- Cortex cingulaire antérieur
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Le cortex cingulaire antérieur (CCA) est la partie frontale du cortex cingulaire, qui ressemble à un « collier » s'enroulant autour du corps calleux dont les fibres relaient les signaux neuronaux entre les hémisphères cérébraux droit et gauche.
Il comprend une zone ventrale et une zone dorsale et semble jouer un rôle dans une grande variété de fonctions autonomes comme la régulation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, les fonctions cognitives, telles que l'anticipation de récompense, la prise de décision, l'empathie et l'émotion.
Sommaire
Anatomie
Le cortex cingulaire est une région du cerveau structurellement hétérogène impliquée dans l'émotion, la cognition et les tâches motrices. La division du cortex cingulaire en deux parties, l'antérieure et la postérieure, a été faite par Korbinian Brodmann en 1909 sur la base d'une différence anatomique et en ignorant les fonctions de ces régions.
La partie antérieure du cortex cingulaire (ou CCA) peut être distinguée de la partie postérieure (CCP) sur la base de sa connectivité et de sa cytoarchitecture. On oppose alors la fonction exécutive du CCA, à la fonction évaluative du CCP[1].
Le cortex cingulaire antérieur peut être divisé anatomiquement en une partie dorsale aux fonctions cognitives et une partie rostrale-ventrale aux fonctions émotionnelles[2].
- la division dorsale cognitive, CCAd, comprend les aires de Brodmann AB 24' et 32'[N 1]
Cette région fait partie d'un réseau distribué attentionnel, maintenant des interconnexions fortes avec le cortex préfrontal latéral (AB 49/9), le cortex pariétal (AB 7) et l'aire motrice supplémentaire et l'aire prémotrice, ce qui en fait une station centrale de traitement pour des stimuli montants et descendants et d'affectation de contrôle vers d'autres zones du cerveau.
- la division rostrale-ventrale affective, comprend les aires AB 24, 32, 25 (périgénuale) et 33 (enfouie dans le sillon supracallosal).
Cette région est connectée à l'amygdale, au gris périaqueducal, au noyau accumbens, à l'hypothalamus, l'insula antérieure, l'hippocampe et le cortex orbitofrontal.
Fonctions
Le CCA est impliqué dans certains processus cognitifs comme la sélection de la réponse motrice et dans les comportements émotionnels.
- Le CCAd cognitif joue un rôle dans la modulation de l'attention et des fonctions exécutives, dans le contrôle de la compétition, de la motivation, dans la détection d'erreurs et dans la mémoire de travail
- Le CCA affectif est impliqué dans l'évaluation de la pertinence des informations émotionnelles et dans la régulation des réponses émotionnelles.
Il a souvent été observé[2] qu'une activation d'une division s'accompagnait d'une désactivation de l'autre division. Ainsi dans une tâche de comptage de Stroop[N 2], le signal IRMf croit dans la division cognitive et décroit dans la division affective. Pour une tâche de Stroop émotionnelle[N 3], c'est l'inverse. La désactivation de la division cognitive s'observe aussi chez les individus souffrant d'une dépression sévère et chez les sujets normaux anticipant une douleur.
Les lésions du CCA produisent l'apathie, l'inattention, le mutisme akinétique, la dérégulation des fonctions du système autonome, l'instabilité émotionnelle, l'absence de détresse et les pleurs compulsifs. Le patient présente aussi des déficits cognitifs par exemple dans l'accomplissement des tâches de Stroop.
Le CCAd
Le CCAd est impliqué dans le contrôle cognitif et l'affect de la douleur.
- Détection de conflits, de résultats plus mauvais qu'attendus
Les sujets effectuant une tâche de Stroop ("dire rapidement la couleur de l'encre") commettent plus facilement des erreurs, du fait de l'automaticité de la lecture, dans les cas incompatibles (rouge) que dans les cas compatibles (rouge). Il est apparu que le CCA est plus actif dans les conditions incompatibles que dans les conditions compatibles. Le CCA est aussi plus actif lorsque les sujets commettent une erreur que lorsqu'ils ne se trompent pas[3]. Chez le singe comme chez l'homme, une lésion du CCAd (dorsal) diminue la capacité à corriger des réponses incorrectes[4]. Le CCAd détecte les conflits entre différentes réponses comportementales possibles et transmet cette information au cortex préfrontal[5]. H. Ollat formule ainsi la synthèse de nombreuses expériences sur le contrôle cognitif « le CCAd signale à l'individu que les événements consécutifs à une action sont plus mauvais que ceux attendus et qu'il lui faudra changer de stratégie dans les situations identiques ultérieures ».
