnes pour les empêcher d'intervenir dans la lutte, stratégie qui consiste à isoler le contingent des Zayanes du théâtre des opérations militaires. Avec l'avancée des troupes venant de Taza et Boudnib (Tafilalet) l'étau se resserre sur les Zayanes et la prise de Khénifra devient imminente.

L'offensive appuyée par l'artillerie du 1er régiment d’artillerie de montagne, débarquée à Casablanca le 13 septembre 1913, semble irrésistible. L'armée française déploie toute la panoplie des nouvelles armes à sa disposition : mitrailleuse, artillerie, aviation ...

Les bastions de la rébellion tombent les uns après les autres : Médiouna, le 27 septembre ; Oued Zem le 14 novembre, Tadla, Beni Mellal. Elkssiba tombe aussi le 8 avril 1914, devant les forces du colonel Gueydon de Dives, malgré les attaques de Mouha ou Said et Mouha ou Hammou Zayani. La défaite des rebelles, avec 400 morts, le 10 juin devant Khénifra, puis la prise de la ville le 13, semble avoir marqué la défaite de la rébellion. Les tribus Zayanes, bien qu'engagées n'ont pu empêcher Mangin d'atteindre ses objectifs, et la prise de Tadla et de Boujaad les laissent isolés au sein de leurs montagnes. « Notre offensive a vivement impressionné les tribus de la montagne » déclare le colonel Mangin et il félicite les hommes du 1er régiment d’artillerie de montagne, par ce télégramme : « no 139 - Bravo ! Toute ma satisfaction :

  • Primo - pour la vigueur du coup et le brillant succès;
  • Secundo - pour ne pas vous être laissé entraîner et avoir compris qu'il fallait rejeter MOHA ou HAMMOU dans le pays Zayane sans y pénétrer ;
  • Tertio - pour avoir repris à dechra BRAKSA une position vous permettant aussi bien de vérifier et provoquer soumission que vous porter sur tout autre objectif qu'il y aurait à briser.

Mes félicitations aux vaillants troupiers qui ont fourni un tel effort » (Extrait du Journal des marches et opérations de la 2e batterie du 1er Régiment d’Artillerie de Montagne pour la période du 6 septembre 1912 au 16 octobre 1913 écrit par CH. Mangin à Kasba Tadla,le 13 juin 1913).

Cependant la campagne est marquée par de nombreuses exactions des troupes coloniales : prises d'otage, marches forcées, distribution de pains de sucre piégés. Mangin s'y distingue et gagne le surnom de « boucher ». Un médecin-capitaine français écrira de la résistance dans le Moyen-Atlas qu' « elle atteint les limites de l'invraisemblance ».

Déroulement

La bataille d'Elhri commence par une attaque imprudente du colonel Laverdure, contre le campement de Mouha ou Hammou Zayani. À la tête d'une colonne de 43 officiers et 1230 hommes, venue de Khénifra, il attaque le campement rebelle à l'aube. Surpris et désorganisés, ces derniers n'opposent qu'une faible résistance. Alors que les troupes coloniales se livrent au pillage, Mouha ou Hammou zayani échappe de peu à la capture en se faisant passer pour un serviteur noir, grâce à sa femme berbère zayania Itto.

La contre-attaque immédiate des tribus : Ichkirn (El Kbab), Ait Ihand de (Krouchen), Ait Soukhmane et Ait Hdidou, surprend à son tour les Français. Les berbères attaquent avec fougue. Le bilan pour les français sera lourd, d'après le communiqué de Lyautey, ils y laissent 33 officiers morts, dont le colonel Laverdure, ainsi que 650 soldats tués et 176 blessés. Lyautey et Gay Martinet (professeur d'histoire à l'école de la marine française), déclareront qu'il s'agit des pertes les plus catastrophiques, subies par les Français en Afrique du nord.

Cependant, malgré cette victoire, les Zayanis n'ont pu repousser l'assaillant, déjà aux confins de leur territoire. Suite à cette défaite, les français révisent leur politique de colonisation contre les Zayanes, et profitent, en plus de l'inégalité de l'armement, de l'anarchie Siba qui règne entre les tribus du fait des luttes intestines, pour finir de soumettre celles-ci.

La résistance Amazigh à travers la poésie

Bien que les manuels d’histoire ne donne pas une place importante à la résistance face à la colonisation au début du XXe siècle, la tradition orale, et particulièrement la poésie, offre un témoignage sur cette lutte farouche des tribus berbères contre l'invasion des français. Les vers poétiques sélectionnés du poète Amliaz, narrent de la résistance berbère dans le Moyen et le Haut Atlas face à l’avancée des troupes françaises, à travers, les lieux cités. L’authenticité des faits exprimés et véhiculés par cette poésie de résistance est confirmée par les rapports et écrits des militaires français. Le poète cite à la fois le nom des villes, villages et bourgades soumises et le nom des officiers coloniaux qui ont participé aux différentes batailles.

