- Baptistère de Kélibia
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Le baptistère de Kélibia ou baptistère du prêtre Felix de Demna est une cuve baptismale paléochrétienne richement décorée de mosaïques. Découverte à proximité de Kélibia en Tunisie, elle constitue la pièce majeure du département paléochrétien du musée national du Bardo situé dans la proche banlieue de Tunis.
Christian Courtois a dit à son propos qu'elle était « un des plus beaux ensembles de mosaïques chrétiennes qui aient été trouvés en Afrique, et même, en son espèce, dans l'ensemble du monde romain »[1].
Sommaire
Histoire et découverte
L'œuvre est l'une des pièces maîtresses du musée du Bardo[2] depuis sa découverte dans l'église du prêtre Félix, à sept kilomètres de Kélibia, plus précisément à Demna. Elle a été trouvée dans les ruines d'une basilique, à proximité de la mer[3]. La découverte simultanée d'un autre baptistère, plus grossièrement réalisé et dans lequel fut découvert un trésor monétaire daté du règne de Flavius Honorius, a permis aux fouilleurs de dater l'abandon initial de la bâtisse, au début du Ve siècle, et son état définitif supposé au moment de la reconquête byzantine[4]. Le transport du baptistère jusqu'au musée a posé de gros problèmes de logistique en raison de sa grande fragilité.
La cuve a pour sa part été datée de la deuxième moitié du VIe siècle.
Une copie du baptistère a été réalisée pour une exposition en Allemagne[5]. Après avoir été très longtemps dans les pièces consacrées à l'administration du musée du Bardo, elle est désormais visible grâce aux grands travaux d'extension et de rénovation du musée.
Description
Le baptistère était situé au sud-ouest de la basilique[3], dans une sorte de kiosque autonome de la basilique à laquelle était relié son angle nord[1].
Le baptistère est un carré de 3,30 mètres de côté. La cuve de 2,10 mètres de diamètre est située à environ dix centimètres du sol[1] ; elle est élevée sur un pavement de mosaïque de forme carrée, décorée sur les angles par quatre cratères desquels s'échappent des rinceaux ou pampres de vigne.
Le pavement comporte un seuil sur lequel est inscrit : Pax fides caritas (Paix, foi, charité)[6]. Là était sans doute située l'entrée du bâtiment, entraînant une orientation du chrisme présent au fond de la cuve baptismale et, de fait, la disposition des divers participants aux cérémonies[7].
La cuve, en forme de croix grecque[6], possède un bassin quadrilobé dont chaque bras comporte un degré pour la descente. Tout le rebord est décoré par deux lignes de textes avec, représentées en coupe, les bases des colonnes[7] : « En l'honneur du saint et bienheureux évêque Cyprien, chef de notre église catholique avec le saint Adelphius, prêtre de cette église de l'unité, Aquinius et Juliana son épouse ainsi que leurs enfants Villa et Deogratias ont posé cette mosaïque destinée à l'eau éternelle » ; les dédicants et dédicataires sont ainsi nommés. Un chrisme scande chaque alvéole du bassin[6].
L'intérieur polychrome est richement décoré : colombe à plumes blanches et jaunes porteuse de rameau d'olivier, coupe de lait et miel, caisse, baldaquin abritant la croix, dauphins supportant un chrisme, image du Christ, poissons, cierges, arbres et fleurs dont des lys[6]. Christian Courtois relève en outre des abeilles, l'arche de Noé, un calice et un ciborium[7]. Les arbres sont très stylisés et peuvent identifiés un figuier, un palmier, un olivier ; le dernier est soit un pommier soit un oranger selon Mohamed Yacoub[8].
Ce dernier considère que « l'exécution technique de l'œuvre est assez médiocre », l'effet global donné étant lié aux contrastes des coloris[9].
Interprétation
Christian Courtois a évoqué la disposition des personnages : après avoir passé le seuil, le catéchumène trouvait à sa gauche l'évêque. Le message divin était dans sa direction, et il pouvait accéder à la fois à la connaissance de la religion chrétienne ainsi que la récompense par le calice de lait et de miel[10], un mélange offert au nouveau baptisé.
Tout le décor est symbolique : l'aspirant au baptême était représenté sous la forme d'une colombe[6]. La colombe avec le rameau d'olivier annonce la paix du croyant, l'arche de Noé témoigne de l'unité et de la pérennité de l'Église. Un baldaquin témoigne de la victoire du christianisme. La coupe annonce la communion et les cierges symbolisent la foi et le Christ. Les poissons symbolisent les âmes et les arbres évoquent le jardin du Paradis[8].
L'arche de Noé, symbole de l'unité de l'Église, peut témoigner des circonstances d'élaboration de l'œuvre : il s'agit des luttes entre donatistes et catholiques, le donatisme persistant en Afrique jusqu'à la conquête arabe[8].
Les donateurs témoignaient, par le don de l'ouvrage, de leur attachement à l'orthodoxie catholique[8].
Courtois écartait l'identification du Cyprien mentionné dans le texte à saint Cyprien car il s'agit selon lui du prêtre du lieu[11]. Yacoub pour sa part considère que c'est bien saint Cyprien qui est nommé, comme prélat prééminent en Afrique ; Adelphius, l'évêque de Thasvalte, est qualifié de prêtre peut-être pour affirmer la prépondérance de l'évêque martyr[9].
La valeur symbolique est forte, témoignant du triomphe du Christ et de la croix ainsi que du Paradis promis aux fidèles[12].
Notes et références
- Christian Courtois, « Baptistère découvert à Kélibia », CRAI, vol. 100, n°2, 1956, p. 139
- Enregistrée sous le numéro d'inventaire Inv. 3382
- Christian Courtois, op. cit., p. 138
- Christian Courtois, op. cit., pp. 138-139
- (fr) Copie du baptistère de Demna (Institut national du patrimoine)
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1995, p. 387
- Christian Courtois, op. cit., p. 140
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, p. 390
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, p. 391
- Christian Courtois, op. cit., pp. 140-142
- Christian Courtois, op. cit., pp. 142-143
- Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1993, p. 57
Voir aussi
Bibliographie
: ce logo indique que la source a été utilisée pour la rédaction de l’article.- Christian Courtois, « Baptistère découvert à Kélibia », CRAI, vol. 100, n°2, 1956, pp. 138-143 (lire en ligne)
- Noël Duval, « Études d'architecture chrétienne nord-africaine », MEFRA, vol. 84, n°84-2, 1972, pp. 1071-1172 (lire en ligne)
- Paul-Albert Février, « L'abeille et la seiche (À propos du décor du baptistère de Kélibia) », Rivista di Archeologia Cristiana Roma, vol. 60, n°3-4, 1984, pp. 277-292 (résumé)
- Éric Palazzo, « Iconographie et liturgie. La mosaïque du baptistère de Kélibia (Tunisie) », Archiv für Liturgiewissenschaft, vol. 34, n°1-2, 1992, pp. 102-120 (résumé)
- Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1993
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1995 (ISBN 9973917235)
Liens internes
Catégories :- Baptistère
- Œuvre conservée au Musée national du Bardo (Tunisie)
- Mosaïque
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