Alors que la plupart des recherches se sont concentrées sur des tâches limitées - souvent pour diagnostiquer subjectivement un trouble du déficit de l'attention - des recherches récentes sur des singes ont révélé que l'activité accrue du CCA (généralement associée à une réduction de l'utilisation de dopamine) réduisait la capacité d'apprendre à utiliser des indices visuels pour l'anticipation de récompenses.
- Expérience subjective de la douleur.
De nombreuses études ont mis en évidence l'implication du CCAd dans l'affect subjectif de douleur. Lorsqu'un stimulus nocif est appliqué sur une partie du corps (comme par exemple la piqure d'un orteil) les informations nociceptives sont transmises au cerveau suivant deux voies ascendantes[6] :
- une voie aboutissant au cortex somesthésique (aires somatiques primaire SI et secondaire SII du lobe pariétal) qui renseigne sur l'emplacement, l'intensité et la nature de la stimulation nociceptive
- une voie aboutissant au système limbique (aire 24 du CCA et insula) qui donne la dimension affective, motivationnelle, en provoquant une sensation désagréable (pour le CCAd) et en donnant une dimension discriminative (pour le cortex insulaire).
L'étude des potentiels évoqués nociceptifs a montré que l'information nociceptive parvenait dans le cortex pariétal bien avant d'arriver dans le cortex frontal interne[N 4],[7].Le rôle du CCA dorsal dans l'encodage de l'affect douloureux est confirmé par une étude utilisant l'hypnose pour suggérer une douleur plus ou moins forte associée à la même stimulation nociceptive[8]. La tomographie TEP a révélé une plus grande activation du CCAd quand le sujet dit ressentir une plus grande souffrance alors que l'activation du cortex somatosensoriel reste identique (car le stimulus est le même). Les cingulotomies[N 5] pratiquées pour traiter des troubles psychiatriques, s'accompagnent d'une diminution de l'affect douloureux mais d'une préservation de l'aptitude à localiser le stimulus[9], confirmant ainsi l'hypothèse que le CCAd ne localise pas l'affecte. La dissociation affectif/discriminatif inverse a été observée chez un patient ayant une lésion postcentrale droite suite à un AVC[10]. A une stimulation cutanée thermique délivrée par laser sur la main gauche, le patient réagit en la déclarant « franchement désagréable » se produisant « quelque part entre le bout du doigt et l'épaule ». Il était aussi incapable de dire si c'était « brûlant, glacé, piquant, une légère ou une forte douleur ».
Cette division CCAd manifeste aussi une dimension cognitive de l'expérience douloureuse. L'aire BA 24 reflète le déplacement de l'attention sur le stimulus douloureux et l'aire BA 32 se manifeste seulement dans le cas d'une attention dirigée volontaire et soutenue vers le lieu d'origine du stimulus douloureux.
- Expérience subjective de la colère
Le CCAd est aussi relié à l'expérience subjective ressentie par un sujet subissant une provocation directe, une insulte ou toute attitude irrespectueuse capable de déclencher la colère[11].
Le CCA rostral-ventral
Des nombreuses études d'imagerie fonctionnelle ont montré l'activation de CCA rostral lors de l'induction d'émotions chez des sujets sains[12].
Mayberg et als[13] ont observé que l'évocation d'expériences personnelles douloureuses provoquant une grande tristesse s'accompagnait d'un accroissement du débit sanguin cérébral régional (DSCr) dans l'aire 25 de Brodmann (CCA périgénuale) et l'insula ainsi qu'une diminution du DSCr dans les régions préfrontale dorsolatérale droite (AB 46/9) et pariétale inférieure (AB 40). Ces changements inverses, d'activation dans les régions limbiques (CCAr, insula) et de désactivation des régions corticales (préfrontale, pariétale), correspondent au récit d'évaluation "à chaud" des sujets indiquant avoir vécu intensément l'émotion en oubliant en partie leur environnement, conformément avec de nombreuses observations liant humeur négative et distraction de l'attention.
Le CCA sousgénuale est la région se trouvant dessous le genou du corps calleux, formée de l'aire AB 25 et de petites portions des AB12, 32 et 33. Le CCA sousgénuale est un centre de contrôle autonome. Il répond aux émotions et détermine l'expression autonomes des émotions[14].