Après la prise des villes côtières atlantiques, le colonisateur avance comme en témoigne ce vers qui nous renseigne sur la prise des grandes villes du Maroc central :

A nall i FAS, ad as allegh i MEKNAS, a y AGURAY A SFRU, a TABADUT han irumin zlan agh

Pleurons Fès, Meknès, Agouray

Sefrou, Tabadout, les chrétiens nous ont ruinés.

La plaine du Saiss est ainsi « soumise » et la machine de guerre française s’attaque à la montagne. Comme en témoignent ces vers :

Berci yserreh awal, iggufey is isdaâ KHNIFRA is al itteddu g ayt ttaât

La prise de Khénifra par Berger se confirme,

Tant les résistants ne sont pas de vrais guerriers.

La même désolation est traduite dans ce vers qui réfère à la soumission d'Elhri(le 20 juin 1920), petite bourgade située à une dizaine de kilomètres de Khénifra.

Uran t tzemmurin ass a gan t amm unna Yemmuten, a LEHRI tsiwel digun tawuct

Tu es, à présent, sans force et comme mort

Ô Lehri, la chouette fait entendre son cri lugubre.

La progression des troupes coloniales se fait par étapes. Après Elhri et Khénifra, le colonisateur escalade la montagne. Parti de Khénifra, il prend AlemsidHaut Atlas, puis Aghbala et ses environs. Et après la bataille de Tazizawt, il réussit à accéder au col devant lui offrir un passage vers le sud Est. Il s’agit du col de Bab n Wayyad, frontière naturelle séparant la confédération des Ait Sokhmane d’Aghbal et la confédération des Ait Yafelman: Ait Hdiddou.

Immut Buâzza, may ttabaâm a yimnayen S ixf ULEMSID ibbi wuzzal tassa nnes

Bouâzza est mort, cavaliers, inutile de

Charger vers Almsid, le fer a percé ses entrailles.

Ar ittru WEGHBALA allig isru IKWSAL ar ittru BUWATTAS, a TIZI n TURIRT

Aghbal pleur et fait pleurer Ikousal

Et Bouwatta, ô Tizi n Tewrirt

A TUNFIYT ttughen Saligan wessaght afella nnem ad d iâdel I sselk ad d iddu ghurrem

O Tounfiyt, les sénagalais s’activent,

Pour te relier au Chrétien par téléphone

Inna m BAB n WAYYAD a tizi n taqqat Han arumy ibedda d a nebdu g imyamazn

Bab n Wayyad te dit, ô col

Le colon est là et les combats s’annoncent.

Les attaques françaises se déroulent aussi sur la frontière maroco-algérienne. C’est ce que ce vers nous révèle sur la prise du village de Boubnib au Sud Est.

Ha BUDNIB ijjmeâd ddunit lla ttemmenzaghn inselmen d irumin afella nnun Boudnib,

centre d’intérêt du monde Théâtre

d’affrontement entre chrétiens et musulmans.

Ainsi, la poésie reste une source d’informations inestimables sur la résistance à la colonisation durant les premières décennies du XXe siècle.

La mémoire collective garde toujours vivace cette poésie. Une poésie qui assume plusieurs fonctions : témoigner pour les générations futures et exprimer la déroute d’une population qui a subi leu feu de l’artillerie et de l’aviation françaises. Texte : (Moha Moukhlis).

Histoire

Article détaillé : Histoire du Maroc.
Article détaillé : Campagne du Maroc.

Voir aussi

Liens externes

Articles connexes
Bibliographie
  • Abes, M, Les izayanes d’Oulmès, Archives Berbères, 1915.
  • Amarir, O, La poésie marocaine amazighe, 1975
  • Aspignon, R, Étude sur les coutumes des tribus zayanes, éd. Moynier, 1946, Casa.
  • Basset, A, La littérature Berbère, La Pléiade, 1955.
  • Ben Daoud, O i, Notes sur le pays zayan, archives berbères, 1917.
  • Berger, F, Moha Ouhammou le zayani, éd. Atlas, 1929.
  • Bernie, G, Moha Ohammou, guerrier berbère, éd. Gautey, Casa, 1945.
  • Chafik, M, Trente trois siècle de l’histoire des imazighen, Boukili éd. 2000(3e éd.).
  • Chafik, M, La poésie amazighe et la résistance armée dans le Moyen Atlas et l’Est du Haut Atlas, revue de l’Académie du Royaume, no4,1987.
  • Camps, G, Berbères aux marges de l’histoire, éd. Espérides, 1980
  • Guennoun, S, La montagne berbère, OU LES AIT Oumalou, éd.Oumnia, Rabat, 1933
  • Guennoun, S, La voix des monts, Mœurs de guerres berbères, éd. Oumnia, Rabat, 1934.
  • Guillaume, A, (Général), Les berbères marocains et la pacification de l’Atlas Central( 1912-1933), Julliard, 1946

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