Hugues Bouffé

Hugues Bouffé

Hugues Désiré Marie Bouffé, né le 4 juillet 1800 à Paris où il est mort le 27 octobre 1888, est un acteur français.

Biographie

Comme il l’a dit lui-même, Bouffé fut en quelque sorte bercé sur les banquettes du théâtre, car son père, peintre-doreur-décorateur, l’emmenait souvent à la comédie. Une de ses tantes occupait également un emploi de costumière à l’Ambigu-Comique, et lui donnait accès aux coulisses, où il voyait de près les acteurs. C’est ainsi qu’il en prit ainsi instinctivement le goût. Tout en travaillant avec son père de son état, il s’amusait à jouer de petites pièces avec sa sœur Joséphine, plus jeune que lui de quelques années et qui devait aussi entrer avec succès dans la carrière théâtrale.

À ces représentations en famille succédèrent des essais plus sérieux sur des théâtres de société, jusqu’au jour où, encouragé par les éloges des parents et des amis, le jeune homme qui ne rêvait que de théâtre se hasarda à se présenter au directeur du Gymnase-Dramatique, qu’on élevait alors sur le boulevard Bonne-Nouvelle. Éconduit par le directeur, il aller s’adresser au Panorama Dramatique, où l’on le reçut pour « les grandes utilités », aux appointements de 300 francs par an. Bouffé y fit son début sur les planches le 14 avril 1821. Pour ses premiers pas sur la scène, le hasard le jeta dans le genre qui devait plus tard consacrer sa popularité, c’est-à-dire en plein drame, dans Ismaïl et Maryam, mélodrame à grand spectacle, dans le rôle d’un Arabe venant faire le récit dramatique d’un terrible combat.

Voué cependant aux rôles de niais et aux caricatures, il commençait d’ailleurs à s’y faire remarquer, lorsque l’arrivée de l’acteur Bertin, de Bordeaux, vint le reléguer dans les personnages sacrifiés. Il vit d’abord avec peine l’arrivée de ce nouveau venu, mais il lui dut, de son propre aveu, d’utiles conseils dont il sut profiter et devint son ami. Dans l’intervalle, sa position s’était améliorée, ses appointements avaient été portés à 1 200 francs. Un nouvel engagement devait les élever à 3 000, mais il n’était pas donné à Bouffé de profiter de cette bonne fortune; car, peu de temps après, l’entreprise fit faillite et le théâtre ferma pour ne plus rouvrir : il fut démoli.

Le théâtre de la Gaîté recueillit Bouffé, qui y débuta, le 28 février 1824, dans le Cousin patine, bluette au succès de laquelle il ne contribua pas peu. L’année précédente, Bouffé avait épousé Mlle Gilbert, danseuse de l’Ambigu-Comique, connue des habitués sous le nom de la « Jolie Blonde », et qui fut alors engagée comme première danseuse au théâtre de la Gaîté. Cependant, entre la débâcle du Panorama Dramatique et la date assignée à son nouvel engagement, il y avait cinq mois à passer sans appointements et à partir de Pâques 1824, le traitement réuni du jeune ménage représentait une somme de 5 000 francs. Comme, dans l’intervalle, il fallait vivre, Bouffé s’était remis au travail de l’atelier et moulait des ornements en plâtre, quand par chance, il fut mandé par Minette Franconi, co-associé de son frère Laurent, pour l’exploitation du Cirque-Olympique, et le principal fournisseur des pièces à pied et à cheval de ce spectacle populaire. II s’agissait en ce moment de monter une pièce en l’honneur de la victoire du Trocadéro. Il dit à Bouffé qu’on lui avait signalé comme un sujet d’avenir : « Veux-tu jouer deux rôles dans une pièce écrite « par des lapins qui ne se mouchent pas du pied ? Si cela te va, voici deux rôles qui te feront honneur… Nous ne convenons point d’argent; mais sois tranquille, je sais récompenser les artistes. » Bouffé accepta cette manne qui lui tombait du ciel et joua la pièce quatorze fois. Après l’avoir complimenté chaudement sur le talent qu’il avait surtout montré dans un rôle de vieil invalide, Minette Franconi ajouta : « Comme ce n’est pas « avec des compliments que se paie le boulanger, voilà 200 fr. Es-tu content? » Le jeune acteur, qui avait la conscience de sa valeur, lui représenta qu’il croyait mériter mieux. « Hé bien, je n’ai pas l’habitude de lésiner avec les artistes ; voilà cinquante francs, et ce n’est pas tout : Je te donne les entrées à mon théâtre. »