Notes
- le prime dans AB 24' indique la partie dorsale de AB 24
- deux deux deux (réponse : 3) versus chat chat chat consistant à compter le nombre de mots (numérique ou neutre) dans une boîte
- cancer (réponse : rouge) cette tâche consiste à identifier la couleur de l'encre des mots ayant une valeur sémantique anxiogène, comme
- l'information nociceptive parvient dans SI et SII controlatéral en 100-110 ms, dans le cortex ipsilatéral en 110-120ms et dans le cortex frontal interne en 250 ms
- opération consistant à retirer (on parle résection) le cortex cingulaire
Références
- Brent A. Vogt, David M. Finch and Carl R. Olson, « Functional Heterogeneity in Cingulate Cortex: The Anterior Executive and Posterior Evaluative Regions », dans Cerebral Cortex, vol. 2, no 6, 1992
- Bush G, Luu P, Posner MI., « Cognitive and emotional influences in anterior cingulate cortex », dans Trends Cogn Sci., vol. 4, no 6, 2000
- Carter, C. S., Braver, T. S., Barch, D. M., Botvinick, M. M., Noll, D. et Cohen, « Anterior cingulate cortex, error detection, and the on-line monitoring of performance. », dans Science, vol. 280, 1998
- Diane Swick and And U. Turken, « Dissociation between conflict detection and error monitoring in the human anterior cingulate cortex », dans PNAS, vol. 99, no 25, 2002
- Hélène Ollat, « Les fonctions du cortex cingulaire antérieur dorsal », dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats, vol. 26, 2005 [texte intégral]
- Dale Purves, G-J Augustine, D. Fitzpatrick, W-C Hall, LaManta, McNamara, Williams, Neurosciences, De Boeck, 2005, 811 p.
- Laure Mazzola, Bernard Laurent, Roland Peyron, « Intégration corticale de la douleur et apport de l’imagerie fonctionnelle », dans dans "Ensemble face à la douleur Prévention, traitement et prise en charge" ELSEVIER / MASSON, 2005 [texte intégral]
- Rainville P, Duncan GH, Price DD, Carrier B, Bushnell MC., « Pain affect encoded in human anterior cingulate but not somatosensory cortex. », dans Science, vol. 277, 1997, p. 968-971
- R. Peyron, B. Laurent, L. García-Larrea, « Functional imaging of brain responses to pain. A review and meta-analysis (2000) », dans Neurophysiol Clin, vol. 30, 2000, p. 263-88
- M. Ploner, H.-J. Freund, A. Schnitzler, « Pain affect without pain sensation in a patient with a postcentral lesion », dans Pain, vol. 81, 1999, p. 211-214
- Denson TF, Pedersen WC, Ronquillo J, Nandy AS., « The angry brain: neural correlates of anger, angry rumination, and aggressive personality. », dans J Cogn Neurosci., vol. 21, no 4, 2009, p. 734-744
- Hélène Ollat, « Le cortex cingulaire antérieur à l'interface de l'émotion et de la cognition Les données de la neuroimagerie », dans Neuropsychiatrie : Tendances et Débats, vol. 23, 2004 [texte intégral]
- Helen S. Mayberg, M.D., Mario Liotti, M.D., Ph.D., Stephen K. Brannan, M.D., Scott McGinnis, B.S., Roderick K. Mahurin, Ph.D., Paul A. Jerabek, Ph.D., J. Arturo Silva, M.D., Janet L. Tekell, M.D., Charles C. Martin, Ph.D., Jack L. Lancaster, Ph.D., and Peter T. Fox, M.D., « Reciprocal Limbic-Cortical Function and Negative Mood: Converging PET Findings in Depression and Normal Sadness », dans Am J Psychiatry, vol. 156, no 5, 1999
- Neafsey, Edward J.; Terreberry, Robert R.; Hurley, Karen M.; Ruit, Kenneth G.; Frysztak, « Anterior cingulate cortex in rodents: Connections, visceral control functions, and implications for emotion. », dans in Vogt, Brent Alan (Ed); Gabriel, Michael (Ed). Neurobiology of cingulate cortex and limbic thalamus: A comprehensive handbook, (pp. 206-223). Cambridge, MA, US: Birkhäuser, xiii, 639 pp., 1993
Voir aussi
Bibliographie
- Nicolas Bourret, Thomas Michelet, Dominquue Guehl, Bruno Aouizerate, Pierre Burbaud, Jean-Didier Vincent, Pierre Rondot, Roger Nordmann et Bernard Lechevalier, « Le cortex cingulaire antérieur dans la détection des erreurs et la gestion des conflits. Analyse de l'activité neuronale chez le singe », Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 2005, vol. 189, n° 7, p. 1529-1540
- E. Procyk et J. P. Joseph, « Le cortex cingulaire antérieur en situations routinières et non routinières » [chez le singe], La Lettre du neurologue, 2002, vol. 6, n° 1, p. 30-31
Liens externes
- « Les fonctions du cortex cingulaire antérieur dorsal » (article d'Hélène Ollat dans Neuropsychiatrie : tendances et débats 2005, n° 26, p. 15-21)
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