À la Gaîté, Bouffé devait remplacer Basnage et partager avec un nommé Mercier, acteur fort goûté du public de ce théâtre, l’emploi des jeunes comiques, que Duménis, le niais jadis en vogue, abandonnait peu à peu pour jouer les Pères Dindons. À l’occasion, Bouffé jouait aussi la pantomime. Ainsi, dans le Tonnelier, pantomime de Lefebvre (mai 1824), il remplissait le rôle du vieux père Sep à côté de sa femme, chargée de celui de Fanchette et, à l’occasion, il se chargeait de faire sa partie dans les ballets. Dès cette époque, Bouffé se distinguait par un jeu varié et une flexibilité de talent qui lui faisaient confier par les auteurs les rôles les plus opposés. II n’était plus, comme au Panorama-Dramatique, confiné dans des rôles de vieux : ceux qu’on lui donnait s’accordaient mieux avec son physique et son âge. Dans les mélodrames, notamment, il prêtait son fin sourire et ses yeux expressifs à des personnages de mauvais sujets ou de traîtres, qui agrémentaient leurs méfaits de lazzi et de plaisanteries plus ou moins raffinées.

Le 26 mars 1826, la reprise à ce théâtre du Pauvre Berger, lui valut un grand succès. II y remplissait avec un rare talent le rôle d’un malheureux à demi-idiot, qui se laissait accuser d’un crime dont il était innocent. Ce même rôle avait été joué à l’origine par Bertin. Le rôle de Vendredi, lors d’une reprise de Robinson Crusoé, ne sut pas moins favorable à Bouffé. Il se produisit encore, parmi les comédies et vaudevilles, dans Blaisot, la Mauvaise Langue de Village, la Salle de Police, la Dot et la Fille, et parmi les mélodrames auxquels Bouffé prêta pendant une période de trois ans un concours zélé et une verve supérieure à la valeur de ces œuvres : Minuit ou la Révélation, le Pauvre de l’Hótel-Tiieu, le Moulin des Étangs, le Mulâtre et l’Africaine et enfin, Poulailler, pièce où il avait composé avec une piquante originalité la figure de Passe-Partout, bandit émérite, qui faisait fortune aux dépens de son chef et de ses compagnons. Quoique ces rôles ne fussent que de second plan, en leur donnant une véritable importance, il avait jeté les fondements d’une réputation qui lui rapportait plus d’honneur que de profits, car ses appointements étaient minimes, si minimes même, qu’il avait dû ne pas renoncer à son métier de doreur-décorateur, tout en accomplissant son service au théâtre.

Lorsque le théâtre des Nouveautés l’engagea enfin dans sa troupe à des conditions avantageuses, ce changement de position, en le mettant dans un milieu plus en évidence, allait permettre à son talent, consacré désormais à un genre plus élevé, de prendre un nouveau développement. C’est, en effet, de ce théâtre que date sa réputation qui, jusque-là, circonscrite dans un cercle assez restreint, ne tarda pas à s’étendre rapidement. Le 25 mai 1827, sa première apparition sur cette scène eut lieu dans le Débutant, comédie composée pour lui, et dans laquelle il jouait un rôle à travestissements où son succès fut complet. Bientôt les rôles lui arrivèrent nombreux et variés dans tous les genres que ce nouveau théâtre aborda, depuis l’opéra jusqu’au vaudeville-parade, en passant par la comédie historique et le drame le plus échevelé.

En moins d’une année, Bouffé était devenu un artiste en renom. En reproduisant sur la scène des personnages de tout âge et de tout état, il en fit des types remarquables de vérité, depuis le jeune commis taquin et bavard, du Marchand de la rue Saint-Denis, qui fit rire tout Paris, jusqu’au vieux et dévoué serviteur Caleb. Il interpréta encore Rigolard de Jean, le joyeux Dubois de la Femme, le Mari et l’Amant, Pierre le Couvreur, Quoniam, Falstaff de Henri Ier, André le Chansonnier, Figaro et enfin, Méphistophélès de Faust. Il apporta, dans tous ces rôles, une science profonde, une finesse et un goût parfait. « C’est le meilleur « artiste comique de Paris, et son nom seul vaut un éloge », disent, en parlant de lui, les biographies théâtrales du temps.

Engagé, trois ans d’avance, par le directeur du Gymnase, il quitta, à l’expiration de son contrat, les Nouveautés qui, deux ans plus tard, sombrèrent, et alla donner des représentations à Londres, avant de débuter au boulevard Bonne-Nouvelle. C’est en avril 1831, qu’il s’y montra pour la première fois dans la Maison en loterie et dans la Pension bourgeoise. On ne lui ne donna d’abord que des rôles insignifiants. Le Bouffon du Prince rompit cette habitude, puis vinrent le Gamin de Taris, Michel Perrin, Les Enfants de troupe, la Fille de l’Avare, Pauvre Jacques, etc, et beaucoup d’autres rôles, dans lesquels il suscitait le rire ou les larmes. Son talent firent le succès de heureux théâtre pendant plus de douze ans.

En 1843, après avoir refusé de renouveler son traité avec la Société des auteurs dramatiques, le directeur vit son théâtre mis en interdit, et cette entreprise si prospère eut à traverser les épreuves les plus pénibles. Une des plus dures fut le départ de Bouffé qui passa, au mois de décembre, aux Variétés, suivi du public, que son nom et son talent suffisaient à attirer et à retenir, qui l’y applaudit. Il interpréta alors, parmi ses principaux rôles, le Baron de Grignon, Bocquillon à la recherche d’un père, Le Forestier, le Compagnon du Tour de France, Pierre Février, Léonard, Jérôme le maçon, le Pouvoir d’une Femme, le Berger de Souvigny.

Malgré sa santé délicate et son organisation nerveuse, Bouffé puisait dans son énergie le courage de lutter contre son mal, et dans la journée, en rencontrant sur le boulevard un homme de petite taille, à l’apparence chétive, à la figure pâle et fatiguée, se promenant lentement, presque avec peine, et semblant demander au soleil la chaleur et la santé, on se prenait à douter que cet homme fût Bouffé, que, le soir, monterait sur la scène dans le Gamin de Paris, ou dans les Enfants de Troupe, alerte et joyeux, plein de vie et d’entrain, transformation qui ne pouvait s’expliquer que par le sentiment du devoir.

Un jour, la maladie triompha de cette force de volonté, et le 1er décembre 1847, Bouffé tomba tout-à-coup sans connaissance en plein milieu de Jérôme le maçon, vers le milieu de la pièce. Après une absence de plus d’une année, iI reparut dans le Muet d’lngouville et dans la Maison en loterie. À sa sortie des Variétés, il alla chercher à Nice à rétablir sa santé toujours chancelante. Puis, comme pour lui, le théâtre c’était la vie, on le revit aux Variétés, où sa rentrée dans Michel Terrin, fut acclamée avec transport. Son état maladif persistait cependant et paraissait ne pouvoir bientôt plus lui permettre un service régulier, sans encourir le danger d’une rechute. II quitta de nouveau le théâtre et fut autorisé à donner de temps en temps des représentations à la Porte-Saint-Martin. II entra ensuite au Vaudeville, y reprit quelques-uns de ses principaux rôles, et reparut de nouveau sur la scène de la Porte-Saint-Martin. Dans ses dernières années, il revint jouer au théâtre du Gymnase-Dramatique, soit dans les matinées théâtrales, soit dans les représentations du soir, quelques-uns de ses anciens rôles où il avait mis son cachet, mais ces apparitions étaient rares et Bouffé, alors, n’était plus lié par aucun traité autre que de parole et de bonne foi.

C’est avec beaucoup de chagrin que Bouffé donna sa représentation de retraite le 17 novembre 1864. Napoléon III qui avait apprécié, à Londres, en 1847, l’homme de cœur et de la vie privée la plus honorable aussi bien que l’artiste en Bouffé ordonna que l’Opéra fût mis à la disposition de l’artiste pour sa dernière représentation, dont la recette s’éleva à plus de 25 000 francs.

Sources

  • Georges D’Heylli, ‪Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, t. 2‬, Paris, Librairie des bibliophiles, 1888‬, p. 258.
  • Edmond-Denis Manne, ‪Charles Ménétrier, Galerie historique des acteurs français, mimes et paradistes qui se sont rendus célèbres dans les annales des scènes secondaires depuis 1760 jusqu’à nos jours pour servir de complément à la troupe de Nicolet, Lyon, N. Scheuring, 1877‬‬, p. 369-81.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Hugues Bouffé de Wikipédia en français (auteurs)

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